Avant-propos
Royal-Artillerie donne une série de six billets sur la stratégie chinoise des années à venir. Voici le cinquième. Ce travail s'appuie sur un dossier publié le 10 décembre 2010 par le Qiu Shi Journal, organe doctrinal officiel du Comité Central du Parti communiste chinois. L'original est accessible en cliquant ici. Chaque billet traite un des six points stratégiques recencés, sous une forme identique : évaluation chinoise de la menace américaine (en rouge), contre-mesures chinoises, analyse du piéton du roi (en bleu). Dans l'ordre, il s'agit de :
① la guerre économique ② la guerre monétaire ③ la guerre médiatique | ④ la campagne anti-chinoise ⑤ les bruits de sabres ⑥ l'encerclement |
LES BRUITS DE SABRES
Manoeuvres militaires et guerre simulée. Récemment les Etats-Unis avec de multiples alliés ont conduit des manoeuvres militaires dans le Pacifique, en Asie du nord-est, en Asie du sud-est et dans d'autres régions. Plus particulièrement, ces manoeuvres se déploient dans des eaux qui entourent la Chine. Le 23 juillet 2010, les Etats-Unis ont mené l'exercice multinational biennal "Pacific Rim" dans les eaux proches de Hawaï ; y ont participé 34 navires, 5 sous-marins, plus d'une centaine d'avions militaires, vingt mille hommes provenant de quatorze pays.
Du 25 au 28 juillet, dans les eaux orientales de Corée en Mer du Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont fait un exercice militaire dont le nom de code était "Indomitable Will". Ce furent les manoeuvres communes américano-coréennes les plus grandes depuis trente quatre ans. Plus de huit mille soldats de l'infanterie, de la marine, de l'aviation et des fusilliers-marins participèrent à cet exercice. Le porte-avion à propulsion nucléaire USS George-Washington, le navire sudcoréen d'assaut amphibie¹ "Dokdo" (reconnu pour être le plus grand d'Asie) et plus de vingt autres navires de surface et sous-marins ont fait cet exercice.
Commencées le 11 août, les Etats-Unis et le Vietnam ont mené leur premières manoeuvres navales communes en Mer de Chine Méridionale. Les Etats-Unis ont envoyé plusieurs grands navires, dont le USS George Washington.
Le dernier exercice militaire commença le 16 septembre ; les Etats-Unis et la Corée du Sud firent dix jours de manoeuvres communes.
Les Etats-Unis incitent fréquemment la Corée du Sud, le Japon, le Vietnam et d'autres pays qui voisinnent la Chine à faire des manoeuvres militaires communes. Leur but est très clair : encercler la Chine militairement.
Du 25 au 28 juillet, dans les eaux orientales de Corée en Mer du Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont fait un exercice militaire dont le nom de code était "Indomitable Will". Ce furent les manoeuvres communes américano-coréennes les plus grandes depuis trente quatre ans. Plus de huit mille soldats de l'infanterie, de la marine, de l'aviation et des fusilliers-marins participèrent à cet exercice. Le porte-avion à propulsion nucléaire USS George-Washington, le navire sudcoréen d'assaut amphibie¹ "Dokdo" (reconnu pour être le plus grand d'Asie) et plus de vingt autres navires de surface et sous-marins ont fait cet exercice.
Commencées le 11 août, les Etats-Unis et le Vietnam ont mené leur premières manoeuvres navales communes en Mer de Chine Méridionale. Les Etats-Unis ont envoyé plusieurs grands navires, dont le USS George Washington.
Le dernier exercice militaire commença le 16 septembre ; les Etats-Unis et la Corée du Sud firent dix jours de manoeuvres communes.
Les Etats-Unis incitent fréquemment la Corée du Sud, le Japon, le Vietnam et d'autres pays qui voisinnent la Chine à faire des manoeuvres militaires communes. Leur but est très clair : encercler la Chine militairement.
Note (1): le ROKS Dokdo a des capacités proches des Mistral français.
Répliques chinoises
Nul doute que les manoeuvres militaires américaines défient le facteur stratégique décisif de la Chine. Elle devrait activer sa réponse mais la question est de savoir répondre habilement. Où que ce soit que les Etats-Unis décident de conduire des manoeuvres militaires, choisissons un autre endroit pour mener les nôtres. Non pas pour éviter la confrontation ; mais c'est "assiéger Wei pour secourir Zhao"². La période doit être la même, mais le lieu peut être différent.
Dans les zones où les Etats-Unis ont fait une fois des manoeuvres militaires, l'armée chinoise devrait immédiatement organiser un exercice militaire avec un but clairement avoué, guerre simulée.
Il n'y a aucune raison que la Chine craigne le porte-avion américain. Pendant la Guerre de Corée, lorsque le contraste entre les forces respectives était bien plus grand qu'aujourd'hui, nous n'avions pas peur. Pourquoi aurions-nous peur maintenant ? Les Etats-Unis veulent-ils déclencher une guerre avec la Chine ? Les faits prouvent que l'Amérique est un tigre de papier qui ne peut même pas gérer l'Irak ou l'Afghanistan, sans parler de la Chine. Nous devrions certainement avoir la volonté stratégique et le courage de défier pareil ennemi. Comme pour les porte-avions, ils ne devraient pas mettre la pression sur la Chine. Venir courageusement au contact des porte-avions américains serait tout bénéfice, sans dommage aucun. C'est seulement par un contact en profondeur que nous comprendrons vraiment les porte-avions américains. Le but fondamental d'une guerre simulée par des manoeuvres militaires est de montrer la détermination chinoise à relever les défis au lieu de les éviter. Ceci enverra un message clair au monde que la Chine a la ferme volonté de résolument sauvegarder sa souveraineté nationale.
