mardi 31 mars 2020

Notre bel avenir

Cellezéceu des conseillers qui construisent chaque jour la pensée et l'action de nos ministres suffisants auront grand avantage à leur déferrement aux Cours de justice à la sortie de la crise sanitaire. Ils y risqueront la prison ; à la Rue, la lanterne !



Le contrôle des foules a muté en contrôle des peuples à l'occasion de l'épidémie de coronavirus chinois. Si le monitoring des confinements est devenu d'acception commune dans les pays totalitaires, il est plus significatif de voir les démocraties libérales s'y prêter maintenant sans murmures : la confiance en l'homme honnête s'y est éteinte au bénéfice supposé de la sûreté générale de l'espèce. Lois et décrets de restrictions nécessaires des libertés et droits individuels pleuvent sans que ne bronche un peuple maté par la peur. On savait que "les droits de l'homme" était une allégorie de cuisine diplomatique servant à cibler des régimes malfaisants, on sait aujourd'hui que l'expression relève d'une mythologie qui commence aux Lumières et finit au Patriot Act puis chez nous aux lois d'exception anti-terroriste qui se succèdent à tout motif sécuritaire dans le feu de la réaction médiatique.

Le spectacle que donne la France au monde est une tragédie dont se joue le premier acte. Mais la pièce en a trois. Combien de fois avons-nous dit ici que nous avions l'Etat le plus cher mais qui gouverne le moins bien ! La faute aux hommes qui l'ont investi mais aussi à sa propre infrastructure complètement dépassée. Redondances, encrassement bureaucratique, sinécures et rentes en tout genre - que fait Jack Lang qui ne parle pas dix mots d'arabe à l'IMA ? - népotisme et emplois réservés, régimes spéciaux. Mais c'est du système français de santé publique qu'il faut parler. Il est le plus cher sur terre et sans doute jusqu'à hier le plus près de la formule « que le monde nous envie ». Il s'avère maintenant que cette réputation est ô combien usurpée. Il s'avère être un des plus mal organisé de l'OCDE avec en prime les plus mauvaises conditions de travail et salaires. La révolte hospitalière qui dure depuis un an n'est donc pas une manœuvre politique d'un appareil socialiste battu dans les urnes. La réponse du pouvoir ne devait pas être la matraque de Lallement, mais une remise à plat de *tout* le système de santé français en vue d'éliminer de coûteuses inutilités administratives, des niches dispendieuses, des palanquées de profiteurs urbi et orbi ! Des millions de cartes vitales surnuméraires actives, des milliers de centenaires à l'étranger qui n'en finissent plus de mourir, le pillage des caisses d'allocations lâchement consenti par leurs responsables parce qu'il faut bien faire carrière ! Ni la recherche médicale ni la faculté de médecine ne sont en cause mais comme partout en ce pays soviétisé à la Libération, c'est l'encrassement des règles, procédures et protocoles qui plombe toute efficacité. A quoi s'ajoute l'impéritie de freluquets qui jouent avec les crédits de sûreté pour améliorer leur bilan ministériel, comme un certain Emmanuel Macron à Bercy. Même si la statistique d'attrition du coronavirus est relativement faible au moment où nous mettons sous presse, les errements médiatiques du pouvoir, la confusion des étages, les querelles d'ego des conseillers ont abouti à ce que la confiance de l'opinion s'effondre. La Casta appelle à serrer les rangs pour sauver ses fesses, rien n'y fait, les "gens" doutent et s'accrochent à tous les pitons de la paroi pour ne pas sombrer dans la dépression. Surtout le quatrième âge qui voit bien tomber les mouches autour de lui et dont la rumeur prédit l'abandon aux portes de l'hôpital. Devant ce dégoût national, la tentation d'autorité est grande puisque la logorrhée ne marche plus.

Le deuxième acte sera la sortie de crise sous le régime du pseudo-article 16 que le Sénat a accepté. On relancera la machine économique gravement détériorée par les décisions de confinement tardif, sans aucune garantie qu'elle reparte tant sera grand le nombre de morts dans le secteur marchand. Mais ce n'est pas d'usines qu'il s'agit maintenant : c'est la politique présidentielle qui va être l'argument de cette partie de la pièce. Il faudra remonter du puits de l'oubli les réformes emblématiques un moment enfouies pour calmer le mécontentement, jouer la partition de l'entente romantique franco-allemande et appeler une énième fois à la solidarité européenne pour combler la béance de nos déficits augmentés. Mais les lois un moment retenues, les décrets d'application différés, l'appel aux eurobonds, l'imploration de renforts pour notre aventure sahélienne, tout cela risque fort d'échouer ! Pour la seule raison que ce peuple et nos voisins n'auront ni l'un ni les autres confiance dans un gouvernement d'incapables et pour faire simple, de baratineurs ! Il restera deux ans au quinquennat de M. Macron pour passer la Réforme en force afin d'avoir un bilan. C'est sur ce résultat qu'il est jugé par ses pairs européens. S'il échoue il obtiendra le droit de se taire, et nous avec !

Manque de pot, même en force ça ne passera pas. L'opinion refusera et attendra les commissions d'enquête promises pour connaître le fin mot des divers scandales de sous-équipement des hôpitaux publics, de négligence distanciée des pouvoirs au début de l'épidémie annoncée par la ministre de la Santé en janvier, des mensonges encloués dans la communication officielle, des choix inappropriés, des atermoiements d'un commandement peu sûr de lui qui auront coûté beaucoup de vies. France, pays de l'Est, le peuple voudra des têtes !

Comme le pressentent quelques esprits plus déliés de la sphère politique, l'insurrection-qui-vient convoquée par le Comité invisible de Tarnac finira par arriver vraiment. Ce sera l'acte 3. Le refus général des réformes dans ce que certains nomment la giletjaunisation de l'opinion s'augmentera d'une remise en cause de l'Union européenne qui a failli une fois encore, même si ses réticences sont explicables ! C'est le Conseil européen qui gouverne, et qui le constitue ? Explicables mais pas vendables à des peuples excédés. Bouc émissaire commode, les institutions européennes, ressenties comme une bureaucratie grassement payée à ne s'occuper que d'elle-même quand elle arrête de brimer les libertés populaires, seront instrumentalisées dans les pays latins pour sauver la classe politique en danger de relégation. Le gouvernement Conte a déjà montré du doigt l'inaction de Bruxelles qui fait suite à l'abandon européen dans l'affaire des bateaux de migrants. Combien de temps M. Macron résistera-t-il à la vague de libération nationale qui montera du pays profond ? Cherchera-t-il à nouveau à faire-nation ? A se cabrer contre l'Allemagne et les Pays-Bas qui nous prennent pour des gitans ? Tentera-t-il de sauver sa réélection par un programme de frexit édulcoré qui conserverait le marché commun et cesserait les dévolutions non commerciales ? Les pays de l'Europe sérieuse réagiront-ils en créant leur propre système monétaire autour d'un euromark débarrassé du passif des pouilleux ? Mme Lagarde décide de bourrer les actifs de la BCE avec les junk bonds latins irremboursables : la confiance en l'euro va-t-elle en pâtir, qui déciderait l'Allemagne et ses affidés à la rupture ? Des questions, trop de questions qui ne seront pas réglées cette fois par les forces de l'ordre et les lois de confinement des opinions interdites, mais par l'émeute.

Le peuple n'a pas encore saisi - on ne lui en parle pas dans les lucarnes bleues - quelle sera la situation économique générale de la France à la sortie de la crise. C'est tout le tissu à petites mailles qui sera déchiré et bien des PME n'auront survécu que perfusées aux subventions, sans parler des grands brûlés de la Cote que leur sous-capitalisation exposera en proies ! Quand cesseront les cautères, ces producteurs de TVA tomberont comme des dominos. La situation déjà catastrophique des finances publiques (et sociales) ne permettra pas de continuer à injecter les comateux sauf à appeler le Golfe Persique à notre secours, à milliards ! Le faible espoir d'être remboursés poussera les créanciers à négocier de juteuses compensations. La France fera la pute !

Demandez le programme !




samedi 28 mars 2020

Royco, le rêve passe et Dieu rit !

Sur un forum catholique intégral proche de l'Union des cercles légitimistes de France qui promeut le roi par la rechristianisation du pays, des participants doutent à voix haute des capacités du mouvement à profiter des crises sociale et économique pour faire avancer la cause du roi, en termes directs et sans fard : « ... quant à proposer un gouvernement royaliste, il faudrait d'abord être en ordre de marche avec une proposition globale (Roi-constitution-gouvernement) connue et envisageable pour les Français. »

Si des tentatives ont bien eu lieu dans un passé récent (AR, GAR), les royalistes n'ont jamais su déposer sur la table une offre politique construite, jamais ! Pas plus qu'ils n'ont su convoquer les moyens financiers de leur propagande. En attendant une génération rationnelle, le rêve passe et Dieu rit !


Chaque crise est exploitable pour le changement de paradigme, et faire cela ne nous convoque pas nécessairement à entrer en piste dans le cirque démocratique d'étage national où les dés sont pipés par les écuries partisanes et les scrutins trafiqués par des protocoles corruptifs de second tour. La société s'ébroue parfois et peut décider de notifier ses choix en dehors de la procédure électorale en blasphémant la sainte constitution.

