jeudi 29 février 2024

Bissextile

Père Auguste Chapdelaine, dit Ma Laï
#2243 - Saint Auguste aujourd'hui. Pas l'empereur, mais Ma Laï des Missions étrangères de Paris, né à La Rochelle (Sartilly-Baie-Bocage) et décapité à Dingan (Kouang-Si) le 29 février 1856 pour prosélytisme interdit. Son exécution révulsera les chancelleries et engagera la France à côté de l'Angleterre dans la Seconde Guerre de l'opium dont le fait d'armes le plus marquant fut le sac du Palais d'Eté ! Le Parti communiste chinois fête encore aujourd'hui le supplice patriotique du "missionnaire criminel" ! Il s'appelait Auguste Chapdelaine. Les persécutions continuent de nos jours, des prêtres sont emprisonnés sans jugement, certains comme Mgr Augustine Cui Tai, évêque auxiliaire du diocèse de Xuanhua dans le Hebeï, depuis seize ans. Mais le cardinal Parolin, Secrétaire d'Etat du Vatican, leur parle ! Il se prend pour un grand diplomate, bien que tous les évêques chinois lui aient déconseillé le kowtow d'allégeance à des gens sans aveu. A 92 ans, le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, évêque émérite salésien de Hong Kong, est encore harcelé par la Gestapo chinoise pour avoir dénoncé ce marché de dupes ; mais Sa Sainteté, trop fière d'avoir noué le dialogue avec l'empire emblématique des BRICS, ne moufte pas.

L'autre nouvelle du jour, c'est l'examen du pourvoi en cassation des époux Fillon qui dénoncent un harcèlement téléguidé du Parquet national financier à leur encontre en pleine campagne électorale. Il faut dire que François a écopé d'un an de prison ferme en appel, sous bracelet sans doute. Ça la foutrait mal sur la Place Rouge. Que l'erreur de jugement du prévenu ait été politisée à outrance ne fait de doute pour personne en France, comme d'ailleurs sa totale absence de sens moral ; mais dans son malheur, qu'il se dise qu'il a eu plus de chance que Michel Colucci ou que Robert Boulin. Délibéré au 24 avril prochain.

Après, nous pourions en faire des tonnes sur l'irrépressible logorrhée de notre président qui soûle la planète et nous autres avec ses sermons à propos de tout et de rien - il va faire la semaine de Philippe Bilger ; sur la CEDEAO qui se rabiboche avec les juntes entre Africains loin des objurgations de Paris ; sur les obsèques de tous les dangers d'Alexei Navalny demain vendredi à Moscou - la rafle ; sur la mise en porte-à-faux de Benyamin Netanyahou qui doit calmer ses ardeurs destructrices le temps du ramadan, sans garantie auucune de pouvoir s'y remettre ensuite, laissant ce faisant la vie sauve aux rats-taupiers du Hamas et ouvrant enfin les portes d'une contestation intérieure d'ampleur ! Si, une dernière chose m'exaspère : nous ne savons pas gérer nos polders de Flandre et l'embouchure de la Charente. Il est plus que temps de faire venir des Hollandais pour reconstruire tout le dispositif.
Le dicton du jour est néanmoins rassurant, on peut expédier la Légion sur le Dniepr, enfin presque :

« N’aie nulle peur de l’année bissextile, mais de celle d’avant et de celle d’après »

lundi 26 février 2024

Le roi du passe-temps

carte à jouer du roi de pique
#2242 - Un ami d'enfance qui partit bac en poche sur les chemins du monde - nul ne savait où - est revenu pour sa retraite et m'a retrouvé. Malaisie, Birmanie, Indonésie, difficile de faire plus humide ! Après avoir giberné deux heures sur nos parcours respectifs, je lui posais la question de ce qui l'avait le plus surpris dans la France actuelle. Il me répondit sans réfléchir que c'était de voir toutes les églises fermées à clef sauf dans les grandes villes. Il avait déjà compris que c'était pour réduire leur cambriolage par des chiffonniers du voyage, balkaniques souvent. Puis il voulut savoir de quoi étaient faites mes journées ; et je lui fis part de mon addiction au royalisme qui m'occupait l'esprit entre deux tournées au jardin ou en campagne. Nous devisâmes donc sur cette excentricité méconnue du monde malais. Quand il eut reçu toute l'information qu'il attendait sur le royalisme et ses espérances dans une République stabilisée sur des fondations sûres, il me dit tout à trac :
- finalement c'est un passe-temps !
J'allais lui répondre par la négative quand je me tus subitement devant cette révélation.
Faut-il continuer ? Etait-ce ça ?

J'avoue m'être souvent posé la question de l'avenir du royalisme en France, à comparer son empreinte dans les années 50 et celle des années 20 aujourd'hui. Que le lecteur se rassure, je ne vais pas le barber avec la marmite dans laquelle je suis tombé petit ; mais pour faire court, nous avons plutôt rapetissé. S'il fallait extraire une seule cause de cette stagnation, laquelle choisiriez-vous ?
Pour moi c'est une enfilade d'erreurs de positionnement malgré la haute valeur de la "doctrine". On ne peut être longtemps irréprochable intellectuellement tout en se fourvoyant dans des tunnels sans fond qui nous décrédibilisent aux yeux de nos concitoyens. Et ça a commencé en 1940. Plusieurs alternatives se sont présentées ensuite à nos chefs qui ont chaque fois choisi celle qui n'avait pas d'avenir. La dernière est d'hier. L'Action française communique officiellement sur un choix que nous devrions faire entre la France ou l'UE pour régler les crises que nous traversons. Texto c'est par ici et le brûlot se termine ainsi : « Mais quand le pouvoir politique refuse de passer à l’acte, c’est bien souvent le peuple qui s’en charge… S’il veut éviter d’en arriver là, il doit d’abord rompre avec les règles européennes et le modèle mondialiste, quoi qu’il en coûte, et probablement en coûtera-t-il moins cher si le pays réel reprend le contrôle. Avec le scrutin qui vient, il faudra choisir : L’UE ou la France… ».

Ce n'est ni plus ni moins qu'un Frexit ! Or nous savons (mais pas tous) qu'il est impossible, et nous avons osé le démontrer ici. Extrait du 30/11/2020 :

- [La France] n'a pas de monnaie alternative à l'euro (même Marine Le Pen s'en est rendu compte, c'est dire).
- Sa géographie la place au cœur des flux logistiques européens qui ne peuvent l'éviter qu'en traversant les montueuses républiques alpines. Elle bloque la péninsule ibérique jusqu'au Maroc (prochain candidat au Marché commun).
- La place financière de Paris, si elle monte en technicité, ne sera jamais une place de premier plan, enchâssée qu'elle est dans une République socialiste, ennemie du succès et des profits (la Bentley du Garde des Sceaux élevé par une veuve femme de ménage fait jaser les jaloux).
- Son domaine ultramarin ne lui est d'aucun secours puisqu'elle le porte à bout de bras et que les ZEE immenses n'ont de valeur qu'exploitées. Nous ne les exploitons pas faute d'investisseurs, à peine si nous avons les moyens de les défendre dans le domaine de la pêche industrielle. Et pour la citer, la Francophonie reste cantonnée à la culture et aux valeurs humanistes ; elle n'est pas transformable en zone de libre-échange ayant du sens.
Tout comme chez les Anglais, la libération des chaînes européennes achoppe devant l'imbrication économique bien plus nouée chez nous puisque nous sommes un pays-fondateur de la CEE au centre du jeu. Le marché des produits français est d'abord le marché européen, bien avant la grande exportation pour des produits de niche comme le luxe, la nourriture chère, l'armement. Si l'aéronautique est une coopération industrielle franco-allemande hors-sujet mais souvent citée, défaire les mille liens européens en France relève des travaux d'Hercule et nous n'avons aucun Hercule au bataillon. Personne en France, à notre connaissance, ne s'est sérieusement attelé à l'étude des travaux nécessités par le Frexit en chassant le diable dans tous ses détails, à part Michel Barnier. N'ayant aucunement la prétention de lire dans les feuilles de thé, nous attendrons donc le 2 janvier 2021 pour amender le constat d'impossibilité à la lumière de la séparation effective du Royaume-Uni de l'Union européenne.
On sait depuis lors ce qu'il est advenu du Brexit ; mais cela ne touche en rien la doxa souverainiste de "la France seule" ! Un concept qui a pris l'eau quand les Sammies ont débarqué à Saint-Nazaire en 1917 !

