Tout part du refus hongrois de la promotion de l'homosexualité dans la jeunesse sans que soit réprimée une orientation minoritaire intime qui ne regarde pas l'Etat. Cela n'est rien bien sûr, mais le rallye des minoritaires fut surprenant, comme Mark Rutte, qu'on a connu mieux inspiré, demandant l'exclusion de la Hongrie de l'Union européenne. La liste est longue chez nous des Gomorrhéens, mais qui aurait supposé qu'il y en ait tant ailleurs ? Brisons ! La perle de cette synthèse n'est pas là.
M. Vanneste explique comment fonctionne la membrane osmotique entre les deux blocs, oriental et occidental qui laisse passer des valeurs très différentes et, c'est nous qui le disons, moins avancées certes mais moins décadentes en Europe orientale. Je cite :
« La question de la reconnaissance d’une “communauté lgbt+” et de ses droits est idéologique. Autrement dit, elle devrait se situer sur le terrain de la libre discussion et dépendre du choix des citoyens. C’est le fait d’interdire le débat et d’exiger une pensée unique qui est en contradiction avec les valeurs libérales de l’Europe. Il y a deux idéologies : la première considère que le choix de sa sexualité, ou le fait de l’assumer si on considère que ce n’est pas un choix, ne nuit pas aux autres et donc ne doit pas être entravé ; la seconde estime que le maintien de la famille unissant les deux sexes pour donner la vie à des enfants et les éduquer appartient au Bien commun d’une société qui doit être défendu. La confrontation entre ces ceux conceptions doit être digne. Ce qui est stupéfiant, c’est que la caste qui dirige l’Europe fait de la première option une idéologie obligatoire. Le totalitarisme est bien passé de ce côté-ci du mur (ndlr: de Berlin) ! »
Et l'auteur convoque Hélène Carrère d'Encausse à la résurrection de la vieille nomenklatura matérialiste et enrichie jadis, sournoise et libidineuse aujourd'hui, mais toujours riche. Tout ceci a une explication que nous avons donnée en commentaire à ce billet, que voici. C'est la dépense d'énergie des gouvernements sur le sociétal à défaut de savoir maîtriser le régalien :« La mode des “valeurs” et l’invasion de la sphère privée par l’Etat cachent (mal) une incapacité des régimes d’Europe occidentale à gérer leur domaine régalien. C’est d’ailleurs pourquoi ils le déportent si facilement au niveau fédéral. En revanche ils se jettent dans le sociétal car ce domaine est plus tapageur et rémunérateur électoralement que l’austère mission qui justifiait au départ leur existence. Mais les peuples commencent à le voir au travers de l’insécurité galopante, justice complaisante, sécurité sociale précarisée, éducation “nationale” effondrée, déficits partout !
Bien sûr la nomenklatura virera sa cuti au moment nécessaire pour récupérer l’électeur en fuite, mais rien ne dit qu’elle y parvienne cette fois, le divorce entre elle et le “peuple” étant semble-t-il consommé, au vu d’une abstention record en France.
La séquence des Gilets jaunes sur les ronds-points était une mise en bouche. Le mécontentement peut coaguler plus largement et des accidents regrettables survenir qui toucheront la classe politique ad hominem. Le sentent-ils ? Apparemment pas ! Les jeux puérils inter-partis continuent.
Pour revenir au titre de votre remarquable synthèse, pour être libre faut-il encore exister ! Il y a un marché commun des denrées et produits, des libertés de circulation des gens et des sous, des facilités monétaires, des agences utiles, d’autres moins, mais il n’existe pas d’Europe. Ni nation européenne, ni menace armée européenne, ni diplomatie européenne et, sans doute plus grave, ni projet européen déclaré.
