#2245 spécial royco - Pour son deux millième billet, Royal-Artillerie faisait un état des lieux du Roycoland et plus particulièrement de ce que feu Henri le jeune d'Orléans appelait "les chapelles". C'était un 13 janvier 2022 ; cela fait désormais plus de deux ans et nous sommes enfin sûr que les destinataires ne l'ont pas lu, les choses ayant plutôt empiré depuis lors. Le fond de sauce était notre impréparation collective à saisir toute opportunité de rupture du paradigme pour avancer nos pions ; eut-il fallu encore que l'opinion ait été préalablement ensemencée à l'
idée neuve d'une monarchie nouvelle, ce qui n'est toujours pas le cas puisqu'il y faut du "nerf" et que jamais nous n'avons commencé par là ! On peut cliquer dans la colonne de droite sur le numéro 3 ou
ici. Il y était dit entre autre :
Le Piéton ne cherche pas noise aux chapelles. Il leur dit simplement que le mouvement royaliste français tourne en rond au lieu de s'élancer sur un axe de conquête des esprits. Il fut un temps où, sous l'impulsion du Groupe de liaison royaliste, dissous depuis, l'idée avait germé de tenir des assises du royalisme
(clic) pour mettre le problème de l'impuissance chronique sur la table. Tout fut bon à ruiner cette idée dangereuse. Les positions acquises sur un socle restreint de militants, mais aussi un réflexe de conservation des hypothèques souscrites par les aînés disparus, eurent raison d'un nouvel aggiornamento. La monarchie du futur passera après la promotion de vieilles idées du XIXè siècle, après la nécrologie de gloires à jamais enfuies. Est venu maintenant le moment d'affronter les docteurs de la loi qui désignent impérativement le successeur de Charles X sur le trône de France comme le résultat d'une équation tirée des Lois fondamentales du royaume ou de traités anciens, les déviant selon les circonstances. Jamais ! Et cette aversion des penseurs royalistes à réfléchir sur le faisceau de paramètres à réunir pour qu'une monarchie active, réactive et de temps long arrache le pays d'aujourd'hui à son déclin, me navre. C'est le petit schéma de la monarchie héréditaire successible par ordre de primogéniture mâle qui tient la rampe, bien qu'il ait échoué, complètement et trois fois. Ce qui m'émeut n'est pas la gloire à venir d'un roi superbe et bien entouré, mais la survie de la France que j'aime et que je sens passer entre mes doigts comme le sable fin de la plage du Grand Travers. Pourquoi la plupart des intellectuels royalistes refusent-ils de phosphorer sur une rénovation de l'offre politique ?
J'ai compilé ce mois-ci la production des sites royalistes actifs, laissant de côté ceux qui sont dédiés uniquement à l'exaltation du patrimoine, forcément royalistes puisque ce sont les
quarante rois qui ont fait la France ; de même pour les sites vendéens autocentrés sur les guerres civiles de la Révolution. Ceux-là ne sont pas concernés par notre revue de détail.
J'en vois qui s'impatientent au fond de la classe ! J'en ai trouvé treize (ça commence mal) sans compter tous les blogs morts par dizaines et les sites arrêtés sur leurs archives, comme le sera un jour Royal-Artillerie. A tout seigneur...
L'Alliance royale (lien), seul parti politique déclaré en préfecture, ne semble pas être en capacité d'émerger sur la scène politique et ce n'est pas faute d'idées, mais de moyens. Confiant ses espoirs au seul principe, elle a neutralisé sa bannière en ne soutenant aucun prétendant comme elle le dit dans son
Qui sommes-nous ,: « L’Alliance royale en tant que telle ne soutient aucun prince, considérant que ce rôle incombe à d’autres mouvements ; la désignation d’un successeur est d’ailleurs prématurée compte tenu de l’état des esprits ; elle ne sera pas le fait d’un parti politique et impliquera nécessairement tous les Français.»
Ses sections locales en sont réduites à l'organisation de conférences ou de cafés politiques, sans oublier les commémorations annuelles classiques. Sans moyens de propagande plus lourds sur les vecteurs de communication en vogue - il y faudrait des effectifs assignés 24/7 aux réseaux sociaux - le parti ne peut espérer figurer en bonne place dans les scrutins futurs. Mais au moins, il propose une plateforme politique concrète qui mériterait d'être largement diffusée. L'Alliance royale publie un
Bulletin Périodique Officiel sur abonnement.