Ce que nous ne savons pas faire, parce que nous sommes le pays gaulois du "tout ou rien", c'est l'optimisation fine de nos dépendances. Mais pour ce faire, il faudrait des politiciens d'épaisseur, de la trempe d'un Giulio Andreotti ou Mark Rutte par exemple, et pas un Foutriquet du "quoi qu'il en coûte". Tiens, l'AF réutilise l'expression pour souligner l'urgence du divorce. Encore un tunnel !

Alors quoi ?
Notre pays a besoin de retrouver l'autorité naturelle qui était la sienne sur le continent européen afin d'optimiser ses coopérations contraintes et retrouver l'autorité morale qui va avec. Il ne suffit pas de le dire. Il y a une condition sine qua non qui gouverne les autres, c'est de réparer d'abord l'Etat et de réformer nos régimes sociaux. Nous savons ce qu'il faut y faire, nous savons aussi que l'impopularité des mesures nécessaires est grande et que les ennemis de l'intérieur mettront tout en œuvre pour combattre dans un troisième tour social ce qu'ils appellent l'austérité quand il ne s'agit que de bonne gestion du pays. Car, comme le disait Mark Rutte à Emmanuel Macron en 2017, quand celui-ci, tout feu tout flamme, arrivait à Bruxelles pour réformer l'Europe : "commencez par réformer votre propre pays avant de nous lancer dans une réforme de l'Europe". Et c'est toujours vrai.

On ne va pas énumérer nos trois déficits, indignes d'un pays doté comme la France, ni la dette monstrueuse qu'a provoqué le clientélisme démocratique latin. Nous ne sommes plus aux yeux d'autrui le pays qui dit la loi, qui se projette dans l'avenir, appuyé sur une culture universellement reconnue. La France de Sarkozy, Hollande et Macron ne fait plus envie autant que jadis (sauf pour la CAF) et certainement plus peur à personne. Elle est devenue le paon de la cour tout en arrogance. C'est cela qui doit changer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Nous n'avons pas à décréter notre assistance humanitaire au Maroc sans son avis, ni à faire la leçon à Macky Sall sur l'organisation de sa succession ni à régler la gouvernance du Liban corrompu jusqu'à l'os.
Réparer notre Etat invasif, il y faudra deux générations et des sacrifices, du moins un ajustement de la redistribution dans les limites du soutenable. Nous n'en prenons pas le chemin puisque les programmes électoraux en cours d'élaboration pour la présidentielle de 2027 sont des plans de dépenses, d'amélioration du niveau de vie. Alors, un Frexit qui ruinerait notre agriculture et ce qu'il nous reste d'industrie ? laissez-moi rire.
En tant que monarchistes, nous serions plus crédibles à enfourcher le cheval de la rigueur et du régalien.

vendredi 23 février 2024

Anniversaire d'une forfaiture attendue

faucon gerfaut, emblême de l'Ukraine
#2241- Cela fera deux ans demain qu'a commencé la guerre russe des trois jours ! Au Kremlin, le capominus di tutti capi sème le chaos depuis dix ans sur le limes occidental de la Fédération de Russie qui ne lui suffit pas. Pourtant il y aurait beaucoup à faire pour la rendre présentable. Au lieu de quoi, la clique en charge veut augmenter son "espace vital" comme Adolf Hitler le faisait des Sudètes, mais au moins le Führer tant aimé gouvernait un pays civilisé où les trois quarts de la population n'allait pas chaque matin chier dehors dans un trou de neige.
L'économie de guerre qui leur permet de tenir la dragée haute à l'Occident commence à détruire l'économie civile déstabilisée par les sanctions, rationnée dans ses approvisionnements, et bloquée dans ses exportations ; ce à quoi les Russes sont habitués depuis toujours. La pénurie budgétaire détisse la cohésion de la Fédération dans ses espaces perfusés de subventions, comme ils le sont tous à l'est des monts Oural. Quand Moscou ne pourra plus payer les gueux, il y aura de gros problèmes comme l'anticipait Hélène Carrère d'Encausse. Les gouverneurs seront tentés d'ouvrir des alternatives pour se maintenir à poste en "sauvant" leurs administrés. Entretemps, le budget russe entrera dans le tunnel d'une compétition existentielle lancée par le Kremlin parce qu'il va falloir tenir tête à l'implication de plus en plus lourde de l'Occident global dans la guerre d'Ukraine aux côtés de Kiev, lequel rehausse continûment le niveau technologique des armes livrées au front. Le dernier défi du même genre fut la "Guerre des Etoiles" de Ronald Reagan que le Politburo n'avait pu suivre parce qu'il était en train de s'y ruiner. Finalement, la ruine de l'Union soviétique emportera peu après la bassine, le bébé, l'eau du bain, tout ! Chaos total !

Contrairement à la doxa pro-russe française, la Russie n'a pas d'amis. La Chine populaire soutient Moscou comme la corde le pendu en surveillant l'extrême-orient sensible où elle a des revendications anciennes mais toujours réitérées. Des banques chinoises ferment leurs comptes russes. Les entrepreneurs chinois appelés à combler le déficit de production russe ne viennent pas afin de ne pas mettre en péril leurs exportations plus juteuses vers les pays de l'OCDE, et les corporations gazières ne se précipitent pas pour poser les tuyaux au Kazakhstan, si encore elles s'y décidaient réellement un jour ; les mollahs iraniens facturent les drones à prix d'ami dix fois plus chers que le tarif ; l'Inde absorbe beaucoup de brut à prix cassé qu'elle raffine avant de le revendre sur le marché mondial encaissant la marge que se faisaient les Russes auparavant. Et personne n'accepte plus les roubles. Mais l'ancien préposé aux tampons du KGB de Dresde fait campagne sur ses succès... historiques, et les otaries en réunion battent des nageoires !

Jusqu'où iront-ils ces Russes-là, car nous faisons la différence ! Jusqu'au chaos final tel que l'a connu l'URSS. La banqueroute morale et sociale de la Russie ne lui permettra pas de sauver de la dislocation la Fédération de Russie et sa coagulation forcée. Après le départ des "stans" en 1991, viendra bientôt celui des républiques ethniques à l'identité fortement marquée dont les hommes auront le plus contribué aux listes de morts et disparus de la guerre d'Ukraine. N'ayant jamais été éduquées à leur propre prise en charge, le désordre sera total, tant et si bien que se fera sentir rapidement un besoin d'ordre. Quels seront alors les pôles d'aimantation permettant de faire tourner des systèmes "solaires" de l'Oural au Kamtchaka ?

