"On souhaite que la France trouve les appuis diplomatiques nécessaires pour faire entendre la voix de la raison ; mais elle doit aussi accroître sa puissance militaire : c’est la seule qui compte en cas de conflit. Dire que certains chez nous, à l’occasion du Quatorze-Juillet, ont demandé une réduction du budget des Armées. Les insensés !"
C'est l'occasion de mettre la question militaire sur la table. Une armée pour quoi faire, avec et contre qui. Selon le faisceau de réponses on obtient un format d'armée assez bien défini. Il manquerait un paramètre sérieux : une armée pour combien d'euros. Car on peut soutenir que l'accroissement des crédits militaires n’augure en rien d'une meilleure utilisation de la force. Raisonner en quantités ou en crédits marque une régression vers l'offensive à outrance du général Nivelle. Si vous ne prenez pas la cote avec dix mille goumiers, mettez-en donc vingt mille.
Premier volet de notre aimable harcèlement (teasing).
Une armée pour quoi faire ?
- Participer à la défense de l'Europe occidentale
- Défendre nos intérêts spécifiques à l'Outremer
Europe occidentale.
Nous avons beaucoup d'amis en Europe, et pas moins de contempteurs. La défense de notre territoire, à moins de vouloir gagner encore une fois la guerre chez nous avec les dévastations que nous savons, nous oblige à nous projeter en avant de nos frontières sur le territoire de nos amis, pour affronter la menace. Nos amis étant au même niveau de développement que nous et enfermés aussi dans les mêmes contraintes budgétaires, il tombe sous le sens que cette défense de la France, finisterre de la péninsule européenne, doit se faire dans une alliance militaire, avec si possible un commandement intégré permanent.
Remarquons en outre que la position géographique de la France l'oblige moralement à faire vivre une telle alliance, sauf à adopter une posture noiseuse de défiance, amoindrissant ce faisant les capacités de réaction de ses propres voisins. Le dispositif atlantique est une bonne solution, éprouvée et bénéficiant d'une réputation d'efficacité qui accroît la crainte qu'il inspire, ce qui est le premier effet recherché par une alliance. La position bizarre de la France "dedans-dehors" est parfaitement ridicule, dès lors que depuis 1966, année de la grosse colère gaullienne, la France n'est jamais intervenue de son propre mouvement en périphérie du dispositif atlantique pour défendre des intérêts particuliers. Les projections opérées le furent toutes au-delà de la zone d'effort atlantique, Tibesti, Katanga, Somalie, Liban et maintenant Côte d'Ivoire. Ce qui prouve en creux que l'intégration atlantique ne nous aurait en rien privé de cette liberté d'intervention. L'Angleterre est allé aux Malouines sans demander la permission à Norfolk.
Les missions européennes, au-delà d'une improbable menace sur la ligne Oder-Neisse, sont de deux ordres :
- Sûreté du territoire (terrorisme)
- Défense des couloirs d'énergie
La première implique une étroite coopération internationale entre services de confiance au plus loin possible, et au-delà en fonction des intérêts tiers. La seconde est également d'exécution commune, puisque les atterrages sont transnationaux, et ces couloirs très dispersés. Une marine nationale d'une puissance moyenne n'y peut suffire sauf à ne couvrir que le dernier tronçon, le moins menacé.
Nous considérons que la posture française à l'OTAN est une arrogance de coq et ne correspond pas aux réalités. Elle est en plus pénalisante pour nos industries.
Outremer.
Oui, nous avons des intérêts lointains pour la simple raison que nous avons éparpillé des possessions sur toutes les mers du monde, et que nous devons notre protection à nos ressortissants. A moins de nous retirer carrément de ces territoires, nous devons affecter des moyens conséquents à leur sûreté, articulant les points d'appui permanents que l'on qualifiait autrefois de bases, et les moyens mobiles d'intimidation/intervention.
La distribution internationale de la souveraineté économique sur les océans nous laissent d'immenses superficies maritimes qu'il faut pouvoir surveiller quand nécessaire, surtout pour en gérer les richesses halieutiques au moment où la ressource disparaît au large de la Métropole.
On voit déjà que par leur désignation même ces territoires passent sous la responsabilité de notre armée de mer.
Dans un second volet nous détaillerons les moyens nécessaires à toutes ces missions. Dans un troisième, l'environnement allié et le format français qui en découle.
Post scriptum : Dissuasion.
Avant de tourner la page, il faut faire un sort à l'arme nucléaire. La dissuasion choisie par la France visait à la sanctuarisation de son territoire par la menace de représailles chez l'agresseur sans commune mesure avec le gain stratégique visé par lui en nous attaquant. On peut débattre des heures sur la validité du concept, à défaut de ne l'avoir jamais vu en oeuvre (heureusement). On ne peut non plus décréter que la menace a disparu parce que les délais de développement sont longs et que nul ne sait ce qu'il adviendra sur notre planète surchauffée dans tous les sens du terme.
Incidemment se pose la question de la mise à niveau de cette dissuasion. Bien que de rester en pointe dans ce domaine spécial flatte l'orgueil national, il conviendra de peser le coût de l'actualisation rapporté au principe même de ce déploiement. On dissuade ou pas. Le Hezbollah nous démontre qu'avec des boîtes de conserve emmanchées à la cuisine, on peut terroriser la population d'un agresseur !
Deux choses sont certaines : compte tenu de l'ancienneté des investissements et de la réduction du format dissuasif qui a été durci, l'arsenal atomique est notre arme la moins chère par rapport à l'effet produit. En outre, malgré nos revers économiques et notre situation financière précarisée, il nous garantit le siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU.
Son inclusion ou son exclusion dans le schéma militaire français est donc un choix de politique étrangère. Il semble qu'il y ait consensus dans la nation pour l'y maintenir.