lundi 31 décembre 2007

Dix choses de 2007

ancre à 10 pointes
Que nous a appris l'année qui finit ce soir ? Que nous sommes dans le vrai ? Oui, en partie. J'ai retenu dix évènements politiques intéressants de mon point de vue. Dix ? C'est magique : le top-ten, les dix commandements, les dix petits nègres, le décaméron, les dix doigts, Downing street, tout à finir sous X.

Le plus gros des X est l'incapacité de la démocratie à organiser en France un choix de qualité à soumettre à son électorat pour la charge suprême. Pire encore, elle a fait le lit de l'oligarchie qui a capté les moyens d'élaboration des opinions "utiles". Le résultat est à la hauteur des mérites du souverain ; le peuple immense des veaux, addicté au caporalisme-providence de l'Etat cocon, que l'on gave d'images pour le distraire de ses soucis, a porté le meilleur animateur télé de l'année à l'Elysée.

[2] Juste derrière, le milliard des émigrés de l'intérieur ! Alors que le pouvoir entreprend une réforme en profondeur de l'Etat et au-delà de lui force à la révision de comportements sociétaux, il ouvre le bal par un cadeau fiscal aux plus riches. Non que les mesures décidées n'aient pas lieu d'être, mais les passer en priorité est une faute. Les nantis pouvaient attendre 18 mois, à moins que la nouvelle équipe n'ait pas eu l'intime conviction d'atteindre le terme du mandat. Le nouveau pouvoir en place est notoirement celui des riches.......

[3] Troisièmement, le développement d'une diplomatie de souk. De tous temps, l'art des affaires étrangères fut d'échanger des avantages et des inconvénients. Succéder à la diplomatie ectoplasmique de notre grand japonisant et revitaliser la défense de nos intérêts essentiels est certes difficile, mais la reconstruction nécessaire d'un tissu relationnel sain ne s'accommode pas d'une braderie des termes de l'échange. Donner à tous et chacun les clefs d'une centrale électrique nucléaire pour relancer le débat me semble un peu "surdimensionné" comparativement à nos responsabilités stratégiques et à l'autorité mondiale de notre dandin national.

[4] Quatrièmement, les émeutes urbaines sur accident de voirie : voir la police débordée par des casseurs au motif qu'elle a essuyé des coups de feu, en dit long sur l'état de combativité des forces de l'ordre. On veut se rassurer en prétextant que c'est le commandement qui est entravé par la surmédiatisation et par la responsabilisation exagérée des chefs sur le terrain. Mais on n'y croit pas beaucoup, et le sentiment demeure que, tout simplement, ils ont peur !

[5] Cinquièmement, le régime se paie de mots et de shows. L'important est d'en faire beaucoup et gros. Le Grenelle de l'Environnement n'était pas une mauvaise idée, mais on ne doit pas limiter sa portée au succès prétendu de la réunion de tous les acteurs et penseurs de l'Ecologie française. Si l'on veut bien laisser aux enfants et aux idiots de village la "prise de conscience" qui en serait résultée au bénéfice de la nation et bien au-delà, la montagne accouche de deux souris, deux taxes. Le succès médiatique invite le pouvoir à multiplier les "grenelles" et si tous les blocages et insuffisances passent par ce moulin, oubliez les réformes et laissez courir le pays en galoches trouées.

[6] On en arrive aux inculpations formelles de hauts dignitaires de l'Etat dans des dossiers d'argent nauséabond. L'ancien président de la République (3 dossiers ouverts sur 9 instruits), son premier ministre (Clearstream), son ancien ministre de l'Intérieur (Casino d'Annemasse + Sofremi ++) et son fils (!), puis des responsables politiques des étages subalternes, comme le président PS de la région francilienne condamné pour manger sur la Bête avec madame à table, le président UMP du Conseil général des Yvelines condamné pour corruption en réunion, et bien des crapules ordinaires qui ont des investitures politiques comme M. Granié de Fos, le prototype du poisson-pas-frais. La liste est trop longue mais les dossiers sont connus jusque dans les cités ! Comment faire régner l'ordre et la justice avec de pareils exemples ! Une mesure au moins s'imposerait : interdire le sursis pour les peines condamnant les hommes politiques pour des délits commis dans la sphère publique.

[7] La bonne nouvelle, c'est le retour des archiens de Zoé. Ils vont pouvoir purger leur peine en France en regardant la TNT et sans devoir payer leur nourriture au geôlier, ni lui servir de fille (musique !). Cela m'a donné l'idée de la Peine Zéro. Imaginez que des traités de coopération judiciaire soient signés par la France avec une quarantaine de pays, comme elle l'a fait en 1976 avec le Tchad. Tout condamné étranger serait transféré dans son pays pour y purger sa peine : nos prisons se videraient de moitié ; la dissuasion fonctionnerait à plein, puisque les conditions carcérales du Maghreb (par exemple) sont adaptées aux moeurs du condamné et le terrorisent d'avance ; nous traiterions enfin nos anciennes colonies d'égal à égal ; nous récupérerions sans tapage nos babacools épinglés en Thaïlande ou en Indonésie avec une livre de shit qui leur vaut la peine de mort ! Que des bénéfices ! Que fait donc Rachida Dati à se chicaner avec les barreaux de province au lieu d'aller discuter avec son second président ?

[8] Un seul évènement de l'étranger est dans cette liste. C'est la marche du peuple des bonzes au Myanmar. Quelle que soit la répression policière et l'autisme des généraux birmans, ils ont définitivement perdu toute autorité morale et tout crédit à l'extérieur. Même la Chine les évite. Le mouvement est plus efficace que des journées de barricades avec du sang partout ; la mèche est longue qui court de la pagode au magasin à poudres du pouvoir, mais elle brûle.

[9] Il n'y a pas que des critiques. J'ai également apprécié l'appel aux sages sans tenir compte des étiquettes : Jacques Attali sur le redémarrage de l'économie française était un bon choix car il pouvait s'affranchir des "églises" sans aucune réserve mentale. Il a su dire que le pouvoir d'achat des Français était trop élevé par rapport à leur productivité finale, ce qui dans la bouche d'un autre aurait suscité la bronca des nomenklatouristes. De même l'analyse géostratégique réclamée à Hubert Védrine était une excellente décision, et l'on ne peut qu'espérer que le pouvoir en tienne compte. On y voit peu d'effet au moment sur la "politique d'ingérence à la carte". Je crois que ça dépasse un peu le ludion du Quai.

Le dernier évènement n'est pas non plus négatif. C'est la prise à bras le corps de la question de l'immigration dans les conditions compatibles avec l'environnement "démocratique" européen. On expulse, insuffisamment, mais on expulse. On serre l'édition de cartes de séjour, on numérise les visas, jusqu'à vouloir prélever l'ADN des regroupements familiaux. Certes ces mesures ne sont pas toutes effectives ou généralisées mais l'important est le signal donné dans les pays d'émigration. La France, "tu n'y rentres plus comme dans du beurre !" Nous sommes sur le bon axe, et suscitons autour de nous un durcissement des conditions d'accès (en Angleterre d'abord) qui doit réduire le pigeonnage de nos propres prestations sociales. "Tu nous aimes ou tu nous quittes" est par ailleurs le bon slogan pour les indécis. Il est temps de s'occuper sérieusement de la guerre à la misère aux sources de la pauvreté et de l'injustice.

Apollinaire Noël KoulamaIra-t-on jusqu'à réviser les régimes politiques imposés au Tiers-Monde, qui ont prouvé leur malfaisance dans la promotion de pirates aux leviers de ces malheureuses démocraties. Quelle morgue de notre part de les avoir à ce point floués. Un chroniqueur congolais réclame le retour de son roi ; nous nous quitterons cette année là-dessus en cliquant ici pour lire Apollinaire Noël Koulama.


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jeudi 27 décembre 2007

République des potes

bandeau de l'Elysée
Nous avons connu la République des gendres, celle des apatrides, celle des ruraux, puis la Haute République lorraine, et celle des Rothschild, la république Louis XV par les soupentes, la florentine du Bigame, la République aborigène de Pinarque, et nous voilà catapultés par le peuple souverain dans la République des Potes ! République tricéphale d'autant de lobes que de groupes. D'abord les potes politiques, ceux qui ont poussé à la roue du char Villepin-Chirac quand il était en équilibre au bord de la falaise de l'Impéritie ; il s'est crashé sous les hourras, et ces potes-là de se taper sur les cuisses en pillant les prébendes...

