Kang-Hi (1652-1722), quatrième empereur des Grands Tsing, savait tout du Roi-soleil jusqu'à le hisser dans son estime au niveau le plus haut des monarques régnants, le sien propre.
Et Louis XIV savait tout de Kang-Hi depuis qu'il avait lu le récit du voyage effectué en Mandchourie par le père Verbiest en 1682. La dédicace était explicite : "Vous verrez, Sire, dans ce récit que la Cour de Péquin ne cède en magnificence à aucune autre Cour de l’Europe; & si vous aviez estè dans un autre siècle, le Prince qui règne aujourd’huy à la Chine ne verroit rien dans le monde de plus grand que luy".
Puis vint le portrait de l'empereur publié en 1697 par le père Bouvet et traduit partout en Europe. Dans sa préface, il assurait Louis XIV qu’il avait établi le "portrait d’un monarque qui a le bonheur de vous ressembler par plusieurs endroits". Effectivement, il y avait une ressemblance physique, puisque leurs visages portaient les traces d’une petite vérole enfantine qui faillit l'un et l'autre emporter, même maîtrise de soi, même goût pour les arts et les sciences, et ressemblance de leurs destins : orphelins, ils avaient connu les périls d’une régence difficile et assumé, très jeunes, les responsabilités du pouvoir (source Jésuites.com). Ressemblance in fine par la longévité de leurs règnes, 61 ans pour Kang-Hi et 54 ans pour Louis XIV (à partir de la mort de Mazarin sinon 77 ans en droit).
L'Empire de Chine était encore la première puissance du monde mais le décalage technique commençait à poindre, à ce que diffusaient autour d'eux les jésuites de Pékin dans tous les domaines scientifiques. Il n'a pas suffi. L'empire baissant la garde, le divin Palais d'Eté sera ruiné cent cinquante ans plus tard par Lord Elgin, barbare victorien de la série courante. C'est inexpiable, la plaie suppure encore !
Malgré tout, Européens et Japonais construisirent en Chine une industrie puissante, des voies ferrées et des ports modernes, des banques internationales jusqu'à faire de Shanghaï la capitale économique du Pacifique, jusqu'à la guerre sino-japonaise de 1937. Il en reste chez nous beaucoup de bons et titres divers non remboursés dont on fait tapisserie à défaut¹.
Si les Européens se contentèrent de mater le mécontentement pour exploiter le pays, les Japonais entreprirent de le réduire en esclavage. Mais on ne peut tuer le chiendent à coups de talon, de sabre. Il faut le déraciner, l'extirper, sinon il reprend. Et la Chine a repris. Regain dans tous les domaines, dans son périmètre historique presque intact, sur sa propre terre, dans l'ingéniosité de sa race et sa glorification du travail comme promesse de tout, jusqu'à venir au secours des pays de la zone euro au seuil de la panique. Ainsi donc les fils de Kang-Hi, de Qianlong, accourent en ambassade chargée d'or négocier leur appui. Et les barbares acculés mais suffisants qui nous gouvernent, de tendre les mains.
Le directeur du Fonds européen de stabilisation financière, Klaus Regling, parti faire kowtow à Zhongnanhai² et accessoirement placer quelques milliards du nouveau trillion prévu, est rentré hier bredouille, car la négociation chinoise n'a pas commencé. C'est eux qui ont la montre. Le "véhicule" spécial que les derniers accords de Bruxelles prévoient pour charrier des fonds émergents doit être déjà révisé à leur demande.
Nos dirigeants doivent quand même savoir que leurs homologues chinois ont tout appris de l'histoire et des humiliations que nous avons imposées à leurs pères. Que les mettre en situation de revanche est extrêmement dangereux. Non qu'ils soient d'un naturel belliqueux - la Chine n'est ni la Corée ni le Japon - mais parce qu'ils sont par leur essence même... intéressés. Ils vont venir voir, c'est sûr, mais de leur propre chef et sans doute pas sur convocation. Le G20 du 3 novembre à Cannes nous apprendra non pas ce qu'ils auront décidé du swap entre bons américains et bons fédéraux européens, mais dans quel état d'esprit ils feront leurs demandes de contreparties en descendant à chacun des niveaux nationaux. Il n'existe pas de charité politique !