L'Action française - Restauration nationale (lien) se définit comme une école de pensée, capable aussi de sortir les bâtons. Elle déploie une soixantaine de sections locales
(clic) qui privilégient la formation et une certaine visibilité en ville. Le mouvement est plus que centenaire mais apparaît bloqué dans son évolution par le legs d'erreurs anciennes dont il peine à se départir. Des fréquentations moins prisées du grand public peuvent obérer son influence comme le notait Pierre Builly sur JSF (en pied d'article RA d'il y a deux ans). L'aggiornamento semble impossible tant l'empreinte maurrassienne figée est forte ; ce qui a exclu de très bons militants voulant rénover la vieille maison.
Son
manifeste est explicite de sa queue de trajectoire : « L’Action française travaille à changer les institutions politiques. Ayant condamné le régime républicain, elle s’emploie à en débarrasser la nation. Ayant reconnu dans la monarchie la vérité historique de la France, elle s’efforce de la restaurer en la personne du Chef de la Maison de France.
Royalistes parce que nationalistes, les adhérents de l’Action française s’appliquent à défendre l’héritage en l’absence de l’héritier. Ils essaient de limiter les méfaits républicains en les dénonçant par la propagande et en les combattant par l’action.
Ils pratiquent à l’occasion le "compromis nationaliste", c’est-à-dire l’entente avec tous les patriotes pour mener telle ou telle campagne d’intérêt public.»
Présente dans la sphère littéraire et universitaire, elle publie deux journaux de qualité, un pour chaque branche. Les tirages sont confidentiels et les effectifs globalement inchangés, ce qui dénote un défaut d'axe.
L'Union des cercles légitimistes de France (lien) en regroupe une trentaine en France. Ces cercles sont dédiés à l'étude approfondie de la légitimité dans l'optique de fonder la restauration de l'ancienne monarchie dans le béton des lois fondamentales du royaume et leur jurisrudence. L'émetteur de doctrine est logé chez le site
Vive le Roy qui diffuse régulièrement des études et prescriptions, et organise chaque année une université d'été Saint-Louis où se pressent les
docteurs de la loi et un public éduqué. Le but second des Cercles est de transmettre cette doctrine légitimiste aux générations futures.
Le manifeste légitimiste est une "charte" de 194 pages qui forment les arcanes complets de la légitimité que je vous invite à consulter
ici.
Le Groupe d'action royaliste (lien) dérive de l'Action française. Rénovant l'esprit des camelots du roi, ses dirigeants insistent sur le volet social du combat politique des monarchistes dans le droit fil des penseurs royalistes des siècles passés qui fondèrent le droit social français, tels que René de La Tour du Pin, Frédéric Le Play, Firmin Baconnier. Le GAR est corporatiste pour la production et écologiste sur ses effets. Son positionnement détaillé dans le
Qui sommes nous rejette le "compromis nationaliste" de l'Action française et le "politique d'abord" de Charles Maurras. C'est clair.
« L’objectif premier du GAR est de former des cadres et de forger un état d’esprit autre que celui que le système nous impose au quotidien avec ses médias, dans le seul but de pouvoir mieux le combattre.»
Fondé par Guy Steinbach et Antoine Murat, il profite des contributions de Jean-Philippe Chauvin et de Frédéric Winkler, et ses publications sont abondantes tant numériques qu'imprimées.
Comme tous les autres, le mouvement manque de moyens pour forcer le passage dans le mur du silence et convertir plus largement à ses idées. Mais c'est probablement la chapelle la mieux établie sur ses fondations, disposant d'une doctrine riche et solide applicable à la nation française actuelle, très en phase avec les défis qu'elle affronte. Si le monarchisme devait un jour percer en France, il ne serait pas étonnant s'ils accroissent leurs effectifs que ce soit grâce au GAR, plus orienté vers l'assaut que vers les souvenirs d'un temps révolu.
Le Cercle royal des Enfants de France (lien) est un mouvement estudiantin récent issu du Cercle discret d'action légitimiste qui s'arrache aux grimoires à la chandelle pour humer l'air vivifiant du monde ambiant. Il s'est engagé dans l'agit'prop classique, au contact parfois, et édite un journal "Une France Un Roi" en espérant faire de son titre un acronyme connu (UFUR). A suivre de près leur
qui-suis-je ?