Un second groupe est celui des popupotes à paillettes qui va de Faudel (!), Johnny Halliday, les Visiteurs, à Max Gallo, grand compilateur d'histoires levées par d'autres afin de nourrir l'Histoire et sa fraîche immortalité, l'abbé Gilbert, curé des loubars à pins clignotants, et le grand "lâcheur de salopes" national qu'est Jean-Marie Bigard, redoutable pieux, ce que l'on a de plus fin en rayon, chère médème ! C'est dans ce deuxième groupe qu'on a tiré au sort pour faire la virée à Rome chez Bee-sixteen, avec un discours de Guaino dans la poche revolver pour lancer la fusée médiatique de la laïcité positive. Sioux ! Lou Ravi était content et même Bayrou a gobé le truc du maurrassien de service ! Quand il y en a pour six ... Mamma Bruni fut invitée à la basilique pour épater la promise toute neuve. On s'éclate !

Le troisième groupe est celui de la puissance fric. C'est le groupe des copains de Neuilly, celui qui prête les avions, le yacht, loue les villas et trie les escorts. Un petit gotha à lui seul. Inutile de les citer, rien ne s'efface sur Internet, ils sont cinq, pas un de plus, ils dirigent le pays, ils font préparer des lois de contention des opinions du même tonneau que les oukases patriotiques du nouveau csar de Russie, soyez prudents, ils tiennent la presse par les bourses, c'est plus sûr et moins décrié.
[soupir]
Après Pinarque le Prompté, comment en sommes-nous arrivés là ?
Quand il s'est agi de se faire une idée de la femme du Premier secrétaire du Parti socialiste qui se lançait comme Eva Péron dans l'arène, après deux minutes de sympathie, on tapait de l'ongle le buste rebondi de la Marianne pour s'apercevoir qu'il était en plâtre creux, et fuir.
Combien de Français ont-ils été freinés par l'imprévisibilité de M. Le Pen qui au seuil du succès, se jetait tête première dans les fours, "créait" des sidatoriums, ou exaltait "l'Occupation douce". Nous risquerions le ridicule à tout moment, pensaient-ils, si nous mettions ce bateleur à l'Elysée.
Alors de se rabattre tous sur le petit reître qui ferait ce qu'il avait promis, nettoyer les écuries d'Augias, trier les immigrés, remonter la bonne humeur des riches pour relancer le moteur de l'économie, et ressouder l'Alliance, dans un enchantement général.
Avec un agrégé-agriculteur-centriste à contremploi, c'était le carré final duquel le régime démocratique exigeait que l'électorat tire la courte paille.

Il gagna ! Enfin seul ! Et de s'éclater aussitôt avec les potes ! "On fait quoi demain ?" doit être le leitmotiv du team présidentiel au coeur de la télé-réalité nationale. Dernier avatar de la déesse Média, la résurrection de Cécilia avec 10 ans de moins. Pommettes saillantes, yeux de chat, mais la patte d'oie véloce signale une forte pression sur le casting des copains. Foin des jaloux, courons à Louxor pour les fêtes, ça tombe bien Vincent y va aussi !
- "T'as deux places dans le jet ? Quatre ? On prend Bernard et Christine ! Six ? On prend Louis et sa copine".

Nicolas et Carla à Louxor
Rue89 que je ne lis jamais sauf quand un moteur web m'y conduit, a réagi au mot-clef "kantorowicz". Mazette, les refioms de Libé font dans les deux corps du roi ? Il y a du nouveau sous le soleil d'hiver, surtout depuis que Régis Debray en fait beaucoup de son côté sur "l'Obscénité Démocratique" (Flammarion), à croire que les yeux de l'Intelligentsia se dessillent enfin sur la perversité systémique du régime, à devenir ... royalistes bientôt (humour). On a bien vu l'URSS verser au ravin sans prévenir ; la Rive gauche passera-t-elle le Pont des Arts ? Séisme !

Debray dénonce : « Nous ne tolérons plus d’être représentés par des hommes et des femmes d’exception, qui pourraient nous hisser un peu trop haut, nous exigeons des sosies à notre taille et semblance...C’est la norme tous azimuts...la saute d’humeur, la bouffée d’émotion deviennent, comme le torse nu et le nombril à l’air, des procédés rhétoriques d’accréditation. L’affect en sautoir sied à un univers où la liberté ne se définit plus comme autonomie réfléchie mais comme spontanéité reflétée, un "laissez-moi faire laissez-moi passer" et non une loi à soi-même donnée [....] C'est la scène républicaine qu'il faut sauver de l'obscénité, au moment où la politique devient le tout-à-l'ego d'un pays en proie aux tyrannies de l'audimat, de l'émotif et de l'intime. »
Plein cadre, citoyen Debray !

armes de la République
"Respectez les rites" disait Confucius aux pauvres, "ils vous enferment dans une obéissance de routine" pensait-il au fond de lui-même. Vous nous appelez au respect des valeurs, que dis-je, au retour des Valeurs, respectez les rites de la charge, Monsieur le Président, elle ne vous appartient pas ! Pour cela, soignez votre image. D'autres que vous iront après vous visiter des présidents, le pape, le dalaï lama, qui sais-je, et se passeront bien de références malheureuses. Si le ridicule ne tue plus en France depuis longtemps, il n'est pas sûr que tous les pays en soient indemnes. Surveillez jusqu'aux futilités protocolaires :

Ce n'était pas la peine de se présenter cet été chez la famille Bush fringué par Emmaüs Brothers avec la rosette de commandeur de la Légion d'honneur à la boutonnière, même si vous avez capturé leur directeur dans votre gouvernement, surtout que les Bush vous ont accueilli en Ralph Lauren's, sans breloques ni pins ! Dommage d'aller recevoir la barrette de chanoine de Saint-Jean du Latran en "Delaveine" pas même croisé, sans pochette blanche pour faire modeste et décontracté (excusez-moi deux secondes, j'ai un SMS). Vous n'êtes pas modeste, Bee-sixteen le sait parfaitement, qui s'intéresse depuis toujours à la France et fut un membre éminent de l'Académie des Sciences morales et politiques de Paris. Quel tact de lui avoir offert "votre" livre ; on aurait cru un auteur malheureux édité à son compte qui a deux cents exemplaires invendus dans sa piaule ! Vous prenez des poses amicales avec le président Poutine qui ne sourit jamais et qui ne vous aime pas, parce qu'il n'aime personne, c'est dans sa nature d'espion qui venait du froid. Le dernier télégramme de félicitations pour les élections russes enlevées au tampon bureaucratique était too much ; il ne vous rapportera rien, car vous n'êtes qu'un client, petit client.

Passée la divine surprise de votre retour au bercail atlantique, la presse yankee bien moins déférente que la nôtre, a commencé à se boyauter de suivre le barnum de l'escadrille présidentielle française, et va faire sous peu le rapprochement qui tue avec le regretté Silvio Berlusconi. Au faîte de la gloire vous risquez d'entrer dans la série universelle des Simpson !!!


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La chute du billet aurait pu être différente, à se réjouir de l'affaissement de la fonction présidentielle, affaissement qui rehausserait le prestige de l'alternative royaliste. Mais le pays est dans un tel état de délabrement moral qu'on ne peut souhaiter la ruine de son image pour l'avantage d'une idée.

mercredi 26 décembre 2007

Boxing day

dessin de TimeTime Magazine avait fait la couverture du 3 décembre de son édition "Europe" sur la mort de la culture française. Un article de six pages - ce qui est exceptionnel dans cet hebdomadaire -, signé de Donald Morrison et Grant Rosenberg de l'agence Time de Paris, pilonnait l'ancien "superpower" culturel mondial, essentiellement au motif de piètres résultats sur le Marché. Cet assaut qui ne se lassait pas de faire mousser le déclinisme français, était dans le droit fil de la dispute transatlantique sur la marchandisation des arts et de la culture, et il réveillait aussi le procès en arrogance que nous fait le monde anglo-saxon (s'il n'y avait que lui !). Cet article, finalement un peu ennuyeux (jugez par vous-même en cliquant ici), suscita ci et là certaines réponses automatiques démontant l'angle d'attaque purement mercantile et le parti-pris libéral. Mais la meilleure réponse est bien celle, extraite du courrier des lecteurs de Time, que nous publions ci-après :...