La tout dernière fois, ce fut la jacquerie des ronds-points avec les gilets jaunes de la classe moyenne basse. Elle exprimait la colère du travail pénible et insuffisant pour vivre et mettait le doigt sur le coût faramineux de la société française la plus taxée au monde et qui ne marche pas. Aurions-nous eu une offre politique de monarchie active sociale décentralisée, lisible et facilement explicable, que nous aurions pu aller sur les ronds-points diffuser le petit livre blanc de la monarchie nouvelle ! Certains royalistes l'ont fait, mais à part d'expliquer les raisons du déclin, personne n'avait rien dans la main à proposer concrètement. Rappelons-nous quand le programme commun de gouvernement tripartite est sorti en 1979, il a été publié et diffusé largement par les partis de gauche pour que les gens comprennent bien de quoi il s'agissait.

Aujourd'hui la queue de trajectoire n'est pas d'aboutir à une révolution par les urnes mais de terminer les parlements et le népotisme, le clientélisme démocratique latin, l'énarchie et les si nombreux fromages républicains. Or les émeutes parisiennes des gilets jaunes ont montré que la cible était bien le Palais-Bourbon et en province aussi puisque les permanences des députés ont particulièrement souffert. On passera sur l'incendie criminel de la préfecture du Puy-en-Velay.

Sans doute nos lecteurs sont-ils trop jeunes ou moins encore pour se souvenir de mai 68 : tous les ministres ont déserté Paris pour se réfugier dans leur famille en province (Alain Peyrefitte, ministre de l'Education nationale - le réacteur de l'émeute - était planqué chez sa mère à Provins, même pas chez lui ! Il mourra sénateur.) Pourquoi fuirent les étourneaux ? Parce qu'ils avaient compris que c'était de leur peau qu'il s'agissait et qu'ils n'avaient pas envie d'entrer dans l'histoire. Ne sont restés à leur poste à Paris que le Premier ministre Pompidou et le Préfet de Police Grimaud. Le soir, Charles De Gaulle partait dormir au Grand Trianon de Versailles ! Dans sa fuite à Baden Baden, il avait pris femme et famille pour ne pas les laisser au milieu des dangers. Cela pour dire qu'il n'est pas besoin d'entrer dans le jeu démocratique républicain pour faire avancer le schmilblick.

Aujourd'hui la preuve est renouvelée de l'incapacité du système à résoudre une crise relativement mineure parce qu'il sécrète naturellement l'incompétence au bénéfice des proches, des relations, réseaux et recommandations. Tout indique que la sortie de crise Covid-19 va être très dure pour le gouvernement. Mais que vont faire les gens ? voter et rentrer chez eux ? sans doute pas. Marcel Gauchet prédit que « une immense violence couve dans ces insatisfactions accumulées. Si elle éclate, elle confèrera aux manifs de gilets jaunes le statut de plaisanteries d’après-banquet.» ((Marianne et JP Brighelli). Les rues pourraient se remplir à nouveau de mécontents en grand nombre si l'on n'oublie pas que 84% de l'opinion soutenaient les GJ au début, avant la captation des manifestations par l'extrême gauche et ses slogans d'un autre siècle.

Or pour s'insérer dans l'alternative, l'offre politique royaliste n'est pas prête. Elle doit tenir en vingt pages, avec des diagrammes, des interactions entre les étages de pouvoir et l'administration des territoires. Pour faire "simple", il faut extraire le régalien strict à la dispute et le remettre au pouvoir permanent en échange de quoi les territoires s'administrent de manière autonome par la démocratie directe ou représentative selon le choix de chacun. Terminé l'uniformisation, le jacobinisme, le caporalisme. Cent républiques libres sous le paratonnerre royal. Le damier est brisé, c'est le moment, c'est l'instant, en voiture ! Il n'y a pas de voiture ! On n'y arrivera pas à travers des élections, ni par la prière. Alors quoi ?



lundi 23 mars 2020

Des lendemains tumultueux !

Un ami me signale que tous les "instituts" phosphorent sur la prospective post-Covid_19 afin de sortir le dossier que tous les gouvernements s'arracheront. Sans être collapsologue patenté, Royal-Artillerie rejoint la meute et vous livre la substantifique analyse d'un futur à connaître. Les gouvernements étrangers pourront cliquer sur la barre de traduction en tête de gondole (fin de la blague).

L'idée était de faire un dossier de quatre articles sur la spécialisation à outrance des fabrications qui impacte les chaînes de production partout comme on l'a vu lors du tsunami de Fukushima ; sur le rôle de l'Etat-stratège dans une société libérale ; sur le combat croissance-réchauffement climatique, et aussi, sur la fracture millénials vs. boomers. Mais le premier brouillon a laissé comprendre que la mondialisation était la mère de tous ces sujets et qu'il fallait creuser. Cela tombe à pic. Royal-Artillerie a fait plusieurs articles impliquant la mondialisation (37). Des bases existent qu'il faut actualiser et développer.


Ayant participé, de loin mais quand même, à des travaux du GATT*, je témoigne que la libéralisation des échanges par l'abaissement des barrières douanières et normatives avait deux buts : la planétarisation de la prospérité occidentale accroissant les productions et leurs marges, les échanges et leurs bénéfices, dans le cadre général d'une division internationale du travail (vieux thème testé par le COMECON). Le second but n'était rien moins que de gagner du temps sur un conflit sud-nord qui, en pleine guerre froide, semblait plus que probable sur les générations montantes quand exploserait la marmite démographique. Qu'en est-il résulté ?
*General Agreement on Tariffs & Trade, ancêtre de l'Organisation mondiale du commerce OMC

Un marché-monde s'est construit peu à peu avec pour chaque objet fabriqué une fourchette de prix étroite qui ciblait rapidement où cette chose devait être produite. En fait, comme on le verra des niveaux de vie, il y eut entropie des valeurs marchandes, sauf surtaxation locale de biens indésirables (comme les automobiles à Hong Kong). Un objet aussi international que le rasoir Philipshave vaut partout le même prix à +/-20%. Avant taxes c'est pareil pour les voitures selon le segment. Et cela va jusqu'aux fruits et légumes ! La mondialisation permet de profiter de l'inversion des saisons entre les hémisphères et offre à beaucoup de consommateurs pas forcément riches de goûter des curiosités comme en Europe les épices, les mangues, dorians, kumquat à des prix incroyablement bas qui réveilleraient les morts de la Compagnie des Indes néerlandaises. Le marché de chaque produit s'élargissant comme il ne le fut jamais même dans les empires coloniaux (les premières mondialisations), les producteurs s'enrichirent et les commerçants avec eux, jusqu'à engrener la roue d'une entropie des niveaux de vie. Et c'est déjà le défi que nous allons affronter en réduisant la mondialisation des échanges : nous ralentissons la progression des revenus du tiers-monde alors qu'il continue de croître en nombre de bouches à nourrir. En 2012, un billet titré La globalisation ou la guerre expliquait bien cela et se terminait ainsi :
Démondialiser c'est freiner l'activité économique du Tiers-Monde, voire stopper l'espoir. Quelques milliards de gens connaissent l'espoir, pour eux ou pour leurs enfants. Stoppons-le et verrons-nous sourdre alors dans notre village global des insatisfactions telles que l'injustice ne pourra être apaisée que par la violence du Sud contre le Nord. Et le monde prendra feu. La globalisation fait accéder le monde entier à la vitrine magique des belles choses. Il est facile de comprendre qu'à l'égalité des envies doit répondre, sinon l'égalité des conditions de leur satisfaction, du moins l'espoir d'y parvenir. L'espoir fait vivre... en paix.


Ceux qui chez nous veulent claquer la porte du village global ne voient pas qu'ils fournissent le carburant d'une confrontation sud-nord. Elle sera bien différente de celle que les bureaucrates du GATT redoutaient. Entretemps, le Sud s'est acheté la bombe atomique ! Non pas tant pour nous la mettre sur la gueule que pour nous dissuader de leur balancer la nôtre. Chine, Inde, Corée du Nord, Pakistan et l'Iran bientôt s(er)ont équipés. Les pouvoirs politiques du Sud ne s'y trompent pas : quand Donald Trump a lancé sa démondialisation, son premier contempteur au forum de Davos fut le président chinois qui se fit l'apôtre du libre-échange, pas pour prendre la pose, mais parce que la mondialisation est vitale pour tous les pays émergents, vitale au sens de vie ou de mort. Et encore la Chine maîtrise-t-elle sa démographie - ses problèmes sont ailleurs - mais l'Inde, l'Indonésie, le Brésil, le Mexique, le Nigeria, l'Afrique australe grouillent de populations impatientes ! La réponse académique est bien sûr de développer ces pays afin qu'ils répondent aux attentes de leur peuple, mais l'expérience montre que les figures imposées tardent à produire leurs effets, par le coulage de la corruption d'Etat principalement, alors que l'aspirateur à biens et services favorise rapidement les économies productrices, donne du travail, des salaires, l'espoir d'une vie meilleure pour les gosses.