Copyright : le texte français est traduit d'un original anglais produit par Chinascope.org avec leur permission explicite à Royal-Artillerie en date du 11 février 2011. L'original chinois sur Qiu Shi a été lu pour chaque billet de la série afin de dénicher tout contre-sens ; deux ont été réparés dans le texte d'aujourd'hui :)
Note (2): la tactique "Wei pour Zhao" participe des 36 Stratégies faisant référence à une guerre du général Sun Bin en 354 avant JC (ère des royaumes combattants) où fut utilisée ce que nous appellerions aujourd'hui la déception.
Analyse du piéton du roi
Le Pacifique Nord est le champ de confrontation sino-américaine par définition. Une carte n'est pas inutile.
Jusqu'à récemment, la Chine voulait affirmer sa souveraineté sur "ses" mers, et à la manière de la Grèce en Mer Egée n'entendait pas la partager par des lignes d'équidistance. Du nord au sud sont chinoises par principe impérial, la Mer Jaune qui la sépare de la Corée, la Mer de Chine Orientale devant Shanghaï en direction des Ryukyu japonaises, dont la queue sud-ouest est disputée âprement, le Détroit de Taïwan qui relie la Mer Orientale à la Mer de Chine Méridionale où les riverains sont moins pugnaces.
C'est ainsi qu'elle a revendiqué et occupé des îles de Mer de Chine Méridionale à vue des côtes philippines, et qu'elle pousse ses patrouilles jusque devant l'archipel des Natuna (272 îlôts de rêve entre Malaisie et Kalimatan, riches en gaz). La grosse dispute est sur les Paracels. Elle a donné lieu à un combat naval sérieux le 14 janvier 1974 entre le Vietnam et la Chine, des morts et des bateaux au fond.
Nous présentons ci-dessous pour les amateurs une carte des équidistances en Mer de Chine Méridionale éditée par l'Université de Hawaï. On voit bien le schmilblick !
Quoiqu'il en soit, les manoeuvres fréquentes des Etats-Unis pour rassurer leurs alliés du moment sont le meilleur prétexte que puisse trouver la Chine à organiser les siennes pour apprendre d'eux la guerre d'escadre à laquelle elle n'est pas prête et qu'il lui faudra maîtriser obligatoirement pour s'affirmer comme grande puissance.
Dans l'hypothèse très probable d'un retour de Taïwan dans le giron impérial, c'est sur la Mer des Philippines et donc en Océan Pacifique Nord que la Chine prendra ses marques de souveraineté. Cette région est traditionnellement dans la zone d'intérêts décisifs des Etats-Unis et du Japon. On peut dire que tant que la Chine n'aura pas atteint cette ligne de confrontation en avant de sa marche maritime, les manoeuvres militaires des uns et des autres pourront rester dans le domaine de l'agitation diplomatique musclée, quelles que soient les frayeurs médiatiques suscitées par la propagande réciproque.
A partir du moment où la Chine gouvernera Taïwan, par le truchement du Kuomintang, elle y construira son "Pearl Harbor" pour être au balcon du monde. D'ici là, elle aura construit ses porte-avions. L'Empire du Milieu sera alors revenu.
Digest
L'intensité des manoeuvres multinationales militaires américaines ne peut que susciter des contre-manoeuvres navales chinoises d'affirmation de souveraineté, ce qui arrange la diplomatie de Pékin qui met une pression hégémonique intense sur "ses" mers. Au prétexte de contrer la parade américaine dans "ses" eaux, la Chine déploie sa propre parade et montre le pavillon au plus loin possible. Sa flotte océanique est en construction en privilégiant maintenant les groupes aéro-navals³, ce qui dévoile leur intention "pacifique".
Note (3): si la chaudronnerie, la propulsion, l'artillerie et bientôt la missilerie sont à l'heure, on ne peut en dire autant de la logistique et du règlement de combat aéronaval. C'est dans la fixation des procédures et dans leur mise en oeuvre que la marine chinoise est en retard. D'où l'intérêt des exercices de guerre simulée.
La Chine me paraît déjà pas mal avancée en matière de puissance maritime, ce qui ne se voit pas trop dans votre article. Ils sont quand même la 3 °puissance maritime et leur arsenal leur permettrait d'asseoir véritablement leur puissance sur "leur" mer si le Shi Lang ne mettait pas autant de temps à être mis en place (déjà 11 ans qu'ils bossent dessus).
RépondreSupprimerVu à quelle vitesse ils ont copié le chasseur russe Su-27 et surtout l'augmentation exponentielle des investissements du gouvernement chinois dans l'armement, je dirais que la Chine pourra rapidement rivaliser avec les USA (et ses alliés) sur ses propres mers.
Merci pour votre commentaire avisé.
RépondreSupprimerLe tonnage d'une flotte est une chose, la guerre d'escadre en est une autre. Les Américains (et leurs alliés) sont rodés à la guerre navale depuis la Guerre du Pacifique, ils savent manoeuvrer leurs flottes (la VII° en Extrême-Orient) en mettant tout leur potentiel en trois dimensions à la mer. Les Chinois qui progressent vite ont juste passé le stade de la "revue navale".