vendredi 28 avril 2006

In memoriam Haedens

Dans quelques trois mois, nous commémorerons le trentième anniversaire de la mort de Kléber Haedens (1913-1976). Il n'aurait aujourd'hui que 93 ans.

Il est sans doute venu le moment de relire cet auteur prolifique au style élégant et incisif qui franc-tireur de l'escouade des Hussards habillés de bleu, Nimier, Laurent, Blondin, Déon, la couvait de ses attentions de "grand-frère", fidèle jusqu'au bout, même dans les moments délicats.
A la mort de Louis-Ferdinand Destouches en juillet 1961, enterré sans discours au cimetière de Meudon, il n'y aura qu'un seul article, et dans le Paris-Presse du même jour ; une brève notice nécrologique de Kléber Haedens en forme d'épitaphe : " Ce Breton qui rêvait du grand large et était resté ligoté à la terre, le marin des traversées fantômes, perdu enfin de l'autre côté de la vie : depuis ce matin, la voix de Céline écrase les puissances liguées, cette voix formidable que l'on a voulu étouffer sous les cendres et qui va résonner jusqu'à la fin des temps. "

Kléber Haedens est né en décembre 1913 à Equeurdreville près de Cherbourg dans la famille d'un militaire de carrière. Papa était officier d'artillerie. Cela lui permet d'entrer en 1927 au prytanée de La Flèche en classe de quatrième. Elève atypique, il dédaigne les sciences et préfère nettement les lettres et le rugby, nous dit la mémoire de l'école. Il y apprend néanmoins la rigueur et gagne son côté physique. Mais il diverge vers une école de commerce (Bordeaux) et fort en chiffres, ... change à nouveau de direction en entrant au journal Les Ecoutes. La guerre survient, replié à Lyon, il écrit dans l'Action Française, Présent, l'Alerte, Idée, et Compagnons. Après la guerre, il monte à Paris et s'adonnera à la critique littéraire, le reportage et les lettres. Il fondera et dirigera lui-même Le Magasin du Spectacle, revue mensuelle de théâtre et cinéma. Avec toujours un amour profond du rugby et une révérence marquée pour William Webb Ellis, son prophète en Ovalie.

"J'ai le souvenir d'un Principal de collège français qui nous comparait à des veaux se roulant dans un pré. Le pauvre homme ! Il se croyait bien fin avec sa grosse tête, son pince-nez et ses lectures d'Anatole France.
Je me rends compte aujourd'hui que son intelligence n'était jamais sortie de ses vingt-deux mètres, et qu'il n'aurait jamais pu toucher la balle ailleurs qu'en ballon mort.
En fait, pour quelques-uns d'entre nous, enfermés entre les murs d'un lointain lycée de province, le rugby, que nous pratiquions tous les jours, aura été la protection la plus efficace contre l'incroyable ennui des études secondaires. Il était, pour nous, la fontaine où venaient se rafraîchir le corps et se décrasser l'esprit".
(extrait de Adios)

S'il fallait mettre une devise sous un portrait, je choisirais ...


... écrivain du Bon Plaisir


Sa production se partagera entre des récits, des chroniques pour le Nouveau Candide sur le rugby, le tennis, la littérature, les corridas, la course cycliste, les portraits d'auteurs, et des articles dans Paris-Presse, dans le Journal du Dimanche, la Revue du Théâtre. Il tirera à vue sur le nouveau roman jusqu'à s'étouffer et dire que "c'était une littérature ésotérico-philosophico-robbe-grilletesque", mélasse de style qui ne lui ressemble pas. Et bien sûr des romans, beaucoup chez Grasset, la plupart republiés en poche. Un choix ?

  • L'Ecole des parents (1937)

  • Magnolia Jules (1938)

  • Essai sur Gérard de Nerval (1939)

  • Une Jeune Serpente (1940)

  • Paradoxe sur le Roman (1941)

  • Une Histoire de la Littérature française (1943)

  • Salut au Kentucky (1947)

  • Adieu à la Rose (1955)

  • L'Air du Pays (1963)

  • L'Eté finit sous les tilleuls (1966), prix Interallié

  • Adios (1974), grand prix du roman de l’Académie française

  • Lettres de la petite ferme

  • Son Histoire de la littérature française est délicieusement subjective et court nerveusement depuis Villon jusqu'à Ionesco. Il y réhabilite les "vrais" génies et dégonfle les "couflantis". Erudition et passion. L'humeur allègre du sportif et le brillant de l'écrivain de droite. A mettre dans sa bibliothèque en compagnie de l'Histoire de France de Bainville.

    Mais on ne peut évoquer Kléber Haedens sans parler de son épouse Caroline Haedens dont les talents gastronomiques étaient réputés chez les grandes plumes, jusqu'à lui faire écrire un livre de recettes publié chez Gallimard sous le titre la Cuisine des quatre saisons. Ce livre ressortit à la Table Ronde, avec une double préface de Kléber Haedens et Henri Gault.

    Aujourd’hui, après un nouveau saut de trois décennies, le guide Haedens n’a pas pris une ride et cette bonne cuisine familiale devrait faire honte aux adeptes de la "nouvelle cuisine". Cassoulet, garbure, bouillabaisse, choucroute, mais aussi sauces, salades, potages, gibier et (surtout…) cocktails, sont au rendez-vous pour cette fête du palais, qui ravira tant les esprits cuisiniers que les âmes littéraires car, au détour d’une côte de porc, à l’ombre d’un bourguignon ou pieusement caché derrière un céleri rémoulade, on pioche une citation de Charles Maurras, un conseil de Léon Daudet, une remarque de Pierre Benoît, un souvenir de Molière… Et Kléber de rappeler : "On ne la voyait jamais faire la cuisine, comme on ne voyait jamais Paul Morand écrire".