C'est au moment du triomphe de la belle démonstration que s'élève la petite voix de Greta Thunberg. La croissance va étuver la planète. Si on ne peut laisser crever les masses oisives du tiers-monde, en décrétant que la croissance est un péché mortel, il va bien falloir à somme zéro, transférer des moyens de subsistance des pays développés vers les autres. Ceci revient à accélérer l'entropie des niveaux de vie et forcément laisser baisser le nôtre ! On va écouter une courte vidéo de propagande chinoise visant à mater les riverains de la Mer du Sud pour prendre le temps d'assimiler le concept d'empire revenu.


©China Global Television Network


Si les chefs d'Etat du monde n'arrivent pas à s'entendre sur l'entropie nécessaire pendant la journée, l'espèce humaine qui baise pendant la nuit va nous foutre la guerre ! Oh bien sûr, nous masserons nos chars en frontière et nous coulerons les barques des pouilleux assaillant le camp des saints pour sauver une économie en voie d'effondrement rapide, nous nous enfermerons sans grands moyens et sans voir les intentions mêmes pas cachées des empires revenus, les vrais, pas les conglomérats de la filandre comme l'Union européenne, non, ceux qui ont un agenda : la Fédération de Russie qui veut récupérer son glacis occidental afin de tenir sur l'Amour sans être prise à revers ; la République populaire de Chine, légataire universel de l'empire des Hans qui revient sur le limes impérial en captant toute l'eau des piémonts orientaux de l'Himalaya et ne laissera personne sur la ligne de crête, qui veut faire de la Mer du Sud un lac intérieur et gagner l'accès à l'Océan en reprenant Taïwan ; l'Inde qui a envie de tout vitrifier à l'ouest de l'Indus et repousser l'islam le plus loin possible ; et l'Iran ! Se souvient-on de ce que fut l'empire perse ? Bref, la démondialisation ouvrira l'appétit et tout le monde attaquera tout le monde ! Ce que justement redoutaient les pères du GATT pour les générations montantes. Cela vaut-il le coup ? Ne vaut-il pas mieux réparer la globalisation ?


Passons en revue les problèmes causés en Europe occidentale par le coronavirus de Wuhan et signalons après des pistes de réparation :

- Le premier choc fut d'apprendre que les génies qui gouvernent cette république endormie ont dégonflé les stocks stratégiques de masques respiratoires, comptant se refaire sur les usines chinoises alors que la Chine est un foyer épidémique permanent et donc que les productions nationales seront réquisitionnées en cas de crise sanitaire. Celui qui a signé la décision doit être déporté aux Kerguelen, à défaut injecté au chlorure de potassium.

- Le deuxième choc fut d'apprendre qu'avec une toute petite épidémie en métropole (regardez bien les chiffres c'est peanuts pour une population de soixante millions d'habitants), nous n'avions pas la moitié des lits de réanimation nécessaires et qu'à part de déclencher le Plan Blanc (pour faire quoi) nous n'arrivions pas à augmenter suffisamment ces équipements. Il semble que le ministère ait été tétanisé par Bercy pour passer les commandes en temps et en heure avant le tsunami redouté par Mme Buzyn. Faut-il encore trouver des producteurs locaux puisque chaque pays se réserve ses productions nationales.

- Le troisième choc fut de constater l'amateurisme des pouvoirs publics (du moins l'exécutif politique) incapables de décider les mesures d'urgence sanitaire qui marchent ailleurs. Nous sommes bien sûr tellement supérieurs aux asiatiques juste bons à fabriquer des poignées de porte ! Mais cinq pays ont fait face au coronavirus de Wuhan avec succès sans stopper les machines. Ils ont contrôlé leurs frontières et imposé une hygiène individuelle et publique de haut niveau, quasiment psychotique. Je cite Taïwan, la Corée du Sud, le Japon, Singapour et Hong Kong.

- Le quatrième choc n'a pas eu lieu : Depuis l'attaque au sarin du métro de Tokyo en 1995, les services de sûreté se méfient des opérations de guerre asymétrique en zone confinée. En passant, les treize membres de la secte ont été pendus en 2018. Mais l'attaque au gaz n'est pas grand chose comparée à l'attaque biologique, parce qu'on la décèle immédiatement, après quelques victimes quand même ! L'attaque biologique, elle, est sournoise car sa létalité est différée dans le temps et l'espace et ne peut être décelée que par une forte mortalité de cas identiques aux Urgences. Or nous savons maintenant que les pouvoirs publics ne sont pas prêts, pour ne pas dire pire. Quelques décès du coronavirus et on remue ciel et terre, on déplace des avions-hôpitaux, un porte-hélicoptères, on appelle l'industrie au secours... on est morts ! N'imaginez même pas une attaque à l'anthrax aux quatre coins de l'hexagone : un carnage !

La première décision à prendre - mais pourquoi les annonces tardent-elles, elles rassureraient les gens - est de reprendre les fabrications stratégiques sur le territoire national immédiatement en économie de guerre. D'éventuelles coopérations de proximité avec nos voisins peuvent légitimement s'envisager mais nous devons être sûrs. Notons que l'Allemagne a refusé d'aider l'Italie. Il faut ensuite remonter au niveau requis les structures de lutte hospitalière, quitte à les mettre sous naphtaline en attente de mobilisation. L'ancien hôpital du Val de Grâce est tout indiqué pour Paris et sa petite couronne.



La deuxième décision sera bien plus dure à prendre : il faut détruire toute la chaîne de commandement qui part du ministère et finit aux Urgences. Le scandale des masques et des respirateurs qui doivent doter le personnel soignant impose un acte fort dont se souviendront d'autres services tout aussi incompétents et arrogants dans notre belle république corrompue. Tuons le poulet pour effrayer le singe.

Rien ne sera plus comme avant, clament les pythonisses à plateaux. L'Etat, l'Etat, l'Etat, même le président encense l'Etat-providence qui avait disparu malgré 56% de dépenses publiques dans le PIB français. L'Etat est central en stratégie, partout au monde, et pour cette raison, le nôtre est en même temps coupable, du moins les politiciens qui se succèdent à sa gestion. Nos précautions sanitaires ont été désarmées au prétexte d'économies que la classe politique ne sait pas faire sur le futile et le clientélisme. On dépensera une fortune sur les PMA comme sur l'IVG et cent autres postes du coulage social, mais on réduira les moyens de réanimation pour compenser. Les exemples feraient dix pages. Le moment est venu de reconstruire l'appareil étatique en le concentrant sur ses missions essentielles qui devront être sacralisées, quoiqu'il en coûte aux bénéficiaires actuels des largesses incontrôlées - combien de millions de cartes vitales en circulation ?
C'est là que prend tout son sens un projet de société comme le rebrasse Frédéric Winkler, reconstruit sur les fondamentaux du pays, ce qui est valable pour d'autres pays bien sûr.

Reste maintenant le dernier point, la fracture inter-générationnelle
. C'est l'état des lieux qui pose problème. Que la crise climatique soit ou non le fait de l'espèce humaine ne doit pas masquer le constat que la terre est sale, les océans sont sales, la pollution de l'air, des eaux et des sols est partout. C'est un grand chantier international de nettoyage dont il s'agit, et les atermoiements, excuses et explications de la génération aux commandes la disqualifient de continuer à gérer. On ne parle pas là du climat mais de la merde !

L'autre poste du passif est le niveau d'endettement absolument phénoménal des nations, endettement et déficits encore accrus par la lutte contre le coronavirus de Wuhan. Je me pose la même question que Marc Fiorentino, mot pour mot : « Mais à la fin qui paie ? Quand toute cette crise sera terminée, on aura oublié la "solidarité" et on reviendra aux contraintes budgétaires et chacun viendra réclamer son argent, l'Etat, les banques, les bailleurs. Et il faudra rendre les "cadeaux". Peut-être pas ! Si à terme ce sont les banques centrales qui détiennent les dettes des Etats qui elles-mêmes contrôlent de fait les banques centrales, pourquoi n'assisterait-on pas au niveau mondial à un "abandon de créances" massif, une annulation pure et simple d'une partie de la dette ? »
La génération montante est condamnée à purger ce passif d'une façon l'autre, mais le clearing de Fiorentino est la bonne idée.

Au bilan il y a quand même de l'actif :
D'abord et bien qu'on nous l'annonce chaque année comme imparable, notre génération a bloqué la troisième guerre mondiale à la fois par la terreur nucléaire et par le développement des grands pays émergents qui ont intérêt à la paix. L'expansion des zones de libre-échange, un produit typiquement occidental, a arraché à la misère des centaines de millions de pauvres gens condamnés à une misère endémique par tous les géographes des années cinquante, spécialement en Asie. C'est ça de moins à faire. Et pour finir, nous avons numérisé la planète, apportant les moyens de communiquer à grand débit jusqu'aux fins fonds du monde ! Il y a fallu beaucoup d'intelligence et beaucoup de câbles et équipements de routage et stockage, on n'y pense jamais. La jeunesse n'abandonnera certainement pas cet héritage-là. Pray for millenials !

Chaque jour redonne une chance...

