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Clap 2000 !

nombre 2000 ensablé

Spécial royco ! Deux millième billet sur Royal-Artillerie, la psychothérapie rédactionnelle du Piéton du roi achève sa dix-septième année. L'usage est d'emplir le deux millième billet de statistiques* en tout genre montrant l'intérêt que le site a éveillé, ô combien il est "utile" et d'appeler aux dons. Que nenni ! Je remercie les lecteurs fidèles dont certains viennent ici depuis le début de l'aventure. J'aurais aimé plus de commentaires, mais bon ! Foin de la gloriole à deux sous qui ne feront jamais un franc, il en faut vingt, l'eulogie présumée du blogue monarchiste le plus décalé de la Toile (loin derrière le Lys Noir quand même) attendra. Mais l'occasion de faire le point sur des années et des années de royalisme ouvre droit à la nécrologie des prétentions dynastiques qui veulent occuper l'espace des rêves royalistes, à tout prix semble-t-il, à nul effet pour sûr. Quand on parle critique du royalisme c'est forcément ad hominem et sans débiner les personnes qui s'avancent comme légataires dynastiques universels, on peut légitimement les passer sous la toise de l'emploi, plus sûrement sous celle de l'accession.

Partant du principe discuté qu'une restauration monarchique devrait aboutir à la réinstallation d'une des dynasties ayant régné en France, l'attention (pour les jeunes lecteurs) serait directement captée par trois personnalités, dans l'ordre d'entrée en scène de leur revendication :
  • Louis de Bourbon (1589)
  • Jean-Christophe Napoléon (1804)
  • Jean d'Orléans (1830)
Un observateur arrivé de Sirius trouverait l'idée drôle : remettre en selle une dynastie battue dans le passé, plutôt que de préparer à l'emploi une famille ayant compétences et mérites d'y accéder, sans l'obligatoire ballade nécropolitaine. Vouloir reconquérir les fastes du passé à travers la transmission patrimoniale d'un royaume coulé à pic dans les abysses de l'histoire relève-t-il d'une pathologie ? Les royalistes qui s'émeuvent aux souvenirs imaginés d'un âge d'or intellectuel et moral n'ont pu avancer d'un mètre dans leur quête d'une restauration depuis deux siècles. C'est beaucoup et généralement ils ne veulent pas savoir pourquoi. C'est la faute au temps qu'il fait, aux circonstances, aux guerres, aux malveillants, aux traîtres, mais jamais aux insuffisances de la dynastie souterraine qui porte leur espérance. Et pourtant, ils seraient prêts à leur donner les clés du camion ! Pas sûr que l'idée soit si largement partagée.

Héritier moral de l'Ancien Régime, Louis de Bourbon descend du fils du Grand Dauphin, le duc d'Anjou que Louis XIV envoya en Espagne sur la demande du roi Charles II l'Ensorcelé, mourant sans postérité. Hériter de l'Empire français, Jean-Christophe Napoléon descend de Jérôme Bonaparte, quatrième frère de l'empereur Napoléon, roi de Westphalie durant l'épopée. L'empereur Napoléon III descend pour sa part de Louis Bonaparte, troisième frère de l'empereur Napoléon, cette branche est éteinte. Personne ne descend d'aucun des deux empereurs. Héritier de la Monarchie de Juillet, Jean d'Orléans descend de Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV et plus directement du fils aîné de Louis-Philippe Ier, Ferdinand-Philippe duc d'Orléans. Les successions ne prenant pas les ponts, son héritage est brisé par le régicide de son ancêtre direct Philippe-Egalité. A part le Bonaparte, les deux autres buttent sur un plafond de verre : le Bourbon, celui du franquisme et de l'affairisme ; D'Orléans, celui d'une oisiveté sans vergogne revendiquant les fruits du travail d'autrui. Si rien ne prive les descendants des dynasties battues de prétendre revenir sur le trône de France, rien non plus ne leur donne l'exclusivité de cette démarche. Comme le disait un lecteur assidu l'an dernier en commentaire, on ne voit pas "le descendant de Philippe Auguste, Philippe le Bel et Charles V" dans cet échantillonnage. C'est du régime monarchique dont on doit se soucier après en avoir déroulé tous les avantages devant nos concitoyens. Pas tant que ça des impétrants !

Vient maintenant la question à cent mille dollars qu'il ne faut pas poser.

Qui serait le bon choix ?