La Chine populaire est déjà à l'affût d'un anschluss économique et démographique des terres de l'Amour qui lui furent arrachées par les tsars aux siècles précédents (*). Dès la mort de Staline, cette revendication rampante a donné lieu à des conflits ouverts sino-soviétiques qui précipitèrent en un affrontement armé en 1969.
Le Caucase musulman trouvera peut-être une solution avec l'une des puissances régionales du Croissant qui manifestera son intérêt, les autres au bonheur la chance à qui paiera le plus.
Délestée d'un terrain vague immense qu'elle n'aura pas pu tenir, la Russie occidentale deviendra un tigre économique aussitôt que les réformes économiques de bon sens auront été appliquées, après destruction complète de la clique prédatrice poutinienne qui obère tout développement utile. Rien ne dit que la Biélorussie ne s'y agrègera pas ; ce serait son intérêt.
Si le nouveau pouvoir russe est assez intelligent, il décrètera zone franche l'enclave de Kaliningrad qui entrera ce faisant, comme la Norvège, dans le marché commun où est sa vraie place.

carte politique de la Fédération de Russie

Mais l'anniversaire des deux ans de guerre est aussi le moment de faire le point.

Le front oriental au Donbass est stabilisé, les belligérants essaient d'oblitérer les saillants (comme Avidiivka) mais d'aucun côté la puissance de feu n'est suffisante à maintenir une poussée décisive qui percerait le dispositif adverse. Le bombardement des lignes arrières, nœuds logiqtiques, postes de commandement, radars et conduites de tir se poursuit, les Russes travaillant au poids, les Ukrainiens au mètre. La couverture aérienne de l'Ukraine par des avions modernes facilitera la manœuvre mais ne changera pas le fond tactique. Puisque la contre-offensive de Kiev visant à atteindre la Mer d'Azov pour rompre le continuum territorial entre le Donbass et la Crimée a échoué, il semble que la zone d'effort soit maintenant la péninsule tatare. On attend donc la coupure du pont de Crimée pour demain si elle n'a déjà été faite au moment où s'écrit cet article. Les Russes s'y attendent aussi. Ne tenant plus la mer, les Russes auront un mal de chien à se maintenir en Crimée sous les bombes métriques ukrainiennes, mais les garnisons se battront sans doute jusqu'au bout pour entrer dans l'Histoire.

Sur le plan diplomatique, le fait marquant de ce mois de février 2024 est le triple accord de sécurité que l'Ukraine a signé séparément avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France pour programmer un soutien dans la durée (dix ans) en attendant l'intégration du pays dans l'Alliance atlantique. L'implication formalisée des trois puissances européennes du côté ukrainien aura plusieurs effets induits, le premier étant de montrer au Congrès des Etats-Unis que la Vieille Europe ne s'en laisse pas compter, ni par l'un, ni par l'autre. Le deuxième est une occidentalisation de l'armement ukrainien et une normalisation OTAN des règles d'engagement. Le troisième effet signale aux pays en retrait de la main comme l'Autriche, la Hongrie ou la Slovaquie qu'on n'a pas besoin d'eux pour contenir l'avancée de la brute qui marche ; ce qui les obligera à en rabattre lors des prochains sommets à Bruxelles. La Commission européenne est aussi et d'une certaine façon by-passée par ce mouvement stratégique des trois pays majeurs ; faut-il y voir la main de l'Angleterre ?
Sur un autre plan, on notera la mise en place à l'initiative des Etats-Unis de plusieurs "coalitions de capacités" en soutien à l'Ukraine qui spécialisent la trajectoire des efforts consentis par l'Occident. Coalition "information" de l'Estonie et du Luxembourg, coalition "artillerie" de la France et des Etats-Unis ; coalition "F-16" des Pays-Bas, Danemark, Belgique ; coalition "anti-aérienne" de l'Allemagne, France, Belgique, Danemark, Lituanie, Grèce et le Royaume-Uni ; etc.

Il ne reste plus qu'à décrypter le mystère de l'hypnose des dirigeants occidentaux qui aura duré vingt ans. Si on connaît les circonstances russes de l'ascension de Poutine, par le côté obscur de la corruption sanglante au sein d'un mouvement de captation du pouvoir par les siloviki (FSB), il est incompréhensible que l'insignifiance primitive d'un employé du KGB mal noté par ses chefs n'ait pas sauté aux yeux des services d'analyse, à moins que ce ne soient les dirigeants politiques qui aient décidé de passer outre leur avis ; mais tous à la fois ? Ce n'est pas pensable. Je suis demandeur d'une explication.

Pour terminer, rappelons les termes de l'accord négocié à Istanbul au mois de mars 2022 par les délégations ukrainiennes et russes, accord qui fut refusé par le Kremlin alors en pleine offensive :
  • Retrait de l'armée russe des territoires envahis depuis le 24 février ;
  • Finlandisation de l'Ukraine (pas d'intégration à l'OTAN);
  • Démilitarisation limitée (le format de l'armée devait être négocié à part);
  • Les oblasts séparatistes du Donbass bénéficieraient d'une autonomie semblable à celle du Pays basque espagnol ;
  • L'Ukraine s'engageait à tenir un référendum d'appartenance en Crimée (et pas dans tout le pays) avant quinze ans ;
  • Un traité de neutralité et sécurité devait recevoir l'endos de puissances européennes prêtes à s'investir dans son exécution.
Le premier avril 2022, la question pouvait être en voie de réglement, mais alors que les colonnes blindées russes commençaient à desserrer l'étau, surgissait le massacre ignoble de Boutcha ! Pourtant des contacts ténus furent maintenus jusqu'à la chute de Marioupol le 17 mai et son score atroce de victimes civiles et militaires. Terminato !

Les belligérants ne sont plus aujourd'hui dans le même état d'esprit, qui marchent sur des centaines de milliers de morts. Les Ukrainiens reçoivent enfin des armes de dernière génération qui apportent allonge et précision ; les Russes de leur côté bénéficient de la reconversion de leurs usines mécaniques à l'économie de guerre et la production est là. Les munitions ne semblent pas être un problème, surtout en 152 coréen, même si la logistique russe est régulièrement visée. Il faudrait être autour de la caisse à sable de chaque état-major pour les écouter, mais il semble que les Ukrainiens soient modérément optimistes à partir du moment où les livraisons d'armes occidentales continuent. Reste à trouver les hommes pour les servir. C'est leur problème ; par contre ils doivent absolument contrôler leur espace aérien et dans ce compartiment nous seuls pouvons les aider. Et aussi au niveau de chacun :

Volodymyr Zelensky a créé le site UNITED24 pour collecter des fonds de fondations et de particuliers pour l'effort de guerre. Chacun peut contribuer d'un simple clic à partir de 50 euros. C'est par ici. Merci. Le piéton cotise pour la fabrication des drones navals (*). Aussi, quand un bateau est envoyé par le fond au moyen de l'un d'entre eux, il peut légitimement se reservir à l'apéro un verre de muscat de Frontignan !

dimanche 18 février 2024

Le carême de Royal-Artillerie

#2240 - Ceci est un billet de saison qui va limiter ses réflexions à la nature humaine profonde inatteignable. Inatteignable vraiment ? Le carême ne peut se définir comme un jeûne bien qu'il y soit réduit par l'Eglise en difficulté à faire passer dans les communautés chrétiennes la notion d'ascèse spirituelle ; car une période de retrouvailles avec soi-même, les volets clos sur son for intérieur, sa propre découverte de la distance qu'il reste à franchir vers la lumière de la vérité n'est pas à portée du vulgum pecus. Où sont passés les grands prédicateurs qui sortaient des monastères au carême pour électriser la foule des fidèles accourus ? Martyriser le corps pour élever l'âme est un grand classique religieux que l'on retrouve partout pour l'asservissement des âmes. Le carême n'est pas non plus une période de "partage" issue du biais caritatif qui transmute le message essentiel en manifestation publique des richesses des uns contre la pauvreté des autres. Le carême doit être éminemment égoïste. D'ailleurs le Christ des évangiles n'est pas parti au désert en joyeuse compagnie au milieu d'une cohorte d'orants jouant des nebel, des toph, des khalil et des kinnor ; mais seul, ne comptant que sur la force de son esprit. Et pour ne pas laisser mourir avant l'heure son corps d'homme, il le laissa certainement boire et manger contrairement aux écritures, sinon quelque chose cloche.

