mardi 31 janvier 2006
Le Griffon de Renaudot
Ce roi fit deux ou trois choses intéressantes et créa le corps des pompiers, rétablit le Mont-de-piété de Paris, abandonna aux équipages de l'Escadre le tiers de la valeur des prises de guerre qui lui était jusque là réservées, aida l'abbé de L'Épée dans son oeuvre d'éducation des "sourds-muets sans fortune", dota richement l'école de Valentin Hauÿ pour aveugles, ordonna à ses commandants de vaisseaux de ne point inquiéter les pêcheurs anglais et obtint la réciproque pour ses français, ordonna aux hôpitaux militaires de traiter les blessés ennemis comme les propres sujets du roi, bien avant la Convention de Genève, abolit servage et mainmorte par tout le domaine royal, abolit la question préparatoire à l'instruction judiciaire, accorda le droit de vote aux femmes pour l'élection des députés aux Etats Généraux, et dans la foulée permit aux femmes d'accéder à toutes les maîtrises, finança tous les aménagements de l'Hôtel Dieu afin de le pourvoir de lits individuels, fonda l'hôpital des Enfants Malades pour les petits contagieux, créa le Musée des Sciences et Techniques, futur Conservatoire des Arts et Métiers, fonda l'École des Mines, finança sur sa cassette les expériences d'aérostation des Montgolfier, exempta les Juifs du péage corporel et autres droits humiliants, accorda des pensions de retraite à tous les inscrits maritimes, demanda le premier qu'on établisse une balance annuelle du commerce français, créa le droit de propriété des auteurs et compositeurs de musique, créa l'École de musique et de danse de l'Opéra de Paris et le Musée du Louvre; etc.
Pour un serrurier, ce n'est déjà pas si mal.
Arrêtons nous aujourd'hui au Mont-de-Piété puisque l'actualité pousse le Crédit municipal de Paris sous les feux de la rampe médiatique.
Le docteur protestant Théophraste Renaudot, bien connu pour sa Gazette, avait publié un Traité des Pauvres en 1612. Obsédé par le sort des miséreux de la capitale, il avait dressé un plan de lutte contre la pauvreté et obtenu du cardinal la charge de Commissaire Général des Pauvres du Royaume. Plus tard, en 1630, il avait créé à Paris le Bureau et Registre d'Adresses qui fit office de bureau de placement et de dispensaire tout à la fois. Il publia sous le titre "Feuilles du Bureau des Adresses", une feuille de choux mettant en relation employeurs offrant du travail et travailleurs qui en cherchaient, puis très vite acquéreurs et vendeurs de biens, et jusqu'à faire de la réclame pour les artisans. Seront bientôt publiées des "Nouvelles de Paris" et la Gazette distribuée sous ce titre jusqu'en province. Ce n'était pas un journal d'opposition ! Il deviendra le journal officiel du ministre sous le titre de Gazette de France.
Renaudot s'entichera bientôt du Monte di Pietà pour des prêts sur gage lancé par le récollet De Terni au bénéfice des pauvres de Pérouse, déjà au XVè siècle, et sous la protection du cardinal de Richelieu, ouvrira un premier Mont de Piété à Paris en 1637. Ca marcha évidemment, au grand dam des usuriers de tous poils qui peuplaient aussi le parlement, sinon y disposaient de relais "reconnaissants". Il avait déjà fait des jaloux parmi les médicastres de la Faculté qui le détestaient pour sa position de médecin du roi, obtenue grâce aux faveurs du cardinal et du Père Joseph, qui appréciaient beaucoup son ouverture d'esprit.
L'époque est à la chimie, on s'étripe sur les cornues. Renaudot vient de la faculté de Montpellier, plus ouverte aux manipulations de substances modernes. Voilà pas qu'il obtient trois ans plus tard, l'autorisation par lettre patente de préparer des médicaments dans son propre laboratoire, laboratoire qu'il met en plus à la disposition des apothicaires de la place en délicatesse avec les Docteurs Régents de la Faculté. Pis encore, il pousse la provocation jusqu'à construire à ses frais un hôpital pour ses malades à lui, l' Hostel des Consultations Charitables, où il traitera les patients à sa façon !
La vengeance est un plat qui se mange froid, la haine de la Faculté de Paris attendra. Le roi décide entre-temps d'étendre le prêt sur gage à taux modeste aux provinces où il connaîtra un franc succès. Mais toute l'affaire va pâtir de la lutte à mort entre Renaudot et les Mandarins. Dès la disparition du roi Louis XIII, sous la pression de la Faculté de Médecine de Paris, et sous les coups des usuriers combattant cette concurrence déloyale, un arrêt du Parlement de Paris du premier mars 1644, neuf mois seulement après la mort du roi, coulera les Monts-de-Piété. Les taux d'emprunt remonteront aussitôt à cent-vingt pour cent l'an. La belle vie est revenue, on pourra flamber comme avant.
Renaudot très mortifié, suivra la Cour à Saint-Germain dès le déclenchement de la Fronde, puis se retirera à Paris toujours fidèle à son roi, pour mourir d'une dernière crise d'hémiplégie à 69 ans, le 25 octobre 1653. Il repose à Saint Germain l'Auxerrois, la paroisse de la famille royale. Quant aux pauvres ? Quels pauvres ? Un siècle passera.
Le jeune roi Louis XVI, plus attentif au sort de ses sujets, ayant convoqué un comité de médecins pour la réforme hospitalière générale dans un pays qui en un siècle avait vu sa population doubler jusqu'à déborder toutes les possibilités caritatives classiques, forma le vœu ... « d'améliorer les divers hôpitaux de la Ville de Paris. Sa Majesté en ressentira la plus douce des satisfactions s'il peut en résulter un plan sage qui assure davantage la conservation de l'enfance abandonnée, qui prépare une retraite à la vieillesse indigente et adoucisse le sort des malades ».
Il écoutera au même moment la requête du lieutenant de police de Paris, Lenoir, qui milite pour prévenir la dérive de la misère en amont, en sauvant les familles qui n'ont pas encore versé au ruisseau. Sa solution est de les aider financièrement. Le roi passera outre les avis intéressés de la coterie des "financiers" de la place. Par lettres patentes du 9 décembre 1777, il rétablira l'institution de feu Renaudot en autorisant un taux d'intérêt sur prêt de dix pour cent l'an, afin d'assurer ses équilibres comptables. Ce taux n'est pas excessif dans l'environnement de crise budgétaire de l'époque. Son conseiller de Beaunay est nommé directeur. L'affaire est suivie de près à Versailles.
Victime de son succès, le Mont doit être renfloué au bout de douze ans. Le 9 octobre 1789, le roi lui verse trois cent mille livres prélevés sur sa cassette personnelle afin que les nécessiteux puissent retirer leurs affaires engagées sans mettre le Mont-de-Piété de Paris en péril. L'institution survivra à la Révolution malgré un éclipse en 1795 due aux évènements.
