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Tombouctou


Quand le commandant Joseph Joffre prit Tombouctou le 12 février 1894, une des premières mesures administratives fut de fermer les usines à castrats. En effet, la cité mythique ne prospérait plus que sur la traite arabo-islamique dont elle était pour ses clients la porte du Sud. Les jeunes eunnuques étaient très prisés des familles nobles du Maghreb et le taux de rebut de 40% largement compensé par la prime à la revente. Une conséquence indirecte du procédé est qu'il ne subsiste pas de communautés issues de la traite négrière sur la rive sud de la Méditerrannée puisqu'elles ne pouvaient pas croître comme elles le firent dans la traite atlantique, ensemencement des harems mis à part. Mais le sujet n'est pas la légitimité de la castration islamique mais la ruine de la légende.

Après le lent déclin de la "ville interdite" à partir du XVII° siècle et le tunnel de la colonisation, Tombouctou avait repris des couleurs après l'indépendance en valorisant son capital touristique : la ville aux 333 saints écrasée de chaleur mais à portée du grand fleuve avait quelque chose des mille-et-une nuits sahariennes. Inscrite au patrimoine de l'humanité en 1988, elle offre le dépaysement total et a concouru au titre de "merveille du monde moderne" en 2007. Las, le désert avance malgré l'endiguement des dunes, et avec lui les problèmes.
Les purs esprits de l'islam incandescent invités par la fuite des forces maliennes, veulent aujourd'hui détruire les superstitions populaires néfastes à la gloire d'Allah. Bon ! Ils font peu de cas de la fonction apaisante du paganisme de proximité chez les âmes simples et se fourent le doigt dans l'oeil s'ils pensent intellectualiser les croyances qu'ils imaginent contrôler. Mais après tout ce n'est pas le but de l'invasion. Ces gens visent la constitution d'un émirat sahélien qui sera comme un pieu planté dans le coeur du vampire africain, rigolard et peu dévot. Si le saccage immobilier est de tous les temps, celui des consciences est plus rare : « Cette purification relève de la mentalité maladive commune aux monothéismes ; l’impossibilité de rien laisser vivre en dehors de ce que l’on est, la volonté de tout réduire à soi, jugé étalon du Bien et du Beau, une tendance ethnocidaire étendue à tout (Madiran c/o Ivane)». Le polythéisme, l'animisme, le scepticisme ont laissé partout fleurir leur contraire, mais où il a vaincu il les a dévorés. Ne nous émouvons pas de l'Inquisition islamique qui répète un peu la nôtre, les dieux n'ont pas de temps, et regardons sans sourire la liberté de croire des pays asiatiques qui se sont toujours méfiés de nos simplifications.


Revenons aux tacticals.
L'armée Ansar Dine est un gros bataillon de 500 hommes lourdement armé et marchant à l'essence. Qu'on ne me dise pas qu'un bataillon va plier l'Afrique de l'ouest en trois coups de tromblons russes ! A entendre les appels à l'aide des dirigeants de la région, il semblerait bien que si. Certains en appellent déjà à l'ONU, préalablement à un engagement des forces aériennes atlantiques sans doute. D'autres s'affairent depuis trois mois à constituer une réplique, comme nous l'explique la CEDEAO incapable de mobiliser ses armées-troncs (sans bras ni jambes). Quand donc les gouvernements d'Afrique se sortiront-ils les doigts de la boîte à loukoums et règleront ces questions entre eux sans éprouver le besoin de mendier à l'international ? Les communiqués de l'Union africaine sont édifiants et le dernier sorti un chef d'oeuvre bureaucratique. Mais la posture de la CEDEAO n'est pas mal non plus : Les pays d'Afrique de l'Ouest vont organiser samedi un "mini-sommet" à Ouagadougou pour tenter de former un gouvernement fort à Bamako et discuter de l'éventuel envoi d'une force militaire dans le Nord du Mali. Le président Alpha Condé disait hier sur France24 que les Américains exigeaient un gouvernement stable à Bamako pour ouvrir le dossier (ndlr: et la soute à bombes). Le traitement de la rebellion de l'Azawad requiert d'après lui, un triple appui : renseignement, aérien, logistique. Que feront-ils quand ils l'auront ?

Bernard Lugan, pontife diplomatique qui fait sur l'Afrique le pendant d'Alexandre Adler sur la zone russe, recommande d'enrôler les Touaregs du MLNA comme la mâchoire nord de l'étau dans lequel la CEDEAO enfermerait et briserait les djihadistes, en les rémunérant d'une quasi-indépendance de l'Azawad. je n'y crois pas, parce que je ne crois pas aux Touaregs. C'est un des plus beaux peuples de roman exotique mais ça s'arrête là. Ils sont incapables de construire un Etat, et les colonnes islamistes les perceront ou les achèteront. Les seules puissances en capacité de réduire la question à sa plus simple expression sont le Maroc et l'Algérie qui disposent de la logistique et de l'aviation, et qui seront aidés sans restrictions par le dispositif AFRICOM américain pour le renseignement. Il serait assez urgent que ces puissances régionales se bougent depuis que tout le sud de la Libye est tombé aux mains des tribus toubous, capables de s'aggréger à l'émirat en projet pour peu qu'on les intéresse.
On fait quoi ?


Commentaires

  1. Les Touaregs ont été chassés de toutes les villes. C'est maintenant plus clair. Tout porteur d'arme appartient désormais à l'une des trois composantes islamistes : Ansar D., MUJAO, AQMI.
    Le traitement du phlegmon peut commencer.

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