Penseur de Pixabay sous licence de contenu

Celui qui cherche un sens à la vie, croyant ou moins croyant - il n'existe pas d'incroyant viscéral - devrait profiter de ce temps d'ascèse pour faire le récolement de son être trinitaire. Son corps si imparfait est-il préparé à accueillir l'âme qui l'anime ? Cette âme est-elle connectée à l'esprit supérieur qui la guide ? Si oui, que lui insuffle-t-il ? Les règles de combat entre trois entités d'équilibre qu'elle va rencontrer à travers son être incarné !
L'esprit va l'aider à interagir avec le yin et le yang, l'ordre et le chaos, le bien et le mal. Le carême n'est donc pas affaire de perdrix et de truites. Et l'homme n'a que quarante jours à consacrer chaque année à cette retraite. De grands ouvrages offrent une étude approfondie de ces "paires".
Le "yin et le yang" dérive de la loi de gravitation universelle (jadis cachée) qui en fait deux concepts opposés donc associés qui règlent d'abord le principe de vie et le système solaire. L'ordre et le chaos ne se dissocient pas, l'un émanant toujours de l'autre et inversement sur l'abcisse du temps. Si sa loi préside à l'univers organisé sur une longue période, elle est à l'échelle humaine le marqueur d'une civilisation addictée à sa perpétuation. Son principe brime souvent le suivant. Le bien et le mal est un faisceau de conventions humaines réglant la vie pacifique en société dans les limites imposées par l'ordre. Le bien et le mal sont promulgués par les religions, qu'elles soient divines ou triviales, qui dans les deux cas ont leur codex et leurs clercs.

Dit en passant, le ramadan est aussi le temps du djihâd spirituel qui est le devoir religieux de lutter contre soi-même, amalgamant l'abnégation et la résistance aux penchants mauvais. Il est organisé différemment du carême chrétien, sur la base d'une journée renouvelée de jeûne, prière, introspection pendant trente jours. Il est un des cinq piliers de l'islam. On y mange beaucoup au clair de la lune.

Pour pratiquer un carême, à défaut d'avoir lu François Cheng, il suffit de partir à la recherche de son âme et de se souvenir de la maxime : « L'esprit raisonne, l'âme résonne ; l'esprit se meut, l'âme s'émeut; l'esprit communique, l'âme communie. » Si l'esprit est le yang normateur de la paire cosmogonique, l'âme en est la sensibilité, la plasticité de la pensée, le moteur du corps ; et contrairement à une idée sottement répandue, l'âme obscure à elle-même malgré tout se voit. Quand vous augmentez l'harmonie de l'environnement de vous-même, émane de votre corps de brute le bonheur d'y avoir atteint. Et ça se voit dans une glace. De la même façon que vous verrez en autrui la couleur de son âme dès qu'il apparaitra sincère et bien disposé à votre endroit jusqu'à rayonner de bonheur. Vous vous imprégnerez du bonheur proposé.

Il sera utile de commencer l'exercice par une recension (clic) du De Anima d'Aristote qui vous dévoilera les trois âmes de l'homme : l'âme "sensitive" qui est le propre de l'animal, par opposition à l'âme "végétative" de la plante captive, l'âme "intellective" de l'homme qui comprend les deux autres mais est capable de connaître et de spéculer. Mais spéculer sur quoi ? il n'est de philosophie que de la mort. L'eschatologie qui devait y préparer fut jetée aux orties par les Modernes et a disparu des sermons en chaire, remplacée depuis soixante ans par de mièvres litanies auxquelles ne manquent plus que le balancement rythmé des corps en transe. Encore était-elle épurée de toute transcendance par les images sulpiciennes qu'on enfonçait dans les jeunes esprits jusqu'à leur faire croire au Vieillard tout puissant dans sa grande barbe blanche. Aujourd'hui Lui-même a disparu pour ne laisser la place qu'à l'Amour immatériel et matériel de la charité chrétienne qui a tout dévoré.

Comment pratiquer un carême ?

La première chose à faire est de commencer un cahier en notant toutes ses pensées concernant le corps, l'âme et l'esprit. Il faut s'y mettre chaque soir avant de dormir. Au début, on peut se contenter de faire la critique d'ouvrages tiers. Puis peu à peu appraîtront des idées personnelles induites par ces lectures et votre propre méditation.
Au soir du quarantième jour, brûlez le cahier. Tout aura été assimilé, et si vous êtes fétichiste, récoltez les cendres et confiez-les à une boîte à cirage sur laquelle vous noterez l'année. Et faites-en collection.

boîte à cirage de luxe Henson
- une urne à pensées de carême -

L'âme qui nous meut et nous émeut est immortelle puisqu'elle ne participe pas de la corruption physique d'un corps fini, programmé dès le premier jour pour disparaître. Rendre l'âme n'est pas mourir mais transmettre. Appliquez-vous à savoir quoi ; quand vous aurez trouvé, cherchez à savoir à qui.



Anima Christi Sanctifica Me

jeudi 15 février 2024

Nos armées vers un 3%pib ?

#2239 Ce billet est l'application des mesures de rattrapage exigées par le billet précédent.
Souvenons-nous de la déclaration du général Lecointre, CEMA sur le départ à l'été 2022, qui ouvrait la réflexion sur un doublement des crédits d'armement pour atteindre la masse critique de nos armées en dessous de laquelle nous n'étions pas "sérieux". Quelque part il a été entendu, puisqu'il laissait un budget hors-pensions de 35 milliards d'euros à 1,86%pib (2020) et que la queue de trajectoire de la dernière loi de programmation militaire de 413 milliard d'euros, décidée par le président Macron pour racheter l'incurie de ses prédécesseurs, devrait permettre d'atteindre 50 milliards, hors-pensions, à l'horizon de 2050. Le compte du Gal Lecointre n'y est pas tout à fait (2x35=70). Nous n'entrerons pas dans les détails de cette projection mais plutôt dans la dispute atlantique des "2%pib" rapportée aux pays membres de l'Alliance. La France devrait atteindre ce totem du "partage du fardeau" en 2025 et rejoindre la classe des bons élèves menacés que sont les trois Baltes, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, lesquels couvrent par ces crédits bien d'autres théâtres stratégiques que l'Europe (source OTAN). La France est à 1,90%pib sauf que si nous retranchons le coût estimé car secret de l'assurance-vie nucléaire de +/-10% du total qui ne concerne pas les alliés, nous tombons à 1,71% quoiqu'encore devant l'Allemagne à 1,57% avant le sursaut de cent milliards en cours à Berlin.

projet franco-allemand d'avion du futur

Le général Yakovleff, *ancien commandant en second du SHAPE, disait récemment que si l'on retranchait des budgets nord-américains les dépenses non-affectées à l'Alliance atlantique, le partage du coût de la défense de l'Europe était réparti moitié-moitié entre les deux rives de l'océan. Il ajoutait qu'il serait plus juste que l'Europe en prenne jusqu'aux deux tiers, ce qui implique un réhaussement sensible des budgets continentaux de défense. Puisqu'on en parle beaucoup, il faut savoir que factuellement¹ Donald Trump a plutôt renforcé l'OTAN que l'inverse pendant son mandat présidentiel. Par contre ses menaces à peine voilées envers les pays à la traîne de contributions a fait dire à Angela Merkel, lors du G7 de Taormina en 2017, qu'il était temps que l'Allemagne se prenne en charge.