La monarchie est un concept charnel et spirituel à la fois. Il y faut donc un titulaire de qualité offrant au bien commun le fruit de l'acquis et ses talents innés dans un environnement choisi. Royal-Artillerie a plusieurs fois évoqué la hauteur de la marche menant au trône. Explicitement cinq fois. Même s'ils sont longs, les cinq articles ci-dessous sont à relire impérativement aujourd'hui dans le lit de ce 2000è billet dont ils sont parties intégrantes (et archiver peut-être, des fois que l'hébergeur fasse faillite) :

Résumons-nous. Il n'est pas pertinent de rechercher dans le personnage qui initiera une restauration, le copycat d'un prince ancien, a fortiori le roi de vitrail de Jean Raspail, même si ça nous plairait bien. Il y faut du tempérament personnel, du caractère, une éducation au niveau de celle des alter ego du monde dirigeant et une formation préalable à l'emploi. Tempérament et caractère ressortissent à l'inné. Ce n'est bien sûr pas pour la raison qu'on n'y puit rien faire qu'il faudrait accepter n'importe qui. L'acquis pour sa part est tout le reste.
Nous avons en France des grandes écoles qui forment une vraie élite managériale disposant du plus large spectre de conscience et sciences contrairement aux universités étrangères qui réduisent le champ visuel du créneau pour accentuer sa spécialisation. Grandes écoles ne veut pas dire "grande école" mais les sept soeurs : Normale Sup, Polytechnique, CentraleSupelec, Navale, HEC, Mines ou Ponts, Saint-Cyr. On a oublié Physique & Chimie de Paris et SupOptique. C'est dans ce vivier qu'il faudra puiser le restaurateur de la monarchie, que l'on fera passer par l'ENA pour qu'il assimile tous les rouages du gouvernement d'un pays. Le tempérament devra donner la résilience et l'équanimité ; l'intelligence et la formation, la perception rapide de l'enjeu ; le caractère, l'intuition d'une décision pertinente. Le monde dans lequel nous continuons à vouloir vivre avant qu'il ne se transforme en four crématoire, ne laisse plus le temps aux "conseils" et autre réunion des licenciés en sciences molles. Le décideur interpelé doit décider, là, maintenant. En connaissez-vous ? Il n'y a aucun espoir de restauration monarchique en dehors de cet environnement.

clap 2000ème

De la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle


La royauté, flèche du progrès, s'oppose à l'Etat républicain obèse, éparpillé en autant d'emplois que de clients, manipulant une liberté abstraite, une égalité abstraite, une fraternité abstraite, jetant les vaincus idéologiques d'un jour sur les vainqueurs d'un autre dans un combat civil permanent sous la tyrannie du Nombre ! Un système à promettre condamné à la fuite en avant !
Agent commissionné de Dieu pour le bien de son peuple, le roi de France était empereur en son royaume. Il personnifiait l'unité du droit, était l'unique source du droit, et dans l'architecture pyramidale dont il était la pointe, toute loi, toute règle ne procédaient que de lui. De cette solitude impartagée est né l'adjectif "absolu" (ab solu) désignant un être existant par lui-même, parfait (dit le Larousse). Missionné par Dieu à la défense, l'harmonie et le bien commun de la nation telle que l'a forgée l'histoire et la géographie, il ne répondait de ses actes qu'à Dieu. Dans les Six Livres de la République, Jean Bodin théorise ainsi l'absorption de la société civile par l'Etat politique pour lui offrir une protection totale, créant le concept toujours vivace aujourd'hui de l'Etat-nation. Le droit régalien qui en découlait n'avait aucune autre limite que celles imposées par le Tuteur, la source primaire de toutes choses à laquelle le roi devait revenir continuellement pour y renouveler son immunité. D'où l'expression mal comprise de "droit divin".

Cet absolutisme qui ne pouvait compter sur aucune excuse, imposait une grande rigueur dans l'émission ou le retrait des lois, sinon plus encore dans l'organisation des fonctions de chacun attaché à l'Etat, le but ultime étant l'ordre, à défaut duquel rien ne tient. On se souviendra que Bodin vécut pendant les guerres de religion et que Bossuet, qui fonda le "droit divin", traversa la Fronde. Finalement, les clés de ce régime étaient le Droit de Dieu et la Morale naturelle propre à l'espèce civilisée, dans le souci premier du bien de l'humanité ainsi que le disait Bodin : "Il n’est de richesse que d’hommes". On voit que loin d'être maître de ses caprices, le roi d'antan était pris dans les fers du Droit de Dieu et que le soin qu'il devait prendre de ses peuples incluait celui qu'il réservait à ses ennemis ; d'où la leçon donnée au soir de Fontenoy par Louis XV au Dauphin : « Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner.»