La Nouvelle action royaliste (lien) est un canal dérivé de l'Action française qui s'est ouvert avec la candidature de Bertrand Renouvin à la présidentielle de 1974. Son "action" se résume à l'impression du mensuel
Royaliste et à l'organisation des "mercredis de la Nar" qui semblent maintenant s'espacer. On y invite une personnalité connue à l'occasion d'un évènement ou d'une parution. Le choix doctrinal de la Nar est de royaliser la constitution de la Cinquième République puis de faire avec. Bien qu'il soit difficile d'en être sûr avec le prétendant actuel, assez décalé de l'opinion dominante, il semble que la Maison d'Orléans soit également sur cet axe.
Ce club est renforcé du blog personnel de haute tenue de Bertrand Renouvin, qui y publie ses éditoriaux et de longues réflexions sur des sujets de fonds sous un biais dirigiste et gaullien
(clic).
L'Institut de la Maison de Bourbon (lien) est une entreprise de commémorations diverses et variées touchant la dynastie éponyme dans les mains de la famille de Bauffremont ; mais dans sa fonction d'ambassade du prince Louis de Bourbon à Paris, il a l'oreille des pouvoirs publics et celle des hiérarchies ecclésiastique et militaire assez complaisantes avec le duc d'Anjou. Sinon aucune action politique ! Par contre l'absence de
compromission politique attire dans ses manifestations de nombreux nostalgiques de l'ancien régime, qui n'y risque rien socialement, comme on a pu le voir cette année à la Chapelle expiatoire le 21 janvier. Se convertitont-ils à la monarchie est une autre question.
Présence du souvenir bourbonien (lien) est un site légitimiste lyonnais qui relaie la communication du prince Louis de Bourbon et organise des cercles d'étude et conférences dans sa région. Ils sont actifs dans le champ des commémorations annuelles et bénéficient du soutien des Bourbon Parme.
Voilà pour les sites institutionnels. Viennent ensuite des sites dédiés exclusivement à la propagande ou à l'information voire la
réinformation qui naissent et disparaissent régulièrement. La liste ci-dessous n'est pas limitative. Le plus ancien est peut-être RoyautéNews.
RoyautéNews (lien) est un blog personnel très informé sur le Gotha qui rédige en mode maniaco-dépressif ses détestations de tous ordres. En ligne depuis une quinzaine d'années, il n'a rien perdu de sa vigueur rabique et apparemment entend continuer d'un pas assuré comme Johnny Walker. Sa spécificité est de n'avoir aucun axe de propagande et nul projet constitutif d'une alternative institutionnelle. Il fut un temps carolingien.
La Faute à Rousseau (lien) est un site fondé il y a dix-sept ans par la Fédération royaliste de Provence pour diffuser la pensée maurrassienne et la doctrine d'Action française. Ses fondateurs ont accumulé une incroyable collection d'archives royalistes allant des rassemblements en Provence, jusqu'aux grandes unes de l'Action Française historique, des éphémérides copieusement alimentés, des textes de grands auteurs de la cause et une défense inlassable de la maison du Chemin de Paradis. Ce trésor est enfoui sous une charte graphique d'amateur, dans un désordre inextricable rendant la navigation difficile voire lassante [...] Une fonction de revue de presse peine à convaincre parce que les sujets de mécontentement ont été traités ailleurs avant !
Comme on pouvait s'y attendre de tout club royaliste, une partie de la rédaction a fait sécession pour mettre en application de nouvelles idées (on peine à savoir lesquelles) en créant un site miroir qui avait l'ambition de tout emporter avec lui, mais le site historique déposa le nom. C'est le suivant.
Je Suis Français (lien) est donc l'avatar moderne de La Faute à Rousseau. Prendre pour titre un "Je Suis..." est assez osé de nos jours. Lancé sur une charte graphique professionnelle mais pas vraiment attrayante, le site compile au quotidien les nouvelles qui nourrissent sa détestation de la société politique dominante ; souffrant du même travers que son parent, à savoir que ces articles ont été déjà lu par ailleurs. Un peu de rédactionnel assuré par des contributeurs extérieurs, beaucoup de compilation, et donc de déception pour qui attendrait que la rédaction phosphore sur des idées neuves, un peu sexy. Lire le billet du Million à leur sujet
(clic).
La Charte de Fontevrault (lien) est un groupe royaliste providentialiste qui demande à ses adhérents de prier Dieu pour le retour du roi, mais aux conditions établies par les fondateurs de la Charte qui amalgament les lois fondamentales du royaume de France aux prédictions apocalyptiques (au sens grec) de mystiques ayant "subi" des apparitions révélatrices. Il est quand même difficile de croire que l'on puisse faire entrer Dieu au chausse-pied dans une boîte à principes organisée par de simples mortels qui brideraient toute faute de carre de la puissance céleste.