Note (1) Extrait d'un article de Nemrod : « Malgré bien des considérations négatives quant à l’organisation, le mandat de Donald Trump a été marqué par d’importantes augmentations des dépenses militaires américaines au sein de l’OTAN. Les États-Unis se sont par exemple appuyés sur le programme de l’Initiative Européenne de Dissuasion (EDI), lancé par Barack Obama dans une perspective dissuasive de l’agression russe contre l’OTAN, permettant d’améliorer les capacités de l’Alliance à envoyer des renforts en Europe de l’est. En 2019, le département de la Défense américain demande un financement de 6,5 milliards de dollars, contre seulement 3,4 milliards en 2016. Le Département d’État sous Mike Pompeo a d’ailleurs accordé une attention particulière à l'Europe de l’Est comme espace stratégique permettant de contrer l’influence russe en améliorant la sécurité et la coopération énergétique. La Pologne en est l’illustration, souhaitant établir une base militaire américaine du nom de Fort Trump sur son territoire, alors que les États-Unis effectuent des rotations des forces de combat à travers le pays et exploitent les drones de reconnaissance polonais. L’Atlantique-Nord en est une autre, dont l’importance stratégique devient évidente pour les membres alliés, et où la marine américaine a officiellement rétabli sa IIe flotte en 2018. Divers exemples qui témoignent ainsi d’une tendance américaine à renforcer les aptitudes transatlantiques à se défendre et à dissuader une grande variété de menaces et ce, malgré la rhétorique contradictoire de Donald Trump. » (lien vers la source)

Pour diverses raisons de contexte, dès 2017 la tendance était déjà au rehaussement des engagements budgétaires militaires chez les Européens. Des instituts réputés comme l'IFRAP jugent que notre effort de défense ne peut être en dessous de 3% du produit intérieur brut, mais le biais de l'étude est de consommer le trop-plein de prestations sociales pour nous ramener à la moyenne OCDE. Nous en resterons donc à la perception de François Lecointre qui donne comme objectif 70 milliards d'euros constants, ce qui ferait 2,6%pib actuel hors-nucléaire, hors-pensions, donc un total légèrement supérieur à 3%pib. On est raccord. Cet effort sera-t-il suffisant pour garantir nos outremers contre l'appétit des empires prédateurss est une autre question.

Où est le gras budgétaire permettant de financer l'effort de défense ? C'est l'IFRAP qui donne les pistes : « Grand paradoxe : en France, où l’État est omniprésent, il semble bien que le sujet de la sécurité extérieure, de la défense et de la dissuasion soit devenu le parent pauvre de nos finances publiques. C’est pourtant la première raison d’être de l’État que d’assurer la sécurité de ses habitants. Las, l’État-providence a souvent pris le pas sur l’État régalien. Aujourd’hui, la puissance publique rime plus avec la protection sociale au sens large : près de 31 % du PIB y sont consacrés (la moyenne de l’OCDE est à 20 %), soit un total de 812 milliards d’euros (dont 763 milliards de prestations) en 2019 par rapport à 1347 milliards de dépenses publiques la même année » (source).

Donc, comme nous l'annoncions à cheval sur le taureau blanc, c'est la protection sociale qui va payer la sécurité du pays. A préjuger des réactions des classes populaires chauffées à blanc par les capitulards et autres collabos en devenir, l'affaire ne pourra être conduite sans que soit nommé un dictateur romain à la Salvadorienne avec fermeture de l'assistance publique, suspension de l'état de droit, mise à pied des juges, loi martiale, état de siège. On commençait à s'emmerder !

lundi 12 février 2024

Europe, porte tes couilles !

Cet article #2238 est un billet d'anticipation.
Au soir du refus acté par le Congrès des Etats Unis de continuer à soutenir l'Ukraine sur l'injonction du prédicateur Trump, l'Europe occidentale pourra considérer que l'aube qui se lèvera chez elle sera celle du premier jour de sa libération. A l'image du calendrier républicain de la Révolution, l'Union pourra éditer le sien pour l'An I.

l'enlèvement d'Europe par Botero
( ceci n'est pas un boeuf ! )

Sur le fond, Trump et ses affidés de la House mais aussi bien des personnels du Département d'Etat (MAE) considèrent que l'affaire est intra-européenne et que les Etats Unis n'ont pas à tirer les marrons du feu pour que la Civilisation du hamac continue à se balancer mollement sous la brise des alizés en comptant ses droits sociaux d'une main, un verre de Daiquiri dans l'autre (avé la rondelle de citron). Au classement mondial des PIB, l'Union européenne pèse quinze trillions de dollars, derrière la Chine populaire (21,5) et les Etats Unis (26). Elle a donc toutes les bases nécessaires à sa propre défense et devrait faire la police à ses confins et sur tous ses atterrages. Les pays alliés non-européens (USA, Canada, Japon, Australie pour ne citer qu'eux) se demandent parfois ce qu'apporte l'Union dans la corbeille de la défense commune de l'Occident global. L'implication des Etats Unis dans la guerre de dislocation de la Yougoslavie s'est faite à contre-cœur entre les timidités du secrétaire général Boutros Boutros Ghali et l'énervement de la France et de l'Allemagne se positionnant chacune derrière son client, pour ne rien faire de plus au final que de proclamer au pupitre des hémicycles l'intolérable de la situation.

L'affaire d'Ukraine est le révélateur de l'impuissance assumée des pays européens. Se rejoue la posture de tutelle des Américains qui découvrent tous les jours depuis deux ans que leurs alliés européens sont à poil, capables de tenir juste le délai du pont aérien transatlantique acheminant les boys qui viendront se faire massacrer pour nos beaux yeux. Est-il nécessaire de développer ?

Non ! Sur ce blogue il fut toujours considéré que l'OTAN était le meilleur outil de défense en Europe et pour la France surtout, qui devait souvent s'en distraire pour défendre ses intérêts en Afrique ou en outremer. Le "meilleur" ne se comptait pas en chars, avions, obusiers. Le "meilleur" était gagé sur la terreur que l'organisation inspirait aux pays du Pacte de Varsovie, dont les cerveaux avaient été lessivés à cette horreur pendant quarante-cinq ans par le pouvoir soviétique. Le premier défi d'une armée est de faire peur. L'OTAN faisait peur et leur glaçait les os, ce qui les incita à y entrer au plus vite avant que l'ours russe ne se refasse une santé. La crainte inspirée par l'OTAN chez les Russes est devenue depuis lors littéralement "raisonnable". Elle se dissèque maintenant, elle se maîtrise, elle n'est plus un réflexe, une peur-panique. En cause, les hésitations qui ont suivi la déclaration de Joe Biden au début de l'invasion qui signalait à son opinion intérieure que pas un soldat américain ne mettrait le pied en Ukraine. On ne sort de l'ambigüité qu'à son détriment, disait le cardinal de Retz, et il fut acté par les dirigeants russes que la réassurance donnée aux parents américains constituait une garantie pour eux-mêmes. En fait, on en est toujours là.

un verre de daiquiri
( le daiquiri dans le hamac )
L'OTAN fait d'autant moins peur que les pays riches d'Europe occidentale ne savent pas convertir leurs industries en économie de guerre et s'avèrent au détail incapables d'attaquer. C'est tout bénef pour Moscou même si l'économie russe est en train de saigner ! Bloqué sur le front ukrainien, le Kremlin peut raisonnablement envisager de percer en Lituanie vers Kalinigrad par le corridor de Suwalki, en suscitant une insurrection des populations russophones "maltraîtées" par les nations baltes. Même si l'avantage d'une césure entre la Pologne et les Baltes n'est pas obtenue au final, l'opération spéciale au secours des pieds-noirs russes testerait en vraie grandeur la résolution des Etats Unis à taper fort pour les contrer, au risque d'embraser toute la Baltique orientale. Si Washington branle du manche, l'Union européenne sera convoquée à l'avant-scène d'une guerre probable sur ses terres, car la Russie changera de dentier pour celui de Dracula. Comment l'UE pourrait-elle s'y préparer ?