Ils ont pris le Pirée en nous laissant le singe, ils avancent derrière les tycoons de Hong-Kong quand c'est nécessaire, comme au Panama. Ils ont pris Medion (pc) en Allemagne, Oerlikon Austria (mach. textiles), Fortis (banque), les mines Langfeld de Chypre, les ateliers danois Boiler Works, la chaîne espagnole d'hôtels NH, le terminal vrac du port estonien de Muuga, Rhodia Silicone et la minorité de blocage de la Compagnie financière de Rothschild, le chimiste hongrois BorsodChem, Firecomms informatique en Irlande, les aciéries italiennes CIFA, la holding automobile néerlandaise Hyva, les automobiles MG³ (Rover), 12% de Rio Tinto(!), EDF-UK, Northumbrian Waters, Volvo, Saab, les transmissions WEIGL, et partout des transitaires portuaires, des canaux de distribution, des usines de niches avec des savoir-faire spécifiques comme la Société d'automatisme et de mécanisme du Bourbonnais par exemple, à se demander s'ils n'auraient pas un plan. (Rires idiots au fond de la salle !)
Réindustrialisons contre la Chine (pour faire court), installons des quota contre la Chine, pressons-les de réévaluer le renminbi, dénonçons les exactions judiciaires, la destruction des libertés élémentaires, la triche douanière, la banqueroute frauduleuse de nos débiteurs, etc... n'y pensez plus. Si en foot, quelque soit le déroulement de la partie, c'est l'Allemagne qui gagne à la fin, en diplomatie c'est la Chine. Il y sont à plein temps, les "salauds", quand seize ministres de la République française désertent tous au même moment leur bureau pour aller faire du chahut à une convention médiatique anti-socialiste ! Nous allons assister à une démonstration du genre de celles que faisaient les jésuites français à la cour de l'empereur d'alors. A preuve, ils se sentent capables de mieux gérer que nous, Geely fait des bénéfices sur Volvo en faisant tourner l'usine en SUEDE ! Ils sont prêts à appliquer tout modèle de développement qui leur garantira un juste retour sur investissement. N'ayant peur de rien et surtout pas de miser, ils ont un art consommé de la négociation. Saab vient d'être raflé à Spyker à prix cassé aujourd'hui par ceux-là même qui claironnaient hier qu'ils n'en avaient rien à f... de ces usines en plan ! Victor Müller, le directeur qui a baissé son prix, avale le casque avec les cornes plus le crâne à boire l'hydromel ! Youngman Automobile est capable de faire avec Saab ce que Geely a fait avec Volvo, ou d'y mêler Lotus Engineering qui est dans son groupe pour sortir un modèle canon destiné aux yuppies chinois. Du grand art.
Ils sont, sans le savoir peut-être, dans une démarche typiquement coloniale. Si tu ne sais pas exploiter ta rente, moi je sais faire, dégage ! Nous-mêmes l'avons fait partout dans l'empire, Israël le démontre en Palestine, à notre tour dans l'autre sens ? Du moins pourrait-on le croire.
Les communautés chinoises que nous côtoyons ici travaillent en continu à leur propre enrichissement. Arrivées pieds nus mais agrippées maintenant comme des moules au rocher, elles sont les points d'ancrage des managers continentaux qui vont venir gérer leurs investissements. Cette drogue du travail qui les porte, est bien pire pour nous autres, addictés aux RTT, que l'opium de l'empire des Indes le fut jadis pour eux. Ils vont nous battre à mains nues, enfin, avec seulement la résilience mentale et l'opiniâtreté du coolie des chemins de fer californiens ! Décidément, il est loin le siècle de Louis XIV !
PS : se tient actuellement au Louvre une exposition "Empereurs de Chine et rois de France" sous le titre de la Cité Interdite.
Note (1): on s'amusera à visiter le site du GNDPTA, section "titres chinois"
Note (2): le kowtow est un geste de soumission pratiqué à l'époque impériale devant Sa Majesté. Giscard d'Estaing et Raffarin venus quémander l'indulgence du pouvoir chinois en 2009 s'y sont prêtés sans le savoir. Zhongnanhai est la Cité interdite d'aujourd'hui, le centre du pouvoir chinois.
Note (3): la Roewe 550 chinoise a obtenu cinq étoiles au crashtest de type américain
Note (2): le kowtow est un geste de soumission pratiqué à l'époque impériale devant Sa Majesté. Giscard d'Estaing et Raffarin venus quémander l'indulgence du pouvoir chinois en 2009 s'y sont prêtés sans le savoir. Zhongnanhai est la Cité interdite d'aujourd'hui, le centre du pouvoir chinois.
Note (3): la Roewe 550 chinoise a obtenu cinq étoiles au crashtest de type américain