Avec des fortunes diverses, mais profitant d'un engouement toujours renouvelé des laissés-pour-compte de la Banque, le Mont-de-Piété traversera tous les régimes et les trois guerres, et sera désigné par les Parisiens sous le sobriquet discret de Chez Ma Tante. Le griffon, mi-lion mi-aigle de la mythologie grecque, gardait les mines d'or du dieu Apollon. Il fut choisi comme emblème par Barnabé De Terni pour ses œuvres italiennes. Il est toujours celui du Crédit Municipal de Paris qui a succédé au Mont-de-Piété en 1918.
Si vous aimez bien Louis XVI, ou si vous souhaitez redécouvrir un roi juste et bon, passez voir le site de Paul et Pierrette Girault de Coursac qui pendant quarante ans ont travaillé à sa réhabilitation historique.
samedi 28 janvier 2006
Le Dragon des Cimes
La presse britannique pourrait l'appeler le dragon des cimes mais faute de s'être levée à l'heure, nous déposons le titre nous-même et vous narrons toute l'histoire.
Jigmé Singye Wang Tchouk eut en 1987 cette formule choc : "Je suis plus intéressé par le Bonheur National Brut que par le Produit National Brut". L'homme vit dans un pays d'escaliers grand comme la Suisse, qui sur une distance de 150 kilomètres monte de 300 à 7000 mètres. 680 000 sujets seulement mettent en valeur ce royaume tropicalo-himalayen qui se développe à un rythme soutenu tant en économie qu'en démographie. Je vous parle du roi du Bhoutan.
Monarchie absolue depuis 1907, la Terre du Dragon Tonnerre dispose d'un gouvernement composé de plusieurs ministres et d'une assemblée nationale de 150 membres ainsi que d'assemblées villageoises (depuis 1981) et de districts plus récemment. Ce sont des forums où les Bhoutanais font part de leurs propositions et où sont expliquées les décisions gouvernementales.
Parmi celles-ci, on relève une volonté de se démarquer courageusement du mercantilisme mondial triomphant. Le roi a proscrit le tabac nocif pour la santé, comme il a décidé de protéger son peuple constitué de diverses ethnies, des ravages de la libre circulation des fauteurs de troubles et autres suceurs de sang. Ceci indispose bien sûr les promoteurs de la libéralisation à outrance des moeurs, droits d'ingérence, et migrations des comptes bancaires, qui mettent tant qu'ils le peuvent, des bâtons dans les roues du char royal, dans toutes les enceintes promouvant la permissivité générale.
Lui n'en a cure.
Après avoir proclamé sagement la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, dont nous vous passons le premier article, le plus important, il a le 17 décembre dernier, annoncé que le royaume se transformerait en une démocratie parlementaire en 2008 et qu'il abdiquerait à cette date en faveur du prince héritier, son fils aîné qui sera alors âgé de vingt-huit ans. Le projet de constitution, en préparation depuis 2001, prévoit la création d'un parlement bicaméral, composé d'une Assemblée nationale de 75 membres et d'un Conseil national de 25 membres. Le chef de l'État serait le roi, mais il pourrait être destitué par un vote réunissant les voix des deux tiers des membres du Parlement.
Et de faire la tournée des assemblées "cantonales" pour vendre son projet constitutionnel. Entre-temps, le royaume s'il se méfie du monde, le regarde quand même à travers ces étranges lucarnes bleues qu'on a fini par importer de la Chine voisine. Et d'y voir les malheurs en tous genres, le vacarme parlementaire, la concussion généralisée, la chose publique kidnappée par des factions prébendières, et pour finir la guerre !
Aussi, les sujets du Dragon Tonnerre viennent-ils de lui faire savoir qu'il valait mieux rouler le beau parchemin de la nouvelle constitution dans les réserves de la bibliothèque nationale et laisser les choses en l'état , et garder malgré lui les soucis du juste gouvernement. La démocratie c'est pour les oisifs.
L'opinion internationale a souri au début de la campagne. Aujourd'hui elle grince, car ce peuple "arriéré" n'entre pas dans les canons de la beauté politique unanimement acceptés. Inouï, ce peuple bizarre se fie au jugement d'un homme de confiance. Il repousse le dogme de la collégialité incontournable des analyses sociétales, il refuse de rétribuer les acteurs du forum politique, qui pis est, finira-t'il par aimer son roi ? Aimer un despote ? Du jamais vu ! Ce royaume va-t'il devenir un laboratoire anti-parlementaire ? Le Népal voisin a déjà fermé son hémicycle aux bavards. Si le Bhoutan s'y met aussi, c'est grave, docteur !
Mais le gouvernement du Bhoutan est assez malin pour avoir su présenter sa démarche à des responsables politiques de qualité, qui ne vivent pas scotchés sur les droits de l'homme applicables à autrui surtout. La liste des soutiens internationaux est éloquente : au-delà des grandes structures classiques comme le PNUD ou l'OMS, on trouve la Suisse (bien sûr), les Pays-Bas, le Japon, le Danemark et la Norvège, à savoir quatre monarchies constitutionnelles.
Son Bonheur National Brut intéresse beaucoup d'économistes, un peu saturés des thèses des Chicago Boys. Bien que fondé sur les valeurs du bouddhisme tibétain, le BNB se mesure à partir de paramètres "laïques" plus palpables, au nombre de quatre, chiffre bouddhique :
Une conférence s'est tenue en Ecosse l'été dernier. Quand verra-t'on la seconde à Davos ? Jamais !
A défaut d'y être allé voir nous-même, le visa est cher, laissons parler le premier ministre du royaume :
« la poursuite du "Bonheur national brut" a produit de riches dividendes pour notre peuple. Le Bhoutan a atteint un progrès économique soutenu sans compromettre l'intégrité de notre environnement et de notre culture. Nous avons été en mesure de conserver bien plus des 60% de superficies émergées sous couvert forestier requises par nos lois. Nous avons exploité des voies plus durables de croissance économique comme l'essor des installations hydroélectriques et des ressources d'écotourisme, tout en renonçant délibérément aux gains économiques à court terme de la coupe et de la vente de bois d'œuvre. En conséquence, nous sommes en mesure de créer des revenus considérables tout en protégeant les bassins versants et l'habitat de la flore et de la faune. De même, nous avons accordé l'attention qui lui est due à la conservation de nos riches traditions et de notre culture que nous estimons fondamentales pour préserver l'identité et l'âme de notre peuple. »
Une ambassadrice itinérante de l'ONU, Misako Konno, a raconté son séjour :
« Pendant la semaine que j'ai passée au Bhoutan, qui a débuté dans la capitale Thimpu, je me suis toujours déplacée dans une charrette tirée par un cheval. J'ai peiné pendant des heures sur des routes de montagne aux virages en épingle à cheveux. La gentillesse qui se lisait sur le visage des gens rencontrés au détour des routes m'a frappée et c'est ce qui m'a fait penser à la philosophie bhoutanaise du "bonheur national brut", qui ne concerne pas seulement les gens, mais aussi la nature en général. Les Bhoutanais détestent tuer des créatures vivantes, ce que leur interdit leurs convictions religieuses, et cela se voit dans la manière dont ils coexistent mais aussi dans le respect qu'ils portent aux plantes, aux animaux, aux animaux et autres formes de vie.