En cessant déjà de parler, et en mettant son économie en état de guerre dans l'optique d'un prochain engagement à outrance sans parapluie nucléaire. Où trouvera-t-elle les fonds ? Dans l'excès de prestations sociales et le coulage général des fonds publics. Comment y parvenir ne fait pas partie du débat dans cet article (on pourrait) mais la proclamation d'un état de siège permettrait de freiner les sabotages politiques et sociaux. Nous avons vu les délais parfois incompressibles de la mise à niveau de nos productions d'armement, si les Russes reprennent la Baltique orientale à l'OTAN, il sera déjà trop tard. C'est la conclusion à laquelle sont arrivés les dirigeants polonais qui n'attendent personne et réarment à fond faisant feu de tout bois.

Evitons de perdre du temps et de l'énergie dans les débats corne-cul de la "défense européenne à la française". Réarmons dans tous les compartiments utiles à la guerre qui vient. On verra ensuite comment se coordonner, mais les structures de commandement OTAN sont et seront disponibles à cet effet. Les Américains n'attendent finalement que ça, que l'Europe devienne adulte.

Ceux d'entre vous qui veulent obtenir une estimation réaliste de l'avenir européeen ne peuvent pas faire l'économie de l'expertise de Françoise Thom qui emboîte présent et futur russes dans un article remarquable d'intelligence, Déstalinisation et dépoutinisation du 10 février 2024. Vous y apprendrez aussi ce qu'il se cache derrière la campagne électorale de Boris Nadejdine. Le professeur Thom est la seule sur son créneau à synthétiser ses analyses hors des attendus habituels de la profession.

Bonus : un dommage collatéral au réarmement de l'Europe sera l'impact direct sur les usines exportatrices chinoises, par l'assèchement des moyens de surconsommation dû à la baisse inéluctable du niveau de vie. Ce que fera le Parti communiste chinois des millions de travailleurs débauchés sera intéressant à suivre. Quelqu'un à Zhongnanhai se mordra-t-il les doigts d'avoir soufflé sur les braises de la psychopathie du petit tsar qui a déclenché tout ce cirque ?


Postscriptum du jour

Si d'aventure le Congrès des Etats Unis réalisait la létalité de son détournement de l'Ukraine qui assignerait sa volonté de puissance aux caprices éphémères de sa politique intérieure, ce billet n'en garderait pas moins sa pertinence, le doute rampant d'un déni d'implication n'étant plus permis aux nations européennes. Amen.

mercredi 7 février 2024

Des singes en hiver

#2237 - Nous sommes le 7 février, les ligues dissoutes ne se sont pas reconstituées pour prendre d'assaut l'Assemblée nationale. On me dit dans l'oreillette qu'aucun pouvoir ne gît en ce lieu sauf de nuisance. On s'en doutait un peu quand après la défaite de Rungis, le premier élan de la Coordination Rurale fut d'assaillir l'institution, pour finalement retourner ses tracteurs par dépit et rentrer à Montauban. Sans doute avaient-ils vu entretemps les questions d'actualités au gouvernement sur la 3ème chaîne et mesuré les capacités réduites de la machine parlementaire. A quoi bon prendre d'assaut le siège des inutilités. Tout se décide ailleurs.

L'antiparlementarisme primaire de ce blogue est une honte bue ! Même s'il est largement partagé par certaines célébrités politiques qui s'en tiennent loin pour ne pas prêter la main à la verge purificatrice des caricaturistes, l'antiparlementarisme est un mal qui se répand jusqu'au plus profond du pays par la conviction des masses laborieuses que ces enceintes sont des fromages de la République qui servent à nourrir les sans-métiers du pays faisant profession de politicien. Un député mien s'était jeté dans la bataille politique en 2017, qui avait eu l'idée saugrenue d'apppliquer scrupuleusement son programme une fois élu. Quelle idée ! Son travail fut remarquable et salué, son assiduité rare, son opiniâtreté parfois moquée ; il ne se représenta pas en 2022 car il n'avait abouti à rien. "J'ai payé pour savoir" me dit-il un jour, écœuré. Le parlement n'est pas du tout le moteur démocratique que l'on imagine. C'est un jeu de l'oie, un monopoly géant, un mécano d'usine à gaz. D'ailleurs si constitutionnellement ils détiennent la souveraineté, ils ne s'en servent pas parce que les règles d'exercice de leur mandat qu'ils se sont eux-mêmes données les en détournent. Peigne-culs en plus : avec leurs émoluements confortables, ils se votent une augmentation des notes de frais pour suivre la hausse des prix parce qu'il ne leur est pas venu à l'idée qu'au moment où bien des catégories sociales rament, ils pouvaient distraire un peu de leur traitement de base pour régler une ou deux notes de restaurant ou les fleurs destinées à leur assistante parlementaire ou à leur maîtresse parisienne. Domminique de Villepin les surnommait "les connards". C'est définitif, ils président à l'effondrement du pays constaté aujourd'hui par Michel Onfray et Dominique Jamet(*).

8 février demain, il y aura toujours Gaza, l'Ukraine, Taïwan et Montauban. Un réflexe tardif de bon sens au Château a sorti de l'épure diplomatique Ouagadoudou, Bamako et Niamey. Aux Russes de protéger maintenant les futurs maréchaux du canibalisme des foules surchauffées. Lâche mais légitime soulagement. Mais ce qui m'interpelle dès l'aube, c'est la candidature de Xavier Bertrand à l'élection présidentielle de 2027 proclamée depuis les Hauts de France à l'effet de vaincre le Front National (sic). Cette obsession du président de région n'est pas nouvelle parce qu'il est confronté à des élus de terrain de bon niveau qui ne se laissent pas éblouir par son aisance technocratique et qui persistent à appeler un chat un chat. Mais cet axe de campagne sera-t-il le bon ? Les Français ne semblent pas redouter la possible irruption de la droite dure sous les plafonds dorés de la république. Ils s'inquiètent de l'insécurité qui n'est plus du ressenti, de l'affaissement des services publics financés par des impôts qui augmentent et, quand ils ont le temps, de la nouvelle colorimétrie de notre société qui remplace l'ancienne plus pâle. Certes pour monsieur Bertrand, il y a loin de la coupe aux lèvres - comme on dit dans les blogs destinés à l'Académie française - à commencer par déblayer ses concurrents au sein de son propre parti politique. Avouant avoir appris de ses erreurs, et les primaires républicaines furent l'erreur majeure des trois derniers quinquennats, il envisagerait donc se lancer seul à côté de la "machine à perdre" que représente si bien le tandem Ciotti-Wauquiez. Peut-être aussi contre le pavois des adhérents qui pensent, dit-on, à David Lisnard, maire de Cannes et président de l'Association des maires de France. Celui-ci n'a pas l'aisance médiatique de Bertrand mais, un ton plus bas, semble plus proche de son auditoire, ce qui n'est pas non plus gage de succès, l'image imprégnée dans le cerveau de l'électeur étant plutôt celle du grand chef catholique à la Chirac que celle d'un besogneux honnête. Sauf qu'au jour où nous mettons sous presse, ce candidat LR capable d'aimanter le corps électoral n'est pas visible encore. Les Républicains ont raté le coche en 2021 en éliminant Michel Barnier qui avait la stature "professionnelle", le prestige du Brexit et la gueule de l'emploi. La photo d'époque parle d'elle-même (clic) qui n'aligne à côté de lui que des vedettes d'étape.

