lundi 10 février 2020

Une intention allemande

Ce billet fait suite à celui du 8 février titré La Bombe européenne.


La diplomatie est le plus sûr moyen de cacher une intention stratégique (sauf à la Maison Blanche) et les ballons d'essai lancés par la Chancellerie de Berlin et par ceux qu'on appelle les milieux autorisés convergent au renouveau diplomatique de la République fédérale jusqu'ici nanisée. J'en citerai quatre bien connus, sans autres références puisque ce travail n'est pas une thèse universitaire.

(1) D'abord, lors du G7 de Taormina, la chancelière décréta publiquement que la confiance dans l'alliance Europe-Etats-Unis était fortement écornée par les déclarations pétaradantes de Donald Trump. Ceci induisait un changement d'étagère du dossier OTAN.
(2) Par ailleurs, il fut dit et répété à Berlin et à New York que la France était le passager clandestin au Conseil de sécurité des Nations-Unies car elle siégeait en première classe avec un billet de seconde.
(3) Puis, la Chancelière refusa carrément de participer à la force spéciale Takouba au Sahel qui reste pour elle une zone d'enlisement colonial français.
(4) Récemment, "on" fit état d'un intérêt particulier pour une coopération germano-française dans le domaine de la dissuasion nucléaire dont les constituants sont à la peine sur le plan budgétaire.

On n'y comprend pas grand chose si on ne décèle pas l'intention. La détermination américaine d'activer un jour l'article 5 de la Charte atlantique est douteuse et il faudra tester le Congrès qui n'a pas envoyé l'assurance de son contraire. Ceci implique une évolution de l'approche stratégique allemande, appuyée au-delà des marches du Reich reconquises, sur une connaissance approfondie du futur partenaire russe dont les intérêts économiques en Mer baltique sont déverrouillés par une chancelière russophone, ayant succédé à un chancelier russophile (fin de l'incidente).
La consécration du renouveau diplomatique allemand est le siège au Conseil de sécurité. Mais le fauteuil permanent au Conseil est réservé aux puissances nucléaires. Parmi les pays atomiques extérieurs, seule l'Inde pourrait prétendre entrer au club mais l'Allemagne jamais, on sait pourquoi. Sauf ? Sauf si le siège de la France devient celui de l'Union européenne, maintenant que le Royaume-Uni a fait sécession. Et qui pèse le plus lourd et de beaucoup dans l'Union européenne ? Outre l'Allemagne, ce siège représenterait aussi d'autres pays européens qui, à l'exception de l'Italie, ne participent ni au G7 ni au G20. Cela fait du monde intéressé.
M. Macron accèdera-t-il à la demande en négociant un renvoi d'ascenseur sur la défense européenne ou tout autre domaine ? L'avenir proche va nous le dire. Mais d'ici là, le couple Merkel-Von der Leyen (son ancien ministre de la Défense) va avancer ses pions sur l'échiquier vers le "pat" !

Pour faciliter la passation de pouvoirs à New York il est utile d'amoindrir les capacités de souveraineté de la France en usant ses forces. La France est engagée partout sur l'ancien empire (Levant, Afrique, outremers). Les opérations sahéliennes qui ne parviennent pas à réduire la ressource des ennemis sont sans fin et la France s'y épuisera ou perdra la face. L'autre angle d'attaque est la collaboration industrielle. Les ministères de la Défense ont décidé de construire en commun le char lourd du futur MGCS (Main Ground Combat System) chez KNDS* et le chasseur-bombardier du SCAF (Système de combat aérien futur). L'ombre portée de la puissance industrielle allemande, qui a déjà montré son expertise dans la série des chars Léopard (6869 exemplaires produits !) et s'est fait la main sur le Typhoon d'Eurofighter GmbH (683 exemplaires produits chez Airbous), va ringardiser l'industrie d'armement de l'Etat français qui jusqu'ici avait surtout produit des "invendables". Le seul concurrent sérieux dans l'industrie d'armement (avec l'Italie) va se retrouver sous une tutelle qui ne dit pas son nom : les capacités de productions, le cash-investissement, les canaux d'exportation ne sont pas comparables, et comme dans toute entreprise, c'est celui qui vend le plus qui parle le premier et le dernier, on peut prévoir une revanche allemande sur l'histoire.
* Krauss-Maffei Wegmann + Nexter Defense Systems


Si au prestige industriel indéniable de nos voisins, s'ajoute une capacité dissuasive extorquée aux forces stratégiques françaises, la puissance accomplie de la belle République pacifique la désignera pour succéder à la France seule dans le fauteuil "européen" du Conseil de sécurité, en tout bien tout honneur avec la collaboration des vingt-cinq autres Etats membres afin de ne pas provoquer les pays de l'Est et la Russie. Il y faudra du temps et beaucoup de savonnage pour astiquer la plaque onusienne mais Berlin y arrivera, si en même temps les Français persistent dans l'erreur socialiste qui les appauvrit, les affaiblit, les laisse à la merci de pays riches. Il semblerait que ce déclin ne soit chez nous combattu qu'en paroles et manipulations statistiques. Depuis deux ans et demi on ne voit rien de décisif sauf des proclamations parfois tempétueuses mais vite remisées.

Notre thèse pourrait être qualifiée de complotiste en ce qu'elle est développée sur des indices et n'a pas donné lieu à des synthèses produites par le principal intéressé qui la confirmeraient. Mais si l'intention allemande était bien de revenir dans le Top 5 des puissances à la faveur d'une mainlevée américaine, c'est bien ce protocole progressif d'une totale suprématie européenne qu'elle devrait suivre.

6 commentaires:

  1. La morale de l'histoire: A force d'avoir été dirigé par des énarques on finira commandé par des Allemands. C'est presque tentant!

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    1. La revanche de Laval. OK, je sors :)

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    2. Pour ma part, j'y vois la revanche du IIIème Reich

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    3. La 4è guerre (70, 14, 40) faite à l'europe, et plus spécialement aux français est gagnée par les allemands. Le 4è reich est bien parti pour une longue période, mille ans peut-être. Mes ancêtres pleurent dans leur nuage.

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    4. Merci du commentaire. Le défi de l'Allemagne éternelle est sa démographie. Le royaume de Prusse avait le même. Frédéric II importa sans compter qui voulait bien venir dans son pays de brume et brouillard jusqu'à former une nation qui sut attaquer ses voisins !
      En géostratégie, le vase d'expansion du Reich revenu est à l'Est. La Russie ayant eu la bonne idée de ruiner son économie avec 70 ans de bolchevisme, elle sera mise en tutelle dès le retrait de Poutine (comme la Pologne avait pris l'habitude de le faire auparavant).

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  2. L'Allemagne entre en crise politique, sociale et économique. Ce pays a moins de résilience dans la tourmente que les pays latins et ça peut facilement disjoncter. Cette crise va impacter la France qui va déjà souffrir du brexit. Je ne pense pas que la RFA ait un agenda international pour le moment.

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