Pour moi, le Bhoutan est un pays digne où les gens vivent heureux; c'est un pays développé en termes écologiques. »
Evidemment l'utopie met par terre la productivisme de la World Company qui aurait déjà dévasté la forêt bhoutanaise, rasé les maisons basses pour monter des usines à gosses "Nike", et aurait appelé à cotisation les gogos écologistes pour préserver une faune dont elle aurait déshabillé l'environnement.
La leçon au monde, et l'axe d'effort au peuple, ont été donnés par un homme. Un homme peut-être, mais un sacré dragon !
VIVE LE ROI
samedi 21 janvier 2006
In Memoriam
Le roi était d'abord un homme de coeur. S'il avait survécu à la Révolution, nul doute qu'après le Soleil, et le Bien-Aimé, le pays aurait appelé Louis XVI, le Bon.
La Convention a tranché le continuum dynastique qui depuis mille ans avait construit la France. Malgré de belles gloires militaires achetées au prix de myriades de morts, les régimes qui lui succèderont ne pourront jamais assurer la relève du projet capétien à aucun moment des deux siècles à suivre.
Celui qui fut décapité devant les troupes le 21 janvier 1793 place de la Concorde était un homme bon, cultivé, vertueux, non-violent et dévot;
un roi aimant ce peuple que Dieu lui avait confié lors de son sacre à Reims.
Aussi ne put-il comprendre que la sentence qui le condamnait, convoquât dans ses attendus le sang qu'il avait toujours refusé de verser. Ses derniers mots à son procès trahissent sa stupeur:
"En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité. Je n'ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l'acte d'accusation, l'impression d'avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du dix août me soient attribués. J'avoue que les preuves multipliées que j'avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m'étais toujours conduit, me paraissait devoir pouvoir que je ne craignais pas de m'exposer pour épargner son sang, et d'éloigner à jamais de moi une pareille impression".
Debout sur l'échafaud il rejetait encore cette accusation et appelait au pardon en des termes christiques:
" Français, je suis innocent, je pardonne aux auteurs de ma mort, je prie Dieu que le sang qui va être répandu ne retombe jamais sur la France ! Et vous, peuple infortuné..." Les tambours étouffèrent sa voix.
Le sang dès ce jour allait couler à torrents comme jamais jusque là.
La France s'est "arrêtée" alors au milieu de la tourmente révolutionnaire. Elle termine aujourd'hui une course effrénée au majorat universel qu'elle persiste à revendiquer avec arrogance, alors qu'elle n'est déjà plus qu'une simple et belle province d'Europe, écrasée de dettes, sans espérances, et oubliée du monde quand on traite les affaires sérieuses.
Une nation sans cap, un Etat obèse et omnipotent partagé entre toutes les coteries, un gouvernement de l'instant, tel est l'aboutissement d'un régime que l'on croyait perfectionner sans cesse à la lumière des Lumières. Il termine à la lanterne. La république est le régime d'une incandescente Vertu. C'est exactement la Vertu qui lui manque le plus.
Notre Etat se désagrège lentement sous la pression du faux-semblant institutionnalisé, et de la compétition des corporatismes, chacun voulant au moment, lui déchirer le morceau de chair le plus grand possible, dans ce combat général des égoïsmes où chacun mesure d'un regard avide, le morceau de l'autre.
La Nation n'a plus d'axe de référence. Elle est livrée aux lubies politiques de minorités de défense de leurs intérêts propres, qui par l'application adroite de règles électorales adaptées, parviennent à capter le pouvoir, et se réclament le lendemain matin, issues de la "majorité". Le Président de 2007 pourra accéder à la charge suprême en partant d'un socle de 12% des inscrits. La démocratie a viré à la caricature et son fonctionnement, à l'escroquerie.
Le monde qui s'est rétréci et concentré, devient de plus en plus dangereux. Seuls les pays ayant un projet national à la mesure des enjeux mondiaux préserveront leur nation. Les autres seront fondus dans un magma mercantile, soit du bord de la Production, soit de celui de la Consommation, parfois des deux, mais sans âme, sans valeurs sauf à les compter, sans sûreté pour l'épanouissement de leurs enfants, finalement sans avenir autre que celui que lui dicteront les pouvoirs internationaux qui se mettent en place. Bon exemple que le défaut d'un schéma européen précis et consenti par le peuple. Conjugué aux alternances politiques de la revanche éphémère qui renverse les vainqueurs du lendemain sur les vaincus de la veille, les errements européens de la France nous ont conduit dans l'impasse où nous ne pouvons ni avancer ni reculer, en rien, tant que nous n'aurons pas réussi à faire bouger dans le même sens, vingt-cinq pays aux desseins divergents.
Les pays majeurs de demain, quelle que soit leur taille, seront ceux qui nourriront une conscience nationale sereine et pacifique, une exaltation de valeurs fondamentales partagées par le plus grand nombre, un dessein connu et accepté par tous, et obtiendront le respect international. Si l'on n'est pas l'empire trimillénaire du Milieu dont le gouvernement actuel poursuit patiemment la construction, on doit identifier et rassembler toutes ses forces, toutes, parce que les défis sont presque plus grands que les forces avec lesquelles nous pourrions leur répondre, et d'assurer surtout la solidité de l'ouvrage par un gouvernement permanent et sage.
Il vient le temps des évidences.
Sur une planète balayée par l'ouragan de la mondialisation, la Nation a besoin de permanence à sa tête pour relever les défis, et de libertés pour que renaissent les pulsions créatrices de ce peuple étonnant. Peuple politisé dont on a confisqué la voix et qui pourrait à nouveau s'exprimer pleinement dans une vraie démocratie de proximité.
Plus que de perte de repères comme on le dit partout depuis que les feux de la St Jean ont embrasé le mois de novembre, la Nation est malade de l'abandon de ses valeurs fondamentales. On pourrait les regrouper sous le vocable de valeurs helléno-chrétiennes. Pourtant leurs racines plongent encore dans le terreau populaire puisqu'en dépit d'une propagande stimulant le nombrilisme, la passivité et l'enrichissement, on trouve en nombre le don de soi aux autres, l'éveil citoyen et un certain mysticisme. La famille semble renaître de ses cendres soixante-huitardes, la fraternité aide à supporter l'insupportable de la cité, la liberté tente de se défendre contre les dictateurs du prêt-à-penser. Tout n'est pas perdu.