SE Stapleton« Je suis heureux de lire votre assertion que "Personne d'autre que les Français ne prend plus sérieusement à coeur la culture". C'est vrai. La créativité culturelle est bien vivante en France, et en langue française aussi. L'architecte de l'édifice le plus signifiant artistiquement qui fut imaginé pour New York est français : Jean Nouvel. Jonathan Littell, un romancier américain de 40 ans, a écrit le roman qui lui a valu un prix, Les Bienveillantes, en langue française.
Le ministère français de la Culture dépense chaque année 4,4 milliards de dollars pour développer et nourrir la culture, et je n'ai jamais entendu quelqu'un se plaindre de ce coût. Les entreprises et les particuliers commencent aussi à soutenir les arts. Et bien sûr, la vitalité de la culture française doit se mesurer par autre chose que simplement les recettes hebdomadaires du box-office.
La chose formidable avec la culture, par essence, est qu'elle n'a pas de date de péremption. La culture n'est pas une compétition. Les Etats-Unis et la France partage un haute estime envers la culture, et depuis plus de deux siècles nos cultures se sont interpénétrées, renforcées et défiées l'une l'autre. Ensemble, nous honorons le meilleur du passé quand nous construisons notre spécificité, et quand nous partageons nos fonds culturels qui chaque jour enrichissent le Monde pris dans son entier.
Si vous ne me croyez pas, venez voir ! »


Craig R. Stapleton
Ambassadeur des Etats Unis d'Amérique
Paris
(traduction RA)

Mr Stapleton fut nommé ambassadeur en France par le président Georges W. Bush en juin 2005 après un séjour en Tchécoslovaquie. Outre sa carrière diplomatique, Craig R. Stapleton a mené une carrière d'homme d’affaires. Depuis 1982, il est président du bureau de conseil immobilier Marsh and McLennan de New York. De 1989 à 1998, il a été propriétaire, avec le président Bush, de l’équipe de base-ball des Texas Rangers. En 2004, il fut président du comité du Connecticut pour la réélection du président Bush et en 2005, il était membre du conseil d’administration de Allegheny Properties & Partners. Il est président de la Fondation Vaclav Havel aux Etats-Unis et aussi très impliqué dans le monde associatif. Sa réponse, peu en adéquation avec son profil de carrière, en est d'autant plus surprenante ; comme quoi il ne faut pas stéréotyper ces diables d'Américains qui cachent parfois le meilleur d'eux-mêmes sous nos a priori. N'est-ce pas John Rockfeller qui a sauvé le château de Versailles de la ruine au sortir de la Grande Guerre ?
Merci à Votre Excellence. Je vais de ce pas acheter mon 6-pack de CocaCola. Dorénavant MM. Morrison et Rosenberg ne sont plus les bienvenus au Harry's Bar sauf à mettre sur leur visage un loup de folle.


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samedi 22 décembre 2007

Joyeux Noël

boules noel
Joyeux Noël à tous, et même aux tristes, bêtes, fous, niais ou vieux, mais surtout aux solitaires de tous âges. Noël est le prototype de la fête de famille, si vous n'en avez plus, cette semaine n'est qu'un mauvais moment à passer. Achetez des bouquins, du whiskey irlandais, de la musique ou des films, et un peu d'afghan pour tenir la distance, vous renaîtrez à la Saint-Basile, perché sur un cheval ...

bouteille vouvrayD'ici là, même raide comme un passe, faites l'aumône aux clochards de votre rue ça vous donnera de l'importance, et si vous êtes généreux, ils se découvriront le matin au sortir de chez vous pour montrer leur remerciement. Charité bien ordonnée commence par sa propre gloire. Donnez fièrement. Mieux encore, sortez du caveau noir une de ses bouteilles de Vouvray qu'on ne peut offrir qu'aux Français de Loire, et avec six gobelets en plastique emboîtés ensemble, portez-leur le tout, ils apprécieront. Pas besoin de tire-bouchon. Mais ne partagez pas, vous taxeriez la contenance.

soupeSi vous ambitionnez de passer aux infos locales, peut-être déciderez-vous une soupe de Noël ? Eviter la soupe au cochon, non pour des raisons subversives mais parce que c'est une viande cadavérique infâme. Il est de vieilles poules au Leclerc qui remplaceront avantageusement les bas morceaux de goret, à défaut, de la joue de boeuf, de la queue du même ou du plat de côte bien jaune. Chargez en carottes lavées autant que de viande en poids, sans les éplucher, et jetez du choux le plus vert, haché menu. Un oignon doux au litre de bouillon, une grosse poignée de pois chiches ou de châtaignes, de la ventrêche* maigre fumée, effilée mais non désossée, au cinquième de la viande, sel, poivre et blanc de poireau.
NB: * ce n'est pas du porc mais de la saurisserie
Portez à ébullition, écumez le plus gros de quoi monte, puis laissez glouglouter couvert deux heures à petit feu.
Se sert chaud fumant au grand bol, avec une tranche épaisse de pain gris, un grain d'ail cru et 20cl de vin rouge franc pour faire chabrot.
Saint Pierre vous notera dans son grand livre.

houx de noel
Entretemps vous aurez préparé vos cadeaux de bout d'an aux services ancillaires en proportion de leur pouvoir de nuisance. Soyez bon avec le concièrge, le facteur et l'égoutier affecté à votre rue. Sauf le premier, un rien les touche. Si nos forces de l'ordre reviennent à la police de proximité, il vous faudra corrompre adroitement l'ilôtier de petits riens mémorisables. Lui ou Penthouse que vous aurez soi-disant trouvés dans le hall à portée des enfants, un stylo bic à faisceau laser rouge, un jeu de 52 cartes espiègles ou tout simplement une paire de baguettes en cloisonné s'il y a rapport à l'Union française, ça marche, d'expérience.

Les soirées critiques des 24, 25 et 31 décembre, évitez les grandes chaînes de télévision qui vont dégouliner de joie, et sautez sur votre magnétoscope ou lecteur DVD pour des films de guerre, d'amour exotique ou les westerns américains. Mettez un chapeau noir au fond de votre lit, ouvrez les cacahouettes et attaquez le Bushmill ou Jameson patiemment jusqu'à voir distinctement deux chapeaux.

gui toxique de noel

Truc : préparer un demi-litre d'eau plate avant d'aller au lit et mettre le réveil pour l'avaler tout entier au milieu de la période de sommeil ; la barre de fer n'apparaîtra pas au matin.



- Hallelujah par Leonard Cohen -


BONNES FÊTES A TOUS



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The Gutter Race

HuckabeeLa campagne présidentielle américaine entrera dans le vif du sujet sous quinzaine avec les Primaires. Elle a commencé au début de cette année par la levée des fonds de campagne par chacun des candidats des deux bords. Vous remarquerez en cliquant sur le nom des candidats le professionnalisme des sites, et que chacun s'ouvre sur le formulaire de contribution ; on est américain et pratique ! Curieusement ce ne sont pas les plus "riches" aujourd'hui qui mènent le train, mais les plus "assimilables" par les cerveaux formatés de l'électorat moyen. Le plus doué peut-être dans la mise à niveau - d'aucuns diront l'affaissement intellectuel - est le pasteur-gouverneur de l'Arkansas Mike Huckabee qui, inconnu quasiment il y a trois mois, sans gros moyens et soutenu par une équipe de campagne squelettique - essentiellement sa famille proche -, est devenu le leader républicain et la cible des satrapes du GOP ou Grand Old Party...

Le mormon Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachusetts, dénonce le programme "d'école primaire" du pasteur et les spins doctors de son équipe fouille les poubelles de l'Etat d'Arkansas 24h sur 24. Ils trouvent ! Le parrain new-yorkais Rudy Giuliani qui s'est laissé prendre dans les rets de l'argent facile et nauséabond tente de survivre au chaos républicain avec sa carte du Onze-Septembre, mais elle commence à s'écorner depuis que les anciens chefs de la police ont pris publiquement leurs distances avec le "héros médiatique" de la sécurité urbaine de Big Apple.

Bauer alias ChalaisSeul le héros-vétéran John McCain, sénateur de l'Arizona, s'abstient de curer les égouts de ses adversaires car il en a souffert lui-même dans la campagne précédente contre GW.Bush. Dans les "Chocolats de l'Entracte" (Stock 1972), François Chalais relate sa visite à l'hôpital de Hanoï où le pilote de bombardier était soigné. Deux bras brisés et la jambe cassée par une éjection défectueuse de son siège, McCain avait ému le reporter qui avait noté son courage dans la douleur, sans s'empêcher de mettre en parallèle qu'il avait bombardé 23 fois Hanoï avant de se faire descendre au dessus du lac Bach Truc : Que pèse un prisonnier blessé en face de tant de gosses tués ou affreusement mutilés par ses bombes à billes ? Quand on massacre des civils avec des bombes à fragmentation dont les fusées sont réglées pour exploser bien avant le sol, on peut prendre sa retraite et ne plus donner de leçons. L'héroïsme a-t-il consisté à s'éjecter et survivre ? Apparemment oui, le site de campagne de McCain offre en page d'accueil sa photo sur son lit de Hanoï.

