Accéder au contenu principal

OTAN-POLOGNE

Ce billet consécutif au sommet atlantique de Varsovie est paru dans l'Action Française 2000 du 21 juillet 2016 sous le titre Varsovie sollicite l’Otan face à Moscou (n°2936 p.6). Il entre en archives chez Royal-Artillerie sous le libellé AF2000 avec quelques notes en bas de page.

logo officiel du sommet
Parmi les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) la Pologne a pris la tête du combat de confinement des appétits russes. Historiquement les relations russo-polonaises ont toujours été tumultueuses et sanglantes. Après mille ans de disputes, elle fut déplacée de trois cents kilomètres vers l'ouest par Staline en 1945, qui voulait un glacis à son occident. Acquérant jusqu'à l'Oder des terres prussiennes à poloniser, elle y perdit les vieilles provinces de Polésie, Volhynie et Galicie avec des capitales importantes comme Lvov et Brest(-Litovsk). Les républiques augmentées d'Ukraine et Biélorussie furent dotées d'un siège à l'ONU pour marquer définitivement la frontière après un nettoyage ethnique brutal. Ainsi le contentieux russo-polonais n'est-il pas seulement dû aux quarante-cinq ans d'occupation soviétique et au massacre de Katyn.

Dans la préparation du sommet atlantique de Varsovie (8-9 juillet 2016) le ministre polonais des affaires étrangères exigeait la mise en œuvre immédiate des dispositions du sommet de Newport (septembre 2014 au pays de Galles) pour ce qui concernait les renforts occidentaux en rotation sur les pays baltes, des manœuvres militaires en Pologne même, l'activation effective du bouclier anti-missiles et un soutien à l'Ukraine par la formule de la porte ouverte.

Mme Albright
Lors de ce sommet de Varsovie, il obtint le concours parallèle de Madeleine Albright, ancien secrétaire d'Etat de Bill Clinton et tchèque de naissance, qui, sans manières, appela un chat un chat et poussa à l'extension vers l'Ukraine et la Géorgie, autant qu'il en serait demandé par ces pays. Malgré ses quatrevingt ans, Albright a gardé son caractère entier et sa parfaite détestation du Kremlin. On aurait pu attendre des minutes du sommet le coupage à l'eau claire de ses provocations ; il n'en est rien. Le communiqué final en cent trente-neuf points s'ouvre par l'accueil du Monténégro et la formule pacifique d'usage et se clôt en remerciant le pays hôte de son accueil. Pour le reste, on relèvera plusieurs axes qui gêneront toute réactivation du Conseil Otan-Russie (COR) jusqu'au jour où celle-ci viendrait à résipiscence, dont le concept réitéré de projection de la stabilité en avant des frontières de l'Alliance et la dénonciation de la duplicité russe en termes non équivoques dès le paragraphe 5 : "Les actions agressives de la Russie, y compris ses activités militaires provocatrices à la périphérie du territoire de l'OTAN et sa volonté avérée d'atteindre des objectifs politiques par la menace ou l'emploi de la force, constituent une source d'instabilité régionale, représentent un défi fondamental pour l'Alliance, ont nui à la sécurité euro‑atlantique, et menacent l'objectif, que nous poursuivons de longue date, d'une Europe libre, entière et en paix."

Secretaire général OTAN Stoltenberg
Le paragraphe 10 va désespérer Thierry Mariani, qui annule d'avance toute approche en crabe d'aucun membre de l'Alliance quant à l'abandon de la Crimée ou du Donbass. Mais le plus disert sur un futur dangereux est ce que l'on trouve au paragraphe 12 : "Nous restons ouverts à un dialogue périodique, ciblé et substantiel avec une Russie qui soit disposée à mener des échanges au sein du Conseil OTAN‑Russie sur la base de la réciprocité, en vue d'éviter les malentendus, les erreurs d'appréciation ou les escalades involontaires, et à accroître la transparence et la prévisibilité. Nous disposons également de lignes de communication militaires. Nous sommes convenus de continuer de nous servir de tous ces canaux pour aborder les questions d'importance critique auxquelles nous sommes confrontés, et nous appelons la Russie à faire bon usage de toutes les lignes de communication". En clair :
Nous réactivons le téléphone rouge de la guerre froide qui faisait revenir à la maison les avions menaçants. La suite du communiqué¹ relève des dispositions détaillées prises sur les points chauds (y compris l'Etat Islamique) et sur les structures atlantiques de réaction rapide.

La Pologne a obtenu presque tout ce qu'elle cherchait sauf le commandement de la brigade alliée en rotation : consolider le rempart et le doter en effectif comme otage de son intransigeance. Elle appelle à transférer chez elle un grand quartier général atlantique et se dit prête à prendre plus que sa quote-part des frais. Mais est-elle sûre à ce point de l'article 5 du traité de Washington qui ferait accourir les 28 autres membres ? Cet article dont les pays de l'Est ont plein la bouche prévoit que la partie attaquée répliquera « en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée ». Les mesures prises seront soumises au Conseil de Sécurité dans la plainte qu'il recevra. Une déclaration collective de guerre automatique n'est pas explicite. Sans attendre que la Pologne ait compris le "truc", l'Allemagne réarme.


(1): les lecteurs peuvent le lire en français sur le site de l'OTAN.

PS d'aujourd'hui : lire aussi l'analyse convergente de Jean-Gilles Malliarakis sur L'Insolent (clic) et l'article de Luc de Goustine chez Renouvin (clac) qui prend le parti du Kremlin avec l'automaticité que l'on connaît.

share

Commentaires

  1. personnellement l'OTAN fut longtemps pour moi, la planche de salut: C'était le rempart contre les athées qui envoyaient les Chrétiens de l'Est au goulag. N'ayant jamais été gaulliste, je leur était reconnaissant de nous défendre malgré la trahison du réfugié londonien de 1940. Mon premier uniforme je l'ai revêtu de l'autre coté du Rhin, prêt à mourir si Berlin était attaqué! Mais aujourd'hui ? Je me fous pas mal que Géorgiens et Abkhazes disputent quelques arpents de steppes et je n'enverrai pas mes fils mourir pour la Lituanie, Donetsk ou les usines VW en Pologne!
    D'ailleurs , même si je n'ai pas pour lui de sympathie particulière, je préfère encore Poutine notre "ennemi" à Erdogan, notre allié (sans guillemets). Et j'attends avec impatience -et jubilation- l'arrivée de notre futur commandeur-en-chef: D. Trump! Pour moi, la ligne de front, ce n'est plus l'Oder, c'est la méditerranée. D'ailleurs dans mon temple calviniste dimanche, on inaugure un service de sécurité formé de volontaires pour protéger les fidèles pendant le culte: et ce n'est ni des slaves ni des communistes dont on se méfiera!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La grosse menace est bien notre allié turc, héritier naturel de l'empire ottoman, qui fut et peut redevenir la plus forte puissance islamique du monde. Mare Nostrum ne serait plus "nostrum" même si l'antagonisme turcs-arabes demeure.

      Supprimer
  2. Oups! 2016? Mea culpa. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis! En fait, fallait se méfier de tout le monde...sauf des Italiens :-)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Modération a priori. On peut utiliser dans la rédaction du commentaire les balises "a", "b" et "i" pour formater son texte.