La France peut reconstruire un destin national au sein d'une Europe réorganisée sur des bases confédérales. La France doit mener cette rénovation. Autour d'elle, on l'attend. Non pas bien sûr, la France de la chiraquie à l'agonie, mais celle que l'on suppose exister encore dans sa braise millénaire, ce génie inimitable, à défaut jamais égalé ainsi qu'il se montrait au monde jusqu'à la fin du XVIIIè siècle et dont il reste des traces ci et là. Ce destin européen qui commande à tout désormais, ne sera accompli qu'après avoir reconstruit à Paris un Etat respectable dans des dimensions en rapport avec les ressources que pourront mettre à contribution les activités du pays. Autant dire qu'il devra être compacté pour revenir aux équilibres d'une gestion normale et réorganisé en profondeur pour exercer réellement ses pouvoirs régaliens. On comprend déjà qu'il sera formidablement diminué dans ses échelons subalternes pour dégager l'espace économique et culturel de ses inerties, afin que s'expriment toutes les créativités d'un esprit français qu'on espère avoir survécu.
C'est par le foisonnement des libertés que le pays se relèvera, c'est par une productivité nouvelle dans l'excitation d'un contexte ouvert, que nous commencerons le règlement des dettes accumulées sans vergogne sur les générations montantes par un Etat obèse. Et il faudra du temps.
Et de la persévérance.
La refondation d'un Etat capable de favoriser cette reconstruction de la Nation implique une certaine pérennité dans l'action. Pour diverses raisons, une monarchie successible est le régime le mieux adapté à ce projet. Essentiellement parce que la transmission en dehors de joutes politiques sans fin, ne vise qu'à porter au successeur un Etat amélioré par rapport à celui qui fut reçu du prédécesseur. En monarchie, l'institution prime le titulaire. En république, la brièveté de l'étape appelle à l'établissement fébrile de la famille et à des assouvissements éphémères. Et le "métier" de roi, aussi complexe soit-il, s'apprend vite et bien dès lors qu'il est enseigné dès la Maternelle.
Dans une nation aussi remuante et vindicative que la nôtre, il y a aussi un affect particulier entre les gens et le pouvoir. C'est bien pour cela que les sympathies sont des paramètres clés des élections, et que la communication qui les met en valeur, est si importante. Cet affect tient à la relation de confiance.
La confiance entre le peuple et le roi est le plus sûr liant national dès lors que le prince est vertueux, juste et présent. Le Peuple & le Roi doivent "précipiter" dans un composé nouveau. Contre toutes les nouvelles féodalités du monde moderne, c'est le meilleur bouclier.
Du testament de Louis XVI, rédigé au Temple le jour de Noël 1792, nous retiendrons ce passage pétri de sagesse :
" Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses Concitoyens, qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve. Qu'il ne peut faire le bonheur des Peuples qu'en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu'un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire, et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile."
Sache son fils spirituel entendre le commandement.
mardi 17 janvier 2006
Prologue de la Révolution
Isidore Boiffils de Massanne a fait oeuvre d’historien en la baronnie d’Hierle, aujourd’hui englobée dans l’arrondissement cévenol du Vigan. Il fut maire de Sumène de 1871 à 1877 et tint cette fonction à l’époque de la restauration ratée de 1873 quand le comte de Chambord refusa l’obstacle, derrière le prétexte du drapeau blanc. Sans doute fut-il tenté de revenir au pourquoi du désastre.
Il nous offre un cliché instantané de la société française à l’ouverture des Etats généraux de 1789, qui vaut meilleur résumé que bien des développements laborieux de nos amis professeurs d’histoire des collèges. Laissons-lui la parole.
L'Ancien Régime fourmillant d'abus et de contradictions, touchait à sa dernière heure. Bizarre assemblage d'institutions féodales et de lois césariennes, rien n'y coïncidait, tout y était disparate. La dynastie capétienne avait accompli l'oeuvre de destruction du Moyen Age lentement, patiemment, quelquefois à regret. Sortie des entrailles de la Féodalité, un pressentiment secret lui disait que cette oeuvre était un suicide. 1789 se chargea de le lui prouver.
- Une royauté omnipotente mais sans appui dans la nation.
- Une cour dissolue où seul le roi était vertueux.
- Les finances penchant vers la banqueroute.
- Un clergé riche et peu exemplaire, ballotté entre le pape et le roi, les Jésuites et les gallicans.
- Une noblesse frivole, avilie dans les antichambres.
- Des parlements factieux.
- Une bourgeoisie aisée et spirituelle, jalouse de ses privilèges nobiliaires, se croyant appelée à réformer l’Etat, n’ayant ni plan ni vues d’ensemble.
- Un peuple royaliste au fond, mais tendant l’oreille aux Réformateurs qui lui promettaient l’amélioration de son sort.
A travers toutes les couches de la société avaient filtré des idées appelées "philosophiques", proclamant le dogme de l’Intérêt Public, cette arme terrible qui depuis 1789 sert à renverser les vainqueurs du lendemain sur les vaincus de la veille. Et sur tout cela une ardeur, un enthousiasme incomparables.
Ces jours de 1789 furent illuminés d’un clair rayon d’espérance. Si jamais on a pu se croire à la veille d’une Rénovation Universelle, si jamais le règne de la Justice et de la Vérité parut près d’advenir, c’est à ce moment.
Par une aberration inexplicable, le clergé catholique, seul instituteur de la France féodale et monarchique, ayant toujours les yeux fixés sur l'Antiquité, présentait pour modèle les héros républicains d'Athènes et de Rome à des adolescents destinés à devenir avocats du roi ou mousquetaires.
De même, il montrait la mythologie à ceux qui se destinaient au sacerdoce chrétien. Les saintes cathédrales étaient dédaignées, ridiculisées par le nom de "gothiques", et les institutions nationales traitées de barbares. Du haut des chaires, on prêchait l'égalité de tous les hommes devant un Clergé seul légitime dominateur.
La bourgeoisie de 1789 était imbue de ces doctrines sauf en un point particulier: elle refusait formellement la domination aux clercs pour l'accorder à l'Etre abstrait nommé Société ou Etat.
Ainsi l’Eglise vit ses doctrines se tourner contre elle-même. Cette classe bourgeoise suffisante et vaine se vit porter au pinacle. C’est elle qui posséda l’initiative et l’influence et qui doit aussi porter la responsabilité. L’histoire de nos quatre-vingt ans (ndlr l’auteur écrit à la veille de la guerre de 1870) de Révolution est l’histoire de l’incapacité de la bourgeoisie. Elle viola le précepte « le bien d’autrui tu ne prendras ! » sciemment, déloyalement, en faisant des distinctions et des commentaires, en invoquant l’intérêt public et le bien général. On dirait que les générations françaises depuis 1789 ont été mordues au coeur par une dent de vipère.