ClintonEn face, chez les Démocrates, la guerre civile fait rage tout autant. Le chouchou des média, Barak Obama souffre du handicap du métissage, pas bien blanc pour les Wasp et les Red Necks, pas si black que ça pour les Noirs. Et malgré le support tapageur de la vedette Oprah Winfrey, il est mis à la torture quand l'équipe Hillary Clinton s'inquiète de ses convictions alors qu'il s'est abstenu de voter 130 fois au sénat de l'Illinois en huit ans seulement. Ça tue. Laquelle équipe Clinton use de la désinformation la plus vile en diffusant des tracts injurieux signés de ses adversaires.
Celui que toutes les belles mères mûres de la côte Est auraient voulu comme gendre est John Edwards, mais cela ne suffira pas face à l'entreprise de démolition de la sénatrice de New York.

Nos journaux français vont commencer à conter par le menu cette course de caniveau, nous n'anticiperons pas. Par contre il est l'heure de dénoncer la procédure de choix de l'homme le plus puissant du monde. Bien sûr les "démocrates" auront beau jeu de dire que c'est une comédie dont le script est précis et la mise en scène variée, mais qu'au bout de la trajectoire c'est un "embrassons-nous Folleville général". Pas du tout !

Le cirque démocratique américain a fabriqué Bush junior avec la complicité de la Cour Suprême et quelques ajustements de scrutin dans l'Etat gouverné par son frère. Il l'a confirmé au motif sans doute qu'on ne change pas de cheval au milieu du gué, ce qui s'applique bien à un ranchero. Le gouvernement bunkerisé Cheney-Bush est tellement mauvais que non seulement il est en passe de couler le GOP dans l'opinion, mais surtout qu'il commence à être pilonné par sa propre administration. Du jamais vu nulle part. La communauté du Renseignement publie son rapport NIE qui prend l'exact contre-pied de la thèse officielle à la Maison Blanche.
Si le champ de manoeuvre de la présidence américaine était limité aux marches de l'empire, nous pourrions seulement leur souhaiter d'améliorer leur système pour une société plus juste, plus fraternelle et tout le tintouin. Mais la Maison Blanche, la FED et Wall Street gouvernent le Monde par les armes, la monnaie commune universelle et la présidence de la planète Fric !

Time PoutineNos démocraties européennes ne réagissent pas vraiment, pire elles se laissent glisser à copier le modèle américain. Sauf en Russie ! Quoiqu'il advienne au pseudo-csar Poutine - surtout si le marché des hydrocarbures et des matières stratégiques se retourne - il aura fait la démonstration qu'un pays effondré sur lui-même se redresse par l'ordre et non par les effervescences démocratiques. Bien sûr, la gestion quotidienne de l'Ordre dérape souvent en Russie où l'on a du mal à rompre avec une longue tradition de l'assassinat, et les victimes sont nombreuses dans le champ et hors du champ politique. Mais à mesurer le chaos laissé par le président Eltsine on se doute un peu que ce ne pouvait être une promenade de santé.
La dérive autocratique est dans les moeurs russes, la popularité du président actuel en témoigne, jusqu'à défier Condoleezza Rice qui s'émeut publiquement des reculs démocratiques, dont tout le monde ou presque là-bas se félicite dès lors que le bol à bortch est plus grand. On notera que le pouvoir complètement décomplexé a dépassé le stade des remontrances et recommandations aux pays étrangers, et agit concrètement. Il livre la charge d'uranium civil pour sa centrale en Iran. Il fait manoeuvrer l'escadre ; et va s'impliquer sous peu dans "nos" affaires africaines en y entrant par la Libye !

Tous les régimes politiques ne se valent pas, et la démocratie maîtrisée qui se pratique en Occident et au Japon n'est pas le pire bien évidemment. Par contre son exercice est sans grand effet s'il ne s'appuie pas sur une puissance. La Russie en respecte les formes, la lettre mais peut protéger ses intérêts en grignotant les nôtres car elle recouvre de la puissance. Le Japon va dans le même sens, qui s'inquiète du blanc-seing occidental à la Chine Populaire à laquelle on a donné Taïwan en pâture pour apaiser ses appétits impériaux. Les Etats-Unis ne s'inquiètent pas de la gutter race dès lors qu'ils conservent une suprématie incontestée de leurs armées et de leurs banques. Restent nous ! Pauvres nous !

SarkozyEmpêtrés dans une solidarité hors de prix pour nos petits moyens, incapables de vraies réformes, et addicts de la comédie du pouvoir comme jamais aujourd'hui depuis la pipolisation effrénée des acteurs politiques - M. Sarkozy se rend à l'audience du saint-Père en costume de ville entouré d'une "bande de copains" -, nous ne voulons pas privilégier le renouveau de notre puissance, quels que soient les domaines et les cadres, l'Europe n'étant pas le plus mauvais.

En conséquence de notre désindustrialisation, nous sommes ouverts aux quatre vents et littéralement pompés par le Tiers-monde (300 millions $ à l'Autorité palestinienne alors que nous avons des milliers de gens qui vivent dehors ou dans les maisons de Cadet Roussel), nous affichons des déficits dans TOUS les compartiments du jeu, ce qui diminue d'autant notre influence, notre autorité. Passé les proclamations il faut avancer nos pions, nos armes ou nos virements ! Hélas.

C'est ainsi qu'entre les Etats-Unis assez mortifiés de leurs aventures orientales et la Russie impérialiste qui a décidé de ressortir de chez elle, ne va se trouver qu'un seul coin pour bloquer l'étau : l'Allemagne. Soyons sûrs que ce rôle donnera lieu à fructification politique à notre endroit. Nous disparaîtrons de la table de conférence des grands non en vertu de textes que nous aurons mal compris et signés, mais simplement par la non-convocation de la France à ces réunions, car elle ne fera plus le poids sans que cela ait pu diminuer son impossible et bruyante arrogance. Il y a eu des précédents.
Il suffit déjà de mesurer l'impact "concret" de nos prises de position les plus connues : Liban, Darfour, Turquie, Irak ... suivez Kouchner.
Les gens utiles et compétents ne sont pas aux places qu'ils méritent, à moins qu'ils ne montrent eux aussi déjà un désintérêt certain pour la gutter race.
Alors remettons le roi en ses conseils !


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jeudi 20 décembre 2007

Transalpines

armes des MédicisLe royaume de France eut peu de reines italiennes, mais elles ont chacune surgi aux carrefours de notre histoire, marquée de leur tempérament politique et surtout d'un caractère impétueux. La mèche est longue et commence avec les princesses lombardes et autres provençales, Vultrade, Désirée, Aélis, Emma, Rozala, puis nous conquîmes des piémontaises, vénitiennes pour arriver au coeur du haut lignage toscan avec nos belles Médicis...

Catherine de MédicisCatherine (†1589), fille unique et vite orpheline de Laurent II de Médicis dont elle devint le légataire universel, épousa Henri II de France à Marseille conduite à l’autel par le pape en personne ! Elle mit à la disposition du royaume 128000 écus de dot et, avec quelque peine, les futurs François II, Charles IX et Henri III. Elle partagera les attentions du roi avec une courtisane piémontaise du même âge qu'elle, la Filippa, protégée du roi François Ier, et qui mettra au monde Diane de France, éduquée chez Diane de Poitiers ! Quelle époque, et sans télévision !
Les deux régences de la reine Catherine furent efficaces pour finalement ne jamais cesser vraiment. Pendant la première, celle de Henri II parti à la guerre contre Charles-Quint, vivanderie, fourrage et remonte des armées royales furent son souci premier. La seconde, de Charles IX, plus longue et fertile, la verra présider les Etats-Généraux et promulguer l'Edit de Janvier qui octroya la liberté de conscience et de culte aux Réformés. Puis ce sera la Paix d'Amboise juste avant la majorité du jeune roi. A partir de là elle enchaîne les travaux politiques de reconstruction et concorde de la Nation déchirée, même si le massacre de la Saint-Barthélemy entache gravement son aura de conciliatrice. Il n’est pas possible de le lui imputer clairement, personne n’ayant osé prendre des notes. Son fils Henri III aura une maîtresse de renom, la Veronica, curtigiana onesta, une sorte de geisha vénitienne avant l'heure.
L'article de la Wikipedia sur Catherine de Médicis est complet et honnête ; on peut cliquer ici. Une grande reine, à écorner la loi salique fondamentale. (Non, non ! pas sur la tête !)

