lundi 28 décembre 2020

Le Déclic

Les rois d'Europe ont souhaité un "Joyeux Noël" à leurs sujets dans de longues adresses télévisées où perçait leur inquiétude des conséquences humaines de la pandémie chinoise, et parfois celles plus sournoises d'une rupture des équilibres politiques comme en Espagne. Le président de la République fédérale d'Allemagne Steinmeier a souhaité le meilleur à ses concitoyens pendant huit minutes devant un superbe sapin de Noël. Ainsi en fut-il des autres présidents des républiques européennes ayant une empathie naturelle avec leur peuple, sauf ici. Le président de la République française n'a pas jugé opportun de nous souhaiter un bon Noël, il est parti se reposer au Fort de Brégançon avec Madame. Un tweet a minima a été publié par le Community Magager de Matignon pour juste marquer le coup. Ça n'est pas grave. Nul n'attendait en France un signe de gentillesse de la part d'un Jean-Kévin monté en graine "capable de transformer en merde tout ce qu'il touche" (Trump). Aussi a-t-il mieux valu finalement qu'il s'en abstienne, il ne nous a rien manqué ! Au soir des confettis, sarbacanes et tortillons, pour franchir la Saint-Syslvestre, le monsieur de l'Elysée se croira-t-il sans doute obligé d'émettre ses vœux à la Nation, avec deux prompteurs et un fond d'écran travaillé pendant une semaine au moins. Mais de cela, les Français s'en moquent.

Narcissisme, cynisme, mépris de classe

Il est plus facile de conquérir le pouvoir que de le conserver, disait Machiavel à sa façon et les locataires à bail précaire qui croient nous gouverner en font l'un après l'autre l'amer constat. Après Zébulon Premier, nous avons éprouvé Normal Premier et maintenant Zupiter Premier. Aucun de ceux-là ne redoubla et, pour le troisième, ne doublera ses points. Il y a beaucoup de raison à cela, mais le narcissisme pathétique, le cynisme assumé et le mépris de classe sont les ingrédients imparables de l'échec. M. Macron ne nous aime pas, parce qu'il nous juge inintéressants, et nous le ressentons. Un contributeur avisé postait hier sur Twitter un message de fine observation : « Emmanuel Macron n'a pas l'intelligence des situations ni la compréhension de notre nature humaine. Il est incontestablement doué pour séduire, pour plaire. Il charme ces dames et ces messieurs, il touche, il caresse, mais il méconnait les tréfonds des cœurs et des âmes. » C'est sans doute l'épisode des Gilets Jaunes, associé au marathon des one man shows en province où le fringant bonimenteur explosait les chronomètres, que son dédain s'est manifesté le plus sûrement à quelqu'un d'attentif. La presse applaudissait la performance en bras de chemise, les gens aussi. Mais faute d'empathie, rien n'en suivit ! Que dalles ! Walou ! وَلَوْ شَيْءٌ. A part d'ouvrir le robinet budgétaire des compensations, le mal-être profond d'une classe moyenne épuisée par le socialisme rampant des pouvoirs centraux n'a pas été affronté. L'économie de notre société fondée sur la redistribution et l'étrécissement de l'assiette fiscale convoquée à toujours plus, la prolifération des profiteurs au vu et su de tous, les privilèges indus et la morgue d'une classe politique lâche et dévalorisée que seule la proportionnelle pourrait régénérer, l'importation de pseudo-travailleurs concurrents sur un marché d'emplois bloqué, l'écologie punitive, rien ne fut traîté en profondeur bien qu'on en ait beaucoup parlé, parlé, parlé ! Pour être juste, citons quand même l'essai de blocage de la subversion islamiste qui semble devenir un souci politique et concurremment un souci diplomatique.

Le compostage des projets

Il reste cinq cents jours à tirer de ce mandat présidentiel. Si les cabinets ministériels ont pu travailler normalement avec les administrations subordonnées, nous n'avons vu en revanche presqu'aucune intention du chef aboutir. Les grands projets finissent en eau de boudin, sauf un.
- Retraite à points, confiée à l'endive de Bapaume, pétée de titres et d'indemnités, ruinée par l'impétrant.
- Réforme de l'Etat et contention de la dépense publique qui dévore la production de richesse, oubliées.
- Réforme fiscale, stoppée au milieu du gué puisqu'elle induisait la précédente.
- Réforme des clauses de gouvernance européenne au bénéfice des cigales, refusée par tous les Etats du Nord.
- Défense européenne, remisée sur l'étagère des grandes idées françaises non partagées.
- Diplomatie d'équilibre entre Washington et Moscou refusée par ses homologues qui n'ont pas acheté la mort cérébrale de l'OTAN.
La liste est déjà trop longue mais elle se terminerait par la suppression de l'ISF. Ouf ! Et tout de suite. On ne pouvait attendre d'avoir engagé des économies qui auraient justifié par après cette baisse (modeste) des recettes, il fallait envoyer le signal en tête de mat et rémunérer dare dare la bourgeoisie d'affaires qui avait tout misé sur le brillant jeune homme.

