Fin du chapeau gai.
Avertissement sans frais : Ce billet n'a pas l'outrecuidance d'être un renfort pour la politique offensive du président Sarkozy, qui nous lit chaque matin bien sûr, mais la convergence d'idées ne peut nous épargner un certain effort d'analyse, au moment où se lèvent ci et là les clameurs munichoises du renoncement, même dans la sphère royaliste. On pourra lire avec quelque effarement le billet pacifiste et désinformé de M. Renouvin en cliquant ici.
Recadrage
Cette guerre n'est pas américaine même si Dominique de Villepin et Ségolène Royal en débat à Grenoble vendredi dernier (28.01.11) nous l'affirment. Elle n'a pas été déclarée par le président des Etats-Unis un lendemain de cuite, mais par une puissance étrangère de la manière la plus spectaculaire possible, en détruisant avec fracas deux gratte-ciel emblématiques de la capitale de l'Occident, New York. Seuls les Japonais à Pearl Harbor avaient fait mieux, mais pas en terme de victimes ! 2605 sans les avions en 2001 contre 2403 en 1941. Dire que la guerre est américaine signifie qu'ils l'ont bien cherché ! A qui le tour ? La France ? Qui l'aura bien cherché aussi ? Cette puissance étrangère était al-Qaïda, et personne d'autre - désolé pour les paranoïaques du complot maison -, al-Qaïda alliée au régime taliban afghan d'alors et à quelques autres services secrets islamiques parce qu'on sait déjà tout. L'émoi fut planétaire mais pas dans le même sens partout. Deux constatations du rédacteur : dans les immeubles bourgeois du Caire, on a ci et là sabré le champagne la nuit du 11 septembre. Dans le quartier du Panier à Marseille, chaque "Onze" c'est nuit blanche et musique à fond !
La réaction la plus saine à l'attentat gigantesque était d'aller éradiquer le nid de freux qui avaient organisé ça, et le président Chirac, un des premiers sur le tas de ruines fumantes, joignit nos forces spéciales à l'expédition punitive. Rappelons qu'elles furent les seules à avoir vu Oussama ben Laden dans l'alidade mais n'ont pas reçu l'ordre de stop (?).
Que l'Administration Bush ait foiré la suite, n'est pas discutable. Voulant finir la guerre que son père avait d'une certaine façon perdue, et sous les pressions du lobby pétrolier dont il était issu, le président Bush junior laissa courir la désinformation propagée par le Pentagone, son vice-président et les services, pour attaquer préemptivement l'Irak arrogant et d'une certaine façon "tuer le père". Ce faisant, il sauvait al-Qaïda de l'incinération finale en reportant tous ses efforts entre Tigre et Euphrate. Il finit par le comprendre et se débarrassa des faucons mouillés¹ pour son second mandat.
Son successeur a abandonné la démocratisation forcée d'un pays qui n'existe pas en temps de paix pour rétrécir ses ambitions, afin qu'elles tiennent dans un calendrier électoral. Paradoxalement c'est du côté de la démocratisation rustique et de la libération des femmes et des fillettes (elles vont à l'école, enfin !) que l'empreinte sera la plus durable, quelle que soit la fin de l'histoire.
La stratégie de l'Administration Obama en Afghanistan est limpide si elle n'est pas simple : finir l'état-major central d'al-Qaïda et sécuriser les fusées nucléaires pakistanaises. La méthode ne l'est pas moins : nettoyer, tenir la position, construire de l'infrastructure, transférer la position aux autorités afghanes (clear - hold - build - transfer). A quoi s'ajoute, la destruction systématique par les drones de la CIA des talibans et alqaïdistes réfugiés aux Warziristans. Le score monte chaque jour et la ressource en moudjahidine d'un certain niveau n'est pas inépuisable.
Nul ne sait si la Coalition aboutira sur son projet, les certitudes se dévoilant toujours après coup quand on écrit l'histoire. Mais déjà il y a une majorité dubitative chez les analystes-experts quant au succès de l'entreprise, ce qui pour moi ne veut pas dire plus que quantifier le flux d'informations, et sans doute pas établir la bonne solution par la loi du nombre. Il n'en reste pas moins vrai que le pays recèle de grandes zones d'insécurité qu'il ne semble pas possible en l'état de réduire.
Demain
Le reproche de guerre américaine va de pair avec celui de l'otanisation. Faisons un sort à la vassalité consécutive à l'otanisation de nos forces armées. Combien de fois faudra-t-il répéter que la charte atlantique et sa pratique n'obligent pas à suivre aveuglément la puissance dominante de l'Alliance. En mars 2003, des pays essentiels à l'OTAN ont refusé leur concours aux anglo-américains. Il faut les citer à nouveau pour les malentendants : La Turquie en charge des intérêts de l'Alliance au Moyen-Orient, l'Allemagne au centre du dispositif atlantique continental, la Belgique pays hôte des sièges OTAN les plus importants, le Canada pays frère des Etats-Unis. La France, non impliquée alors dans le commandement intégré, pouvait refuser elle aussi sans problème l'aventure Bush II. Le Setter fou du Quai d'Orsay en décida autrement pour passer à la postérité, en organisant une guerilla extravagante au siège de l'ONU à New York contre notre allié de référence qui versait dans la fabrication la plus douteuse ! C'était son problème ! Nous en fîmes le nôtre², incapables de peser d'aucune façon sur l'issue inéluctable, la guerre.
