L'Algérie ferme sa frontière du Tassili devant Ghât, non seulement le poste douanier mais tous les passages caravaniers sur plus de 300 kilomètres. Les moyens déplacés sur la zone d'effort sont importants et bien équipés car la frontière est insaisissable au sol sauf par GPS. L'on comprend qu'il s'agit moins de bloquer les bédouins kadhafistes pour plaire aux nouveaux maîtres de la Libye que de détruire les cohortes alqaïdistes qui rentrent au Niger. Les patrouilles algériennes en ont tué cinq avant-hier. Sans doute ont-ils commencé le ratissage aérien, pour peu qu'ils obtiennent des concours extérieurs de surveillance zénithale.
Ceci explique pourquoi la famille Kadhafi arrivée en convoi Mercedes blindé a franchi le poste-frontière sans encombres, le Guide était l'allié des Algériens dans leur lutte contre AQMI. Et, tout bien considéré, même si le Dr Hannibal est un salopard au civil, ni lui, ni son demi-frère aîné Mohamed n'ont combattu, a fortiori pas plus que leur soeur ou leur mère et belle-mère Safia.
Le CNT libyen manque de jugement pour s'exciter sur cette fuite scabreuse, alors que le raïs déchu et ses fils¹, Seif-al-islam et Saadi (le mari d'Alice) combattent encore pour l'honneur tribal, ou plus sûrement pour repousser l'échéance de leur exécution depuis que leurs charniers arrivent à la surface. Acculés mais encore entourés, ils peuvent tenir la dragée haute aux miliciens du nouveau régime, courageux sans doute mais peu expérimentés. Pour que la communauté internationale persiste dans son soutien après le 27 septembre, échéance du mandat onusien, il faut que le Conseil affiche ses membres jusqu'ici secrets et organise la démocratie aux normes ISO. On en est loin (voir plus bas).
Quel serait l'intérêt de l'Algérie à reconnaître la légalité du CNT ? Elle n'attend rien de la Libye que des problèmes dans le futur.
Ils sont de plusieurs ordres :
(1) le réarmement d'AQMI par le pillage des arsenaux libyens, ce qui présage d'une guerre d'éradication aveugle des katibas salafistes au Sahara avec dommages collatéraux acceptés.
(2) l'afflux de rezzous bédouins repoussés au Fezzan par le nouveau pouvoir libyen, conjugué à la fuite désespérée des mercenaires noirs. Il est probable que les unités de l'ANP chercheront à les détourner vers le Tibesti (Tchad) car aucun camp d'internement n'est possible sur zone.
(3) l'insécurité du bassin gazier d'Illizy et des bassins miniers prometteurs pour l'après-pétrole.
Aussi le gouvernement d'Alger a-t-il décidé de surseoir à la révision de sa neutralité, le temps que les choses décantent à Tripoli et de savoir comment la coalition de bric et de broc arrivée de Benghazi va-t-elle gérer la situation. Son ministre des affaires étrangères viendra quand même voir ce 1er septembre ce qui se passe à la conférence internationale de Paris. La Chine, la Russie et l'Allemagne, opposées à la guerre OTAN seront là aussi. Mais Jacob Zuma, le strauss-kahn sudafricain présidant l'Union africaine, ne viendra pas. L'appel du harem !
Qu'est-ce que le CNT ?
Si l'on dit que le CNT de Benghazi agrège des naïfs, des monarchistes sénoussis, des alqaïdistes survivants des purges kadhafistes donc modérés tentés par le modèle turc (GICL = Groupe islamique de combat lybien), des affairistes pur jus (avocats, notaires), des officiers généraux ralliés et des opportunistes de l'ancien régime, on n'en sait pas plus sur leurs intentions, même s'ils ont édité une feuille de route (clic) et appris un discours normalisé "langue de bois" convenant aux donneurs d'ordres étrangers. Treize seulement sur 31 sont connus. On y va (mais SGDG) ?
- Moustapha Abdeljalil al-Bayda, président, ancien ministre de la justice, de quoi serrer les fesses.