Je partage l'avis de Luc Ferry qui les trouve nuls. Emmanuel Macron a clairement gagné la présidentielle de 2022 et tout aussi clairement perdu les législatives s'ensuivant. Les Républicains auraient dû passer un accord de gouvernement à l'allemande avec Macron pour lui fournir la majorité requise à l'Assemblée nationale et faire avancer leurs idées en même temps. Que risquaient-ils à la fin puisque Macron ne pourra pas se représenter en 2027 et donc que les cartes de tous les groupes politiques seront rebattues fin 2026. De vrais stratèges ; mais c'eût été pour faire quoi ? Ce sont les élections européennes qui comptent de plus en plus et leur chef de file n'imprime pas.

dessin d'une candidate au pupitre

Qui voit-on susceptible de courir ce marathon de trois ans ?

- Personne à l'extrême-gauche qui s'émiettera pour compter ses voix en vue des élections législatives ! Les Vertes-de-rage pourraient néanmoins sauter plus tôt du Titanic.
- La gauche de raison n'a pas de candidat naturel - elle est presque le seul parti dans ce cas. Avec son QI de bulot (Luc Ferry dixit) Olivier Faure n'avait aucune chance, c'est bien pourquoi le PS propulse Raphaël Glucksman aux européennes avant peut-être de l'accompagner plus loin s'il réussissait à finir troisième derrière la majorité présidentielle voire deuxième si elle se divise.
- La majorité présidentielle partagera les mêmes intentions de comptage que l'extrême-gauche en vue des législatives ; ses trois composantes se braqueront forcément après les européennes à mesure que se rapprochera l'élection présidentielle. Renaissance n'a pas de leader national, à moins que Bruno Le Maire ne suive les conseils de Houellebecq ; Horizon n'a qu'Edouard Philippe à qui colle toujours le sparadrap des 80km/h ; et le MODEM n'osera pas remettre le couvert à François Bayrou même s'il insiste après sa relaxation au bénéfice du doute. Ceux qui le connaissent bien en l'affaire, ne doutent pas.
- On a parlé plus haut des Républicains. Ciotti chauffe la salle pour Wauquiez, mais ce président de région reste pour l'opinion un très bon président... de région. Xavier Bertrand a ses chances s'il surmonte sa propension à entrer dans le détail des dossiers, ce qu'il fait avec passion, car ce n'est pas la technicité qui est porteuse d'une candidature à la présidentielle mais le charisme et le récit national proposé.
- Enfin le Rassemblement National. Si Jordan Bardella gagne largement les élections européennes de juin prochain, Marine Le Pen sera assurée de participer au scrutin de 2027 en laissant courir l'idée d'un ticket avec lui. Sa (seule) chance d'aboutir est que ses adversaires la diabolisent - Bertrand parle aujourd'hui déjà de "fachos" - au lieu de démonter son programme économique bolivarien et qui ne vaut pas plus. L'électeur RN (30% du corps électoral annoncé pour juin) n'est pas sensible à la dénonciation de dérives réelles ou supposées des dirigeants de son parti vers le NSDAP, en plus qu'il ne comprend pas grand chose au bal de la Waffen à Vienne, aux conférences communes avec la Lega ou Fratelli d'Italia en Italie, aux indulgences plénières accordées à Victor Orban ou à Robert Fitso ; ce qu'il veut c'est d'abord de l'ordre, encore de l'ordre et finir les fins de mois !
- Reste le Z. Pas celui de l'opération militaire spéciale (quoique!) mais celui de Reconquête. Difficile de ressortir de la fosse à la fin du parcours du combattant. Si Marion Maréchal fait les 5% libérateurs aux européennes (elle est sondée à 6% donc c'est possible) se posera la question du candidat pour 2027 puisqu'il a été jugé que le lecteur ne fait pas l'électeur. Auquel cas Reconquête balisera l'accès au second tour et Zemmour rejoindra Mélenchon à l'EHPAD des bois flottés de la démocratie échouée.
Si revenait en 2027 un parti "Chasse, Pêche et Traditions" j'y retournerais bien.


Postscriptum du 7/02/2024 :
L'autre nouvelle diffusée par la Nomenklatura est la conscience morale de la gauche caviar prise la main dans le panier de jeunes patientes sous hypnose. Où vont-ils chercher tout ça ?

vendredi 2 février 2024

Un Six-Février en 2024 ?

#2236 - On va entendre cette année encore sur les chaînes du service public l'évocation de la ruée des ligues phashistes sur le Palais Bourbon que la République sut défendre ; mais l'émeute du 6 février 1934 n'était l'assaut d'aucun parti fasciste qui, s'il y était venu, aurait sans doute vaincu au matin du 7 février, pour faire quoi l'après-midi... est une autre affaire. Sans doute les usines se seraient-elles vidées de leurs ouvriers qui seraient descendus sur le nouveau parlement pour lui reprendre le pouvoir à moins que Moscou ne téléphone. Le succès des forces de l'ordre tient plus au délitement des assauts non coordonnés des ligues, allié à la pusillanimité des chefs au créneau, que dans la manœuvre des gardes. Quatre-vingt-dix ans plus tard, le pays est à nouveau énervé tant dans sa sociologie que dans sa vie quotidienne. La fameuse "convergence des luttes" qui fit si longtemps rêver la Gauche, précipitera-t-elle en un composé explosif en 2024 ?

Le Cri, l'autre
Quand on y regarde bien, on observe des impatiences de fond dans plusieurs segments de notre société qui sont toutes motivées par la même répulsion : la gouvernance froide de la technostructure dissimulée derrière un gouvernement de bateleurs plus ou moins doués qui jusqu'ici débitaient un slogan désarmant : « nous savons ce qui est bon pour vous, faites-nous confiance ! » Cette arrogance légitime du vous êtes bien trop cons pour tout comprendre a dominé la plupart des secteurs, de l'agriculture, pêche et pinard, à la fonction hospitalière sans oublier l'éducation nationale, la pollution et les oiseaux migrateurs. Les administrés y opposent toujours le bon sens ! Notre jeune Premier fait tout avec talent pour nous convaincre que nous avons toute son attention et qu'il a du bon sens justement. Nous devons lui reconnaître une mise en action rapide de mesures concrètes au sein du périmètre de souveraineté restreinte qui le bride. Il sait déjà que ça ne suffira pas car peuvent s'agréger aux paysans condamnés par la dérive des continents, les laissés-pour-compte de la république, mal logés ou pas logés du tout, mal nourris, rameurs ubérisés des services de base, vrais chômeurs méprisés, revendicateurs du toujours-plus et cette strate la plus basse de notre peuple, les pales escarpes d'une anarchie grise à l'affût, dont les émeutes rangeraient celles de Nahel au rayon des "débordements". C'est ce prodrome qu'annonçait le pamphlet de La Fabrique, L'Insurrection qui vient, sans en donner la date. Il n'est pas impossible qu'elle entre en gare cette année.