Le mal qui les ronge c’est l’envie. Non pas cette envie personnelle que tous les siècles ont connue mais une envie héréditaire, sociale, érigée en dogme, canonisée par l’esprit moderne. La démocratie c’est l’envie, a dit Proudhon et il a bien dit. A ces multiples causes de désordre qui menaçait la société française venaient s’ajouter dans notre pays la présence du protestantisme et du ressentiment de la Saint-Barthélemy contre tous les catholiques, de la révocation de l’édit de Nantes contre les Bourbon de la branche aînée et tous leurs partisans.
Isidore Boiffils de Massanne (1824-1907)
Bibliographie :
Un coin des Cévennes pendant le Moyen Age, la combe de Recodier dans la paroisse de Saint-Roman de Codières
édité par Fragile en 1883
Histoire de Sumène : Des origines à la fin du 18è siècle
ré-éditée par le Vieux Pont en 2001
jeudi 12 janvier 2006
De la supériorité économique de la monarchie
Du point de vue de la science économique, une monarchie est un régime où le pouvoir politique est privatisé dans les mains d'une dynastie. Une démocratie est un régime où le pouvoir politique est collectivisé, et remis aux mains du peuple. Les conséquences sont les mêmes que pour une entreprise privée. Dès qu'elle est nationalisée, l'entreprise rentable se met à avoir des déficits. Le roi, parce qu'il est propriétaire, a le souci, non seulement des revenus du pouvoir mais aussi du capital. Il va donc faire des choix rationnels de bon père de famille, en ayant en vue l'intérêt à long terme de la dynastie, et du pays. Le chef démocratique élu, en revanche, n'est pas propriétaire. Il n'est que gérant ici pour cinq ans, soumis à réélection. Son intérêt est de maximiser les revenus du pouvoir à court terme, pour plaire aux catégories qui vont le réélire. Il n'a aucun souci du capital à maintenir ou à accroître. Pire encore, si ce chef démocratique a des scrupules et ne joue pas le jeu politique par souci du pays en longue période, il sera sans doute battu par un démagogue sans scrupules à la prochaine élection. Le système est pervers.
En effet, que le pouvoir soit ouvert à tous, n'est pas nécessairement un avantage. La compétition n'est pas toujours un bien. La compétition pour produire des biens est une bonne chose. Or, la compétition électorale démocratique, qui consiste à exploiter l'envie des plus nombreux contre les plus riches, est moralement dégradante. Pour Hoppe, la démocratie élève la préférence pour l'immédiat. Or, une forte préférence pour l'immédiat caractérise les êtres peu civilisés. La civilisation suppose une discipline pour préférer un bien durable à long terme à une jouissance fugitive à court terme. Or, seule la monarchie privilégie le long terme.
La monarchie est restée le régime dominant en Europe jusqu'à la guerre de 1914. Depuis que la démocratie s'est installée en Occident, les signes de décadence liés à la préférence pour l'immédiat, se sont accrus. La sécurité sociale au sens large a déresponsabilisé les individus. La famille a perdu sa valeur économique et la natalité s'est effondrée pour des raisons liées d’abord à la mise en productivité des mères. Les moeurs se sont dégradées pour capter des voix dans toutes les chapelles, même les moins recommandables, et une sous-culture de masse vulgaire a envahi les esprits.
La démocratie favorise l'égalitarisme par la modélisation simplifiée des comportements et des opinions qui sont ainsi plus facilement « accédés » par le pouvoir manipulateur. Même l'immigration de mauvaise qualité est favorisée au motif de la standardisation du consommateur électeur, alors que les monarques, comme Frédéric II de Prusse ou Marie-Thérèse d'Autriche favorisaient une immigration de qualité. Ainsi vaut-il mieux aujourd’hui naturaliser un immigré qui vit de l'aide sociale et qui vote pour les distributeurs de cette aide, plutôt qu'un immigré génial vite pressuré par le fisc qui votera mal parce d’esprit supérieur et libre.
Quel avenir ? Pour Hoppe, la démocratie occidentale va s'effondrer un jour comme l'URSS l'a fait en 1989. Car elle mange le capital accumulé dans le passé. La dette publique s'accroît sans cesse et les régimes sociaux sont menacés de faillite. La démographie, minée par la politique anti-familiale des classes politiques qui diminuent la population active contributaire, empêchera de financer les régimes sociaux. Cela détruira la réputation de la démocratie et fera voir son vrai visage.
Comment la remplacer ? Hoppe, en bon libertarien, rêve d'un monde sans État, composé de propriétaires associés. Mais à cette utopie il préfère la monarchie. Il préfère aussi les petits États, comme le Liechtenstein, Monaco ou le Luxembourg, qui font moins de mal que les grands !
Il lui semble que tout tourne autour d’un principe qui se manifeste à travers la propriété privée. La préférence pour l’immédiat est mauvaise : elle caractérise l’attitude des adolescents pour qui un besoin, ou prétendu tel, doit être, sans attendre le résultat d’un effort, satisfait au plus vite : impulsivité, imprévoyance et désintérêt pour ce qui n’est pas eux.
En revanche, la propriété privée, qui suppose épargne et investissement, est bonne, car elle implique une vision à long terme. Et Hoppe, de définir la monarchie comme un gouvernement basé sur la propriété privée où le roi, développant cette vision à long terme de ses intérêts, s’efforce de ne pas taxer ses sujets inutilement et de ne pas agir avec excès pour maintenir sa légitimité. Le roi, en tant que propriétaire privé, ne peut détruire sans danger pour lui-même la propriété des autres ; il y a solidarité.
En contraste avec la modération interne et externe de la monarchie, le gouvernement nationalisé de la propriété "publique", ou démocratie, est porté aux excès. Le président d'une démocratie se sert de l'appareil d’état à son avantage, mais il n'en est pas le propriétaire, il n’en est que le gérant provisoire. Il possède l'usage des recettes de l'État, mais non pas son capital. Il va donc maximiser le revenu courant en ignorant la détérioration du capital. Il utilisera les ressources le plus vite possible pour consommer tout de suite.
De plus, en république, les gouvernés se croient gouvernants et sont donc moins vigilants. La démocratisation n'est donc pas un progrès pas plus que la nationalisation l'est pour une entreprise. L'État taxe, s'endette et exproprie. L'endettement, notamment, est préféré car il frappera plutôt le gouvernement futur, peut-être même celui des adversaires du gouvernement présent : il n'y a pas de solidarité entre les gouvernants successifs.
En résumé, la monarchie est un gouvernement privatisé, où l'intérêt du roi propriétaire est basé sur le long terme, dans le respect du capital national.