Depuis, beaucoup d'eau est passée dans les oueds du désert ! Le Croissant vert dont les situations conflictuelles étaient paradoxalement calmes est depuis quelques semaines secoué par les révoltes arabes. A l'exception des sujets des émirats du Golfe persique, ces peuples ne furent jamais gouvernés gentiment puisqu'on leur prêtait un tempérament d'amadou. Ils affrontent la Trique dans une hystérisation traditionnelle mais peuvent obtenir une démocratie. Si ces pays obtiennent des démocraties à l'occidentale (pas d'autre modèle en rayon), le contrecoup sera rapide hors du monde arabe. On pense à l'Iran en quasi-faillite économique et à ses voisins afghans, lassés de la guerre des clans. Même si d'expérience on en sait l'issue, tout prurit démocratique dans ces contrées nous sera favorable car il désagrègera les pyramides féodales corrompues jusqu'à l'os, et ouvrira le vide créé à celui capable de mettre le paquet. Espérons que Barack Hussein Obama soit à l'heure !
Quoiqu'il advienne, en Afghanistan, nous sommes engagés avec tout le monde atlantique, et d'au-delà, pour faire aboutir le choix stratégique américain précité (al-Q et bombe A pakistanaise). Comme tout le monde, nous programmons le retrait de nos forces en fonction des acquis, à commencer par la capacité de l'ANA à pacifier ses territoires. Le job fini, bien ou moins bien, nous partirons tous ensemble. Qu'adviendra-t-il si la Coalition échoue et reflue ?
Après-demain
Gouverner c'est prévoir, et ceux qui réclament notre départ rapide sans expliquer la suite donnée se disqualifient des fonctions gouvernementales. C'est triste d'en trouver chez nous.
Si la Coalition échoue et reflue, l'islamisme mais pas seulement lui, beaucoup de gens dans le monde musulman, jusqu'à une certaine bourgeoisie, fêteront la victoire des pouilleux de la montagne sur les Croisés hyper-équipés et en surnombre qui les ont défiés. Tous les partis islamistes seront submergés d'adhésions et de militants enthousiastes. L'Islam radical sortira partout vainqueur, sauf en Chine peut-être. Au Pakistan, les foules surchauffées feront le lit des fondamentalistes et les vibrations déstabiliseront l'Inde. Les deux puissances sont nucléaires, en guerre larvée et n'ont pas confiance en la parole donnée par l'autre. En Iran, le pouvoir des mollahs qui nous détestent n'aura plus de craintes et les freins du programme de bombe atomique seront desserrés. On égorgera un caricaturiste danois au prochain Aïd pour le fun.
En France, ce sera moins dramatique ...au début.
Où nos caves d'immeubles en cité sont taguées aux pochoirs Ben Laden et AQMI, les fondamentalistes recruteront facilement et auront sous la main des masses malléables qui pourront être plus tard ordonnées en cohortes. La charia et l'engagement moudjahid se diffuseront dans les cités et nous verrons naître de petits émirats particulièrement vénéneux et quasiment blindés dans toutes nos conurbations. Les musulmans sincères se tairont, à moins d'être les premières victimes de la radicalisation. Des voix plus fortes que d'habitude s'élèvent de leurs rangs ces jours-ci pour dénoncer la prise en otage de l'islam par les terroristes. La persécution des chrétiens d'orient leur est insupportable puisqu'ils sont ici dans une position symétrique aux coptes d'Egypte. Cliquer ici sur l'entretien donné au Progrès de Lyon par le président du conseil régional du culte musulman en Rhône-Alpes. Cela suffira-t-il à contenir les salafistes des cités et leurs supplétifs de droit commun ? Bien sûr que non.
On se doute qu'il en sera de même en Angleterre et dans d'autres pays infectés par l'islamisme. Ne parlons pas de l'Afrique du Nord qui passera rapidement sous la coupe des fondamentalistes, soit brutalement, soit sur le modèle turc par le détour d'une conversion des campagnes.
Qui les affrontera ici ? Nos CRS sont-elles aguerries(4) ?De qui sont composées nos compagnies d'infanterie ? Qui se fraiera un chemin à travers leurs défenses faites de femmes et d'enfants, comme à Gaza ou... à Chanteloup-les-Vignes tel que je l'ai de mes yeux vu ? Qui ouvrira le feu à deux cents mètres pour économiser la voltige ? Qui décrètera le couvre-feu général et le fera respecter ? La patrie-des-droits-de-l'homme et ses religionnaires de la tolérance communautarisée lèveront-ils d'immenses cortèges pacifistes et violents à la fois comme on en vit durant la crise des Pershing, lorsque Mitterrand disait au Bundestag en 1983 : "les SS-20 sont à l'est mais les pacifistes sont à l'ouest"; et comme on le revit à Strasbourg lors du 60° sommet de l'OTAN en avril 2009 ?