Quand on allonge la focale pour mieux voir ce mécontentement général, la cause, ou une des causes, mais pour moi la cause première, c'est que notre Etat est malade depuis longtemps parce que souvent conduit par des jean-foutre (Paul Bismuth referens). Malade à vouloir s'occuper de tout, s'occuper de tout pour occuper aussi le plus d'espace médiatique disponible ; malade du clientélisme latin qui a ruiné ses finances, malade de l'insupportable orgueil de la Casta, malade de sa vassalisation à un empire qui, avec Jacques Delors, a envisagé d'œuvrer pour lui-même plutôt que pour les nations qui l'avaient construit. Au fil des prérogatives concédées à Bruxelles, le nœud de coopérations est devenu le siège d'un tutorat, avec son domaine propre qui confine au monopole dans des activités de plus en plus nombreuses (jusqu'aux masques sanitaires) et ne peut qu'augmenter son empreinte par la loi de la tache d'encre que suit tout pouvoir supranational (cf. l'article 17 Traité de l'UE). Ainsi la Commission a l'initiative dans le processus législatif et elle élabore les propositions qu'adopteront les deux organes décisionnels, parlement européen et Conseil. Et le Conseil est souverain pour les traités de libre-échange à la majorité qualifiée (pas de veto). Nous avons sur la tête le poids de deux Etats, le nôtre et l'autre. Resterait à comprendre lequel est utile réellement, en simulant les subsidiarités pour obtenir le panorama d'une décentralisation et son efficacité. Qui fait quoi et bien ? C'est compliqué mais pas infaisable, si ce n'était politiquement incorrect.

Par moment le gouvernement de Paris s'ébroue et veut débarquer la chape européenne trop lourde à porter, mais il est vite rappelé aux réalités du pouvoir concédé par son tuteur bruxellois. Il n'exerce sa souveraineté qu'aux marges. Toute décision percute les directives européennes, ce qui ne veut pas dire qu'elles sont toutes funestes. A titre d'exemple, si nous pouvons boire l'eau du robinet c'est bien grâce à la Commission qui a imposé des normes strictes de potabilité sous peine d'amendes quand le souci des autorités françaises était alors de privatiser tous les syndicats d'adduction avec une mise en conformité des eaux livrées exécutable pour la forme bien des années plus tard. Il y a d'autres exemples, en matière d'aménagement du territoire, d'étiquettage sincère des produits du commerce, de heures de conduite des poids lourds et caetera. Il n'y a pas que la courbure des bananes. Mais en matière de garantie de prix comme le réclament les paysans vendant trop souvent à perte, le gouvernement est démuni dès lors qu'il fausserait la concurrence libre et non faussée. C'est un exemple de barrière politique.
Le gouvernement français, étranglé par la crise agricole, se dirige-t-il vers des "opt-out" comme en ont eus le Royaume-Uni de jadis et le Danemark ? Quel en sera le prix ? Le marché commun est un enchevêtrement commercial et financier que personne ne peut défaire et qui d'un certain côté enfreint le concept même du libéralisme tant les contraintes imposées sont devenues nombreuses. La normalisation socialiste a fait des ravages et n'est pas réversible sauf dommages définitifs comme on le voit Outre-Manche où l'on a bénéficié des meilleures conditions de rupture possibles (île, monnaie, hub financier, langue mondiale, influence impériale rémanente). Nous n'avons rien de tout ça et la géographie de l'Europe nous place en son centre. N'oublions pas enfin que la communauté européenne est un démultiplicateur de puissance sans lequel la France, laissée à ses démons socialistes, aurait disparu des écrans, à l'image de son stock de munitions.

Lors de l'insurrection précédente, celle des Gilets Jaunes, le gouvernement de M. Macron a déversé un pognon de dingue sur les segments sociaux défavorisés ; rebelotte pour adoucir les affres du confinement vis à vis des commerçants - nous étions en guerre sans savoir alors ce qu'était une guerre en vrai - puis sur la fonction publique hospitalière qui sut profiter d'un engagement valeureux contre l'épidémie chinoise pour réclamer son dû et se retrouver à la fin... comme avant ; avec une dette maintenant gigantesque qui agace tous nos partenaires de l'Eurogroupe. Dans la crise agricole se dessine la même recette, noyer le mécontentement sous le pognon (un demi-milliard dit-on à Bercy) et les promesses, sauf que là nous avons dépassé les bornes que nous avions juré de ne pas franchir, toujours pour de bons motifs. Nos déficits croissent autant que le service de la dette qui les comble, augmenté de la hausse des taux de pension. Bruxelles ne peut pas laisser passer ça avec une monnaie commune, et les capacités cognitives d'Ursula von Der Leyen sont largement insuffisantes pour sortir du défi actuel par le haut.

barrage de la garde mobile sur le pont de la Concorde à Paris le 6 février 1934

L'alternative à la crise actuelle est de renverser la table à Bruxelles, au moins pour calmer les nerfs des impatients, mais faut-il encore savoir quoi proposer d'autre. Il est illusoire de penser que le gouvernement archi-européiste de M. Macron puisse braver la doxa libérale de la Commission, à moins d'être coincé dans l'angle de la pièce sous le feu des luparas. Il l'est tout autant d'imaginer qu'il ait la tentation de changer le paradigme européen afin de trouver la solution équilibrant la liberté de chacun dans un projet commun de puissance assumée. Ce jacobinisme des institutions bruxelloises cherchant l'uniformité partout de l'Ile de Fer à Kirkenes a été fortement impulsé par les commissaires français. Or l'histoire de l'Europe a montré que le régime gagnant au plan économique et financier fut celui de l'empire des diversités. Le niveau de vie de ces territoires dits terres d'empire, que l'on devine la nuit sous la fameuse banane bleue, est encore aujourd'hui supérieur à celui de l'Etat d'autorité qui se donne une vocation d'universalité poussant partout ses principes d'organisation. Elle existe cette solution. Nous l'avons déjà présentée, c'est la fédération dans la confédération. Mais rien ne pourra marcher chez nous en jonglant avec les trois déficits monstrueux que nous fait subir notre incurie (budget primaire, commerce extérieur et sécurité sociale).
Après avoir éteint les incendies et cloué Michel-Edouard Leclerc à la porte de la grange France, il faudra revoir la dépense publique, mais pas qu'elle, nos conditions de production également et le niveau des prestations sociales que notre système économique ne peut plus soutenir. En même temps, il serait avisé de construire avec nos partenaires majeurs européens les contours d'une confédération des nations qui donnerait de l'air frais à chacun. Le principe en est simple et peut être laissé au choix des peuples de chaque pays : ceux qui veulent se fédérer entre eux le font, et leur fédération spécifique avec d'autres fédérations cousines et avec d'autres pays non fédérés, entre dans une confédération européenne qui réunit tout le monde et dispose de ses compétences propres. C'est là que la vraie discussion commence : à quel niveau placer les exécutifs et pour faire quoi ? Mais qu'on se rassure, il y a des gens qui sont payés très cher pour réfléchir à ce genre de question.

A ces deux étages pourrait s'ajouter un troisième, rassemblant des pays en attente d'adhésion ou simplement intéressés par le marché en libre pratique des biens, denrées et services mais non désireux de s'inclure dans une politique continentale pour diverses raisons. J'y verrais bien des pays de l'Est libérés de l'orbite soviétique, la Turquie, la Suisse, la Norvège, le Maroc, l'Ecosse.

Quoi qu'il en soit, le régime institutionnel combiné actuel est en défaut, et s'il n'a pas provoqué par lui-même tous les mécontentements, il bride leur solution. En attendant, les choses peuvent mal tourner en France, surtout si les technocrates à double-foyers jouent avec les revendications catégorielles en ne proposant que des mesures chiffrées sur une base d'expertise comptable. Sans explorer les causes profondes du stress social, ça ne marchera pas. Les Gaules restent un composé instable qui exige un pouvoir juste et affermi sur ses prérogatives régaliennes, ce qui n'est plus du tout le cas. De fait l'Etat essentiel a disparu ne laissant derrière lui que ses inconvénients. Les monarchistes ont-ils quelque chose à dire ?

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