Que nous a appris l'année qui finit ce soir ? Que nous sommes dans le vrai ? Oui, en partie. J'ai retenu dix évènements politiques intéressants de mon point de vue. Dix ? C'est magique : le top-ten, les dix commandements, les dix petits nègres, le décaméron, les dix doigts, Downing street, tout à finir sous X.
Le plus gros des X est l'incapacité de la démocratie à organiser en France un choix de qualité à soumettre à son électorat pour la charge suprême. Pire encore, elle a fait le lit de l'oligarchie qui a capté les moyens d'élaboration des opinions "utiles". Le résultat est à la hauteur des mérites du souverain ; le peuple immense des veaux, addicté au caporalisme-providence de l'Etat cocon, que l'on gave d'images pour le distraire de ses soucis, a porté le meilleur animateur télé de l'année à l'Elysée.
[2] Juste derrière, le milliard des émigrés de l'intérieur ! Alors que le pouvoir entreprend une réforme en profondeur de l'Etat et au-delà de lui force à la révision de comportements sociétaux, il ouvre le bal par un cadeau fiscal aux plus riches. Non que les mesures décidées n'aient pas lieu d'être, mais les passer en priorité est une faute. Les nantis pouvaient attendre 18 mois, à moins que la nouvelle équipe n'ait pas eu l'intime conviction d'atteindre le terme du mandat. Le nouveau pouvoir en place est notoirement celui des riches.......
[3] Troisièmement, le développement d'une diplomatie de souk. De tous temps, l'art des affaires étrangères fut d'échanger des avantages et des inconvénients. Succéder à la diplomatie ectoplasmique de notre grand japonisant et revitaliser la défense de nos intérêts essentiels est certes difficile, mais la reconstruction nécessaire d'un tissu relationnel sain ne s'accommode pas d'une braderie des termes de l'échange. Donner à tous et chacun les clefs d'une centrale électrique nucléaire pour relancer le débat me semble un peu "surdimensionné" comparativement à nos responsabilités stratégiques et à l'autorité mondiale de notre dandin national.
[4] Quatrièmement, les émeutes urbaines sur accident de voirie : voir la police débordée par des casseurs au motif qu'elle a essuyé des coups de feu, en dit long sur l'état de combativité des forces de l'ordre. On veut se rassurer en prétextant que c'est le commandement qui est entravé par la surmédiatisation et par la responsabilisation exagérée des chefs sur le terrain. Mais on n'y croit pas beaucoup, et le sentiment demeure que, tout simplement, ils ont peur !
[5] Cinquièmement, le régime se paie de mots et de shows. L'important est d'en faire beaucoup et gros. Le Grenelle de l'Environnement n'était pas une mauvaise idée, mais on ne doit pas limiter sa portée au succès prétendu de la réunion de tous les acteurs et penseurs de l'Ecologie française. Si l'on veut bien laisser aux enfants et aux idiots de village la "prise de conscience" qui en serait résultée au bénéfice de la nation et bien au-delà, la montagne accouche de deux souris, deux taxes. Le succès médiatique invite le pouvoir à multiplier les "grenelles" et si tous les blocages et insuffisances passent par ce moulin, oubliez les réformes et laissez courir le pays en galoches trouées.
[6] On en arrive aux inculpations formelles de hauts dignitaires de l'Etat dans des dossiers d'argent nauséabond. L'ancien président de la République (3 dossiers ouverts sur 9 instruits), son premier ministre (Clearstream), son ancien ministre de l'Intérieur (Casino d'Annemasse + Sofremi ++) et son fils (!), puis des responsables politiques des étages subalternes, comme le président PS de la région francilienne condamné pour manger sur la Bête avec madame à table, le président UMP du Conseil général des Yvelines condamné pour corruption en réunion, et bien des crapules ordinaires qui ont des investitures politiques comme M. Granié de Fos, le prototype du poisson-pas-frais. La liste est trop longue mais les dossiers sont connus jusque dans les cités ! Comment faire régner l'ordre et la justice avec de pareils exemples ! Une mesure au moins s'imposerait : interdire le sursis pour les peines condamnant les hommes politiques pour des délits commis dans la sphère publique.