Sous l'Ancien régime la conversation du roi et de son créateur était permanente et plus tendue encore quand on approchait du terme de l'exercice pour déposer les comptes. Lieutenance du Christ sur terre, la charge suprême était écrasée sous le poids de la volonté divine. Le roi craignait Dieu autant qu'il pouvait être craint de ses sujets. Evidemment, pour les esprits forts d'aujourd'hui, cette sujétion du chef de l'Etat à une puissance surnaturelle est inimaginable puisqu'ils se prennent tous pour des dieux, avant de mourir comme des hommes et pourrir comme des bêtes. Mais la sujétion divine n'est pas adaptable. Toutes les monarchies l'ont conservée. Aucun roi n'est seul au monde. C'est dans le package. D'où la difficulté à intégrer le binôme Dieu-Roi dans une société décrétée laïque par ses élites jusqu'au point d'en faire une vertu. Si l'athéïsme actuel n'est pas un obstacle puisqu'il se cantone à la sphère privée, il sied de trouver le "frein" qui se substituera au droit divin dans le domaine public, et ce fut le défi des temps modernes. Les Anglais les premiers l'ont trouvé dans le régime constitutionnel - la démocratie de Westminster - une façon de faire atterrir les commandements surnaturels en les déliant de leur origine divine. La constitution prend à son compte le droit supérieur (positif et naturel) auquel le monarque devra se conformer s'il veut exercer librement sa fonction. La monarchie n'est dès lors plus vraiment "absolue" mais par la qualité supérieure de sa gouvernance, au quotidien comme sur le temps long, elle peut conserver l'autorité naturelle qui en aurait découlé. Un seul monarque dans l'histoire a su conserver l'absolutisme en niant la transcendance, c'est le despote éclairé dont l'archétype cynique est Frédéric II de Prusse. C'est sans le savoir celui qu'attendent les Français pour nettoyer la porcherie politique. Les monarchistes devront faire avec !

En conclusion, le roi de demain (mais si !) ne sera pas échappé d'un livre mais fait de chair et de sang. Prisonnier de la tunique cathare, il devra renouer la conversation métaphysique qui le transcende et le bride, et accepter les limites que lui imposeront ses sujets avant de lui rendre sa souveraineté au sein d'une constitution de l'Etat. Dans ce double encadrement, il exercera ses pouvoirs pour le bien commun et la pérennité de la nation. Selon la formule consacrée, elle gèrera les affaires subalternes en ses états ; le roi gèrera les affaires régaliennes en ses conseils ; et les peuples seront bien gardés.

De la mise à jour


Parlons-nous en l'air, pour les petits oiseaux qui pépient dans les arbres ? Que non. L'époque connaît un net recul du fantasme républicain au sens où les générations montantes dépassent le cadre de valeurs imposé par leurs aînés et s'abstiennent de remettre des pièces dans la machine démocratique en n'allant pas voter. Ils ont acquis une conscience planétaire et jugent étriqué le périmètre national que tant de leurs soucis débordent. Ils ne connaissent la nation que comme une brique d’un tout et non une finalité en soi, pas plus que l'enclos exclusif de l’exercice démocratique. A l'autre bout du champ de conscience, ils sont affairés à la réalisation du moi à travers moult réseaux d'échanges sans frontières qui les passionnent autant qu'ils les intoxiquent. Pour au final ne reconnaître aucun avantage à la République es qualité qui peut leur apparaître comme un régime hégémonique désincarné faisant tourner sans répit la crécelle de ses "valeurs" au bénéfice des thuriféraires qui en vivent. Leur conscience est purgée, la page est à écrire dans ce qui devient un désert moral. La mesure des préoccupations de l'opinion nous montre que les tenants d'une idéologie sont définitivement ringardisés. A nous de savoir convaincre avec les mots d'aujourd'hui, en commençant par bien comprendre le nouvel environnement politique de la cité. Quelque chose est au-dessus d'elle mais la "nation" n'y suffit plus.