    Kléber Haedens est mort en août 1976 à Aureville, près de Toulouse.

    Il est à redécouvrir cette année.

    Une bio très maniable et digeste est parue chez Grasset en 1996 pour les 20 ans de sa disparition: Salut à Kléber Haedens par Etienne de Montety.

    mercredi 19 avril 2006

    Spécificités capétiennes

    Un étudiant curieux de tout demandait sur un forum royaliste : "La royauté française est toujours considérée différente des autres royautés de par son essence.... J'aimerais connaître les éléments qui justifient cette considération. Merci."

    Ne voulant le laisser dans l'embarras je me suis aventuré à lui répondre, en trois volets comme d'habitude en France. La question est maintenant : Existe-t'il un quatrième caractère unique de cette monarchie différente ? Appel donc aux lecteurs de ce blogue.

    sacré Clovis

    La monarchie capétienne a trois caractères uniques :

    * Elle est d'essence divine par l'onction du sacre
    ** Sa dévolution dynastique est régie par des lois automatiques
    *** Elle n'est la vassale d'aucun empire passé ou futur



    * La monarchie capétienne est d'essence divine par l'onction du sacre de Reims, pratiquée sous l'influence d'un rite hébraïque divinisant les rois d'Israël. Le sacre en lui-même conférait au roi, outre les attributs de la chevalerie suprême, la protection divine qu'il remboursera en protégeant la maison terrestre de Dieu, l'Eglise catholique. D'autres dynasties ont été sacrées ou bénies dans le même but de protection contre les vents mauvais de l'histoire ou les ambitions domestiques.
    Mais l'onction ajoute quelque chose d'unique :
    - d'abord elle fait le lien avec le premier roi catholique Clovis Ier qui fut oint par l'évêque saint Rémi à Reims par la grâce d'un miracle, celui de la sainte ampoule apportée dans la nef du sacre par la colombe du saint Esprit.
    - ensuite elle crée le corps mystique du roi qui participe de l'éternité.
    Le roi devient bien plus que le lieutenant du Christ sur terre, il revêt aussi des pouvoirs thaumaturgiques qu'il s'empressera d'exercer à chaque grande occasion. C'est le toucher des écrouelles.
    La papauté refusera toujours l'onction du saint-Chrême aux autres monarques européens.

    Paradoxalement l'onction du sacre libéra la monarchie française de toute sujétion vis à vis du vicaire du Christ sur terre (le pape) puisque la relation était établie directement avec l'étage supérieur, un peu comme il en va de l'empereur de Chine, interlocuteur privilégié des puissances célestes.

    Deux conséquences historiques :
    - le royaume ne pouvait d'aucune manière basculer dans la Réforme à peine de s'y dissoudre. La rupture avec l'Eglise catholique aurait représenté, outre le parjure, l'abandon de la relation céleste privilégiée. Ce caractère divin de la monarchie capétienne est peut-être un des freins les plus forts à sa présente restauration.
    - deuxième conséquence, les poussés d'urticaire chronique du gallicanisme.


    ** La monarchie capétienne est régie par des lois de dévolution dynastique automatique, ce qui enlève (normalement) aux hommes toute ingérence dans le cycle répété des règnes. Ce sont les fameuses lois fondamentales qui sont un corpus juridique construit au cours des siècles et non pas un socle mythique (de la légende arthurienne). Ces lois ont été décortiquées dans une note précédente sur ce blogue et actualisée dans une autre.

    Pour les "mérovingiens" du lectorat rappelons-les brièvement. Elles sont (d'après nous) au nombre de 7, comme les piliers de la sagesse :

  • Loi de dévolution ou de successibilité automatique excluant les "arrangements" ; c'est une spécificité capétienne ;

  • Loi salique de primogéniture mâle du successeur qui exclut les filles de la succession, même à faire "planche et pont" à un fils ;

  • Loi d'indisponibilité de la couronne, le roi est incapable de disposer de la couronne au bénéfice de quiconque ;

  • Loi de catholicité de la maison royale ;

  • Loi de légitimité excluant l'héritage par le sang en dehors des mariages légitimes ; les Bourbon-Busset, aînés des Bourbon par le sang ne sont pas dynastes ;
  • Loi de nationalité, un roi français sur des terres françaises ;

  • Loi de souveraineté intégrale, c'est une autre spécificité capétienne que nous évoquerons dans le troisième caractère.


  • C'est le faisceau soudé des trois premières lois ci-dessus qui est unique en son genre. Bien des pays ont cherché à juridiser son équivalent afin d'en terminer avec les disputes successorales, sans vraiment y parvenir, les circonstances du moment l'emportant le plus souvent. C'est donc une force du modèle capétien d'avoir résisté aux ambitions de tous ordres par ce dispositif cohérent et puissant. Il continue néanmoins à générer des oppositions assez vives dès qu'il brime les ambitions toujours légitimes de l'une ou l'autre maison qui se sent appelée à poursuivre le rêve capétien.

    Nous rappellerons que cette automaticité induisant la prévisibilité, apporte la professionnalisation de la fonction : le dauphin ou l'héritier présomptif, est formé très tôt au métier de roi sans arrière-pensées. En application de quoi, les désordres dynastiques actuels seraient préjudiciables à la formation du souverain futur.