(C'était un peu long sur la fin, mais c'est la faute au confinement)

vendredi 20 mars 2020

Un projet civilisationnel (G.A.R)


Chose promise, chose due, la recension critique du projet de société édité par le Groupe d'Action Royaliste est achevée au premier jour du printemps (avec un peu de retard). Dès l'abord, la confection de cet ouvrage de quatre cents pages est soignée, agréable, riche et sa maquette en couleurs sans doute chère à fabriquer. Le bouquin est à mettre dans toute bibliothèque royaliste. L'analyse de Frédéric Winkler est fouillée, articulée, la logique est partout présente, les citations pertinentes sont nombreuses et beaucoup sont tirées des réflexions du prince Jean d'Orléans et de celles des penseurs sociaux royalistes du siècle passé. Il y a aussi nombre de punchlines particulièrement utiles pour la dialectique du militant. C'est pourquoi dans une édition future, je suggère de dériver de cet ouvrage un tirage économique au format poche, sans images ni annexes, taille de police diminuée, un vademecum destiné aux camelots du roi et à tous les royalistes actifs, le fameux livre dans la poche près du poing américain.

Ceci dit, j'ai reçu la boîte de briques à plots comme un Lego sans le plan de montage, et la meilleure façon d'en faire l'inventaire est de tenir la rampe de la table des matières en donnant un avis si nécessaire. Le livre est construit de façon très classique en deux parties, le constat d'accident de notre société, le comment s'en sortir.
Le constat en Partie I est articulé en neuf chapitres que nous ne développerons pas puisque tout lecteur de Royal-Artillerie est parfaitement au fait des graves dysfonctionnements de notre société, agravés par le poids d'un Etat total qui se mêle de tout et le plus mal possible. Voici les neufs titres, on lira les chapitres sur Calameo ou après avoir acquis le bouquin auprès de l'Action sociale corporative ASC (voir notes en bas de page) :
A. Bilan du "Meilleur des mondes" (Huxley 1931)
B. Jeunesse et université ou la fin d'un monde
C. La République d'absurdie ou la démocratie
D. L'art ou la dissociété
E. La cité et la "communauté de rêves" de Malraux
F. Social et économie
G. Santé et environnement
H. Décentralisation et autonomie régionale
I. Comment en est-on arrivé là ?
- l'ensemble augmenté de trois annexes (brève histoire sociale, critique du libéralisme, l'épuration de 14-18)

C'est le comment en sortir qui nous intéresse ici. Il n'est pas moins question que de refaire une société nouvelle, et si l'auteur se refuse à la tabula rasa dénoncée par Edmund Burke, il sera vite rattrapé par l'impossibilité de faire en France des réformes de fond à froid. Une marche à suivre sera donc indispensable. La Partie II qui commence page 237 comporte sept chapitres :
J. Libération
K. L'Art
L. Ecologisme intégral
M. Francophonie
N. La monarchie de demain
O. Stratégie vers la monarchie
P. Notre arche d'alliance
- l'ensemble augmenté de quatre annexes (libertés économiques, pensée & action, révolution intérieure de chacun...)

On ouvre le combat d'escadre par les républiques royales qui devraient refonder les Etats régionaux dotés de la plus grande autonomie possible. Naîtront ainsi "la république familiale où ils naissent, la république municipale où ils vivent, la république provinciale de citoyenneté, la république professionnelle où ils travaillent". Il ne s'agit que de s'émanciper du jacobinisme déconcentré actuel au niveau pertinent pour le maximum d'efficience de la gestion publique sous réserve de dévolution au-dessus pour les affaires qui se traitent à plusieurs.

Mais rien ne sera réussi sans la réhabilitation du premier cercle humain, la famille. Tout doit être fait pour non seulement protéger la famille de la conception au décès, réparer les accidents de la vie, mais surtout dans une construction politique, en faire la première marche d'une société citoyenne. La famille devient la cellule-base des Etats généraux régionaux qui devront organiser les nouvelles républiques. C'est assez osé politiquement mais il faut choisir une brique de base.
Tout ceci concourt à une forme de libération de l'espace et des mœurs ! Néanmoins, à bien observer le pays réel dans son ensemble, on distingue à l'horizon 2040, une France globicéphale avec un Grand-Paris et ses riches marches de la taille d'un pays moyen européen et, sauf la métropole lyonnaise de taille approchante, des provinces qui porteront les stigmates d'un certain déclassement européen, autonomes en droit mais impécunieuses et qui resteront à la merci d'un Etat central attendant sa revanche. Sans doute les régions futures devront-elles englober plusieurs de nos provinces historiques pour être viables. Aparté : il est assez amusant de voir un groupe de réflexion d'Action française promouvoir l'organisation impériale à la limite de la confédération, mais ce n'est pas pour déplaire au Piéton du roi, qui, originaire du Bas-languedoc, est rétif à la centralisation des Francimans depuis Paris.

On touche ensuite au premier motif de ce projet avec le chapitre "Libération": la libération des professions et leur organisation en corporations. Le Groupement d'action royaliste a la fibre sociale depuis le début, dans la droite ligne des La Tour du Pin, Le Play, de Mun, Bacconnier, Bancel, tous ces gens dont les travaux furent à la base des lois sociales du Front populaire. Le livre fait la part belle à ce défi qui est à la fois central et complexe en évitant les slogans racoleurs. On y traite du syndicalisme ouvrier, de la sécurité sociale, de l'autonomisme local jusqu'à l'anarchie douce d'une vraie décentralisation. Plus que des mots, le combat affronte des titans bien vivants : capitalisme et socialisme qui se disputent encore la planète et l'asservissement des esprits. La France seule pourra-t-elle tenir à distance ces idéologies mortifères ? Peut-être mais à quel prix ? Car, à la fin de la réorganisation de l'outil France il nous faudra rester compétitifs et disons-le tout net, bien plus compétitifs qu'aujourd'hui où ce défaut majeur français est le premier vecteur de notre déclassement international (voir les études de Xavier Fontanet, un praticien de ces questions).
Il va sans dire que la libération du pays traversera nos universités dont l'autonomie sera pleine et entière.

Le chapitre suivant traite de "l'Art". Aucune incongruité dès lors que l'art et l'architecture sont deux piliers de la civilisation française et qu'à refaire une société nouvelle, il faut prendre en compte ces élégants soucis. Les Français de demain devront personnellement s'impliquer dans les arts afin que de la nation se lève une régénérescence ayant l'ambition de rayonner à nouveau sur les autres nations. Pays du luxe avec une bonne production littéraire, nous aurons moins de mal dans ce chapitre que dans celui de l'industrie.

Vient ensuite le chapitre de "l'Ecologisme intégral". On l'aura compris, l'intégral fait écho au "nationalisme intégral" de Charles Maurras, en ce sens qu'il ne laisse aucune activité humaine en dehors de lui. Les étages d'intervention s'empilent sans difficultés tant que demeure une conversation politique entre la nation et l'Exécutif. L'écologie humaine, régionale et nationale est gérable en tenant compte de la crise climatique réduite à sa dimension énergétique. Le projet réfute la pertinence de l'énergie nucléaire contre les énergies renouvelables, spécialement solaire. Il manque des chiffres de production opposables à la consommation et, bien que ce soit un autre débat, les causes et les moyens d'atténuation du réchauffement climatique font défaut. Le GAR englobe ce défi dans son travail sur l'écologie mais peine à déborder de l'hexagone. Au-delà il faut collaborer et donc "négocier" avec les intérêts parfois divergents de nos voisins. C'est finalement le seul vrai défi écologique : intégrer un ensemble de pays qui partagent les mêmes soucis et sont en capacité de déployer les mêmes moyens. Le Projet n'en parle pas. A preuve, la politique de la mer à qui on donne deux pages s'arrête à la ressource française alors que le Brexit nous apprend que la gestion halieutique est typiquement un problème international. A revoir donc ! Dans le chapitre écologique on ne peut éviter l'agriculture. Le Projet, qui promeut une agriculture traditionnelle respectueuse de la nature et des consommateurs sur l'axe de la Confédération paysanne, fait l'impasse sur l'agriculture commerciale française. Nous sommes un des grands acteurs mondiaux dans les oléagineux (graines à huile), les céréales (orge, maïs, blé dur, triticale, avoine, froment et même sorgho), laits et produits laitiers, sucre, vins, viandes. On parle de soixante milliards d'euros. A revoir donc en urgence !

Un chapitre important du Projet est la "Francophonie". C'est l'affaiblissement de l'usage mondial de la langue française qui a créé la Francophonie, à l'initiative de quatre chef d'Etat de pays décolonisés, Senghor, Diori (Niger), Bourguiba et Sihanouk au début des années 60. Il aura fallu deux conférences francophones à Niamey pour mettre le train sur les rails. La France, blessée dans son orgueil (déjà !) traîna les pieds et c'est le renfort du Canada qui viabilisa l'affaire. A l'instar du Commonwealth britannique, la Francophonie institutionnalisée est un soft power sans doute peu spectaculaire mais influent, à l'exception de l'Indochine maintenant anglophone et sinophone pour des raisons de développement économique assurant la survie d'une population grouillante. Ce qui rattache bien l'expansion d'une langue à la prospérité économique qu'elle permet, au-delà des grands auteurs ! On en revient toujours au binôme politique-économie dans n'importe quel ordre qu'on l'écrive. Une mention pour le Vietnam dont le gouvernement communiste s'accroche de manière ardente au club français pour prendre l'air que ne lui offrent ni l'ASEAN ni la Chine populaire.

