« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »
(John Stuart Mill)
(John Stuart Mill)
Il y a une trentaine d'années, l'archevêque de Paris Lustiger faisait une déclaration relayée par les télévisions dénonçant une caricature salace du Christ en croix. Il se disait habitué, lui et tout le clergé, aux caricatures de la presse anti-cléricale mais l'exercice avait cette fois grimpé d'un étage puisqu'on ne caricaturait plus le prêtre dans sa condition de pécheur mais Dieu lui-même, une première. Et l'opinion acquiescait que le bouchon avait été lancé trop loin cette fois. Les choses ont bien changé dans les cercles d'influence mais peut-être pas autant qu'ils le voudraient dans l'opinion. On notera à la décharge des caricaturistes de Charlie Hebdo comme à celle de leurs confrères danois qu'ils dessinent bien plus souvent le Prophète qu'Allah son Dieu.
La question se pose de savoir pourquoi les communautés musulmanes en France mais partout ailleurs ont une réaction épidermique instantanée à l'annonce d'une énième caricature de Mohammed ? J'ai relu le Dinet et El Hadj Sliman Ben Ibrahim avant de venir. Le prophète d'Allah n'est pas un clerc ni le gourou d'une religion nouvelle, mais un "messie". Les écritures le font naître « net de toute souillure, circoncis naturellement, et son cordon ombilical coupé par l'ange Gabriel (Djebraïl) » Il ne fera pas de miracles comme Jésus de Nazareth mais sa vie sera elle-même un miracle, dès sa plus tendre enfance. A preuve, cette séquence entre autres :
Il était parti un matin avec son frère de lait pour mener au pâturage les troupeaux de ses parents nourriciers. Tout à coup vers le milieu du jour, le petit camarade de Mohammed revint seul, et d'une voix entrecoupée de hoquets de frayeur, cria à son père et à sa mère : "accourez vite, mon frère le Qoraïche s'étant écarté de nous suivant sa coutume, deux hommes vêtus de blanc se sont emparés de lui, l'ont jeté à terre et lui ont fendu la poitrine !" Affolée, la pauvre Halima suivie de son mari, courut de toute la vitesse de ses jambes dans la direction indiquée par le jeune berger...etc. On retrouvera l'enfant intact que deux anges avaient opéré d'un caillot noir dans la poitrine. Puis vint le temps de la Révélation et des prédications. On peut comprendre que dans l'esprit des musulmans de notre temps, le Prophète soit plus que l'annonciateur d'une morale nouvelle, sans doute ce que les Grecs anciens reclassaient au-dessus des mortels juste au-dessous des dieux. A tel point que lorsque le Prophète mourut à la mosquée à 62 ans, la foule des croyants envahit l'édifice ne voulant croire à l'impossible ; certains criaient de ne surtout pas l'enterrer car il n'était qu'en voyage comme leur disait Omar le calife : « Non, le Prophète n'est pas mort ! Il est allé visiter Son Seigneur comme le fit Moïse qui, après une absence de quarante jours, reparut chez les siens. De même, il reviendra parmi nous. Ceux qui prétendent qu'Il est mort sont des traîtres. Qu'on leur coupe les mains et les pieds !»
On doit donc comprendre que Mahomet n'est pas un prophète ordinaire dans l'image mentale des musulmans. Face à cette image, la satire française ne doit pas tourner à l'obligation du sarcasme et de la caricature pour la caricature, si tant est que l'on veuille préserver la paix sociale (c'est aussi une question). La sanctification du Prophète est irréfragable ! On a envie de dire aux pouvoirs publics : "faites avec !". Mais quel est cet impérieux besoin de se foutre du monde partout et tout le temps ? La liberté de faire chier autrui ? un sport national ? L'esprit français, qui fut loué et imité par tout le monde civilisé, était d'une autre finesse que les dessins grotesques de Hara Kiri & Suite qui pataugent dans le pipi-caca de cours préparatoire et en défense desquels il faut s'enorguellir d'une formidable liberté d'expression scatologique. Qu'on essaie un peu de croquer dans des postures sordides d'enculage animalier les éditocrates qui font la pluie et le beau temps sur les plateaux télé, et on verra vite les limites qu'ils consentent à la liberté d'expression. On nous sortira certainement l'immunité journalistique parce qu'il y a des limites à tout ! Reste maintenant à discuter des Musulmans.