    Charles 2 le chauve*** La monarchie capétienne n'est la vassale d'aucun empire. Le roi de France est empereur en son royaume. Il n'a aucun répondant autre que Dieu lui-même. Deuxième distance établie avec le Vatican, comme avec toute fédération européenne. Ceci date du partage de l'empire carolingien par les serments de Strasbourg entre Charles II le Chauve et Louis le Germanique en 842. Toutes les terres de la rive gauche du Rhin passaient sous la domination des Français, pour autant qu'ils les conquièrent. Les serments de Strasbourg furent le symptôme d'une fracture géopolitique de l'Europe du IXe siècle. Ils signalèrent la constitution de deux blocs: le Regnum, futur royaume de France, et l'Imperium, futur Saint Empire romain germanique qui se présentera comme l'héritier du vieil empire romain de l'antiquité.

    L'indépendance française de tout empire renaissant sur les cendres de Charlemagne était affirmée. La transcendance apportée par l'onction du sacre en faisait autant vis à vis du pontife romain. Le même Charles le Chauve le fit savoir sans détours au pape Adrien II qui l'admonestait vertement dans une lettre, en lui déclarant « que les rois de France ne s'aviliraient jamais jusqu'à se regarder comme les lieutenants des papes, et qu'il eût, à l'avenir, à se départir de lettres de telle substance. »
    Ainsi la monarchie française n'avait à répondre de rien à personne ... sauf à son peuple. Et c'est finalement ce rendez-vous qui fut manqué à la fin du XVIIIè siècle.

    Sourire de l'histoire, Charles II finira empereur d'Occident, couronné par le pape Jean VIII, et battu à Andernach par les fils de Louis le Germanique qu'il avait dépouillés (876).


    Il y a eu deux autres monarchies françaises, d'un modèle différent du modèle capétien : L'empire napoléonien et la monarchie libérale dite de juillet. Aucune des deux ne se réclame des caractères ci-dessus.
    Childéric III le saintOn restera moins affirmatif sur la monarchie mérovingienne qui aurait, malgré le coup d'état de Pépin le Bref, drageonné jusqu'à nous à ce que prétendent certains généalogistes distingués.
    Les mânes de Childéric III, seront-elles celles de la renaissance d'une monarchie régnante qui ne gouvernerait pas ?

    mardi 11 avril 2006

    Un dernier drapeau blanc

    drapeau blanc canadien
    On n'imagine pas le tumulte qui présida au choix d'un drapeau pour les Canadiens français. Dès 1858 "Le drapeau de Carillon, légende canadienne" d'Octave Crémazie est évoqué pour marquer le coup contre l'Union Jack. Fort Carillon était une belle victoire française. On y ajouta même un magnifique "sacré-coeur" (voir ci-dessous). Les projets fleuriront depuis le drapeau blanc ci-dessus au lis d'argent que l'on trouva finalement trop chargé. Chambord aurait été déçu. Pendant quatrevingt-dix ans, on ira des lis blancs, symbole de la pureté mariale, aux feuilles d'érable plus couleur locale, pour finir en 1948 par le Fleurdelisé du Québec qui "flotte" au bas de cet article.

    Carillon au Sacré coeur
    Petit hommage à ceux qui se "souviennent" encore.

    Le dernier drapeau blanc
    de Louis-Honoré FRÉCHETTE
    (paru en 1887 dans la Légende d'un peuple)


    Combien ai-je de fois, le front mélancolique,
    Baisé pieusement ta touchante relique,
    Ô Montcalm ! ce drapeau témoin de tant d'efforts,
    Ce drapeau glorieux que chanta Crémazie !,
    Drapeau qui n'a jamais connu d'apostasie,
    Et que la France, un jour, oublia sur nos bords !

    Devant ces plis sacrés troués par les tempêtes
    Qui tant de fois jadis ont tonné sur nos têtes,
    Combien de fois, Montcalm, en rêvant du passé,
    N'ai-je pas évoqué ta sereine figure,
    Grande et majestueuse ainsi que l'envergure
    De l'aigle qu'un éclat de foudre a terrassé !

    Je revoyais alors cette époque tragique,
    Où, malgré ton courage et la force énergique
    D'un peuple dont on sait l'héroïsme viril,
    Se déroula la sombre et cruelle épopée
    Qui devait d'un seul coup, en brisant ton épée,
    Te donner le martyre et nous coûter l'exil.

    Je sentais frissonner cette page émouvante
    Où l'on vit, l'arme au bras, calme, sans épouvante,
    Par de vils brocanteurs vendu comme un troupeau,
    Raillé des courtisans, trahi par des infâmes,
    Un peuple tout entier, vieillards, enfants et femmes,
    Lutter à qui mourra pour l'honneur du drapeau !

    Qu'ils furent longs, ces jours de deuil et de souffrance !...
    Nous t'avons pardonné ton abandon, ô France !
    Mais s'il nous vient encor parfois quelques rancoeurs.
    C'est que, vois-tu, toujours, blessure héréditaire,
    Tant que le sang gaulois battra dans notre artère,
    Ces vieux souvenirs-là saigneront dans nos coeurs !

    C'est que, toujours, vois-tu, quand on songe à ces choses,
    A ces jours où, martyrs de tant de saintes causes,
    Nos pères, secouant ce sublime haillon,
    Si dénués de tout qu'on a peine à le croire,
    Pour sauver leur patrie et défendre ta gloire,
    Allaient, un contre cinq, illustrer Carillon ;

    Quand on songe à ces temps de fièvres haletantes,
    Où, toujours rebutés dans leurs vaines attentes,
    Nos généraux, devant cet insolent dédain,
    Etaient forcés, après vingt victoires stériles,
    De marcher à l'assaut et de prendre des villes
    Pour donner de la poudre à nos soldats sans pain ;

    Oui, France, quand on rêve à tout ce sombre drame,
    On ne peut s'empêcher d'en suivre un peu la trame,
    Et de voir, à Versailles, un Bien-Aimé, dit-on,
    Tandis que nos héros au loin criaient famine,
    Sous les yeux d'une cour que le vice effémine,
    Couvrir de diamants des Phrynés de haut ton !