marie de médicisMais Marie de Médicis (†1642) qui arrivera en France avec une suite de 2000 personnes et 600000 écus de dot pour épouser Henri IV, ne fut pas mal non plus. Instruite dans les arts, jalouse et collet monté d’après les images, elle s'accordera mal à la rusticité navarraise et les goûts libidineux du grand roi : 31 maîtresses officielles répertoriées, dont aucune italienne, ce qui laisse douter de son bon goût.
La reine Marie nous donnera Louis XIII et Gaston d'Orléans, et beaucoup de matière à Alexandre Dumas. Caractère de fer, elle affrontera le cardinal de Richelieu et finira par faire la guerre à son propre fils, deux fois ! Elle nous laissera le palais du Luxembourg où dorment aujourd'hui les parlementaires recyclés, et finira ses jours dans la paix du Seigneur en la maison natale de Rubens à Siegen (Westphalie). (cf. la Wikipedia)

Nous eûmes plus tard les Mazarinettes qui firent beaucoup de bien à la cour du roi, dont la fulgurante Olympe Mancini qui défraya la chronique des alcôves et des cornues à philtres, et sa soeur Marie, la préférée de Louis XIV. S'arrête là la participation des Italiennes au pouvoir français, les rois étaient sur le départ. La dernière maîtresse, Zoé Talon, était indigène et suffit à Louis XVIII qui en demandait peu. Charles X était pieux, presque dévot. Louis-Philippe, éduqué par la maîtresse de son père (on n'en sort pas), se tint à carreau après avoir survécu à la Révolution, l'Empire et aux Bourbons. Advint Napoléon III qui renoua avec la haute époque sans doute pour se rassurer sur sa précarité, en choisissant après d'autres essais, la Virginia, comtesse de Castiglione, mais la liaison dura peu.

A en croire l'Histoire, une chape de vertu dès lors s'abattit sur le royaume devenu République. A partir de Sedan et concernant les présidents de la République ou du Conseil, il faut être dans la confidence. Rien ne filtre, sauf bien sûr quand on ameute les docteurs ; bienheureux Félix Faure, Vulnerant omnes, ultima necat , dépêché par la petite Meg qui finira plus tard baronne anglaise ! Ce qui ne nous empêcha pas de nommer d'après lui, avenues, lycées et station de métro, en souvenir sans doute d'une rare fin heureuse en politique. Des présidents cavaleurs il y en eu plus que des cavaliers, bien que le régime soit constitutionnellement celui de la Vertu à défaut de laquelle il tourne en manège de cirque.

Mlle Carla BruniQue reste-il de nos reines et amours italiennes ? Feu notre ancien président florentin ne sentit pas le besoin d’approfondir le Prince de Machiavel, aussi se passa-t-il d’émotions transalpines et fit dans la simplicité provençale. Après ces souvenirs enfuis, revient aujourd'hui un tempérament de feu, le caractère de fer, des yeux à damner un chanoine de St Jean de Latran, la croqueuse d'hommes crus ! La vraie tradition ultramontaine !
Soyez après tant d'autres moins jolies, bienvenue dans l'Histoire de France, Mademoiselle Carla. Nous avions failli nous ennuyer.


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mardi 18 décembre 2007

Du souverainisme intégral (AF)

aigleLe responsable de la formation au Centre royaliste d'Action française met les choses à plat de son point de vue quant à l'engagement de son école de pensée dans le combat souverainiste actuel. La souveraineté n'est pas une notion aérienne et effectivement s'incarne et se situe ; elle est exercée par des hommes de pouvoir dans des lieux de pouvoir. La souveraineté est dédiée au Bien commun de la Nation, elle sauvegarde l'indépendance de décision du pays et limite ou contre les interférences arbitraires d'unités politiques concurrentes. Le souverainisme royaliste est l'avatar actuel du nationalisme intégral maurrassien, et un vecteur porteur d'influence dans tous les milieux inquiets de la pérennisation d'une France autonome dans ses décisions stratégiques. Nous lui cédons la parole :...

lys en cristal
Pourquoi l’Action française associe-t-elle souveraineté, indépendance de la France et monarchie ?
Aurait-elle perdu son âme en se livrant au « souverainisme » laissant aux orties le nationalisme intégral ? Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons : D’abord, prenons la définition de Bodin de la souveraineté : il nous dit effectivement qu’il s’agit de la puissance perpétuelle d’une république, mais aussi, il convient de l’ajouter, du droit de faire et de casser la loi. Princeps, solutus legibus est. En d’autres termes, il s’agit non seulement de la puissance publique, mais d’un droit absolu sur cette puissance publique, un pouvoir attaché qui ne
subsume d’aucune autre norme humaine (attention ! pas naturelle !). Le roi est en dehors de l’Etat et du droit, et sa position de non-soumission, ou d’indépendance, lui donne toute latitude pour les protéger. Après tout, si une telle place lui est assignée, c’est bien pour une finalité particulière, protéger le royaume de France et le droit des Français. Le roi est indépendant, il est à la tête de l’état concret (administration et constitution) sans lui y être soumis.

Ensuite, il faut éviter de penser que la disparition du souverain entraîne nécessairement la disparition de la souveraineté. L’acte souverain, celui de trancher ou de choisir en dernière analyse entre plusieurs alternatives dans un monde contingent, c’est le trait spécifique du Politique, distingué du Juridique ou du Moral : la fonction royale est la fonction politique par excellence, l’intercession suprême, voire architectonique qui ordonne l’ensemble. Les hommes politiques mais aussi les
juges du fond, qui délibèrent souverainement, ne cessent dans leur activité ordinaire d’agir dans un monde sans normes contraignantes posées a priori, contrairement au personnel administratif dont les compétences sont dites « liées » par les textes. De plus, à l’image de la fonction royale, la politique (mais le droit également) sont des fonctions incarnées :
Pour qu’il y ait politique, mais aussi décision de justice, il faut des hommes, pas seulement des normes, des procédures qui s’autoexécuteraient, comme on a parfois l’impression chez certains penseurs libéraux. A la tête de l’Etat persiste à exister un pouvoir souverain réel, même si certaines fictions morales et politiques (la souveraineté du peuple, la souveraineté de la constitution) tendent à en brouiller la signification : si la souveraineté est une action ou une possibilité d’action dans le monde concret, les discours sur la délégation de souveraineté ou le pouvoir constituant dérivé, sont des contes pour enfants.

Concrètement, l’homme ou le groupe d’hommes qui a ce droit suprême (cette auctoritas distinguée de la simple potestas) d’agir souverainement, de gouverner vraiment dans le corps social, doit être dit souverain. En France, la constitution donne au président ce pouvoir par le biais de l’article 16. Il existe des rémanences de la fonction royale dans l’activité politique française contemporaine, car elle répond à un trait naturel des relations humaines, qui se retrouvent par exemple du côté de la fonction exécutive, même si ses avatars modernes ne la recoupent que partiellement. Je remarque d’ailleurs que si derrière les signes du pouvoir démocratique, la persistance de mécanismes naturels, qui rend l’option monarchique pertinente, n’existaient pas, alors elle ne serait qu’une position largement romantique et nostalgique, dans laquelle nous ne sommes pas.
Autre remarque : l’existence d’un lieu concret de la souveraineté, j’allais dire d’un fait naturel de souveraineté, entre en contradiction flagrante avec l’idéologie démocratique : Tout en se parant des oripeaux de la démocratie – de la souveraineté éthérée de la nation ou du peuple - l’oligarchie qui nous gouverne n’en est pas une, puisqu’on a jamais rencontré la Nation au coin de la rue, et le peuple ne siège pas dans les lieux de décision.

Charles Maurras
Si la décision souveraine ne se déduit d’aucune loi positive ou norme suprême, et ne se comprend que finalisée à un but, celui-ci n'est que le bien commun d’une unité politique précise, la France et les Français. C’est d’ailleurs cette finalité qui limite la puissance souveraine, et pas seulement pour la France, mais pour les unités politiques en général.

Sur Jouvenel (cf. le billet de Diable-Boiteux du 16.12.07) : il se laisse prendre, comme la plupart des modernes – et particulièrement les libéraux - à la fiction politique de la délégation de souveraineté pour confondre objet-légalité et légitimité. Pour savoir qui est souverain dans la Cité, il faut se poser la question : qui gouverne effectivement ? Un homme ? Un groupe d’hommes ? Si oui, combien ? Je ne fais que répéter ce que j’ai dit précédemment, mais ça me semble important parce que la souveraineté s’incarne nécessairement. La souveraineté du peuple ou de la nation est une fiction pour légitimer la souveraineté effective du parlement ou de l’exécutif. La souveraineté qui vient de Dieu, comme d’ailleurs toutes les sources de pouvoir, demande l’application des lois naturelles et du droit naturel qui entre dans le droit positif de manière fort différente. Elle demande une position relativement indépendante des normes qui en régule l’activité (à savoir le droit) et se justifie en vue d’un bien commun situé dans le temps et l’espace (la France). Car si vous définissez l’indépendance comme un choix entre plusieurs dépendances, vous faites la moitié du chemin : pourquoi diversifiez et surtout CHOISIR entre ces dépendances ? Eh bien ! pour sauvegarder son indépendance, limiter les interférences arbitraires des autres unités politiques (à l’intérieur comme à l’extérieur du pays). Cette « chimère » est assez efficace pour être entretenue par toutes les grandes nations dans le monde (Etats-Unis, Chine, Inde, Pakistan, Russie), sauf en Europe.