On en vient au cœur du sujet : "La monarchie de demain" et l'introduction nous indique qu'il faut construire quelque chose et [ndlr: pas seulement courir les messes mortuaires, les galettes des rois et le camp viril] : "le problème des institutions se pose comme la condition de tout, comme l'obstacle contre lequel viennent buter toutes les nécessités, tous les besoins vitaux de notre société". Le projet part du constat que les libertés basses exigent le démontage d'une république massifiée, unifiée jusqu'au dernier bouton de guêtre (un exemple en passant du totalitarisme au jour d'écriture de cet article : les pharmaciens sont désormais autorisés à confectionner eux-mêmes du gel hydro-alcoolique anti-bactérien pour pallier la pénurie - gag soviétique : on n'a pas produit les flacons).

Après la doctrine comme souci, aurait dit Boutang, on en arrive à l'action : "Stratégie vers la monarchie". La libération de l'esprit par les bons auteurs et les cercles de réflexion débouche sur la pratique en commençant par le réseautage. Infuser la pertinence sociale de la monarchie exige une solide formation militante fondée sur des idées structurantes plus que sur des mots-clés. Réseauter c'est influencer, convaincre... convertir ! Le but est d'obtenir dans un espace donné une masse critique de gens convaincus ou attentifs auxquels on vendra le roi contre la liberté revenue. Ceci s'adresse évidemment à tous les entravés de la société actuelle et ils sont légions, les entrepreneurs, agriculteurs, innovateurs, commerçants, plus généralement les individualistes qui comptent d'abord sur eux-mêmes, les chefs de famille aussi, les cadres de grande entreprise et jusqu'à la technostructure dont certains éléments ont analysé la tyrannie gratuite avant de passer à l'ennemi, nous. Ce travail d'influence active fut maintes fois démarré mais n'a jamais abouti jusqu'ici puisque chez les encartés (ou abonnés) du mouvement royaliste il y a un trou énorme dans la pyramide d'âges entre 25 et 65 ans, c'est-à-dire entre la période de formation intellectuelle et la sortie des responsabilités professionnelles qui s'accommodent mal d'une compromission socio-politique, folklorique parfois. Mais nous le savons, nous ne pouvons pas lutter contre les allumés et la chevalerie, le royalisme en sécrète à jet continu parmi des populations accidentées de la vie qui viennent y chercher la rédemption de leurs échecs ou l'oubli de leur grisaille.

S'insère alors vers la fin de l'ouvrage le contrat passé entre les membres du Groupe d'Action royaliste, nommé "Notre Arche d'Alliance". La queue de trajectoire de cette association n'est pas moins que la survie de notre peuple. Elle motive tous les efforts d'étude du meilleur des régimes possibles dans son adéquation au pays de France, la propagande inlassable de cette espérance, la construction d'une perspective bénéfique aux gens du commun dans la promotion croisée des valeurs d'un humanisme chrétien avec le souvenir des Français d'exception qui nous ont précédés, de Beaudouin IV de Jérusalem à Jeanne d'Arc, de Cavelier de La Salle à Monsieur de Charrette et cent autres, de tous ceux qui firent la réputation mondiale des Français. Est-il besoin de rallier l'une des boutiques dynastiques pour y atteindre ? Frédéric Winkler nous dit carrément non :

« Nous nous adressons à ceux qui veulent avancer, concourir au retour d'une société organique. Nous reprendrons nos libertés que le système a non seulement confisqué mais que nous avons, par lâcheté et hédonisme laissé prendre. Nous laissons aux princes gérer leurs problèmes de dynastie car il nous importe d'abord de travailler à préparer le pays à leur retour. Peu importe le nombre, nous avançons et agissons, cela seul compte. On ne dira pas de nous que nous avons laissé l'avenir de nos enfants se perdre dans le néant du matérialisme. Le travail effectué depuis des années montre combien une poignée déterminée peut avancer. Ce message s'adresse à ceux qui non seulement peuvent être royalistes, attachés aux vieilles alliances celtiques, à la francophonie, mais à tout Français simplement conscient du combat profond qui se livre pour sauver l'humanisme [sens chrétien], face aux périls d'une société robotisée. Bref une nouvelle aventure qui, historiquement ne peut être que capétienne, nous évitant de sombrer dans l'abîme du libéralisme financier. Tiocfaidh àr là !»


C'est très bien. Ce qui va manquer dans le Projet de société du GAR, mais chacun a compris que l'agenda n'est pas publiable, c'est la transformation du mécontentement général - Macron nous fait un sacré cadeau de ce côté-là - en insurrection générale portant le projet monarchique dans le panier des solutions. J'ai coutume de dire que l'accédant ne sera pas le premier à Reims mais le dernier debout sur les ruines des institutions à Paris. C'est aussi pour cela que je privilégierais pour mon pari un athlète à un penseur. Mais il est temps de dépasser l'insurrection pour brosser le portrait de la monarchie revenue sur ses terres. Tout ce que nous avons dit anticipe donc une monarchie décentralisée. Jusqu'où et comment, c'est ce que nous allons essayer de comprendre sans refaire le constat de notre meilleur des mondes que nous connaissons trop.

Décentralisons, ancrons sur nos racines, procédons par ordres successifs à partir de la cellule familiale, exaltons la transcendance spirituelle, même si la déchristianisation profonde du pays range ce paramètre au rayon de l'utopie en terme de rendement. Comment tout cela s'articule-t-il ? Le projet de société de Frédéric Winkler n'est pas retranscrit sur une épure constitutionnelle et nous pensons avoir compris pourquoi. L'épine dorsale de l'analyse est dans le livre d'heures du prétendant Jean d'Orléans titré Un Prince français dont moult extraits rehaussent le texte. Or il est de notoriété publique que depuis Henri l'Ancien (1908-1999), la constitution de 1958 est le manteau royal qu'il suffira d'enfiler pour accomplir la promesse d'un retour de la royauté en France. C'est un régime parlementaire en droit, présidentiel en fait, qui laisse au chef d'Etat un domaine réservé sensé accroître son prestige et pérenniser l'action politique sans les cahots des majorités de la Chambre basse : défense et diplomatie. Mais ce régime qui ne détruit ni les partis ni les satrapies, moins encore l'Etat profond, ne peut assouvir l'ambition du projet de société du GAR. Vers la fin du livre, on reste donc sur sa fin car il manque la diagramme de synthèse qui va bien et permettrait de "visualiser" le nouveau régime monarchique.


Ne reculant devant rien, Royal-Artillerie remet au feu de la forge le régime nécessaire et possible que le Piéton a souvent proposé. De bas en haut (mais l'inverse marche aussi), des républiques autonomes territorialisées sont établies en métropole, basées sur les provinces. Leur circonscription n'est limitée que par leur viabilité économique puisqu'elles vont lever de l'impôt. Les régions de programmes existantes et précédentes produisent des statistiques utiles pour organiser leur liberté. Pour le gouvernement des pouvoirs dévolus à l'étage supérieur, ces provinces délèguent au sénat de Paris leurs représentants. L'Etat central est formé du domaine régalien et du domaine public commun. Le domaine régalien stricto sensu est remis au roi qui le commande lui-même et l'administre par son garde des sceaux. Le domaine public commun est gouverné par le premier ministre proposé par le sénat et nommé par le roi. Qui est dans quoi ?

Le domaine régalien strict comprend le Quai d'Orsay, le ministère des Armées, la Direction générale de la sécurité extérieure, la Banque de France et le Trésor public, le ministère des Finances, le services centraux de police et sûreté, la Gendarmerie nationale, la chancellerie, le conseil supérieur de la magistrature, la cour de cassation et la cour d'appel de Paris, la coordination européenne du domaine régalien.

Le domaine public commun comprend la cour des comptes, le conseil d'Etat, les parquets spécialisés et ceux de province, la coordination nationale de l'instruction publique (la fonction est décentralisée), le ministère des universités et de la recherche, la protection des instituts (ex-ministère de la culture), le ministère des solidarités (ex-Travail), la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la Caisse nationale d'assurance maladie (les caisses primaires et d'allocations familiales sont décentralisées), l'administration des cultes, la construction et gestion des infrastructures de transports nationaux, la sûreté énergétique, l'écologie appliquée (développement durable, assainissement des nuisances), votre propre idée, la coordination européenne du domaine commun. La frontière entre les deux domaines sera sans doute disputée, surtout dans un pays qui a oublié comment fonctionne un Etat fédéral.