    Ô drapeau ! vieille épave échappée au naufrage !
    Toi qui vis cette gloire et qui vis cet outrage,
    Symbole d'héroïsme et témoin accablant,
    Dans tes plis qui flottaient en ces grands jours d'alarmes,
    Au sang de nos aïeux nous mêlerons nos larmes...
    Mais reste pour jamais le dernier drapeau blanc !


    Et Louis-Honoré Fréchette militera vers 1905 pour que le drapeau du Canada français reprenne ...... les trois couleurs bleu-blanc-rouge de la République française avec la feuille d'érable en son centre, ornées de la devise "Je me souviens". Que ne mangerait un grand libéral malgré un si beau poème !
    Finalement les quatre lis blancs dressés l'emporteront sur le fond bleu de la bannière de Montcalm, et le 21 janvier 1948 à 15 heures ce drapeau "fleurdelisé" que nous connaissons, claquera au plus haut mât du Parlement de Québec. Du blanc de France ne restera que la croix.

    Fleurdelisé actuel

    Ceux qui veulent poursuivre se régaleront du gros dossier mis en ligne par l'Impératif Français

     



    vendredi 7 avril 2006

    Livre Blanc sur la France (1)

    lettre ouverte à Mgr le Comte de Paris - première partie
    (compliments et formules de la lettre originale sont retirés du présent post pour l'alléger)

    Monseigneur,

    Quelques réponses à votre lettre circulaire du 30 janvier 2006.
    Politique d'abord, nous sommes comblés.

    1. Sentiment sur la situation de notre pays ?

    Déclin moral et de puissance. Les choix à contretemps, l'exaltation de vieilles lunes dont nous sommes devenus les ultimes gardiens, ont coupé l'élan du pays au moment où explosait la mondialisation. Stoppé sur place, il regarde passer de plus jeunes nations qui se battent avec un plus gros coeur. Délaissé par la Fortune, il n'en a pas moins maintenu ses ambitions à l'intérieur, état-providence à guichets ouverts, comme à l'extérieur, membre permanent et interventionniste du Conseil de Sécurité de l'ONU, alors qu'il n'est plus longtemps capable d'assumer ses choix sociaux et sa vocation universelle.
    Les impossibilités mathématiques de la continuation d'un modèle social désuet viennent de sauter à la figure de la Nation. La Nation est en faillite, elle le sait. Elle panique. Elle en veut à sa classe politique qui s'est bousculée sur les estrades en lui cachant jusqu'à la fin de l'an dernier la vérité de la Dette.
    Alors chacun prend des gages quel qu'en soit le prix. On dépèce, chacun pour soi, le tissu national se déchire, la confrontation ethnique menace, le racisme relève la tête.
    Finalement la moitié du pays, celle qui n'est pas fermement enrôlée au foncier ou à l'ISF, a peur.
    Le peuple est-il sur le point de réclamer "du sérieux enfin!" ?

    Simultanément, l'émergence de grandes puissances économiques rapetisse en proportion la place occupée par la France sur la planète. Si le peuple sagement s'en accommode, une classe politique orgueilleuse refuse l'amoindrissement de son influence qu'elle confond avec les valeurs universelles de la démocratie. Au lieu de courir à la qualité et à l'exemplarité qui elles, restent à notre portée, les pouvoirs cherchent à préserver des positions avancées intenables dans des domaines où nous n'obtiendrons que des déboires comme cette propension à servir de gendarmerie mobile coloniale, ou la recherche d'une puissance navale sans dessein d'emploi. Notre inconfort dans les péripéties de cette vocation grandiose nous pousse à faire des remontrances morales mais gratuites à nos alliés, à accepter de lâches accommodements avec nos adversaires. Nous usons notre honneur et ce qui pouvait rester de considération reconstruite patiemment après l'abominable désastre de juin 40. Le peuple est-il sur le point de réclamer "l'intégrité morale d'abord!" ?

    Dans ce désordre, je ne situe pas la porte de sortie de crise, sauf malheur national.

    2. Principaux problèmes, obstacles, solutions ?

    Trois parmi tant. Il fallait choisir.

    (a) Le pouvoir politique n'a pas de pouvoir.
    En dehors du fait que la moitié des lois et règlements de ce pays proviennent d'une manière ou l'autre de Bruxelles, pour le reste l'exécutif gère les affaires courantes et ne peut inverser les tendances socio-économiques périlleuses car il est confronté périodiquement aux conservatismes et archaïsmes les plus puissants. La soviétisation de la société a produit un secteur public démesuré qui s'est retranché dans ses privilèges et s'avère inexpugnable. A chaque crise, il a vocation à métastaser : On ne sait régler les problèmes qu'en redistribuant des crédits publics et des postes publics. Ce secteur réservé agrège autour de lui tout ce que la société compte de munichois.

    (b) Les élites se délocalisent.
    Le cocooning national a châtré les énergies, même si de preux chevaliers chargent encore ! Le pays s'avère incapable de sursaut face aux défis de la globalisation. Il geint et attend de l'Etat impécunieux qu'il lui serve son bouillon qu'il ne sait plus gagner. Les meilleurs quittent le pays. Beaucoup ne reviendront que pour passer leur retraite dans la plus belle réserve d'indiens du monde. La France pour cent ans au moins, en attendant que la décadence atteigne les empires émergents, ne survivra que par les neurones, l'innovation. Elle naîtra donc ailleurs.