Aux cœurs vaillants qui entrent en monarchisme, je souhaite d'en bien comprendre les enjeux et d'approfondir leur formation dans la perspective d'une conversion des idées en succès palpables, mesurables et mesurés, au sein d'un monde différent de celui qui reçut les écrits des grands maîtres, sans doute pas meilleur (ce monde), mais qui n'a plus rien à voir avec la République inquisitoriale des années 1900 contre laquelle se levaient les royalistes. Le "danger" actuel vient plus de la société que de l'Etat. Exigez de vos chefs l'aggornamiento et la gestion par objectifs avec quitus en fin de mandat ! Nourrissez-vous du fonds théorique des penseurs monarchistes, mais pensez aussi par vous-mêmes, proposez, soyez autonomes en esprit et faites vivre vos convictions dans la France d'aujourd'hui. Courage, il en faudra ! Mais serons-nous prêts au jour de l'insurrection qui vient ? C'est notre seul défi.



(*) Stats : [974400 visites sur onze ans (2011-2021), et env. 1200000 depuis le numéro 1. Nombre de commentaires: 4200]


Ce billet est le premier d'une séquence "Rénovation" qui forme la deux millième contribution du Piéton du roi au blogue Royal-Artillerie. Elle se compose des trois articles suivants :

Commentaires

  1. Tout d'abord mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année. Je me permets un commentaire car j'ai trouvé votre résumé parfait concernant le royalisme au regard du contexte actuel. Je ne crois pas que vous, moi et nos enfants verront le jour d un sacre, mais cela arrivera, j'en suis convaincue sans pouvoir le justifier avec des arguments indiscutables. J'ose espérer que cette fois-ci mon commentaire sera pris en compte, il semble qu'il y ait un problème de ce côté là.
    Karen

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    1. Bonne année Karen.
      Je crois aussi que c'est inévitable à terme, mais comme vous, je pense que les facteurs de l'équation monarchiste ne sont pas les bons. Un deuxième billet (annoncé en barre latérale) parlera du microcosme royaliste et un troisième proposera derrière une nouvelle organisation des pouvoirs constitutionnels (une simple ébauche).
      Voilà, ce tryptique formera ma deux millième contribution à ce blogue.
      Content de vous revoir.
      Oui, il y a parfois des rugosités chez Blogger, mais ça va passer.

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  2. Merci pour votre réponse. C'est avec plaisir que je lirai vos prochains billets. L'organisation des pouvoirs constitutionnels est un sujet plus qu'intéressant. Espérons que la jeunesse formatée par la téléréalité se réveille et se positionne intelligemment, si celle-ci parcoure votre blog. A bientôt.

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  3. Je suis votre blog depuis 2007. Ce que j'admire toujours chez vous , c'est cet indécrottable optimisme et ce fond d'espérance que je vous soupçonne de garder au fond de vous. Même si je reste intimement persuadé que le royalisme est le meilleur des régimes politiques, j'ai hélas abandonné tout espoir politique à ce sujet. Reste le plaisir de vous lire mais c'est toujours avec le petit arrière gout amer du "si seulement"

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    1. Camisard, les peuples bougent.
      C'est sans doute l'influence de la démocratisation des moeurs politiques : le pire satrape veut aujourd'hui être "élu", même en trucidant tout opposant. Les peuples commencent à comprendre que le système de démocratie représentative est une kleptocratie organisée dont ils sont les contributaires forcés.
      D'un autre côté, leur sentiment est assez net que la démocratie directe est une curiosité helvétique inexportable et qu'elle met le foutoir où elle s'applique, sauf peut-être à l'étage élémentaire des petites municipalités.

      Les défis affrontés par les hommes ne cessent de grandir, climat, démographie du tiers-monde et ressources disponibles, réveil des hégémons totalitaires, qui obligent ou obligeront les peuples à faire corps pour maintenir des nations protectrices au lieu de s'émietter en petites communautés. Or la réorganisation des nations n'empruntera pas des chemins en cul-de-sac qui les conduisent à la banqueroute et à l'effacement. Les peuples peuvent entendre que le paradigme original de la monarchie est le seul qui ait de l'avenir. L'explication ne demande qu'à se propager et malheureusement, les vecteurs classiques n'impriment pas chez nous. On va en reparler dans un prochain billet.

      J'observe avec impatience la progression de l'alternative monarchie-kleptocratie chez les peuples roumains et serbes.

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  4. Bonne Année les amis ! Meilleurs voeux à vous ! Et vive le Roi ! :)

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    1. Autant pour vous et les vôtres, Cadoudal, bonne année 2022.

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