Les provinces sont administrées comme aujourd'hui bien que la pureté du modèle voudrait qu'elles choisissent chacune leur mode institutionnel. On y retrouve donc un parlement élu sur des circonscriptions territoriales et transversales à définir - cela fait déjà un sujet intéressant à suivre - et un exécutif désigné par les élus. Le principe général est de ne pas reproduire à l'échelon provincial les domaines gérés depuis le domaine public commun mais de se concentrer sur les domaines libérés de l'emprise étatique parisienne. Ainsi les préfets départementaux, qui aujourd'hui actionnent les décisions de Paris, seront-ils réduits en fonction, effectifs et déploiement à des missions de surveillance, relais et conseils à la manière des missi dominici. Les provinces autonomiseront les académies, les régions judiciaires qui traitent de la justice basse, mais les régions militaires comme les régions de police ressortissant au domaine régalien seront maintenues en l'état. Plus généralement les provinces auront une compétence universelle sur tous les sujets jusqu'au seuil non franchi des domaines centraux. Sauront-elles s'autonomiser réellement ? sauront-elles lever des taxes, des impôts sans quémander le blanc seing de l'Etat central ? c'est une question qu'on ne peut poser aujourd'hui, le personnel en place étant recruté dans le vivier des battus au plan national, c'est du second choix, la division 2.

A côté de ces organes de gouvernement prolifèrent des coordinations hors-Etat comme les chambres de commerce, d'industrie, des métiers, de l'agriculture, les syndicats professionnels et ouvriers, autogérés et autofinancés, corporations chargés entre autres de la formation professionnelle, des coopérations locales sans autre limite que leur efficacité, des projets inter-provinces en tous domaines, des synergies en régime mixte (public-privé) sur le seul critère de l'auto-financement. Un nouveau pays hérissé de libertés !

Nous empruntons la conclusion de cet article à Jean-Philippe Chauvin qui termine sa préface ainsi : « Ce livre que vous tenez entre les mains n'est pas un objet inanimé, il est un essai, une sorte de manifeste royaliste qui a vocation à provoquer la discussion et, aussi, à donner quelques arguments pour une monarchie sociale "à la française", active et politique : ce texte important rédigé par Frédéric Winkler est aussi un outil de travail qui peut être abordé et lu la plume à la main, et qui doit ouvrir de nouvelles perspectives pour le royalisme, sur des thèmes que les monarchistes avaient parfois un peu négligés, pris par d'autres combats. Lisez, discutez, diffusez, mais aussi complétez : cet ouvrage doit jouer le rôle d'une pierre fondatrice, comme il est aussi un pavé dans la vitrine du "politiquement correct" et du "désordre établi" !» Je crois que c'est bien ce que Royal-Artillerie a tenté de faire.

On peut comprendre aussi que ce projet civilisationnel sera directement applicable à la société post-collapsus qui s'annonce, après la remise en cause du système de mondialisation des échanges et des productions. La pandémie en cours du coronavirus de Wuhan risque de provoquer l'effondrement des collaborations trop sophistiquées entre continents, alimentées par une croissance sans limites qui participe au dérèglement climatique (RA y reviendra dans un article prochain sur les lendemains obscurs).
Redisons-le avant de partir, le régime monarchique explicité par le texte inséré sous l'affiche du banquet camelot (annulé) n'est que phosphoration personnelle et n'engage en rien le Groupe d'Action Royaliste, lequel n'a délivré aucun Nihil Obstat. Le seul mérite de cet article n'est pas d'exister (ô vanité) mais de pouvoir être critiqué, déconstruit, reconstruit, pour avancer vers le meilleur modèle applicable.
Messieurs, à vos pièces !


- Texte Calameo en cliquant ici
- Lien d'achat du bouquin en cliquant là

lundi 16 mars 2020

Le néolibéralisme à front de taureau

...ou le nouvel impératif social et politique qui exige l'adaptation du peuple à une trajectoire imposée comme une figure de trapèze volant, à défaut de quoi il se cassera la gueule. On commence par une émission courte de France Culture avec la philosophe nietzschéenne Barbara Stiegler, discours assez concentré mais plus maniable que la rencontre chez la Société de Philosophie de Bordeaux qui dure une heure dix et qu'on peut écouter en cliquant ici, s'il est besoin de délayer les concepts travaillés ! Importante mise à jour du libéralisme actuel. Tant la crise climatique que la découverte des limites dramatiques de la mondialisation par la pandémie du coronavirus de Wuhan remettent en cause ce dogme qui a déjà un siècle et continuait jusqu'à hier soir à diriger le monde. Puis on lira la quatrième de couverture de Gallimard du bouquin de la philosophe « Il faut s'adapter » avant de passer commande (22 euros en papier). Il ne reste plus qu'à inventer un nouveau paradigme en Occident, l'Orient farà da sé !


"D’où vient ce sentiment diffus, de plus en plus oppressant et de mieux en mieux partagé, d’un retard généralisé, lui-même renforcé par l’injonction permanente à s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe ? Comment expliquer cette colonisation progressive du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l’évolution ?"
"La généalogie de cet impératif nous conduit dans les années 1930 aux sources d’une pensée politique, puissante et structurée, qui propose un récit très articulé sur le retard de l’espèce humaine par rapport à son environnement et sur son avenir. Elle a reçu le nom de « néolibéralisme » : néo car, contrairement à l’ancien qui comptait sur la libre régulation du marché pour stabiliser l’ordre des choses, le nouveau en appelle aux artifices de l’État (droit, éducation, protection sociale) afin de transformer l’espèce humaine et construire ainsi artificiellement le marché : une biopolitique en quelque sorte".


"Il ne fait aucun doute pour Walter Lippmann, théoricien américain de ce nouveau libéralisme, que les masses sont rivées à la stabilité de l’état social (la stase, en termes biologiques), face aux flux qui les bousculent. Seul un gouvernement d’experts peut tracer la voie de l’évolution des sociétés engoncées dans le conservatisme des statuts. Lippmann se heurte alors à John Dewey, grande figure du pragmatisme américain, qui, à partir d’un même constat, appelle à mobiliser l’intelligence collective des publics, à multiplier les initiatives démocratiques, à inventer par le bas l’avenir collectif.
Un débat sur une autre interprétation possible du sens de la vie et de ses évolutions au cœur duquel nous sommes plus que jamais".
Collection NRF Essais, Gallimard
Parution : 24-01-2019
336 pages, 140x205mm

dimanche 15 mars 2020

Couvre-feu !


Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés.

Paul Eluard - Poésies & Vérité, 1942


samedi 14 mars 2020

Juste une mise au point...

Jean d'Orléans et son fils Gaston - cliché David Nivière pour Point de Vue

Sotheby's Deauville met en vente les pavillons Nemours et Montpensier du domaine royal d'Eu (Normandie septentrionale) appartenant encore à la famille d'Orléans, et le Roycoland de s'émouvoir de la liquidation continue par ses héritiers du patrimoine d'Henri l'Ancien (1908-1999). Après les souvenirs de famille, les œuvres, les cadeaux, on entame le foncier. D'un domaine autrefois conséquent il ne restera demain que la forêt du Nouvion en Thiérache attribuée à Jean d'Orléans par sa grand-mère Isabelle et le chalet restauré par Viollet-le-Duc à Jacques d'Orléans. On sait aujourd'hui pourquoi Henri l'Ancien a légué l'essentiel du capital immobilier à la Fondation Saint-Louis avec une succession d'une dizaine d'hoirs appelés à lui survivre, parmi lesquels aucun n'avait de métier sérieux et suffisamment lucratif pour conserver sa part. Régine Salens a propulsé l'annonce sur Noblesse & Royautés dont extrait ci-dessous :
Le pavillon Montpensier fut construit au XVIIe par la princesse Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, connue sous le nom de la "Grande Mademoiselle", petite-fille d'Henri IV, cousine germaine de Louis XIV. Hérité en 1693 par le duc de Maine, la propriété appartint ensuite, au comte d'Eu, au duc de Penthièvre, à sa fille la duchesse d'Orléans puis au roi Louis-Philippe.
Restaurée par Viollet-le-Duc à l'époque de Philippe, comte de Paris, qui la transmit à son fils, le prince Pierre D'Orleans et Bragance puis à sa petite fille la princesse Isabelle, comtesse de Paris, qui aménagea le pavillon pour son usage personnel. La propriété s'étend sur 6,5 hectares de parc avec partie boisée et vue mer. Dossier et visite sur demande. Prix : 685.000 € FAI, honoraires d'agence à la charge du vendeur.

La propriété est aujourd'hui encore à Michel d'Orléans né à Rabat en 1941, divorcé de Béatrice Pasquier de Franclieu dont il eut entre autres enfants Charles-Philippe duc d'Anjou, remarié à Barbara de Posch-Pastor en 2017. Il est le jumeau de Jacques d'Orléans.

La bronca a fait bien des reproches à une famille qui semble vivre sur les ventes, auxquels ont répondu les défenseurs attitrés de la famille d'Orléans, savoir que tout un chacun a le droit de disposer de ses biens dans le cadre légal. Bien sûr, le Landerneau royaliste conteste à la fois la banalité des biens annoncés qui furent un écrin de la vie d'Isabelle d'Orléans & Bragance (1911-2003), connue sous le nom de "Madame", elle qui marqua la dynastie d'une empreinte indélébile ; et tout autant l'impécuniosité des ayants-droits et particulièrement celle du nouveau chef de maison Jean d'Orléans qui vit dans les murs de la fondation à Dreux, tous incapables apparemment de maintenir le patrimoine dans la famille. C'est là qu'intervient un argument jamais vu encore d'un commentateur dont je tairais le nom mais que vous trouverez dans le fil N&B :

« Beaucoup de nos correspondants pensent avoir des droits sur les Orléans, sur ce qu’ils pensent, ce qu’ils écrivent, ce qu’ils possèdent, ce qu’ils vendent, qui ils fréquentent, où ils vont à l’église ou à l’école, où ils travaillent… c’est peut-être reconnaître que cette maison a une place à part dans l’histoire de notre pays mais je ne suis pas certain qu’ils y voient un hommage.»