Nous pourrons "tenir" trois ou quatre cités embrasées, mais pas toutes. Et ceux qui veulent subvertir notre société décadente le savent bien. Le désordre appelle immanquablement l'ordre. L'offre viendra tout naturellement des boutefeus, on l'a déjà vu lors des émeutes dites de Clichy-sous-Bois en 2005. Il faudra négocier des avantages et leur vendre pas cher quelques chameaux d'apaisement³. Mais sur la crémaillière de la Conquête, l'islam fondamentaliste aura gagné un ou deux crans, jusqu'à la prochaine fois. Et ainsi de suite.
Aussi devons-nous déjà faire front à la source de la menace et rester en Afghanistan jusqu'au bout pour ne pas perdre la face. Et en cas d'échec, improbable mais quand même, nous rentrerons avec tous les coalisés, ayant tous le même problème à résoudre au retour dans nos pays respectifs, ce qui suscitera cette fois une autre forme de solidarité, sur le maintien de l'ordre et le renseignement, solidarité sans laquelle l'avenir sera très sombre pour notre civilisation.
Dès ce moment nous saurons aussi que la vitrification préalable des républiques fondamentalistes d'Iran ou du Pakistan sera une option stratégique ouverte ! Mais ceci est une autre affaire dont nous espérons n'avoir jamais à parler.
A quelque chose malheur est bon, notre armée de terre a fait un saut qualitatif important par sa participation à la guerre coalisée, les opérations de gendarmerie débonnaire africaine l'avaient entièrement rouillée. La lame brille hors du fourreau.
Notes :
(1) expression traduite de celle créée par The New Hampshire Gazette qui englobait tous les va-t-en-guerre de la première Administration Bush Jr qui surent dans leur jeunesse échapper à l'expédition du Vietnam et se déclarèrent experts contre les officiers généraux. Voir leur « chickenhawk hall of shame ». En français nous les appellerions les planqués de l'arrière.
(2) surtout lorsque en conférence de presse, à la question de savoir qui de Saddam Hussein ou des Etats-Unis la France voulait le succès, Villepin refusa explicitement de répondre. Le discours de Villepin à l'ONU est ici.
(3) il suffit de connaître le catalogue de revendications en Angleterre pour savoir de quoi il retourne. On va jusqu'à l'entrée de la charia dans les prétoires, au motif du droit coutumier anglais !
(4) ces temps-ci des pelotons entiers de CRS (Lyon, Marseille, Perpignan) se font porter pâles pour contourner la loi d'astreinte permanente et d'une certaine manière, faire grève.
(1) expression traduite de celle créée par The New Hampshire Gazette qui englobait tous les va-t-en-guerre de la première Administration Bush Jr qui surent dans leur jeunesse échapper à l'expédition du Vietnam et se déclarèrent experts contre les officiers généraux. Voir leur « chickenhawk hall of shame ». En français nous les appellerions les planqués de l'arrière.
(2) surtout lorsque en conférence de presse, à la question de savoir qui de Saddam Hussein ou des Etats-Unis la France voulait le succès, Villepin refusa explicitement de répondre. Le discours de Villepin à l'ONU est ici.
(3) il suffit de connaître le catalogue de revendications en Angleterre pour savoir de quoi il retourne. On va jusqu'à l'entrée de la charia dans les prétoires, au motif du droit coutumier anglais !
(4) ces temps-ci des pelotons entiers de CRS (Lyon, Marseille, Perpignan) se font porter pâles pour contourner la loi d'astreinte permanente et d'une certaine manière, faire grève.
Soutenons le soldat français
C'est donc bien contre les effets induits sur notre propre sol d'une éventuelle capitulation que se battent avec courage et talent nos soldats, et pas pour le triomphe de la Pax americana. Soutenons-les ! Le soutien de l'arrière est plus nécessaire encore quand la situation au front est difficile. Ne les décevons pas comme nous le fîmes à leurs aînés d'Indochine et d'Algérie. Et surtout de notre bord ! « France, mère des arts, des armes et des lois ». Il faudrait que le sonnet patriotique de Joachim du Bellay se vérifie de temps en temps. Ce ne sera pas drôle tous les jours, mais c'est par mauvais temps qu'on reconnaît les âmes sures.
Billets RA consacrés à la guerre d'Afghanistan
2008
. Une affaire d'honneur
. Le 8 en Afghanistan
. Une armée d'élite
. La passe de Khyber
. Ethique d'infanterie
. Nos chasseurs en Afghanistan
2009
. La chimère afghane
. On va désherber le Warziristan
. Quitter Kaboul
. La guerre d'Obama
2010
. J'y suis, j'achève
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