Les rois de jadis ne purent gouverner que parce que l'opinion publique trouvait cela légitime ; de même, le gouvernement démocratique dépend de l'opinion publique. Il faut donc que cette opinion change, si l'on veut arrêter ce processus de déclin de la civilisation. L'idée du gouvernement démocratique sera un jour considérée comme immorale et politiquement impensable quand il sera patent que la démocratie républicaine a conduit à l'accroissement permanent des impôts, de l'endettement public et du nombre des fonctionnaires, en dévorant le capital. Cette délégitimation est nécessaire pour empêcher la catastrophe sociale qui s'annonce. La dette qui court détruira l'assurance-maladie avant dix ans ; et les pensions de retraite ne seront plus servies aux taux actuels à la même époque.
Depuis 1918, le processus de collectivisation s'est généralisé, tous les indicateurs d'exploitation du peuple par l'État sont en hausse :
Pression fiscale : de 8 % en moyenne durant huit siècles jusqu’en 1900, elle atteint plus de 50 % aujourd’hui.
Endettement : Il a tué la monarchie française, elle s'en souvient. La République pas, ou trop tard.
Famille : la cellule de base naturelle est attaquée de toute part en république parce qu'elle peut constituer in mini contre-pouvoir. Il faut laminer les idées et donc individualiser les comportements.
Droit : en monarchie, le gouvernement ne crée pas la loi.
Le droit privé général s'applique à tous. Le roi, comme un juge, applique la loi préexistante. Ayant lui-même des droits subjectifs, il respecte ceux des autres, même antérieurs à son autorité. Si un roi violait une propriété privée, il remettrait en cause le titre qui le fait roi. Dès lors, on ne change pas les droits des sujets sans leur consentement. Le droit privé s'impose au roi. S'il transgresse, il y a crise grave.
Au contraire, un gouvernement public fait émerger un droit public orienté vers la redistribution. Son gérant se moque que la redistribution réduise la productivité dans le futur, confronté qu’il est au présent électoral et à la concurrence. Le droit privé est perverti de façon totalitaire par une réglementation galopante. La démocratie collectivise ou mutualise la responsabilité individuelle.
Démographie : Le déclin massif des taux de la natalité en Occident correspond à la période démocratique d’après 1918, avec une chute plus grande dans les années soixante, les plus " démocratiques " et égalitaires dans la mentalité.
L'héritage biologique et juridique préservé, le choix sélectif du conjoint et le mariage renforcent l'autorité naturelle de certaines familles dont les membres, de conduite exemplaire, sont bien placés pour jouer le rôle d'arbitre et de juge. De là, naît la monarchie de façon endogène. Si le monopole du pouvoir doit être surveillé, la production naturelle d'une aristocratie est à favoriser, pour obtenir littéralement le gouvernement des meilleurs.
Selon Hoppe, aucune société libre ne peut éviter de dégénérer en société de masse vulgaire si elle se prive d’une aristocratie naturelle dirigée par des ascètes de la civilisation. La survie du monde libre dépendra de notre capacité à produire un nombre suffisant d'aristocrates dévoués au sens de l'Etat.
En monarchie, c'est le prince qui décide si vous pouvez participer au pouvoir.
En démocratie, tout le monde peut, en théorie, participer : on élit n’importe qui. Il n'y a pas de privilèges attachés à la personne, mais des privilèges attachés aux fonctions publiques. Les privilèges, la discrimination et le corporatisme ne disparaissent pas et peuvent être exercés par n'importe qui. Le suffrage universel combiné à la loi de majorité, organise une compétition entre gérants qui vont faire des promesses de type égalitariste à divers groupes sociaux pour se faire élire. Il faudra payer d'autant. La qualité des hommes baisse, comme la vie qui perd en agrément. La sélection de l'homme politique par voie électorale exclut presque qu'un homme honnête ou neutre parvienne au sommet. Seul le démagogue sans inhibitions morales arrive à se faire élire président. Et la corruption le dispute vite à l'arrogance d’un pouvoir éphémère ! C'est une escroquerie.
En revanche, si la sélection d'un prince n'est pas parfaite, il est quand même éduqué dans la préservation de la dynastie. S’il est très mauvais, la famille interviendra et l'entourage immédiat prendra soin de l'État. C'est pourquoi un roi n'est jamais un Hitler ou un Staline mais, ou bien un homme de qualité, ou bien au pire un charmant dilettante comme Louis II de Bavière.
Note : (1) Democracy, the god that failed
Hans-Hermann HOPPE.
Transaction publishers
New Brunswick. New Jersey - USA, 2002
samedi 7 janvier 2006
Monarchie successible
Parmi les objections faites à la monarchie, revient souvent l'idée que, du fait du mode de succession héréditaire, le nouveau monarque peut être un parfait imbécile: "le talent n'est pas héréditaire", me rappelle un de mes contradicteurs. "La République, au contraire, assure une diversité de choix; le choix, c'est la liberté". Ces arguments me donnent l'occasion de rappeler, à mon tour, quelques éléments importants sur ce thème de la désignation du chef de l'Etat.Objection, votre honneur. Si le système électoral était profondément révisé afin de représenter toutes les sensibilités de l'Opinion, l'argument de la manipulation tomberait de lui-même, du moins dans son principe. En clair, à la proportionnelle intégrale, les législatives donneraient une image fidèle du pays et l'accès exactement juste aux subsides électoraux qui prédisposent les candidats à la fonction suprême. Par contre l'exigence de convaincre tout un chacun dans le pays conduit le processus à une débauche de moyens financiers qui seraient mieux employés ailleurs dans un pays au seuil de la banqueroute. Secondement et c'est sans doute le point le plus faible de l'élection présidentielle, le candidat élu part d'un socle électoral de moins de 20%, socle réduit d'autant que la proportionnelle multipliera les accès à la joute. On peut dire que le socle peut tomber à 15% des votants. Avec un coefficient de 35% de non votants (sans compter en plus les non-inscrits), ce socle de légitimité descend à 10% environ du corps électoral. C'est une faillite politique ! Le pays est ingouvernable. Mais pardonnez mon interruption.
La Monarchie française est héréditaire et successible: cela signifie qu'elle n'est pas esclave des élections et de ceux qui les font, c'est-à-dire non pas vraiment les électeurs (qui, en définitive, départagent des candidats déjà choisis pour cette "reine des élections" qu'est la présidentielle), mais bien plutôt les partis et les puissances d'argent, qui sont les premiers "sélectionneurs", au risque de désespérer les électeurs eux-mêmes qui ne se retrouvent pas dans les candidats proposés. Dans l'élection présidentielle, et on l'a bien vu en 2002, le choix, surtout quand les médias considèrent qu'on ne l'a plus..., ce n'est plus vraiment une décision positive mais une décision négative, de crainte ou de dépit : on vote "contre", au risque de voter en même temps (et là, il n'y a pas le choix!) pour quelqu'un que l'on déteste et que l'on a combattu farouchement quelques jours auparavant, et qui se moque bien de vos scrupules... Formidable jeu de dupes, qui laisse souvent un goût amer.