    (c) L'Etat étouffe la Nation.
    Un pays de 60 millions d'habitants n'a nul besoin d'une "administration" pléthorique à la mesure d'un empire colonial où le soleil ne se couche jamais. Cet Etat prélève la moitié de la richesse produite par le pays, ce qui ne suffit quand même pas à couvrir ses redistributions et son train de vie, puisqu'il exécute ses exercices dans le déficit. Il s'agit pour la nation française de courir le 110m-haies international en compétition, mais chaussée de godillots en 48 alors que son pied ne fait plus que du 42. L'épure doit être redessinée, en tenant compte surtout des résurgences régionales qui doivent être proportionnées aux territoires administrés. Inutile de disperser la thrombose de l'état central. C'est à cet égard, d'une nouvelle monarchie, compacte et puissante, dont nous avons besoin, pas d'une Sixième République, parlementaire de surcroît !


    3. Points forts.

    Cinq secteurs économiques sont encore à l'échelle des défis mondiaux :
    - la bancassurance
    - le nucléaire
    - l'aéronautique
    - le ferroviaire
    - le luxe

    Gardons-nous de les précariser par des attentions étatiques, à l'expérience, néfastes. Que l'Etat les oublie, c'est le meilleur encouragement à poursuivre.

    D'autres secteurs sont au niveau, mais portés par un système de subventions dont la pérennisation est fragilisée par la Dette.
    - agro-alimentaire, la pénurie de moyens budgétaires européens fragilisera le pole agro-alimentaire s'il ne trouve pas en lui-même les ressorts de son développement. Les biocarburants sont-ils une des réponses ?
    - cinéma, une industrie internationale à part entière qui peut être victime de la contraction des procédures d'aide à la création.
    - navale, une vieille tradition qui résiste. L'Europe devrait cesser d'exacerber la concurrence interne, aucun autre pays du monde doté d'une industrie navale ne joue le jeu.

    Un dernier secteur majeur est carrément internationalisé : l'automobile. Il échappe de ce fait aux attentions de l'Etat mais pas aux jalousies.

    4. Points faibles

    - d'abord le désarroi moral.
    - recherche et développement (surtout le second)
    - instruction publique (les comparatifs nous sont chaque fois défavorables) et universités. Nos diplômes ne priment nulle part ailleurs.
    - industrie de produits manufacturés (c'est la pire des saignées dans le corps économique), un pays vaste et divers comme la France ne peut pas vivre que des services aussi sophistiqués soient-ils.
    - justice (sans argent, pas de bons juges). Le tempérament revendicatif et querelleur du Français exige une justice qui marche. A défaut de quoi le civisme qui n'est pas son premier caractère, disparaîtra.
    - dévalorisation du travail. Dans les pays qui gagnent, le travail est vécu à la fois comme une rédemption et comme un enrichissement. En France c'est devenu un mal nécessaire dont on doit se prémunir par toutes sortes de règles. Outre le fait que nous soyons la risée de nos voisins, ce blocage mental interdit tout sursaut d'ampleur de la Nation. Sommes-nous condamnés à ne devenir que la première destination romantique du monde ?


    5. Sur les autres sujets que vous nous suggérez, je laisse la place aux nombreux experts, et reviendrais sur deux sujets qui je sais, vous intéressent plus, parce qu'ils conditionnent l'avenir. Dit autrement, ils participent de la vie et de la mort de l'espèce humaine : Ecologie et prolifération nucléaire.

    Curieusement, la France a du crédit et du pouvoir dans ces deux domaines.
    ......
    (à suivre)

    Livre Blanc sur la France (2)

    lettre ouverte à Mgr le Comte de Paris - deuxième partie

    I.- Défi écologique


    Le réchauffement climatique est moins "climatique" qu'on ne le dit et plus "humain" qu'on ne l'avoue. Deux projections en disent plus long que cent pages de thèses :
    Des projections sans doute hardies nous préviennent qu'à vouloir atteindre le niveau économique occidental, les deux empires milliardaires d'Asie exigeront une seconde planète Terre accessible pour en extraire l'énergie nécessaire.

    Des bureaux d'études très officiels qui ne vivent pas de leurs alarmes, ont quand même déclenché les sirènes d'alerte. Le Natural Resources Defense Council estime que la demande d'électricité chinoise aux alentours de 2050 exigera 2600 gigawatts de plus à ce moment-là. Bonne nouvelle pour l'industrie électrothermique, il s'agira dès lors de construire à partir de maintenant quatre centrales de 300 mégawatts par semaine pour y répondre.
    L'Inde a doublé sa consommation électrique en vingt ans et son développement exponentiel accroîtra ses émissions de gaz à effet de serre de 70 % d'ici vingt ans.
    Le protocole de Kyoto est déjà enfoncé. Le ciel va virer au gris, la banquise disparaître, le Gulf Stream couler au fond de l'océan, la mer noyer la plage, etc.

    Je crois bien que les Etats pachydermiques sont déjà dépassés par l'ampleur du problème qui s'aggrave inexorablement chaque jour. Le jeu de rôles de Kyoto est une abomination. C'est au niveau de l'espèce humaine que l'on doit agir. On doit convaincre des milliards d'hommes que leur espèce est en grave danger car seul un comportement d'homo sapiens le plus largement distribué, est capable d'enrayer le péril. En attendant il ne s'agit que de compter sur la multiplication des initiatives locales entre les mains de décideurs courageux qui n'attendent plus rien du "sénat de Rome".

    Quelques exemples fournis par un dossier de Time Magazine, qui valorisent l'intelligence et la pugnacité individuelles contre la bureaucratie.