[7] La bonne nouvelle, c'est le retour des archiens de Zoé. Ils vont pouvoir purger leur peine en France en regardant la TNT et sans devoir payer leur nourriture au geôlier, ni lui servir de fille (musique !). Cela m'a donné l'idée de la Peine Zéro. Imaginez que des traités de coopération judiciaire soient signés par la France avec une quarantaine de pays, comme elle l'a fait en 1976 avec le Tchad. Tout condamné étranger serait transféré dans son pays pour y purger sa peine : nos prisons se videraient de moitié ; la dissuasion fonctionnerait à plein, puisque les conditions carcérales du Maghreb (par exemple) sont adaptées aux moeurs du condamné et le terrorisent d'avance ; nous traiterions enfin nos anciennes colonies d'égal à égal ; nous récupérerions sans tapage nos babacools épinglés en Thaïlande ou en Indonésie avec une livre de shit qui leur vaut la peine de mort ! Que des bénéfices ! Que fait donc Rachida Dati à se chicaner avec les barreaux de province au lieu d'aller discuter avec son second président ?
[8] Un seul évènement de l'étranger est dans cette liste. C'est la marche du peuple des bonzes au Myanmar. Quelle que soit la répression policière et l'autisme des généraux birmans, ils ont définitivement perdu toute autorité morale et tout crédit à l'extérieur. Même la Chine les évite. Le mouvement est plus efficace que des journées de barricades avec du sang partout ; la mèche est longue qui court de la pagode au magasin à poudres du pouvoir, mais elle brûle.
[9] Il n'y a pas que des critiques. J'ai également apprécié l'appel aux sages sans tenir compte des étiquettes : Jacques Attali sur le redémarrage de l'économie française était un bon choix car il pouvait s'affranchir des "églises" sans aucune réserve mentale. Il a su dire que le pouvoir d'achat des Français était trop élevé par rapport à leur productivité finale, ce qui dans la bouche d'un autre aurait suscité la bronca des nomenklatouristes. De même l'analyse géostratégique réclamée à Hubert Védrine était une excellente décision, et l'on ne peut qu'espérer que le pouvoir en tienne compte. On y voit peu d'effet au moment sur la "politique d'ingérence à la carte". Je crois que ça dépasse un peu le ludion du Quai.
Le dernier évènement n'est pas non plus négatif. C'est la prise à bras le corps de la question de l'immigration dans les conditions compatibles avec l'environnement "démocratique" européen. On expulse, insuffisamment, mais on expulse. On serre l'édition de cartes de séjour, on numérise les visas, jusqu'à vouloir prélever l'ADN des regroupements familiaux. Certes ces mesures ne sont pas toutes effectives ou généralisées mais l'important est le signal donné dans les pays d'émigration. La France, "tu n'y rentres plus comme dans du beurre !" Nous sommes sur le bon axe, et suscitons autour de nous un durcissement des conditions d'accès (en Angleterre d'abord) qui doit réduire le pigeonnage de nos propres prestations sociales. "Tu nous aimes ou tu nous quittes" est par ailleurs le bon slogan pour les indécis. Il est temps de s'occuper sérieusement de la guerre à la misère aux sources de la pauvreté et de l'injustice.
Ira-t-on jusqu'à réviser les régimes politiques imposés au Tiers-Monde, qui ont prouvé leur malfaisance dans la promotion de pirates aux leviers de ces malheureuses démocraties. Quelle morgue de notre part de les avoir à ce point floués. Un chroniqueur congolais réclame le retour de son roi ; nous nous quitterons cette année là-dessus en cliquant ici pour lire Apollinaire Noël Koulama.
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