Arrivé jusqu'ici, chacun de nous doit avoir compris que la coprophagie du grotesque libertaire est une injure douloureuse faite au croyant. Et celui-ci doit comprendre qu'il est venu dans une République fondée à l'origine sur la haine, la dérision et l'exclusion. Bonjour ! A son tour à lui de "faire avec !" Les lois françaises ne mettant pas les dieux et les clercs à l'abri du blasphème - ce qui n'est pas le cas partout en Europe ni même en Alsace Moselle - le citoyen imprégné de religion doit détourner son regard et pour certains, laisser pisser le mérinos, pour ne pas croiser une offense insoutenable pour lui, mais à aucun moment s'aviser de conquérir l'espace public pour y imposer ses propres limites à la liberté d'expression. Vous souvenez-vous de l'exposition "PissChrist" en Avignon, cité des papes ? La bronca catholique fut nourrie ! Dans le cas particulier de l'islam, cette démarche de non-voyance est perturbée par le prosélytisme politique d'une fraction d'intégristes radicaux qui entendent soumettre toute la société à leurs lois. Ainsi, toute réaction à l'affichage de caricatures injurieuses sera traduite par une volonté de subversion islamique, ce qui est en partie vrai, mais en petite partie seulement tant que le tigre dort. Aux musulmans de faire le ménage en leur sein et puisqu'on sait que c'est très difficile pour des raisons tenant aux diverses origines et obédiences prospérant chez nous dans une anarchie cléricale entretenue par les ambitieux, c'est à l'Etat français de les aider à faire le ménage, avec la vigueur nécessaire et suffisante pour éradiquer le doute. A défaut de quoi nous révoquerons l'édit de Nantes.
L'actualité tragique offre une possibilité de nettoyage par tous moyens, bien sûr légaux (sic), et moins il prendra de temps, plus longs seront ses effets. Restera ensuite à ne pas retomber dans les erreurs accommodantes du passé, en retirant les zélateurs des canaux de propagande et subventions publiques. Si, par miracle, la France et les Français avaient une image assez précise de ce que doit être le plus beau pays du monde, nous aurions bien avancé dans la préservation de nos mœurs et coutumes, alliées à la liberté de croire et de penser ce que souhaite chacun. Mais nous en sommes loin avec les pouvoirs de rencontre que nous désignons régulièrement au sommet de l'Etat à l'issue d'un protocole perverti dans le clientélisme démocratique, le mafiatage partisan et le trucage des scrutins. A quoi s'agrège un quatrième pouvoir fortement corrompu, aux mains du Capital et qui pis est, stipendié par l'Exécutif ! Que le blasphème ne soit pas puni est une chose qui pour autant ne le rend pas obligatoire. La projection des caricatures de Charlie Hebdo sur les façades des édifices régionaux le soir de l'hommage à la Sorbone, est une faute morale plus stupide que grave, mais une faute quand même ! Pourquoi offenser tous nos compatriotes musulmans à propos de l'horrible assassinat du professeur d'histoire Samuel Paty, qui n'a certes pas promu les caricatures mais s'en est servi tout simplement pour illustrer un cours sur la liberté d'expression au moment historique du procès des assassins de Charlie Hebdo ? Il faut convertir patiemment les musulmans au libéralisme et à la séparation des domaines public et privé, quitte à les y forcer un peu au début, en supprimant les prières de rue par exemple. C'est faisable mais nul aux affaires n'a jamais essayé en vrai ! Comme disait Zemmour à Eric Naulleau récemment, les Français musulmans n'ont jamais posé de problèmes dans l'espace public jusqu'à l'importation de musulmans étrangers venus d'horizons où priment les interprétations littérales des hadiths et versets coraniques, interprétations frappées au coin d'un archaïsme redoutable qui coupe à angle droit tous les édits et codes de notre société civile. Si ces communautés veulent se tailler des fiefs inexpugnables dans l'espace français, il faut les sortir tout simplement du jeu social, en coupant les fils de la solidarité nationale et plus si affinités.
Voilà. Pour conclusion, finissons ce billet avec le cardinal Lustiger qui disait dans un de ses ouvrages : « L'une des erreurs d'optique où se porte le désir spirituel est de projeter sur le présent de l'Eglise une eschatologie réalisée au rabais. Cette erreur défigure l'espérance chrétienne. Elle transforme la vie chrétienne en un mythe ou, à l'inverse, en une insupportable tyrannie. On essaiera, par des moyens humains, de faire de la société chrétienne une figure du Royaume des cieux, alors qu'elle n'en est que la caricature souvent infernale.» (Cardinal Lustiger in La Promesse, éditions Parole & Silence, Paris 2002). Réécrivez ces quatre vérités en y mettant l'islam wahhabite et tout colle.