La monarchie, par son principe même, c'est la transmission de la magistrature suprême par le biais le plus simple, le plus naturel, car filial, du père au fils, par la disparition de l'un et "l'apparition immédiate" de l'autre. "Le roi est mort, vive le roi !" et son complément théorique "le roi de France ne meurt jamais !" sont les deux formules qui caractérisent le mieux cette "passation de sceptre" qui, si elle voit la mort physique d'un monarque, voit aussi dans le même temps la pérennité de sa fonction et de l'Etat, immédiatement assurée par son successeur. Ainsi, le roi ne doit son pouvoir qu'à la naissance et au deuil : il n'a pas choisi de naître héritier de roi, "roi en devenir", comme il n'a rien choisi de ceux) qui le précède. Mais cela lui assure une indépendance de fait, sans l'intervention des partis et au-delà de leur propre sphère d'activité et d'influence. En même temps, il n'est pas identifiable à un groupe économique ou social ou même, communautaire. En ces temps de communautarismes parfois agressifs, l'indépendance de naissance du souverain, le fait qu'il appartienne à toute la nation, aux "peuples de France" selon l'expression consacrée, est le meilleur moyen qu'il soit, non un point de friction, mais un trait d'union. Qu'il échappe au "choix" est le meilleur moyen qu'il puisse garantir les libertés de chacun dans l'unité du pays, n'étant l'élu de personne.N'étant l'élu de personne sauf s'il est sacré à Reims, auquel cas il sera celui du Très-Haut. Mais considérons qu'il soit agnostique in petto. N'étant l'élu de personne, aura-t'il suffisamment d'intérêt aux affaires de sa charge ? Ne préfèrera-t'il pas vaquer plutôt aux plaisirs faciles de sa position s'il n'es pas très doué? Et - c'est la question "existentielle" - aura-t'il le goût du pouvoir et celui d'un certain sacrifice de ses ambitions personnelles, s'il est en revanche extraordinairement doué ? Louis XVI vibrait bien plus à l'exploitation de ses larges connaissances géographiques et ethnologiques.
Certes, il n'est peut-être pas le plus intelligent, mais son indépendance statutaire lui permet de choisir les meilleures compétences pour gouverner le pays : souvenons-nous qu'il n'y a pas de Richelieu possible sans un Louis XIII qui l'appelle et le soutient, y compris contre la Cour et certains membres de la famille royale. Louis XIII n'est pas un roi très doué mais sa position lui a permis de choisir Richelieu, non en fonction de sa popularité ou de ses soutiens, mais en raison de ses qualités propres. L'histoire de la Monarchie compte ainsi de nombreux grands serviteurs et commis de l'Etat qui suppléent aux insuffisances des monarques. Bien sûr, il y eut des erreurs et des égarements mais, tout compte fait, le bilan de l'ancienne Monarchie est plutôt positif comme en conviennent les historiens contemporains nourris d'abord au lait de la république. La nouvelle Monarchie à fonder n'en aura que plus de devoirs...Reste la question "démocratique" de l'exercice solitaire du pouvoir, ce pouvoir qualifié d'absolu attaché à un homme, cet homme seul ou solitaire qui tranche et coupe pour tous. Dans un monde où l'on ne produit rien que par un travail d'équipe tant les paramètres de décisions sont complexes, comment un homme seul est-il assuré de voir juste ?
La Monarchie "à la française", même "absolue", n'a jamais été le pouvoir d'un seul homme sur la société ou sur le pays : le pouvoir central, même sous Louis XIV, devait composer avec les "franchises et privilèges" multiples dans les provinces, ce qui évitait ce face-à-face inégal d'aujourd'hui entre l'Etat et l'individu, face-à-face souhaité et théorisé par les révolutionnaires de 1789, au nom de la Liberté "majuscule" et théorique. Exemple : la Bretagne garda son autonomie malgré les pressions de l'Etat central, jusqu'à la nuit du 4 août et, surtout jusqu'à la création des départements, fin décembre 1789, départements qui ne furent que de simples relais des injonctions de l'Etat central jusqu'à une période récente.Entre les caprices de la providence, les forces relatives du pouvoir et des contre-pouvoirs, les capacités diverses de chacun des rois à comprendre son siècle et à parvenir à imposer à la société les rectifications de trajectoires nécessaires, peut-on dire sans remonter à Richelieu que le bilan de la monarchie capétienne est globalement positif ?
Je reviendrai sur la grande question de la Liberté et Des libertés (ce qui n'est pas la même chose), des communautés et de l'Etat sous l'ancienne Monarchie.
Le Roi n'est pas "le seul Pouvoir", mais doit accepter, ou assumer, les contre-pouvoirs (qui sont eux-mêmes des pouvoirs...) qui existent et cohabitent dans le royaume. Il n'est seul que pour les grandes décisions régaliennes dans les domaines diplomatique ou de "grande politique": là encore, il fait appel à de nombreux conseils (parfois antagonistes ...) avant de prendre une décision. Néanmoins, dans l'histoire récente, dans une monarchie qui n'est pas absolue, la décision "solitaire" d'un roi d'Espagne face aux putschistes de février 1981 a été déterminante pour résoudre, sans un coup de feu, et avec le soutien immédiat du peuple (quelle que soit la couleur politique des Espagnols...), la crise provoquée par la tentative de coup d'Etat de Tejero. Il me semble que l'Espagne n'a pas eu à regretter cette intervention royale...
Quant aux bilans, regardons les derniers siècles de notre histoire nationale, et comparons, sans esprit de parti ou d'idéologie: sur le plan des guerres et des invasions de notre pays; sur le plan des régimes constitutionnels et des libertés publiques; sur le plan du pouvoir et des contre-pouvoirs; etc. En ces trois domaines, les faits parlent d'eux-mêmes.Ce mode d'accession au pouvoir est apparemment le plus simple. Le pays élit un candidat "royal" qui s'est présenté ouvertement pour stabiliser le pouvoir exécutif et dans la foulée le corps électoral vote un plébiscite pérennisant la successibilité de la charge à perpétuité. Les attributions actuelles du chef de l'Etat sont assez étendues et puissantes pour permettre un exercice des pouvoirs régaliens dans un contexte monarchique. A supposer que les choses aboutissent, il n'en restera pas moins à faire le travail de redressement du pays, en compactant fortement l'Etat qui est entrain de l'asphyxier et en détruisant les privilèges les plus insupportables, avant de les annuler tous. Le régime sauvé un temps par le couronnement de la charge suprême, résistera-t'il à la chirurgie invasive nécessaire pour le sauver de la gangrène gazeuse ? C'est pas fait !