La France est une construction politique suprêmement souveraine, issue du choix intelligent des rois qui se sont succédés à sa tête. Une politique capétienne conséquente continue l’ouvrage - protéger le pré carré, garantir son indépendance contre les empires en formation - même si nous savons que le moyen le plus efficace de conduire ce mouvement ne peut être qu’en rétablissant la fonction royale.

Le terme souverainisme est en effet ambigu, comme la plupart des termes du lexique politique français (gauche, droite, royaliste, républicain, ...). Si certains politiques ont choisi de l’emprunter aux Québécois, c’est qu’il recouvrait une réalité plus large que nationalisme, et que l’attachement à la souveraineté, qu’elle soit défendue à gauche au nom de la Nation, ou à droite au nom de la France, renvoyait à un principe efficace. Son adoption tactique visait à ouvrir à un large public les propositions d’Action française :
Le « souverainisme » de l’AF n’est pas celui de l’ex-fondation Marc Bloch ou de Laurent Fabius, mais il est possible qu’un certain nombre de personnes attachées à l’indépendance française en se rapprochant du souverainisme, finissent par se laisser convaincre par celui d’AF, plus connu sous le nom de nationalisme intégral. Vous craigniez (DB) qu’en s’associant au souverainisme, l’AF se laisse contaminer ou gagner par la rhétorique de son courant majoritaire, à la fois jacobin et républicain.

Plutôt que d’en appeler à la rigueur doctrinale (qui n’est jamais bon signe, et surtout quand c’est inutile, puisque le souverainisme propre à l’Action française, c’est l’autre nom du nationalisme intégral), je pense plutôt que notre école de pensée est assez forte pour contaminer, ou répandre dans le champ souverainiste ses propres propositions. Vous évoquiez Paul-Marie Couteaux, dont le parcours est typique. Il y a encore 10 ans, cet homme politique parlait comme un souverainiste républicain autant attaché à 1789 qu’à la France. A l’heure actuelle, lisez ce qu’il écrit, les références qu’il emprunte. Il a basculé de Valmy et de la fête de la Fédération à Bainville et Boutang.

Pierre Carvin, journaliste à l'AF2000 - 17.12.07
avec son aimable autorisation

Le fil de discussion continue à se dérouler sur le forum de l'AF. Entrez dans le débat en cliquant sur le lys de cristal ci-dessous :

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dimanche 16 décembre 2007

Souverainisme, souveraineté (DB)

aigleDans un billet précédent, nous dénoncions ici le décalage entre la vraie souveraineté d'une nation obtenue, maintenue et accrue par une démarche de puissance, et le souverainisme qui s'attache d'abord à en préserver les attributs, les plus visibles d'ailleurs puisque il s'inscrit dans une revendication démocratique appelée à faire du chiffre. Nous concluions alors le billet précité d'un appel à surgir de la tranchée :
"Nous sommes en guerre mondiale qui ne dit pas son nom. Ne perdons pas du temps avec des vieilleries comme l'autarcie ou le malthusianisme. Pas nous, Français ! Nous sommes une nation de bien autre chose qu'un ramas de trouillards. Sinon à quoi sert-il ... de vouloir remettre un roi demain ?"
Un fil de discussion avait démarré au mois d'août sur le forum Vive Le Roy autour de cette question centrale.
Sur le forum d'Action française, Diable-Boîteux va plus loin et met en question le lien lui-même entre souverainisme et souveraineté, celle-ci ne résidant pas où la cherchent les souverainistes. Avec son aimable autorisation, voici l'expression de sa perplexité. Ce texte est fondateur : ...

« Depuis quelque temps, je m’interroge à propos d’un concept dont l’Action française s’honore sans jamais l’avoir explicité de manière satisfaisante. Contrairement au nationalisme, que Charles Maurras et tous les maîtres de la ligue ont pris grand soin de définir pour l’arracher enfin aux griffes idéologiques de la gauche jacobine, le combat souverainiste est une forgerie récente, empruntée aux Québécois par Paul-Marie Couteaux & Cie. Pour quelle raison l’AF a-t-elle enfourché ce cheval de bataille républicain ? Quelle est sa propre conception du « souverainisme » ? Ce combat est-il vraiment pertinent ? Telles sont les questions que je me pose.

état-souveraineté
C’est dans le cadre étouffant de l’unification européenne que le souverainisme français a pu déployer ses ailes. L’AF n’a pas inventé le mot fétiche, qui s’inscrit lui-même dans une longue histoire : le souverainisme puise sa source aux doctrines anciennes de la souveraineté. Le nom de Jean Bodin vient alors à l’esprit de tout honnête homme, si j’ose dire. Selon ce penseur prolifique, auteur des Six livres de la République (1576), « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République, que les Latins appellent majestatem, (...) » Dans le langage de l’époque, le mot République doit s’entendre au sens étymologique, la res publica ou, pour simplifier un peu notre propos, l’Etat. La souveraineté est donc la plénitude de la puissance publique, qui se doit d’être absolue (libre) et perpétuelle.

A priori, si l’on s’en tient à cette définition, la souveraineté est indépendante de la nature du régime politique ; elle peut ainsi revêtir différents masques, celui d’une monarchie absolue, d’une aristocratie marchande, d’un césarisme plébiscitaire ou d’une démocratie parlementaire. Ajoutons cependant qu’aux yeux de Bertrand de Jouvenel, l’un des maîtres oubliés de l’Action française, la souveraineté ne trouve que deux origines : l’onction divine ou la faveur populaire, car il est naturel de penser qu’une « Volonté suprême ordonne et régit la communauté humaine » (Du Pouvoir). Sans l’affirmer aussi brutalement, il est clair, pour Bertrand de Jouvenel, que la souveraineté populaire est mère de tous les monstres politiques contemporains, qu’il appelle le « Minotaure ».

Pour qu’une doctrine de la souveraineté ait une raison d’être, il faut bien sûr un souverain. Quel est ce souverain que l’Action française défend au nom du principe souverainiste ? La réponse semble aller de soi : le Roi. Ce n’est pourtant point si évident, car le souverainisme qu’elle arbore est le fruit d’un compromis circonstanciel face au Minotaure bruxellois. L’AF donne l’impression de faire allégeance à la souveraineté en l’absence même de monarque, de souverain légitime, ce qui est contradictoire. Comme ses « alliés de fortune » (gaullistes authentiques, villiéristes, chevènementistes, frontistes ligués contre le fédéralisme européen), elle parle sans cesse de maintenir la « France souveraine », or ceci n’a aucun sens, puisque la France ne peut être souveraine d’elle-même ; le pays requiert un souverain. Ce n’est pas à la France d’assumer la « puissance absolue et perpétuelle » dont parlait Bodin, mais au Roi.

Quand il est question de la Nation, l’Action française prétend garder l’héritage en attendant l’héritier. C’est une position raisonnable, puisque la Nation est une réalité vivante, charnelle, capable de vivre ou survivre quelque temps sans héritier (nous commençons néanmoins à voir les stigmates d’une lente érosion du tissu national). La formule s’applique-t-elle également à la doctrine de la souveraineté ? Non ! La souveraineté n’étant ni un héritage commun, à l’instar de la Nation, ni une réalité affranchie du souverain. Un responsable politique du mouvement l’a fort bien compris : la souveraineté n’est pas concevable sans le souverain.

souverain d'or
L’Action française confond souveraineté et indépendance. Comme me le rappelait PVO sur le
forum Vive Le Roy, être indépendant, cela signifie ne dépendre de rien ni de personne. Pour les Etats, comme pour les personnes d'ailleurs, c'est une chimère. Celui qui détient les attributs de la souveraineté peut librement décider de ses dépendances (économiques, diplomatiques, monétaires, stratégiques, etc.). Le choix de telle ou telle dépendance s’effectue selon une politique particulière, faite d’intérêts, de préférences et de traditions. Pour un Etat, être souverain c'est pouvoir gouverner ses dépendances du point de vue du Bien Commun. Il convient donc que la souveraineté soit l’apanage d’une instance vraiment souveraine, libre de ses dépendances. Le souverain ne peut ni ne doit être soumis à l'opinion (cf. le renversement des alliances de 1756), aux puissances de l'argent (l’arrestation de Fouquet en témoigne), à la sphère métapolitique, etc. Autrement dit, pour qu'un Etat soit pleinement souverain, il faut qu'il ait à sa tête un souverain digne de ce nom, un Roi.