    - Chine : Le professeur Li Zheng de l'université Tsinghua de Pékin - elle est du niveau du MIT - a monté une joint-venture avec BP pour développer la polygénération du gaz de houille afin que la consommation inévitable des réserves immenses de charbon chinois n'obscurcisse pas le Ciel de l'empire.
    - Inde : La directrice de l'India's Center for Science & Environnement, alliée à un haut-fonctionnaire particulièrement hargneux, a mené une vie d'enfer aux autorités municipales de New Delhi pour qu'elles réduisent leur pollution automobile par combustion du gasoil. Ils sont arrivés à faire reconvertir 12000 autobus au gaz naturel ; mais également 10000 taxis et 80000 rickshaws, et cela en quatre ans ! Ils s’attaquent maintenant au parc privé.
    - Seattle : Le maire Greg Nickels, impatient d'attendre une décision intelligente de l'Administration Bush, a décidé de mettre en pratique chez lui le protocole de Kyoto. C'est bien ! Mais il a lancé le bouchon de ce défi majeur chez ses collègues. 218 maires dans 39 états ont décidé d'appliquer aussi ce protocole en investissant dans les transports propres et les énergies renouvelables. Cela fait déjà 44 millions d'habitants.
    - Austin : La capitale du Texas a pu annuler la construction d'une centrale thermique au charbon de 500 mégawatts grâce à un programme complexe d'isolation, énergie solaire, rénovation de bâtiments publics comme les écoles, mais aussi en incitant les entreprises et les particuliers à suivre la municipalité. Finalement ça marche, dans un pays patriote.

    La prise de conscience existe donc dans le pays que l'on décrivait comme le plus hostile. Il faut que ces initiatives progressent en tâche d'huile sur tout le globe. Les Français sont un peuple inventif, ils doivent foncer en tête et retrouver eux-aussi leur patriotisme. De l'Etat, incapable d'avancer dans aucun domaine, je n'attends malheureusement rien de plus que de la "communication". Je regrette bien cette conviction du peu d'utilité des Etats dans ce domaine alors que le livre blanc cherche à remodeler un état capable.
    Mais tout cela restera encore insuffisant.

    Si l'espèce humaine atteint dans trente ans les huit milliards qu'on lui prédit, on peut raisonnablement penser qu'elle ne verra pas le XXIIè siècle, à moins d'un programme universel d'entropie volontaire visant à atteindre des conditions moyennes de survie pour tous, en élevant celles des déshérités et en abaissant les nôtres. Cela ne pourra sans doute être déclenché que par un grand malheur préalable et une montagne de victimes. Encore faudra-t'il avoir convaincu une grande multitude d'esprits que la seule voie praticable est celle de l'entropie universelle. Rien de glorieux à attendre pour les politiciens. Les Etats seuls n'y parviendront pas. Il s'en trouvera même pour forcer les lemmings à sauter de la falaise à la mer afin de pérenniser sinon d'accroître leur espace vital.


    I.- Défi nucléaire


    La prolifération nucléaire risque bien de résoudre le problème précédent en application du dicton " tout finit toujours par s'arranger, même mal !" Ainsi mettra t-on un terme à l'acharnement thérapeutique que montre les responsables des pays et autres organisations transnationales dans leur incurie écologique, par l'embrasement général de la planète ! Devrons-nous vitrifier des nations pour nous en prémunir ?

    Les intentions de la Corée du Nord sont obscures, même si son dictateur n'est pas suicidaire. Le monde veut faire confiance à la Chine qui saura, peut-être, décider d'une solution finale si elle est menacée. Mais personne ne sait ce qu'il adviendra, si la Corée septentrionale ne menace que le Japon. On peut croire que le haut niveau technique nippon l'autorise à produire des armes nucléaires à courte échéance si la menace se précisait. Le Japon fait-il confiance aux Américains qui ont déjà lâché Taiwan ? Est-ce une vraie question ? Le Japon peut-il le proclamer ?

    Ailleurs, les tergiversations européennes et chinoises vis à vis des intentions à peine voilées de l'Iran sont coupables à l'égard des peuples de l'hémisphère atlantique. Les déclarations de souveraineté intouchable que font les dirigeants iraniens participent d'une revendication légitime et sont à prendre au sérieux. Par contre les assurances lénifiantes d'un développement pacifique d'une industrie nucléaire nationale sont contredites par la continuation des activités d'enrichissement du minerai d'une part, et le développement du programme de missiles balistiques à longue portée Shahab, de l'autre. Les Iraniens n'ont jusqu'ici convaincu strictement personne, encore moins à l'intérieur de leur propre pays qui chante déjà les louanges du douzième imam revenu en brandissant au dessus de sa tête le feu nucléaire. Les voisins de la République islamique tremblent déjà, et pourraient bien reconsidérer leur "ouverture occidentale" afin de se prémunir d'une terrible punition. Ou plus simplement émigrer vers les propriétés foncières qu'ils ont acheté loin du Golfe définitivement persique.

    La prolifération nucléaire est le nouveau défi, plus terrible que le précédent, parce que plus proche encore. Terrible, dès lors que des états en capacité de se servir de l'arme nucléaire en dépassant une simple dissuasion, y ont accès. Staline était un tyran raisonnable. On peut considérer qu'Israël échappera au complexe de Massada, le jour venu. Pakistan et Inde ont créé un équilibre de la terreur dans leur sous-région ; ils en resteront sans doute là. Mais les propos fanatiques du président Ahmadinejad, un illuminé nullement démenti par le "conseil suprême" de Khamenei, ouvrent la porte à la terreur atomique à l'endroit de pays non détenteurs, dans un mouvement de conquête mystique. Ce qui est nouveau.
    Les scenarii les moins scabreux sont déjà pires que tout ce qu'on imaginait jusqu'ici. L'espèce humaine saura-t'elle assez rapidement se rejoindre sur l'abolition totale de cette arme ? Sans doute pas avant un grave accident !