Son président-fondateur avait eu la bonne idée de réunir tous les deux ans les chapelles à Paris pour une journée de rencontre et d'échange, mais ne sut la faire prospérer. Son empreinte dans le champ doctrinal est faible mais pourtant dénoncée par les légitimistes purs et durs qui y voient une tentative de démobilisation des royalistes engagés.
Pour finir, citons un site personnel très réussi qui fait sa propagande pour le retour du roi et qui la fait bien :
Demain la Monarchie (lien).
Un mot sur un site stoppé par les autorités qui avait le grand mérite de rédiger ses articles, à la limite parfois du politiquement correct, plutôt que de compiler le travail d'autrui. Le "Conseil dans l'espérance du roi" bien que figé s'est maintenu en ligne et ses archives sont accessibles
ici. Ce blog était aussi féru d'héraldique.
Arrive maintenant sur le marché royaliste un descendant de Charles X
(lien) qui a l'ambition de faire valoir son point de vue pour réconcilier les Français avec leur histoire. La démarche n'est pas nouvelle mais c'est quand même du renfort s'il s'y colle vraiment.
Nous invitons les absents à prendre contact avec nous par le formulaire ad hoc afin de nous faire une brève présentation de leur site, et nous l'inclurons dans une prochaine mouture de cet article.
Synthèse (essai)
Quand on dézoome, la première certitude est de se savoir en Gaules. Le maillage villageois est la règle, un canton, un chef, si possible à vie tant que les cannes le portent. L'inventaire global indique qu'il y a de nombreux clubs royalistes sur l'hexagone, de quoi surprendre les Renseignements Généraux. On constate aussi des principes structurants efficaces chez le parti d'Orléans comme chez le parti de Bourbon qui ne sont pas forcément irréconciliables à voir l'appartenance socio-culturelle commune de leurs champions. Chaque réseau est responsif des directives émanant du chœur de sa chapelle. Naviguent autour, sans idée de manœuvre, des dizaines d'électrons libres dans le champ patrimonial, culturel voire métaphysique, et politique un peu. A la fin, cela fait beaucoup de monde (les 4000 ?) qui attend l'héritier. Mais dans ce nuage d'intérêts pour la monarchie, il manque le noyau ferromagnétique qui aimanterait la mouvance royaliste sur un axe politique de reconquête du pouvoir, un prince, une princesse crédible et décidé, adossé à un conseil organisé sur compétences après un tour de table capable de financer la propagande d'un programme.
Notre conclusion immédiate pourrait être reprise de l'article RA de 2022 à peine modifié. Notre propagande est à repenser en tenant la rampe du modèle entrepreneurial, à défaut de quoi les tribuns persisteront à vouloir briller dans des conférences du mécontentement à cinquante pélerins, qui n'agrègeront que des convaincus, la plupart refusant de se compromettre pour le roi une fois la porte passée. L'énergie à convaincre s'obtient par la dynamique. Pour commencer le vrai combat il faut un projet clair, compréhensible par tous, qu'il soit ou non insufflé par les princes. Il faut accoucher d'une réalité et se décrocher des seuls principes ! Mais il y a du nouveau.
Le pas de clerc "hallucinant de connerie" dixit FOG, franchi par Reporters Sans Frontières auprès du régulateur de l'audiovisuel, l'Arcom, pour obliger CNews à une "pluralité" d'invités, va ouvrir les vannes de la contestation sur les chaînes publiques et conniventes. Il sera intéressant de voir comment le microcosme royaliste tirera son épingle du jeu en profitant de la fente dans le mur du silence. A la réserve près, qu'il ne s'agira pas alors de réciter un mémoire devant une assistance attentive et préconvaincue mais de débattre avec des journalistes de mauvaise foi. Certes il y a des professeurs de communication qui vous apprennent à débattre dans ces conditions. Des coachs ! Jordan Bardella a appris le métier chez Pascal Humeau qui peut être fier du résultat. Si nous ne voulons pas entrer dans le sillon de Philippe de Villiers parfois difficile à suivre entre hésitations et soupirs, il faudrait que les porte-paroles des chapelles prennent et payent des cours dans ce domaine pour valoriser au maximum leur surgissement dans les lucarnes bleues. Au commencement était le Verbe, hein ? n'oublions jamais.
19.02.2024
PS : Amputé de sa conclusion, le brouillon de cet article a paru d'abord sur le site RA dédié à la communication, Le Million du Roi. De même un inventaire 2024 des 100 sites web monarchistes de France y a été publié le 25 février
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