- Mahmoud Jibril, premier ministre, stratège diplômé, ex-chef du bureau du développement économique national
- Omar Hariri, chargé des affaires militaires du CNT
- Abdessalem Jalloud, ancien premier ministre
- Dr Ali Abdelaziz Al Issawi, ancien Secrétaire du Comité Populaire Général de l’Economie et du Commerce et de l’Investissement
- Omran Aboukraa, ancien ministre du Pétrole
- Nasser al Mabrouk Abdoullah, directeur de la Sécurité intérieure
- Dr Salwa Digheli, chef du comité juridique, c'est une femme
- colonel Ahmed Omar Bani (porte-parole)
- Mohammed Elkish, attaché de presse
- MM. Ahmed Hussein Al-Darrat (intérieur), Mahmoud Shammam (medias), le Dr. Naji Barakat (santé), Mohammed Al-Allagi (justice et ddh), le Dr. Hania Al-Gumati (sécurité sociale), le Dr. Abdullah Shamia (économie), le Dr. Ali Al-Tarhuni (finances), le Dr. Anwar Al-Faytouri (commmunications), Abulgassim Nimr (environnement), Atia Lawgali (communautés), Abdulsalam Al-Shikhy (religion), Ahmed Al-Jehani (reconstruction), figurent au conseil de gouvernement publié par le site officiel mais sans curriculum vitae. Ils sont mis en vitrine comme on le fait près de la gare d'Amterdam, mais tout laisse croire que les décisions d'axe sont prises ailleurs en de rares consensus.
- Hakim al-Hasidi, un chef du GICL, entraîné chez al-Qaïda Afghanistan et disposant de mille djihadistes sur le terrain, selon lui
- Me Achour Bourachid, de Derna, musulman oecuménique (laissera passer la charia des deux suivants)
- Sheikh Abdul Hakim Belhadj, émir GICL de Derna, commandant des hordes de Tripoli
- Achour Choukri Assi, imam de la plus grande mosquée de Derna, intégriste incandescent
- Ismail Sallabi (GICL), qui commande une katiba à 200 barbus équipée par le Qatar
- Me Abdul Hafiz Ghoga, avocat des droits de l'homme, démissionné mais toujours par là dit-on
- Général Abdel Fattah Younes, premier chef militaire de l'insurrection, a été jugé par le CNT et exécuté le 27 juillet pour intelligence avec l'ennemi (c-à-d. Seif al-islam)
- Abdelmomem Al-Madhouni, al-Qaïda cuvée 1990, tué à Brega devant sa katiba
Le représentant du CNT en France est Mansour Saïf al-Nasr, activiste des droits de l'homme exilé depuis 1969. Le CNT comprend donc à la fois des opposants de longue date au régime du Guide et des personnes qui ont fait défection récemment, sans oublier des amis de Seif al-islam. Ben oui, c'est l'Orient quand même !
Venons-en au prince.
Le parti monarchiste est basé à Ryad en Arabie heureuse ; il promeut une monarchie du modèle de celles du Golfe, plutôt autoritaire et islamique. Le prince est installé à Londres. Si les premiers ont pu facilement donner leur drapeau à la rebellion, le second donne des interviews en Europe mais il augmenterait ses chances s'il débarquait à Tripoli, à tout motif, comme celui de revoir la chambre dans laquelle il est né ou retrouver son train électrique. Il est suffisamment entouré pour jauger la profondeur du panier de crabes, mais c'est quand même le moment de hisser les couleurs. Sinon à quoi bon ? (voir le site du prince en cliquant ici)
Et pour finir ?