    Dans les deux cas, écologie et prolifération, la France est dans son domaine de prédilection, la technologie nucléaire.
    Electricité propre, traitement des scories, régénération, surgénération, enrichissement civil, etc. "c'est notre truc !"
    Ils sont peu nombreux les pays qui disposent de la panoplie scientifique et industrielle complète.
    Ne gâchons pas par des emballements irréfléchis ce qui reste peut-être notre dernier atout pour nous maintenir au premier rang des nations qu'on écoute.


    Et le roi dans tout ça ?
    Ce sont des sujets graves, plus graves que les pensions de retraite ou la cohésion sociale.
    Les Français méritent qu'on leur en parle sans idée de manoeuvre politicienne et en détail. Il serait tout à fait opportun qu'un roi prenne rendez-vous une fois par semestre directement avec la nation, à travers une causerie télévisée au coin du feu, pour donner les nouvelles mauvaises du monde et nous encourager à agir ou à nous abstenir, c'est selon, afin de contribuer au sauvetage de la planète. Il faut une grande autorité morale pour convaincre un peuple qui vit à court terme. S'il s'abandonne de temps en temps entre les mains du souverain, il saura la vérité.
    Le procédé pourrait être imité par toute l'Europe, du moins là où les peuples ont mis leur confiance dans une monarchie. Mais il est à parier que l'exemple serait imité bien au-delà, jusque chez les réfractaires, jusqu'à voir peut-être même l'éphémère président de la distinguée Confédération helvétique, succomber à cette médiatisation indispensable pour sa fière nation.

    Nous sommes un peu loin des lois fondamentales du royaume ...

    lundi 3 avril 2006

    Réflexions pastorales

    C'est en regardant un jour de petite bise les moutons se grouper pour brouter sans courant d'air sur le Causse, surveillés de loin par deux chiens bergers jaunes qui ne les lâchaient pas des yeux, que l'absurdité de la souveraineté populaire m'est apparue.le meilleur berger
    Les chiens très adroits les déplacent comme ils le souhaitent, ou comme le berger le leur ordonne. Ils tournent autour du troupeau compact et le font glisser dans la direction souhaitée. Si les moutons de la périphérie sont à l'évidence ceux qui ressentent la pression extérieure, ceux du centre ne bougent qu'au branle général et n'appréhendent rien. On comprend dès lors que des troupeaux puissent être précipités dans le vide par des prédateurs qui utiliseraient la mise en mouvement qu'ils ont observé des chiens. Finalement le cercle externe est le cercle d'impulsion. Le centre et la zone intermédiaire ne bouge que pour conserver ses positions relatives. Ce cercle externe - on pourrait dire "extrême" - est le cercle moteur.

    en mêléeLes hommes sont bien différents des moutons. Déjà ce sont eux qui les gardent et pas l'inverse, encore que l'on qualifie aussi les hommes de moutons. On voit bien que la société est mise en mouvement par sa périphérie, parfois par ses extrêmes. Ce ne doit pas être une grande découverte, les agitateurs de tous bords connaissent cela depuis toujours. Il est des écoles et même des stages pour apprendre cette cinématique révolutionnaire. Et pas que du bord trotskyste. Ainsi une infime minorité de cas "marginaux" oblige-t'elle l'ensemble de la société à bouger, sinon déjà à se poser des questions qu'elle croit fondamentales. Deux exemples :

    L'adoption d'enfants par les couples incapables d'en produire de leur propre choix ! Définie ainsi, mais pourquoi devrait-on la définir autrement, il semblerait que la société ne doive être convoquée à légiférer dans une question très particulière du confort psychologique de quelques-uns, frustrées par leur propre nature. L'Etat doit-il s'occuper de ça aussi ? Dès lors que la loi est contingente en dessous d'un certain impact sociétal, c'est une loi de niche, et elle a tous les défauts du genre. Elle est faible car elle ne peut résoudre chaque cas particulier dès lors que la dispersion des situations est plus grande quand la population impliquée est moins nombreuse, elle exacerbe la revendication d'autres cas sociaux ultraminoritaires, loi de circonstance souvent électoraliste - non pour les intéressés mais pour les intéressants -, elle est susceptible d'être rapportée dès que le vent tourne par voie d'amendement parlementaire nocturne.
    Mais comme on le constate aujourd'hui, une petite fraction d'agitateurs très au fait des leviers médiatiques, arrive à faire largement débattre d'une pareille "inutilité". Et si leurs amis reçoivent un jour le pouvoir, ils leur offriront cette petite satisfaction.

    Le second exemple est la précarité professionnelle des jeunes et de bientôt tout le monde. Sans refaire le procès du CPE qui n'était qu'une fusée éclairante à destination des PME pour leur faire embaucher sans contraintes ni frais de Prud'hommes, des jeunes qui voudraient bien travailler sans glissières de sécurité coûteuses, on se rend compte qu'une petite minorité absolument pas impliquée par ces mesures - à 26 ans les étudiants étudient encore dans notre France si savante -, une petite minorité donc, travaillée par une idéologie révolutionnaire du désordre le plus large afin d'abattre le responsable de tous les malheurs de l'humanité, l'Etat, a réussi le tour de force d'ameuter suffisamment de forces officielles (syndicats, partis, administration) pour obtenir que soixante pour cent de l'Opinion demandent une mesure de retrait d'un texte qu'elle n'a pas lu. Trois chiens font tourner cent moutons autour d'une masse de deux mille et le troupeau se déplace. L'inertie de la vitesse acquise ne l'arrêtera pas. Par contre un bruit d'explosion n'importe où dispersera le troupeau en un instant. Que l'on en n'arrive pas là.