Un refuge demeure pour les partisans du souverainisme : celui-ci serait un hommage à l’Etat. Le combat souverainiste aurait ainsi pour seule vocation de sauver l’indépendance de l’Etat, quelle que soit la nature de son régime politique, contre un péril mortel, l’euro-fédéralisme. Ce pari est aberrant, pour différentes raisons : d’abord, il amène l’Action française à renoncer (pour un temps) à l’idée cardinale selon laquelle la souveraineté doit s’incarner en un homme fait de chair et de sang, le Roi ; puis il la conduit, par des voies détournées, à se faire la sentinelle aveugle de la République contre l’Europe de Bruxelles ; subtil ricochet, il entretient la confusion dans l’esprit de royalistes sincères qui brandissent soudain le totem souverainiste en compagnie de républicains ardents dont les préoccupations sont à mille lieues des nôtres ; enfin, en suivant ce chemin parsemé d’écueils, l’AF oublie que la République, selon Maurras, est le règne de l’étranger.

Il est absurde de défendre le présent "souverain" (l’Etat républicain) contre l’emprise européenne, une tutelle dont la République est, comme le prouve la signature du Traité simplifié, l’éternelle servante. »
(Diable-Boîteux - 15.12.2007)


état-souveraineté


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jeudi 13 décembre 2007

Lissabon in Deutschland

oeuf européenLes bonnes oreilles du lectorat ont noté le "recadrage" de M. Sarkozy par la chancelière allemande Merkel qui lui reprochait de se lancer dans le projet d'Union méditerranéenne sans concertation de toute l'Union européenne. Apparemment, pas plus l'Elysée que le Quai ne se sont cabrés face à cette ingérence curieuse dans nos affaires. Sachant l'ardente obligation du pouvoir à communiquer publiquement et sans soupir de l'aurore à l'aube, il a avalé la couleuvre.
Que l'Union méditerranéenne soit très critiquable et me fasse penser parfois aux stupidités napoléoniennes d'unités, est une autre affaire. Il n'y a qu'un état stabilisé hors-Union en Méditerranée, c'est la Turquie. A l'exception du petit Israël, tous les autres sont dirigés par des caïds sans génie ni lumières, et sont arabes donc instables. La Turquie n'aime pas les Arabes. Qui aura la force d'imposer une politique communautaire sur cet assemblage baroque ? M. Sarkozy ? On y reviendra ...

Aujourd'hui les 27 pays de l'Union européenne signent à Lisbonne le traité simplifié français. Parmi eux, 21 sont des états-nations et six des états de nations. La France pour sa part est du second groupe en compagnie du Royaume-Uni, de la Belgique, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne. Sauf le royaume de Belgique qui est une fédération à lui tout seul, on y rencontre les "grands pays" agrégateurs de nations anciennes. La France jacobine s'en défend, mais ses partenaires ont décidé pour elle, le projet républicain ne fut-il pas de précipiter en Nation des nations disparates agrégées au royaume par le projet capétien qui le précédait.

Ce traité simplifié de Lisbonne institutionnalise la Charte des Droits Fondamentaux qui est une longue liste de droits évidents, à demander pourquoi fallait-il créer à Vienne une agence ad hoc staffée de 100 fonctionnaires et dotée d'un budget annuel de 16,4 millions d'euros à terme pour simplement surveiller les droits sur tout l'espace européen. Parmi ces droits sont les droits linguistiques (art.22 du chapitre Egalité) qui forment la clé d'entrée dans l'Europe des régions, une landërisation des états sur des modèles assez proches de la mosaïque allemande. Les 21 Etats-nations "homogènes" seront des länder, ce qui ne changera presque rien pour eux. D'ailleurs le premier ministre danois n'a-t-il pas dit hier que le traité ne menaçait pas la souveraineté du Danemark (le plus eurosceptique de tous) et donc que la ratification serait parlementaire. Pour les 6 autres, ce pourrait être très différent.

L'Allemagne est le pays le plus fort d'Europe et pour longtemps, à voir comment rament ses voisins, et sa fédération bénéficie d'une cohésion sincère de ses peuples unifiés par la langue de Goethe. Elle ne craint pas cette landërisation périphérique puisqu'elle en a exploré toutes les subtilités. Elle sait surtout que les états centraux voisins seront affaiblis par l’émergence de régions quasi-états, certaines transfrontalières sur fonds linguistique, et mécaniquement, elle sera en mesure de les dominer. A ce stade on ne saurait prêter aux Allemands de noirs desseins, après tout veulent-ils simplement notre bonheur (?). Mais comme le disait Edouard Husson, après le calamiteux traité de Nice signé par MM. Chirac et Jospin :
"le sommet a montré à quel point l'Allemagne et ses partenaires avaient perdu l'habitude que la France fasse valoir ses intérêts. Encore l'a-t-elle fait avec une grande timidité, et a-t-elle finalement accepté les exigences de l'Allemagne. Comment comprendre, par exemple, que la France, qui a en nombre absolu autant de naissances annuellement que l'Allemagne, accepte que cette dernière fasse valoir son actuelle supériorité démographique pour augmenter son poids au sein des institutions européennes ? Comment comprendre la passivité française face au changement de politique monétaire allemand ? Après avoir manqué de casser les reins à l'économie de ses voisins, par une politique de la « monnaie forte », l'Allemagne se rallie en silence aux vertus d'une monnaie flottante, sous le prétexte que c'est désormais plus avantageux pour elle… et la France ne dit rien ! (Edouard Husson, janvier 2001).

Le traité simplifié tant vanté par M. Sarkozy est tout à l'avantage du projet allemand. A se dire que sans tirer un coup de canon, l'Allemagne a cette fois obtenu le cadre constitutionnel des plans de Guillaume II pour l'organisation d'une Europe pacifiée par le Reich. Pierre Hillard qui donnera une conférence le 18 décembre au Cercle de Flore sous forme d'un dîner-débat(s'inscrire auprès du CRAF), a parfaitement démonté l'utilisation allemande de l'axe franco-allemand à son profit. De grands esprits peuplent le Quai d'Orsay. Comment s'est-on laissé faire ? Allez à la conférence - Hillard est vraiment le spécialiste de la question - et n'oubliez pas que si le Royaume-Uni a refusé la Charte, ce n'est sans doute pas pour faire suer le burnous sans contrainte dans les MacDo.

Se pose maintenant la question du peu d'écho en France de cette mise sous le boisseau des intérêts français. On peut me dire que le parti souverainiste crie bien fort pour un référendum, mais sans succès. L'affaire de la voie institutionnelle n'intéresse personne apparemment. Le principe de suppléance - dévolution de souveraineté à l'étage supranational - et l'euro-régionalisme, seraient-il perçus par les électeurs comme une menace ? C'est tout le doute.

A voir comment le pays est géré à la petite semaine et à crédit, et dans quel état de décrépitude nous laisse une bureaucratie pachydermique, on peut supposer que les Français ne seraient pas opposés à passer le sceptre d'Ottokar à d'autres, peut-être plus compétents. Certains pays ont abouti à des réformes d'envergure sans que passent sur nos écrans les feux de la Saint-Jean. Pourquoi n'importerions-nous pas leurs meilleurs hommes politiques comme le faisaient les rois pour leurs ministres ? L'ENA est un moule qui répète une arrogance de technocrates clonés très sûrs d'eux, et bride l'imagination, quand ce n'est pas tout simplement le refuge de ceux qui n'osent pas se lancer dans le monde actif concurrentiel. Peut-être ces pays réformés (sans jeu de mot) l'ont-ils été par des acteurs économiques impliqués et pas comme chez nous par des contemplatifs des problèmes sociaux. Certains de nos hommes politiques n'ont jamais "bossé".

Depuis l'avènement de M. Sarkozy les Français ont perçu du pouvoir un langage moins codé qu'avant. Le changement ? Ils risquent fort de comprendre que tout l'effort a été fait sur le langage, si les fabuleux contrats pris à l'export s'avèrent décevants, ou si les privilèges sociaux ont été simplement modernisés au détriment de toujours les mêmes.