Néanmoins, il faut aussi évoquer le problème institutionnel sous la Ve République qui a tenté de concilier les deux traditions, monarchique et républicaine. C'est son caractère monarchique qui, de par la forte personnalité du général de Gaulle (dont plusieurs ministres comme Edmond Michelet ne cachaient pas leurs sympathies monarchistes...), a permis à la Ve de s'enraciner durablement : mais, renouant dès l'époque giscardienne, avec les mauvaises habitudes politiciennes, la Ve a ainsi montré qu'elle ne pourrait se réaliser pleinement au bénéfice de la France et de l'équilibre du monde qu'en instaurant la monarchie à la tête de ses institutions... Certains ont évoqué cette solution sous une formule apparemment paradoxale : "Couronner la Ve République". C'est une autre question.
jeudi 5 janvier 2006
Voeux d'Inde
Français, Navarrais, Bourbonnais de si loin et d'ailleurs,
Le soleil s'est levé dans le Capricorne et nous appelle à nouveau à vous souhaiter une bonne et heureuse année 2006 dans les grâces du très saint seigneur Jésus-Christ fils unique du Très-Haut, lui même Dieu de tous les dieux, qui vit et règne dans l'aeternité au-dessus de toute loi ou système cosmique.
Il est de nôtre coutume de nous enquérir de la santé et de la prospérité des nostres sujets tant il est dit par les lois divines immanentes que la charge de vous gouverner pourrait un jour s'abattre sur nos épaules ou celles de nos descendants comme un joug précipité par le Ciel, pour vous arracher au péché du monde et vous conduire sur la route des gloires enfuies.
Le vent d'occident nous rapporte par les voies prosaïques de notre abonnement incessamment renouvelé au Monde Diplomatique, que vos organismes trop richement nourris résistent désormais à tout antibiotique, ceci pour la santé ; et que vos nourrissons issus de votre sang ou apportés par le vent de sable qui souffle sans faiblir sur les Europe, sont grevés chacun de vingt mille dollars de dette exigible avant leur majorité, ceci pour votre ancienne prospérité. Hélas.
La disparition de ce beau pays de France dans les affaires du monde actif est durement ressentie par nous-mêmes à Bhopal en Madhya Pradesh où l'on n'en parle jamais plus, depuis la victoire acquise à domicile par l'équipe française de football sur le Brésil dans les années quatrevingt-dix. Le gouvernement central de l'Union a soumis aux autorités internationales une requête de substitution de la France au Conseil de Sécurité de New York, qui nous l'espérons n'aboutira pas; même si les chances réciproques sont tellement disproportionnées, que seule la Providence pourrait nous en préserver.
Feu le grand prince Salvador, me récitait au chevet du soir les vers de Joachim du Bellay que je murmure encore quand il pleut trop fort ici.
France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Croyez amis fidèles ou même indifférents, que la situation dans laquelle vous ont précipités des gouvernements de rencontre depuis que notre frère Louis a été séparé du destin de la nation, nous navre au plus profond de notre coeur. Nous retrouverons un jour la maternité des arts, des armes et des lois.
Nous prions pour vous chaque matin, et pour nous-aussi, afin que Dieu prenne pitié de vous et de nous-aussi, qui vivons dans l'effroi de sa possible et terrible décision, à moins qu'il n'insuffle à son nouveau lieutenant les forces surnaturelles qui à l'instant lui font défaut.
Mais à l'appel de Lui, nul de Bourbon dans ses droits ne saurait s'esquiver, et je viendrais à Reims endosser ce destin, quel qu'en soit le poids.
Soyez tous assurés de ma profonde affection.
Que l'an neuf soit meilleur.
Balthazar-Napoléon Bourbon
(traduction "belle infidèle" de Steppique Hebdo)
NDLR : À Bhopal, au cœur de la péninsule indienne, vit une famille Bourbon descendant d'un fils du connétable Charles III de Bourbon, Jean-Philippe né en 1535 qui fut exilé au Portugal à la suite d'un duel. Capturé par des pirates en 1541 lors d'un voyage de Sicile vers la Provence, il fut vendu comme esclave en Égypte où il rendra de grands services au sultan qui le comblera d'honneurs. Fait prisonnier de guerre en Abyssinie, il s'évade sur un boutre marchand vers la côte de Malabar aux Indes, vers 1558. Présenté à l'empereur moghol Akbar à la cour de Delhi, il acquiert l'estime du souverain à la tête de l'artillerie moghole, qui lui octroie un titre princier et un jagir (fief). Ces Bourbon de l'Inde acquieront des positions importantes et parmi les plus remarquables, il faut citer Salvador III, général en chef de Bhopal vers 1830, puis son fils Balthazar (+1879) de la huitième génération qui sera ministre puis régent de Bhopal. Ils vivront princièrement dans leurs immenses palais. Fidèles à la religion catholique, ils bâtiront une église, centre de la communauté chrétienne. Un de leurs descendants, Salvador de Bourbon (1917-1978), dernier témoin de la destinée princière de la famille en Inde, a laissé une généalogie de sa famille "History of the Bourbons in India". Maître Balthazar-Napoléon de Bourbon, né le 29 juillet 1958, perpétue le souvenir de cette gloire méritée, encore rayonnante.
Epilogue
Le connetable Charles III de Bourbon a laissé dans les livres d'histoire de France la trace d'un traître, victime de la vieille duchesse d'Agoulème, et partout ailleurs celle d'un redoutable capitaine de guerre qui gagna la bataille de Marignan en 1515 afin que les écoliers gardent au moins cette date unique en mémoire. Dépouillé de ses biens par un procès injuste, il s'était mis au service de Charles Quint avec des fortunes militaires diverses jusqu'à tuer le chevalier Bayard sur les bord de la Sésia, et vaincre et capturer le roi François Ier lui-même à Pavie en 1525. Il mourut sous l'armure en 1527 à l'assaut de Rome.
Le connétable de Bourbon mourut sans postérité lui survivant. Que le quatrième enfant du connétable ait été une légende, reste une belle histoire. Mais si l'on clame si haut "bon sang ne peut mentir", on remarquera que celui qui atteignit la cour moghole à Delhi avait un caractère trempé et des compétences d'artilleur, et que sa descendance poursuivit dans le chemin des honneurs militaires, juqu'à finir au poste de régent chrétien d'un nabab musulman régnant sur un peuple hindou.
Si la valeur du sang prime, les mérites héréditaires de Mgr Balthazar-Napoléon ne semblent pas moindres que ceux d'autres prétendants, même si bien sûr, il ne nous a jamais adressé ses bons voeux de nouvelle année. Qu'il nous pardonne, et accepte l'expression de notre affection sincère !
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