    Dans les deux cas, la légitimité de la revendication est recherchée par la conviction la plus large du peuple qui est réputé souverain dans le dogme. On convoque la justice de l'égalité des sexes procréants et stériles ici, la justice de l'égalité des chances là, bien qu'elle n'existe du tout naturellement ni dans un cas ni dans l'autre. Pour que cette justice soit légitimée, on doit "compter" les soutiens parce que dans notre République, la sagesse et la bonne gouvernance sont arithmétiques. Si l'on n'atteint pas un chiffre, la meilleure des causes fait flop ! Par contre si on aboutit à faire émerger sur la scène politique un pourcentage significatif même encore minoritaire de soutiens, alors l'affaire s'inscrit sur l'agenda de la vie politique. Dans une République comme la nôtre avec des socles de lancement présidentiel bien inférieurs à vingt pour cent, cinq pour cent de soutien fait presque le tiers d'un socle, donc action !

    L'ardente obligation de la souveraineté populaire corrompt tout, sa propre représentation en premier lieu.
    Comme l'expression de la souveraineté populaire n'est pas gérable par la démocratie directe au-delà d'une circonscription d'intérêts réduite comme la commune ou le terroir, on passe donc par le truchement de la démocratie représentative. Et l'on obtient un parlement. Si ce parlement est destiné aux débats d'idées, à la transmission de doléances, à la proposition de lois, à la transmission d'un ressenti à l'exécutif, à connaître les axes stratégiques suivis par le pouvoir, il doit refléter la nation dans son entièreté. Une représentation proportionnelle s'impose alors. Toutes les opinions, un peu plus largement partagées qu'individuelles, sont assurées de pouvoir s'exprimer.

    Si ce parlement est souverain, or la démocratie, la vraie, exigerait que cela soit le cas, ce parlement doit dégager une ligne politique claire pour confier l'exécution de son programme à une équipe exécutive. D'expérience en Gaule françoise, cette majorité d'idées n'existe pas. Deux solutions :

    - soit on gouverne par coalition d'idées (programmes) et cela exige que les vertus républicaines priment à tout moment sur les intérêts partisans. C'était l'intention de la IVè République au sortir de la Libération, qui ne sût prioriser ces vertus et s'est abandonnée dans les mains de la Haute Administration pour que le pays se reconstruise, pendant que la Chambre déconstruisait courageusement le régime, du même modèle que celui qui avait conduit au désastre de juin 40 ;

    - soit on bâtit un scrutin artificiel qui va produire une majorité. On installe un crible entre l'électeur et les sièges à pourvoir, de façon à renforcer des majorités relatives. Les calculs de sièges et de voix faits sur une sectorisation artificielle des compensations et confinements, sont compliqués et toujours à somme nulle, la Chambre des députés n'offrant que 577 sièges. Le complexe du compartiment gagne vite toutes les formations ayant franchi les obstacles du steeple-chase législatif et accédé enfin aux bancs de l'Assemblée ; elles ont tendance à s'y claquemurer par tous moyens rendant plus difficile l'accès des "aliens". C'est la Vè République. Cette démocratie représentative tirée par les cheveux de la souveraineté parlementaire à majorité obligatoire, aboutit à déformer l'image de l'Opinion à un point tel que le pays légal est pris à contre-pied du pays réel. Présidentielles de 2002, référendum constitutionnel de 2005, loi d'égalité des chances de 2006, etc. En outre les filtres de tous ordres laissent hors de l'hémicycle une bonne moitié de l'Opinion. Le parlement est discrédité. Le peuple passe donc par la rue.

    Et l'on revient à nos moutons. La rue ne connaît aucun mode légal d'utilisation comme en connaissent les hémicycles démocratiques. Si nos trois chiens s'avèrent être trois loups, le pays court à la falaise dans un mouvement parfaitement préparé, simple et comme la guerre, tout d'exécution. Les agitateurs agrègent un premier cercle extérieur en choisissant les plus réceptifs, c'est-à-dire les plus faciles à convaincre, le cercle est lancé à une vitesse telle qu'il va médiatiquement communiquer son mouvement aux cercles voisins, ce qui progressivement mettra le centre en branle. Il suffit de pousser à "couple constant" sans relâcher l'effort, c'est garanti.
    à l'affut
    Si par contre la souveraineté est remise entre les mains d'un souverain, à condition bien sûr que celui-ci soit attentif au bonheur de son peuple et qu'il ait les capacités de l'entendre, le Parlement reste dans sa fonction éminente de représentation du pays réel : quand il parle, il ne ment pas. Ce parlement sera élu naturellement au scrutin proportionnel intégral. Il ne s'agira que de l'écouter attentivement pour entendre battre les coeurs du pays. Pays légal et pays réel coïncideront.

    C'est au souverain en ses conseils d'être à la hauteur des attentes du pays. La rue de la Gaule françoise restera ouverte pour les cas très graves. On ne pourra jamais la bâillonner. Par exemple quand on diminuera les pensions de retraite de moitié un premier août d'une année à venir dans la décennie prochaine, la rue parlera ! Que l'on ait déjà ou pas encore le roi.
    Ce n'est donc pas toujours gagné non plus. Mais il y a plus de dialogue permanent entre la nation et le souverain dans le cas d'une monarchie du modèle capétien, que lorsqu’une fraction (faction) ramasse toute la mise politique en partant d'un petit vingt pour cent démocratique.
    Ceux qui veulent approfondir sont aimablement conviés à se procurer les albums de F'Murr sur la société d'alpage et son Génie méconnu.

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