Pour finir, on ne peut accepter que la France, par la position éminente qu'elle a obtenue dans le passé et disposant en stock des mêmes atouts qu'autrefois, même s'ils sont barrés ou inemployés, se liquéfie en une fédération française, amputée un jour de ses "nations" les plus remuantes ; fédération elle-même raccrochée à une confédération continentale européenne gérée par les Allemands et ses alliés historiques. Le ver dans la pomme française ne serait-il pas cette décentralisation qui découd le tissu national en satrapies subalternes ? Subalternes de qui ?

Aujourd'hui, 30è anniversaire de Mme Rama Yade qui sait appeler un chat un chat et la France un paillasson ! Bon anniversaire, madame.

Avant de quitter, bibliographie de Pierre Hillard :
(chez
François-Xavier de Guibert éditeur)
- Minorités et régionalismes dans l’Europe Fédérale des Régions : Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe
- La marche irrésistible du nouvel ordre mondial : L'Echec de la tour de Babel n'est pas fatal
- La décomposition des nations Européennes : De l'union euro-Atlantique à l'Etat mondial
- Divers articles réunis par
Voltairenet.org

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mardi 11 décembre 2007

Politique du rythme

affiche American CircusDepuis le mois de mai dernier, les Français ont du mal à suivre le rythme présidentiel hongrois (on groit avoir tout vu, c'est faux) et l'Opposition est peut-être le corps le plus touché par le touche-à-tout. Parfois je repense aux grands cirques à trois pistes de mon enfance où il était impossible de voir tout le spectacle tant il était abondant, et à part la trapéziste court-vêtue qui vous arrachait le coeur d'angoisse ou le numéro du lion incapable de bouffer le dompteur, on était frustré, l'autre piste étant toujours plus intéressante selon le syndrome vicinal de l'herbe tendre. Qui peut suivre le sarkoshow ? Si vous éteignez le poste, prenez le bus ou courez à la boulangerie, vous avez loupé quelque chose d'important. Et même scotché devant les chaînes professionnelles d'information vous ressentez un certain manque car on ne peut vous dire tout, à peine d'engorger le faisceau hertzien ou le câble ...

Cherchant à définir les ressorts de la politique trépidante actuelle, bien m'en pris de lire les explications de Philippe Grasset sur la NIE-2007* publiée par la communauté américaine de renseignement, qui coupe l'herbe sous le pied des bellicistes de l'équipe Cheney, sans doute par vengeance tardive pour la manipulation fameuse des armes irakiennes de destruction massive. Ce qui a conduit au désastre que nous savons. Pour les ermites, il s'agit d'infirmer au moment l'imminence de la menace atomique iranienne, ce qui par ricochet liquéfie l'alliance de croisade avec Israël. Nous en resterons là sur un sujet qui mérite un long développement.
(nota : * NIE = National Intelligence Estimate)

En effet Ph. Grasset démonte bien le "coup d'état" réussi par les Services comme une barre de fer jetée dans les engrenages du rythme de gouvernement plus que dans son fonctionnement qui reste intact. Ils sont aussi doués que le FSB. Mais laissons le parler :

[extrait] Il est plus important que tout que la NIE 2007 ait été publiée quand elle a l’a été, dans les circonstances où elle l’a été, au moment où elle l’a été. Nous ne vivons pas une époque de politique mais une époque de rythme déterminant la seule “politique” possible ou faisant fonction, – car il ne s’agit pas d’une politique mais d’une dynamique née d’une mécanique. Cette dynamique est entretenue, contrecarrée ou freinée, c’est selon, par la communication. Le problème n’est pas de faire changer la politique puisqu’il ne s’agit que d’un rythme, mais de briser ce rythme. La NIE 2007 a fait à cet égard un travail formidable parce qu’elle a été perçue comme telle, comme une information, c’est-à-dire un acte de communication qui brise le rythme. Littéralement, elle leur a coupé le souffle. Elle a obtenu ce résultat étonnant de mettre les néo-conservateurs et compagnie pour la première fois sur la défensive. Les voilà obligés de passer de la vitupération, qui est le véritable aliment du rythme mécaniste, à l’argumentation qui est l’aliment d’une politique et où ils apparaissent pauvres d’esprit et faibles de conviction parce que la politique n’a jamais été leur propos.

Il est inutile aujourd’hui de s’attacher aux buts d’une politique qui n’existe pas, aux complots d’acteurs qui sont des publicitaires faisant de la communication pour entretenir et alimenter le rythme. On est conduit à constater qu’une seule chose est possible pour ceux qui veulent, pour des raisons diverses qui sont un autre problème que celui considéré ici, freiner ou changer la course et le rythme du système. Il faut tenter de gripper la mécanique. Il faut agir sur la perception, de la même façon que les publicistes poussant à la mécanique du système utilisèrent pour préparer l’attaque contre l’Irak, qui est l’influence de la perception; que l’argument soit faux ou vrai n’a plus de réelle importance, que le fait soit réel ou fabriqué non plus, parce que nous n’intervenons pas par rapport à la réalité mais par rapport à la perception. Il s’agit de la technique du feu qui avance (la mécanique du système) et du “contre-feu” qui bloque l’avance du feu.

Jusqu’ici, l’esprit que nous savons nécessairement sommaire, celui de la communication, disait: “les Iraniens ont la bombe, essayez de nous prouver le contraire nous vous écoutons”; vitupération contre argumentation, l’affaire était entendue. Aujourd’hui, depuis NIE 2007, nous sommes passés à une affirmation tout aussi sommaire, en employant une méthode tout aussi sommaire : “les Iraniens n’ont pas la bombe, essayez de nous prouver le contraire nous vous écoutons”; vitupération contre argumentation… Tout cela doit être compris quelle que soit la réalité de la situation nucléaire de l’Iran.

Le problème est que nous utilisons notre intelligence pour juger du fond des choses (de la “politique”, en un mot). Il n’y a rien qui soit sensible à l’intelligence dans cette politique puisqu’il n’y a point de politique mais un système mécaniste. Pour le cas précis qui nous importe, nous devons utiliser notre intelligence à tenter de comprendre et débrouiller les mécanismes de ce rythme mécaniste qui, depuis 9/11, nous emporte. Il n’est absolument pas sûr que les “putschistes” aient compris quoi que ce soit dans ce sens, mais là n’est pas l’important. Ils connaissent le fonctionnement du système. Ils ont réussi à réunir tous les éléments nécessaires pour changer la perception mécanique de la chose. Ils ont installé une situation paradoxale où tout ce qui faisait la force dynamique du système pourrait être utilisé contre les buts initiaux et aveugles du système
.[fin de l'extrait] Full size ici.

Nous vivons aussi en France sur un rythme. La partition est écrite avec des blanches des noires des croches bémols dièses et silences, comme pendant la grève des transports. Que sert-il de critiquer les réalités du programme politique, elles sont emportées dans le maelstrom médiatique et n'intéressent pas longtemps le consommateur d'idées politiques qu'est devenu l'auditeur, même si ces idées ne sont pas du tout gratuites pour lui.
Comme le dit M. Grasset : " Il faut agir sur la perception, de la même façon que les publicistes poussant à la mécanique du système utilisèrent pour préparer l’attaque contre l’Irak, qui est l’influence de la perception; que l’argument soit faux ou vrai n’a plus de réelle importance, que le fait soit réel ou fabriqué non plus, parce que nous n’intervenons pas par rapport à la réalité mais par rapport à la perception".

Deux conclusions peut-être : Le champ politique est celui de la Communication. Se battre ailleurs est fuir la joute. Il faut impérativement se mettre à l'heure de la nouvelle propagande plutôt que de réviser inlassablement nos classiques. ET les chevaliers en lisses ne peuvent être que des professionnels.

Deusio, la trépidance des pouvoirs apparents est dans la nature des relations sociales post-modernes. Sans agitation, pas de révélation, pas de vérité. D'accord, les flèches traversent l'espace médiatique en tous sens ; mais qu'au moins l'arc reste visible et situé parfaitement. Même pas, l'arc court lui-aussi en tous sens à donner le tournis. Il y a overdose. On entend même certains regretter Chirac l'immobile, qui les réjouissait aux Guignols de l'Info à ne rien faire du tout.
Le besoin commence à naître dans l'Opinion d'une référence respectée, fixée sur le temps long, au besoin capable sans délai de donner le cap en cas de crise grave, en cas de guerre ou de calamité nationale tout simplement.Tout ne saurait être laissé entre les mains des "acteurs" de M. Grasset, ou des saltimbanques de mon cirque à trois pistes, et moins encore à notre Monsieur Loyal en frac blanc. Ce référent permanent et sage, qui mesure le temps imperturbablement, c'est simple, c'est un roi.


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