On n’existe vraiment que lorsqu’on vous craint ! » (Catoneo 30.06.2021-14:15)
Par quelque bout qu'on tienne la lunette, on voit bien (et c'est paradoxal) que l'Union européenne n'existe pas. Sylvie Kauffmann, dans Le Monde, s'étale sur deux échecs majeurs d'Angela Merkel au soir de son mandat, échecs qui signalent un déclassement de l'Europe. Il s'agissait de... : (1) bavarder tous ensemble avec Vladimir Poutine (ndlr: pour l'enfermer dans les rets du dialogue et utiliser son ego contre ses lubies) plutôt que d'attendre qu'il quitte la Crimée ; (2) mettre au clair les procédures et les garanties des investissements croisés entre l'Europe et la Chine populaire. Les motifs de la démarche allemande sont intelligents mais il n'est pas possible de manœuvrer à vingt-sept sur des sujets aussi fins, à moins que certains pays ne délèguent leur diplomatie à des pays mieux préparés qu'eux sur certains sujets. Et ce test est définitif quant à l'impuissance (au sens urologique) de l'Union européenne en l'état. L'Europe puissance n'existe pas. "Ne pas critiquer sans proposer", tel est le leitmotiv de Royal-Artillerie. L'Europe institutionnalisée doit être réformée... et vite (mais voir plus bas) car les défis n'attendront pas, qui ne seront pas aussi simples que le Brexit. Le marché commun des biens et denrées, idées, gens et sous fonctionne bien. La Grande Bretagne s'en aperçoit chaque jour à son détriment. Premier marché normé de consommation au monde, il est très mal défendu - l'épisode Trump en a apporté la preuve. Comme dit dans le commentaire laissé sur le blogue de M. Vanneste, les Européens doivent "déclarer" un projet commun afin que tous les partenaires-adversaires du monde entier se calent dessus. Ce qui met le Kremlin en transes ce sont les sous-ensembles flous de la diplomatie-croupion de la Commission européenne menée par Michel, Borrell et Von der Leyen. Que fait l'Europe en Serbie, Moldavie, Ukraine, Géorgie, Arménie ? Pourquoi parle-t-on avec les Kosovars ? Quel est l'avenir de la candidature turque ? Et d'autres questions se posent à d'autres diplomaties : va-t-on associer le Maroc, la Tunisie, le Liban ? Il n'y a jamais d'autre réponse que de langue de bois. Les traités de libre-échange avec d'autres sous-continents sont-ils une fatalité ou une volonté, pourquoi ? Rien n'est jamais clair et la technostructure bruxelloise travaille dans son coin sans communiquer et pendant de longues années avant d'accoucher du projet indispensable à notre bonheur. Reste la question de se défendre.
Les lecteurs de ce blogue savent déjà que le Piéton est atlantiste, à un seul motif : l'OTAN est une alliance militaire qui fait peur à ses contempteurs, et en matière de guerre, c'est toujours un bon début. Mais il n'est pas normal qu'un espace économique aussi riche et vaste n'ait pas la décision d'entrer ou pas en guerre car cela amoindri la crédibilité de ses remontrances. Pour y atteindre il y a deux conditions qui sont loin d'être réunies : (1) un système pyramidal de défense autonome (personne sauf la France n'en veut, du moins bien sûr si elle est la pointe de pyramide) et (2) les moyens financiers d'un réarmement sérieux (qui ne peuvent qu'être retirés aux prestations sociales où gît le pognon de dingue). Donc, on n'ira pas au-delà de doublonner des états-majors sans troupes et passer à la presse des communiqués ronflants. Mais en cas crise chaude, la seule réaction européenne sera d'attendre les Etats-Unis.
En conclusion, si tant est que le projet européen évoqué ci-dessus soit déclarable, il ne pourra pas être défendu ! C'est grave. Et spécialement pour nous, Français. Parce que la gabegie éhontée de notre petite union soviétique qui croyait avoir réussi nous prive de tout ressort. L'alternative à l'Europe n'existe pas pour nous parce que nous ne pouvons plus rien faire par nous-mêmes. Plombés de déficits partout monstrueux et d'une dette à l'africaine, nous nous sommes mis à la merci des finances supranationales et de la Bundesbank, quand ce n'est pas de prêteurs sur emprunts d'Etat gagés sur le patrimoine des ménages. La République universelle française qui se mêle de tout d'al brès a la toumbo ne dispose plus des ressources nécessaires à sa propre survie mais les quémande. Ses ambitions déclarées font rire nos partenaires qui reviennent déjà à l'orthodoxie budgétaire quand notre enfant gâté de président part en campagne et distribue à poignées l'argent qu'il extorquera à Bruxelles !
Peut-on faire un pronostic à dix ans ? L'Europe, malade de ses "valeurs" et irréformable par le déni des peuples qui s'en méfient, est exposée en proie, comme on disait au Moyen Âge des villes ouvertes à tous les brigands. Elle passera sous le joug de quelqu'un ; peut-être se sauvera-t-elle in extremis par quelque édit de Caracalla ainsi que le discutait jadis Régis Debray. Réformer l'Europe, bien sûr, et personne ne sait comment. Sans doute le Bas Empire romain connut-il le même défi avant d'être gouverné par des hommes habillés de peaux de bêtes. Finalement nous allons sortir de l'histoire pour devenir une destination des beaux jours, autant que la planète réchauffée nous en laissera.