mardi 6 février 2007

Le 6 Février d'Eugène

Concorde du 6-Février
A l’origine du 6 Février 34 se trouve l’exploitation par la presse et les mouvements nationalistes de l’affaire Stavisky révélée en décembre 1933. Le Beau Sacha avait fait émettre par le Crédit municipal de Bayonne 200 millions de bons de caisse sans consolidation. La révélation du scandale qui mouillait ses protecteurs, son suicide à trois balles à Chamonix le 8 janvier et les soupçons de refinancement du parti radical au pouvoir, font de cette affaire d’escroquerie un scandale politique d'ampleur. Mais l’affaire Stavisky est plus un prétexte que la cause unique du 6 février 1934. Les temps sont durs, le ciel est bas. La crise de 29 n'en finit pas d'agonir.

Les Etats-Unis ont largué l'étalon-or en 1933 et le 30 janvier 1934 ils vont dévaluer le dollar de 41% ! Des barrières douanières fleurissent pour sauver ce qui reste, le dumping est la règle, le Commonwealth décrète la préférence impériale. C'est du chacun pour soi. Mais Hispano-Suiza lance quand même cette année-là à Bois-Colombes sa nouvelle K6, ce sera le seul signe d'optimisme avant longtemps.
bouchon de la K6
L'embargo sur l'or (décrété dès 1933 aux EU) précèdera bientôt des sorties monstrueuses de métal jaune de France (quatre milliards en trois semaines en mai 35).
A ce moment il y a collision entre les désastres industriels et son cortège de mises-à-pied, la spéculation en tous genres élevée au rang d'activité lucrative et mondaine, la complicité active et passive de la classe politique où sévissent concussion et prébendes à tous les étages. En face d'elle, un peuple désabusé mais pas résigné.

Extrait de presse du 7 février : « Dans la décomposition rapide du régime capitaliste, ils étalent toute leur ignominie. Ils sont tous dans les scandales de corruption, députés et sénateurs, magistrats et policiers, ministres et hauts dignitaires de l'Etat bourgeois. L'indignation des masses est puissante, irrésistible et hier les cliques fascistes qui se sont groupées au vu et au su des gouvernants ont pu entraîner une nombreuse petite bourgeoisie irritée. Le gouvernement "démocratique", sa Chambre "de gauche", ses socialistes dont la faillite lamentable a contribué à l'éclosion et au développement de ces groupes militaristes, sont les vrais responsables.» (L'Humanité du 7 février 34)

La goutte d'eau minuscule qui fit déborder le vase de la Corruption s'appelle Raynaldy, garde des Sceaux ! C'est la révélation d'un énième scandale mettant en cause cette fois la Chancellerie qui donne le signal. Me Eugène Raynaldy démissionne le 27 janvier. Le cabinet Chautemps qui bénéficiait de connivences dans l'appareil judiciaire tombe aussi sec. Le beau-frère de Chautemps était procureur général et on savait qu'il avait freiné des quatre fers le procès Stavisky. On soupçonnait également Camille Chautemps des pires préméditations en conclusion du scandale.

Qui était ce Raynaldy ?
Eugène RaynaldyAvocat (1869-1938) né à Rodez, il sera élu député radical de l'Aveyron en 1918, réélu en 1924. Il devient ministre du commerce du gouvernement Herriot en 1924-25. Il entre au Sénat en 1930 et n'en sortira que les pieds devant. On ne connaît pas de traces de son passage aux affaires, mais est-ce sans doute de n'avoir pas bien cherché. Son passage au gouvernement Chautemps par contre sera bref (2 mois) mais décisif !

Edouard Daladier est appelé sur le champ à former le nouveau gouvernement. Le limogeage du préfet de police Chiappe pour complaisance à l’égard des ligues est-il le détonnateur ? Les ligues nationalistes (Action française, Jeunesses Patriotes, Solidarité Française) mais aussi les Croix de Feu du lieutenant-colonel de La Rocque, l’Union nationale des Combattants et l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) d’obédience communiste, appellent à manifester le 6 février contre la Chambre.

La manifestation – il n’y a ni défilé unique ni unité d’action – dégénère rapidement. Des affrontements sanglants opposent manifestants et forces de l’ordre. 15 morts et 1435 blessés ont été dénombrés. Les Croix de Feu, qui tiennent la rue de Bourgogne n’investissent pas, sur ordre de leur chef, le Palais Bourbon à l’intérieur duquel Daladier obtient la confiance. On trouvera le récit détaillé de la journée sur le site de l'Action Française en cliquant LA

Le 6 Février produira un choc considérable. Daladier à peine arrivé démissionne et laisse la place à l’ancien président de la République, Gaston Doumergue, qui forme un gouvernement d’Union nationale.

Un coup pour rien ! Maurice Pujo explique très bien cela. Cliquez ICI.

Epilogue : La capitale du Rouergue n'ayant pas eu beaucoup d'hommes politiques, la municipalité dédiera la place de Rodez la plus haute en altitude, à Eugène Raynaldy. Après tout il a participé à l'Histoire à sa façon.

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