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Constitutionnels en diable

Aujourd'hui les Français commémorent le jour du Recours. Le Dix-huit juin est peut-être la manifestation monarchique exemplaire puisqu'il érige en ultima ratio la force de conviction d'un homme seul et condamne les désordres nés de l'effondrement provoqué par le parlementarisme.

Après avoir dit à Libération qu'il restaurerait la royauté sans la monarchie, le prince Jean a redressé la barre du vaisseau d'Orléans en affirmant au mois d'avril à l'Ecole supérieure de commerce de Pau sa préférence pour une monarchie constitutionnelle (clic) ; confirmant, s'il en était besoin, la monarchie parlementaire décrite dans l'ouvrage politique de référence, Un Prince Français (Pygmalion, 2009).
Son cousin franco-espagnol, le prince Louis, est sur la même ligne depuis son entretien de New York avec un journaliste de Paris-Match dépêché pour avoir un article sur les jumeaux royaux (clac). Sa monarchie est du modèle qu'il connaît, celui de la restauration espagnole.
Donc, nos princes les plus en vue, et déclarés pour préempter le trône¹ sont de futurs monarques du Nord, si l'on veut bien classer le Royaume d'Espagne dans cette géographie politique. Ni l'un ni l'autre ne tire à boulets rouges sur les républicains. L'un se raccroche à la ligne rouge de son grand-père, le défunt comte de Paris, l'autre pense les convaincre des bienfaits du principe royal tel qu'il a sauvé l'Espagne, mais adapté à la situation française.
Alors quoi ?

Aucun des camps orléaniste et légitimiste qui ont décidé de les servir (ou de s'en servir) ne promeut la monarchie parlementaire. Les deux chapelles maurrassiennes réconciliées (enfin !) sont antiparlementaristes et hostiles à la démocratie d'étage national ; les deux groupes légitimistes, pas moins. Le camp ultra est au seuil de l'utopie théocratique du modèle persan, le camp du prince est plus conciliant mais ne promeut jamais la monarchie parlementaire. Seul le parti oecuménique de l'Alliance Royale, qui ne désigne aucun "héritier" à la charge suprême, est carrément constitutionnaliste quand il expose sa plateforme politique, un travail totalement construit dans son déroulé (cloc).

Le hiatus est gênant quand on lit la presse monarchiste française qui est en faute de carres permanente par rapport à l'incarnation de ses espérances. Rédigeant pour l'Action française 2000, j'ai plus que d'autres la tentation d'analyser au fond cette distance, dans ce cas précis, entre le prince Jean et l'expression actuelle du mouvement maurrassien. Dans le numéro en kiosque depuis jeudi dernier (n°2819), Guy Menuisier en page 2 sous-entend que les malheurs des PIGS tiennent d'abord à l'ordinaire du jeu démocratique qui a abandonné les règles prudentielles de gouvernance pour débonder les caisses sociales.
Certes on ne peut reprocher aux Portugais de n'avoir rien fait pour leur développement, le pays est un réservoir historique d'émigration que les gouvernements ont tenté de freiner par des implantations industrielles subventionnées par l'Europe et par une production agricole et viticole de qualité distribuées sur le marché commun. Mais cela ne suffit pas à "vivre à l'européenne". Plus grave est le cas de la Grèce indolente qui a 350 milliards d'euros de dette gagée sur rien du tout, sauf le soleil. Pour mesurer le trou abyssal, rappelons que la France a grosso modo deux trillions de dette - j'allais dire seulement - gagés sur une véritable économie industrielle, agricole et viticole, même si cette économie souffre beaucoup aujourd'hui et si la dette devient insupportable.
C'est bien sous cet angle du rétablissement d'une gouvernance responsable que nos princes, ayant reçu une formation bancaire de haut niveau, peuvent approcher la question, pas sur les vices de la démocratie. Pourquoi ? Parce qu'ils se sont abonnés au possible !
Peut-être que la NAr a une longueur d'onde en harmonique avec le concept constitutionnel des princes. D'ailleurs dans le même numéro de l'AF2000, quand François Marcilhac reprend en page 3 la maxime de Boutang (ou de La Tour du Pin), le droit du prince naît du besoin du peuple, il doit bien reconnaître lui-aussi que ce besoin doit s'exprimer et être porté au pied de l'exécutif par des représentants mandatés. L'art du reste est comme pour la guerre, tout d'exécution.