Effectivement les Français ont des "droits" sur les D'Orléans aussi longtemps que ceux-ci convoquent l'encensoir médiatique à leur admiration, en ne nous épargnant aucun détail de la saga furieuse qui ravagea l'espèce sous Henri l'Ancien. De toute part on vit jaillir des entretiens crapoteux, des mémoires vengeurs, des mises au point, le fatras habituel des ressentiments de la dispute familiale ! D'Orléans est venu chercher les Français et pas l'inverse. Changer son patronyme en "... de France" marque à jamais la vocation. Les Français, du moins ceux qui s'intéressent aux royals jugent donc la proposition ! Est-ce la faute de la nation si les mœurs de la maison, et particulièrement ce goût de la rente, affaiblissent la revendication monarchique ? A vouloir régner un jour, ne vaudrait-il pas mieux commencer par créer quelque chose, produire de la valeur ajoutée taxable, faire fortune, à défaut en bien vivre ?

C'est le défi du nouveau comte de Paris "Jean de France" de faire la preuve qu'au-delà des recommandations de bon sens distribuées aux pouvoirs publics, il sait porter un projet à la mesure de sa légitime ambition. A tout le moins, préparer ses propres enfants à y parvenir. Dans le futur tout prétendant devra prouver qu'il est bien plus qu'un intellectuel assis ayant fait SciencesPo ou l'ENA et cherchant une "pantoufle" confortable, mais un chef entreprenant à ses risques et périls, qui saura réussir.

Courtoisie N&B et David Nivière

jeudi 12 mars 2020

Le vendredi 13 du coronavirus



Et Jupiter lança l'éclair qui foudroya ces élections municipales que son parti tentait de perdre ! C'était du moins ce qu'anticipaient des sources généralement bien informées au zinc de La Civette en bas de chez moi. Bien vu les pochetrons, mais ce n'est pas ça ! On confine les vieux qui vont tous passer à l'eau ferrugineuse, l'Education nationale ferme, Bercy inverse la pompe à phynances et inonde le pays d'argent pour combattre au rempart le plus exposé. Toute remarque de Francfort ou de Bruxelles est d'avance mise à la broyeuse. A nous Keynes ! On va emprunter puisqu'on est à sec !

Anticipant la saturation d'un système hospitalier déjà démotivé, le Piéton du roi partage gratis pro Deo les remèdes sanitaires de ses aïeux du Midi, qui ont vécu, sauf à la fin, loin des médicastres et traversé la crise du phylloxéra et la grippe espagnole du Texas :

Dedans : Aérer les pièces en grand deux fois par jour sinon quand le soleil tape. Au retour de la vigne ou de l'atelier, on se lavait les mains et les avant-bras au savon de Marseille dans une cuvette dont on ne récupérait jamais l'eau. Des deux grands-pères, le Cévenol ne mettait jamais les pieds sous la table sans les avoir lavés eux-aussi. De cette habitude transmise de père en fils depuis Jésus-Christ, je n'ai su jamais le motif sanitaire précis, bien que le lavement de pieds fasse partie des trucs catholiques.

Cette génération était taiseuse et ne parlait jamais la bouche pleine si parlait-on encore à table. Les bulles égotiques étaient plus larges qu'aujourd'hui et il n'était jamais besoin de s'approcher d'autrui pour lui parler "les-yeux-dans-les-yeux" ; cela aurait été vécu comme une intrusion. Notre mode d'échanges actuels impose le port du masque de base. Les hypocondriaques iront chercher un masque de peintre à cartouches chez Monsieur Bricolage.

Viennent ensuite quelques conseils d'hygiène moins banals. Se laver les dents au réveil avant de petit-déjeuner (et après bien sûr) pour ne pas réingérer la flore bactérienne résiduelle du sommeil. Se gargariser au Synthol à 10% une fois par jour. Verser un demi-verre d'eau de Javel dans chaque siphon du logement chaque jour. Si des évacuations sont paresseuses les déboucher sans attendre au Destop ou à la soude caustique (moins cher). Bizarre mais utile, tirer la chasse des WC après avoir rabattu le couvercle pour ne pas disperser l'aérosol formé par la trombe d'eau ; elle est toujours chargée en flore bactérienne intestinale.

La question des animaux domestiques n'est pas traitée mais ils sont de potentiels pestiférés eux-aussi, sauf les chauves-souris bien sûr.

Dehors : outre le masque en intissé, porter des lunettes fermées dans la cohue. Ne toucher personne et mettre des gants de peau (Millau) plutôt qu'en plastique pour ne pas donner l'impression d'un isolement motivé. Ne pas tenir les rampes, les barres, les poignées sauf si c'est nécessaire. Faire ses courses avec les protections indiquées et les poser chez soi sur une table en passant tous les emballages externes à l'alcool à brûler. Ne déballer que ce qui va être cuit. Enfin, passer chaque jour plans de travail, porte de frigo, de four, de lave-vaisselle et toiles cirées à l'eau de Javel 5%. Les précautions peuvent sembler fastidieuses mais on parle maintenant d'une épidémie galopante et grave, et tous les fluides corporels sont des vecteurs.




Les conséquences probables de l'épidémie feront plus tard l'objet d'un billet prospectif, mais déjà on entrevoit une solution au mécontentement hospitalier par la révision des procédures, dotations et capacités. Restera l'impact géopolitique : on changera de paradigme global quelle que soit la résistance des profiteurs de la mondialisation.

mercredi 11 mars 2020

Voter ?


Ma commune qui avait formé une intercommunalité avec deux villes voisines et partageait certains services municipaux, s'est laissée absorber ensuite dans une communauté urbaine géante de soixante dix communes et quatre cent mille habitants. Autant le dire tout de suite, elle y a disparu. La mairie décide encore dans quatre domaines : loisirs-culture, police municipale, écoles primaires (cantines) et spéculation immobilière (bétonnage des friches industrielles). Le reste est parti.
Les services municipaux maintenus "font suivre". Sans s'étendre sur le mur de mauvaise foi que personnellement j'ai affronté dans le cas d'un sinistre où la ville, maître d'ouvrage, était impliquée jusqu'au cou*, je partage un doute général avec mes voisins : on va voter pour QUOI ? A quoi ces braves gens me répondent pour QUI vont-ils voter. L'élection municipale devient un casting ! Cela n'empêche aucune liste de bourrer les boîtes aux lettres de programmes.
*Je n'avais pas tourné de vidéo de l'accident et n'avais recueilli aucun témoignage un dimanche d'hiver en fin d'après-midi, sous l'orage qui avait défoncé la clôture d'un chantier municipal ! Contact en live avec le service compétent refusé.

A lire les professions de foi, on n'y voit que dépenses de confort, de la Maternelle à l'EHPAD, et embellissements visibles conjuguées au refus de tout développement économique qui pourrait permettre peut-être de financer ces avancées sociales. Les nuisances, chère médème, les nuisances, l'air, le bruit d'usine, le réchauffement climatique ! Et à la fin, la palanquée de fiers-à-bras qui vaincra commencera à utiliser la fameuse capacité d'auto-financement résiduelle laissée par l'équipe sortante pour montrer aux badauds leurs réalisations prestigieuses, avant que de pétitionner pour l'augmentation des subventions publiques de l'Etat et du département. Aucune valeur ajoutée n'entre en ligne de compte, mentalité de moutons, les Hébreux au désert, Tintin au Congo, exigeants en plus !

Il fut un temps, quand les communes avaient toutes les compétences municipales, où il était avisé pour certains groupes politiques de faire de l'entrisme pour acquérir un peu de visibilité et montrer leur connaissance des dossiers. Ce temps est révolu dès lors que se forme une technocratie au niveau de la communauté urbaine, qui va sédimenter et devenir inexpugnable. On commence à le sentir lors des débats d'assemblée. Cette voie parallèle d'accès à une enceinte décisionnaire devient sans objet.

Pourquoi dès lors participer aux élections municipales ? Par habitude ? Pour serrer les mains des édiles, parler au conseiller-maire, au député, à mon ami le chef de la police ? L'habitude... anticiper le pointage des listes entre deux tours où pour la première fois je me serais abstenu. Pourquoi ? Et pourquoi leur répondrais-je qu'ils jouent dans une pièce idiote qui, au-delà des services rendus à quelques lobbies fonciers intéressants, ne sert qu'à former le collège électoral du scrutin sénatorial, scrutin destiné à donner une seconde chance aux battus, aux seconds couteaux, aux apparatchiks de parti méritants. Si encore j'étais inscrit à Paris, je serais motivé à foutre dehors Dame Bêtise, ses rats, sa crasse, son incompétence, son ostracisme, sa cour de tiers-mondains de la jaquette, sa végétalisation étique et le goût des fonds perdus.