On peut se demander à quoi rime toute cette affaire quand la tempête sera apaisée et que le pays reprendra son train-train. Comme le confiait hier un Tripolitain au reporter de l'Orient-le Jour, « Je ne suis pas le seul pro-Kadhafi dans le quartier. Tout le monde l'aimait, tout le monde le soutenait. C'était obligé tant que ses forces étaient présentes. C'était le président de ce pays et moi je suis juste un citoyen. Avant j'étais loyal à Kadhafi, maintenant je le serai aux révolutionnaires »... « ma vie pendant l'ère Kadhafi, elle était bien. Je vivais confortablement, j'avais un chèque à la fin de chaque mois, je mangeais, j'allais travailler, c'était la paix ». Le pauvre ne savait pas que la démocratie exige l'implication de tous au débat, fut-il sanglant. Il ne sait pas non plus ce qu'est la stratégie. Eut-il pu suivre les cours du soir d'Aymeric Chauprade qu'il aurait compris que les investissements de la Chine en Libye dans l'exploration minière à hauteur de dizaines de milliards de dollars, conjugués au même mouvement au Soudan tout proche, construisait une forteresse économique chinoise inexpugnable au cœur de l'Afrique sahélienne, foyer avéré de bien des dangers pour les Occidentaux. Et puis on n'abat pas les avions civils impunément.
Qui a déclenché le mouvement ?
L'observation la plus mesurée de l'enchaînement des faits et des attitudes comme les indiscrétions volontaires sur le travail des services occidentaux sur place laissent penser que ce sont les Etats-unis le détonnateur. Kadhafi aurait dû se méfier car depuis l'abandon de son projet atomique, il avait perdu son autonomie de jugement et devait rentrer dans le rang de l'AfriCom yankee, commandement régional instauré par le Pentagone pour lutter contre le terrorisme et la pénétration de la Chine en Afrique ; sinon faire place nette. Démarche impérialiste ? A cent pour cent sinon à quoi servirait l'empire. "Qui n'est avec nous est contre nous" la maxime bushienne perdure.
Note (1): Saïf al-Arab et Khamis sont morts ; pas de nouvelles de Mootassem, pourtant le plus dangereux car le plus froid.
Billets RA précédents sur l'affaire lybienne :
No Fly Zone
Kadhafi for ever
Resurrexit !
Libye : le temps de l'infanterie
Les raisins de la guerre
Le combat des fils
Postscriptum du 11.06.2017 : Seif al-Islam a été libéré de sa prison de Zenten par le groupe rebelle Abou Bakr al-Sadiq le 10 juin 2017. Il est en fuite.
Saadi Kadhafi ne jouera pas les tirs au but.
RépondreSupprimerIl veut déclarer forfait et profiter de sa jolie femme en suivant la Champions League à la télé.
Son père le laissera-t-il partir ?
Pour Alice, les 1001 Nuits se sont transformées en cauchemar. Est-elle passée en Algérie avec sa belle-mère ?
RépondreSupprimerD'après la presse d'Alger, 62 Kadhafi sont en Algérie maintenant. Il y en aurait d'autres en Tunisie sur l'île de Djerba.
RépondreSupprimerReste comme vous le dites à retrouver Mootassem.
Le Wall Street Journal explique que les services loyalistes de renseignement ont disparu avant la prise de Tripoli. Le dernier carré de combattants de Kadhafi qui tient la poche de Syrte est donc aveugle et sourd. Ceci doit hâter la fin de l'histoire.
RépondreSupprimerVu ! Je mets l'adresse de l'article ci-dessous :
RépondreSupprimerhttp://online.wsj.com/article/SB10001424053111904583204576544511584748244.html?mod=WSJEurope_article_forsub
Merci de l'info.
1er Septembre à Tripoli : A l'occasion du 42ème anniversaire de la révolution libyenne on avait prévu de grandes festivités pour tous les rois nègres qui seraient monté recevoir l'enveloppe. On comprend que l'Afrique noire soit dans l'ensemble déçue de la tournure des évènements, mais pas autant que les concessionnaires Mercedes !
RépondreSupprimerADC
Perdu dans le désert immense
RépondreSupprimerL’in.for.thu.né bédoin douin, douin
N’irait pas loin, loin, loin
Si la divine providence
N’allégeait son fardeau deau, deau
Par un cadeau deau, deau
Ce cadeau précieux
Ce précieux cadeau
De la bonté des cieux
C’est le chameau
Halli ! Hallo !
Halli, hallo !
Et vive le chameau
Voyez comme il trotte
Halli, hallo !
Et vive le chameau
Voyez comme il est beau !
Kadhafi est dans le dromadaire, c'est pas pareil.
Je passe l'info au satellite. Merci.
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