Les monarchies du Nord sont elles-aussi menacées par l'ordinaire du jeu démocratique mais elles ont leur pointe de pyramide, leur clef de voûte qui tient l'ouvrage, alors que les républiques voisines (sauf la Suisse) voient le civisme et le patriotisme monter et passer le toit troué de l'édifice comme la fumée de la yourte mongole.
Le possible est donc bien un roi dans son domaine régalien, présidant au destin de la nation au fur et à mesure de l'alternance des politiques publiques que le peuple est libre de choisir par la détestable loi du Nombre. Mais Churchill l'adouba au motif du régime le moins pire. Faut-il encore que dans ce régime du moins pire la représentation démocratique corresponde au pays réel, ce qui est loin d'être le cas en France où l'escroquerie est flagrante comme le montrent en détail et en couleur les graphiques parus ici chez François Desouche.
Que faire de plus ?

Notre action la plus rémunératrice en termes de propagation de nos idées est de graver précisément dans l'Opinion les limites de ce domaine régalien, jusqu'à proposer d'arracher à la Dispute parlementaire les pouvoirs ainsi désignés² pour mettre l'essentiel de notre Etat en sûreté. Que les parlementaires dès lors parlementent si ça les amuse, mais sans plus faire courir le risque de thrombose au coeur battant du pays. Ce qui, avec notre dette colossale que personne ne veut sérieusement réduire, se profile à l'horizon 2012-2013. Nous sommes un pays gaulois et le vacarme des tribuns est inévitable comme la pluie des prébendes, mais le peuple n'est pas dupe, à voir son désintérêt croissant des fêtes électorales et de son théâtre. Il approcherait de sa maturité que je n'en serais pas surpris.

Note (1): si l'on accorde à Henri (VII) d'Orléans une retraite méritée, dans une lune de miel qui n'en finit pas.
Note (2): les quatre pouvoirs hors la monnaie sont la justice, la police, la diplomatie et la guerre.
PS : le titre est une provocation gratuite vis à vis des royalistes du goupillon.

Commentaires

  1. Ouillouillouille !!!
    Evidemment toutes les chapelles sont prisonnières de la doxa. Il leur est très difficile d'évoluer puisque tout est virtuel sur le champ de manoeuvres, le régime préféré a disparu il y a longtemps et le prince attendu n'est pas sûr puisque il est contesté par la moitié des royalistes.
    Dur, dur.

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  2. C'est un peu de monarchie hors-sol dont vous parlez. Les princes semblent plus près des réalités.

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  3. Vous faites presque l'impasse sur la NAR qui est le seul mouvement à accepter de couronner la Vème République en utilisant sa constitution originale et en changeant seulement quelques articles.
    Renouvin est donc en phase. Il a eu plus de flair que les autres.

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  4. J'air toujours pensé que les princes devait se mouiller sur les institutions et dire leurs préférences. Même si on peut avoir l'impression qu'ils sont prêts à prendre ce que les circonstances leur donneront, leur positionnement officiel permet d'orienter l'action de propagande, même si bien sûr on peut toujours continuer à penser que la monarchie constitutionnelle est un pis-aller. Encore faudrait-il savoir s'en servir. C'est une autre histoire, déjà soulevée sur ce blogue.

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  5. Je crois qu'on va redécouvrir les positions de la NAR. Dommage qu'elles soient polluées par l'héritage du Conseil National de la Résistance qui a présidé à la soviétisation du pays.

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  6. La NAR a quarante ans.
    Cliquez sur ce lien : http://narinfo.voila.net/NAR40ans.htm

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  7. Le numéro Spécial 40 ans de Royaliste est téléchargeable gracieusement au format pdf : Royaliste 992bis. C'est un beau cadeau. On y lira quarante témoignages (je n'ai pas compté) de personnalités d'envergure, comme Leroy-Ladurie ou Roland Castro, Régis Debray, Emmanuel Todd, Edgar Morin et même Anicet Le Pors en contre. Le prince Jean y va aussi de ses meilleurs voeux.
    A collectionner :)

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  8. Il n'y a place pour aucune préférence quant au recrutement du roi. La coutume dispose que le trône est transmis en ligne légitime, de mâle en mâle, dans l'ordre primogène et sous condition de catholicité, au sein de la maison capétienne.En revanche, ce qui importe peu est négociable. Je ne veux pas rompre de lances sur le rôle exact, ou même l'existence, du Conseil économique et social.

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  9. Je vois fuser la mèche... mine de rien :)

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  10. Cher catoneo

    Puisque vous parlez de fusées, voici un explosif à portée de mains, histoire de creuser un nouveau sillon dans le cosmos ...

    Une planète de 40 ans dans la galaxie royaliste
    http://cril17.info/

    Ne me renvoyez surtout pas la balle ! Ou alors dans le style Winbledon !
    http://cril17.fr/

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