Le Covid-19 pourrait-il me donner la réponse ?

mardi 10 mars 2020

Self-transformation de l'Afrique


Au hasard d'une navigation sur les canaux 300 d'information, je tombe sur une interview du Dr Carlos Lopes chez la chaîne francophone Africa24, économiste bissau-guinéen, ancien Secrétaire général de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, qui a des choses intéressantes à nous dire en seulement onze minutes et vingt secondes. On pourrait en faire un bouquin de deux cents pages ! Justement, le Dr Lopes nous explique tout ça posément dans un opuscule de 164 pages titré Africa in Transformation - Economic Development in the Age of Doubt. Ce livre indispensable (malheureusement en anglais bien que l'auteur parle un français impeccable) se vend sous format papier ou numérique chez Palgrave.

TABLE DES MATIERES et extraits en cliquant sur le site MacMillan

Introduction
* Changing Politics
* Respecting Diversity
* Understanding Policy Space
* Structural Transformation Through Industrialisation
* Increasing Agricultural Productivity
* Revisiting the Social Contract
* Adjusting to Climate Change
* Inserting Agency in the Relations with China
Conclusion
On lira avec intérêt la critique du livre proposée en français par Financial Afrik en cliquant ici, recension qui reprend les huit défis principaux que ce continent de la démesure, équivalent à l'Inde, affronte avec d'énormes atouts et des handicaps pas moins monstrueux.

L'interview fait écho aux thèmes chers à Royal-Artillerie qui fonde le développement du continent africain sur l'industrie, le transport lourd et la grille électrique. Bien noter l'ossification des Etats rentiers abonnés à la paresse fiscale sinon à la paresse tout court (nous pensons à l'Algérie qui va énormément souffrir de l'effondrement des cours du pétrole). L'économiste Lopes ne compte pas sur eux. On appréciera aussi sa conclusion privilégiant l'africanisation d'une démocratie adaptée au besoin du peuple, même en tolérant une certaine autocratie si les résultats sont là, plutôt que de répandre un modèle occidental exotique. La journaliste qui a parfaitement préparé l'entretien s'appelle Fanny Mounichy.


Lien original sur Africa24 :https://www.africa24tv.com/fr/interview-guinee-bissau-carlos-lopez-economiste

dimanche 8 mars 2020

In bed with Erdogan

L'affaire turque est sérieuse et toute explication prend le risque du contrepied tant est imprévisible le Sultan Erdogan. Devons-nous chercher à le comprendre ? C'est l'ambition de ce billet qui fera date dans les annales diplomatiques du Quai d'Orsay si d'aventure il y pénétrait un jour. Fin de l'entame humoristique.


En tant qu'Européen, on peut détester Erdogan pour la bordée d'insultes avec laquelle il décore toute adresse à l'Europe occidentale, nous faisant la leçon mal apprise à tout mauvais escient et particulièrement pour nous, Français, dans ses diatribes contre la colonisation. Il est inutile de lui renvoyer en pleine figure la colonisation impitoyable de la nation arabe par les Ottomans, cela renchérit son hubris d'être comparé aux grands ancêtres. Mais puisque l'affaire qui nous occupe ce soir est d'origine syrienne, il faut rappeler trois choses :

D'abord, la liquidation de l'Empire ottoman après la Grande Guerre a fait renaître l'irrédentisme kurde par toute la montagne depuis Elazig en Turquie jusqu'à Bakhtaran en Iran. Sous le mandat de la SDN, les Français privilégièrent les Kurdes qui nous en sont reconnaissants encore aujourd'hui, même si le projet anglo-français d'un Kurdistan indépendant a foiré sous la pression de Kemal Ataturk. Premier mauvais point.

A l'époque du mandat syrien, la France avait un intérêt particulier pour le sandjak turc d'Alexandrette, aujourd'hui Iskenderun, au point de le rattacher à la Syrie. Puis, sous la pression insistante des Turcs qui procédèrent au nettoyage ethnique du territoire, le Front populaire échangea cette république-croupion contre la neutralité turque pendant la guerre qui s'annonçait avec l'Allemagne. Deuxième mauvais point.

Pendant la présente guerre de Syrie, les puissances occidentales sur zone ont utilisé l'infanterie kurde pour réduire les troupes de l'Organisation Etat islamique, lui apportant couverture aérienne et préparations d'artillerie. Or les Kurdes syriens poursuivent un projet d'établissement d'un Etat autonome dans le nord de la Syrie sur le modèle du Kurdistan irakien d'Erbil établi sur la frontière turque. Ces Kurdes, quoiqu'ils en disent, sont affiliés au PKK qui créé beaucoup de soucis à Ankara. Troisième mauvais point.


La stratégie d'Erdogan est très simple : outre la nécessité d'abolir le régime alaouite sanglant de la famille Assad, elle consiste à éparpiller les Kurdes le plus loin possible de la frontière turque afin qu'ils ne s'ancrent pas au sol, et à créer une zone tampon qu'il entend remplir de trois millions de réfugiés syriens présentement sur son sol. Reste à résoudre la question des autres nationalités de migrants qu'il a en surnombre ! Mais compte-tenu de l'intention répétée et prouvée du régime de Damas de reconquérir la poche d'Idlib à n'importe quel prix en vies civiles, Erdogan anticipe une rupture de la digue frontalière laissant entrer un ou deux millions de Syriens supplémentaires. Ce qui dans l'état actuel de l'économie turque est carrément intenable tant pour le régime AKP que pour l'Etat lui-même. On peut ainsi comprendre qu'Erdogan manœuvre aujourd'hui pour décompresser ses camps de réfugiés en poussant sur la frontière de l'Union européenne quinze mille réfugiés de toutes nationalités pour tester la résistance du "mur". Et à dire vrai, ce ne sont pas les cinq cents millions d'aide humanitaire qui vont améliorer sa situation intérieure précaire.

Les causes et conséquences de la guerre civile syrienne sont bien expliquées dans la Wikipedia (clic). Idlib fut une des premières villes à basculer dans l'insurrection au début du printemps syrien quand il était permis de croire que la pression de la rue chasserait la famille prédatrice de Damas, comme à Tunis ou au Caire. A ce motif, les Assad vouent une haine tenace envers les populations du nord-ouest, qu'ils bombardent en aveugle, rasant écoles, dispensaires, marchés sans distinction. Le pire est que les Russes n'en font pas moins, mais si l'on se souvient de la reconquête de Grozny (Tchétchénie) on ne s'étonne de rien.

Il est deux questions en suspens : les milices djihadistes et les chrétiens d'Orient. Ce sont deux prétextes brandis par les soutiens français de Bachar el-Assad. Les milices sont indéniablement les supplétifs (pas toujours obéissants) de l'armée turque qui évite d'engager son infanterie portée dans la zone des combats. Ankara s'en servira jusqu'à leur extinction. Les chrétiens de Syrie sont otages du pouvoir alaouite qui instrumentalise leurs chefs et s'en sert pour ses campagnes de propagande. A dire vrai, ne restent autour de la famille que les alaouites, les chiites libanais et les chrétiens orientaux. La libération de ces derniers doit être à l'ordre du jour des puissances occidentales plutôt que de les laisser utiliser par les idiots utiles du pouvoir damascène.

Une morale de la fable : à faire la guerre, autant la faire à fond et la gagner. La chorégraphie occidentale depuis le début de l'affaire syrienne pêche en muscle et détermination. Le choix aurait pu être au départ de ne se mêler de rien, même avec la proclamation du nouveau califat ! Les monarchies arabes, riches à ne plus savoir quoi inventer comme investissement chez elles, auraient réglé le problème, entre elles d'abord et sur le terrain ensuite. Le foyer d'infection islamiste pouvait être contrôlé en France au départ et au retour des djihadistes en décrétant l'état d'exception... et en pourchassant les prédicateurs, les Frères et tous les factieux qui nous avaient déclaré la guerre. On n'y reviendra pas.

L'autre choix était ouvert après la seconde attaque chimique. Obama et les Communes britanniques portent une lourde responsabilité dans leur refus de réagir comme annoncé, ce qui donna au régime la libre pratique de toutes les exactions. On pouvait détruire le régime dans son palais et toutes ses infrastructures militaires. Bien sûr il fallait derrière occuper le terrain pour bloquer l'appel d'air, et sans doute écraser Raqqa, la capitale déclarée de l'OEI, comme jadis Dresde, avant de répéter la mesure sur Mossoul. C'était une guerre. Savons-nous encore la faire ? Nos états-majors et les armées y sont prêts mais qu'en est-il de nos politiques ? Alors il est assez facile de débiner Erdogan qui s'expose au balcon, engage des moyens, tape sur les concentrations de troupes et descend des Sukhoi syriens au nez et à la barbe des Russes dont on nous dit ici tant de bien ! Avant de le vouer aux gémonies, regardons la situation très critique dans laquelle sa position géographique l'a placé, tenons bon sur les frontières grecque et bulgare, et fermons notre gueule !

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