Ce bilan va être tiré tout au long de l'année préélectorale 2021 et les arguties rhétoriques des communicants en soupentes ne prendront pas sur la réalité des reports dilatoires, des oublis volontaires, des échecs. Certes, en démocratie, on peut gagner avec des vessies, des promesses, des synthèses combinatoires, surtout chez des peuples immatures qui n'attendent rien d'eux-mêmes et tout d'un Sauveur, mais le plus sûr moyen est de faire monter contre soi le plus mauvais adversaire disposant des plus larges résultats électoraux. Madame Le Pen est l'archétype du candidat "gagnant", gagnant pour l'autre. Le travail est lancé, comme on dirait en salle d'accouchement. Cinq cents jours ne seront pas de trop pour organiser le paysage politique du premier tour des élections présidentielles. Les couillons qui veulent y briller s'alignent déjà, à des motifs bien éloignés de l'impatience à gouverner. Même des brêles ont décidé d'y revenir pour voir leur visage dans les lucarnes et leurs discours résumés dans de vrais journaux. D'autres pensent au troisième tour des législatives dont les résultats détermineront le montant des subsides publics consentis à leur parti.

La combinazione

A chacun sa raison personnelle, une affaire entre soi-même et le peuple, disait le Général. N'importe qui peut y croire avec les parrainages suffisants, et c'est bien du n'importe qui ! Les sondages vont être commandés pour ajuster au mieux la communication du pouvoir envers les électeurs. Le mano le plus surveillé est le delta positif du score de Mme Le Pen qui signalerait aux faiseurs d'opinion que l'apocalypse est devenue possible. Elle représente le parti du mécontentement, et le pouvoir imbécile n'a eu de cesse d'y pousser. L'humeur du peuple est toujours très difficile à régler, un peu comme la longueur de dentifrice qui sort du tube, mais qui n'y rentrera jamais plus. Les crânes d'œuf qui gèrent l'affrontement social peuvent voir l'engouement des ronchons leur échapper et inverser le rang de sortie des urnes. En 2017 on avait obtenu un premier tour comme suit :

* Macron 8657326 (24,01% des voix)
* Le Pen 7679493 (21,30%), bascule au premier à 488917 voix
* Fillon 7213797 (20,01%), bascule au deuxième à 232848 voix
* Mélenchon 7060885 (19,58), bascule au troisième à 76456 voix
* Hamon 2291565 (6,35%)
* Solde 3155747 (8,75% à répartir sur 6 candidats)
* Total 36058813 (100%)

Marine Le Pen


La question est de savoir qui remplacera M. Fillon au quadrille, les trois autres étant des clients sûrs. Mais ceci n'a d'intérêt pour l'Elysée que si l'ordre d'arrivée est le même. Si Mme Le Pen sort en tête, ce sera le déclic, il y aura rallye des mécontents au second tour avec peut-être le renfort d'abstentionnistes atterrés, et rien ne dit qu'il soit compensé en totalité par une ruée des gauches contre le ventre encore fécond. S'il est juste compensé, elle passe ! Mais à deux conditions : l'une, qu'elle ait réellement envie de se taper la corvée d'un mandat présidentiel de cinq ans pour lequel elle montre peu d'aptitudes, l'acte manqué ça existe ; l'autre, qu'elle prépare sérieusement - avec un coach qui ne soit pas de son entourage et qui ose l'engueuler - le débat de second tour, l'humilité n'étant pas son point fort.

Retour aux fondamentaux perdants-perdants

Les lecteurs de Royal-Artillerie peuvent s'étonner que nous soyons rendus déjà aux élections du mois d'avril 2022, mais nous subodorons que le quinquennat actif de M. Macron est terminé. Dès après l'Epiphanie et à cause des "bascules" ci-dessus, lui et son team entreront en politique politicienne parce que plus rien n'est vraiment solide autour d'eux, alors que l'inquiétude du peuple croît devant l'impréparation manifeste des pouvoirs publics à vaincre le coronavirus chinois d'une part, et à remonter une économie affaissée par les confinements provoquant des destructions d'emplois de l'autre. Nulle réforme de fond n'ayant été lancée sérieusement pendant trois ans et aucune marge de manœuvre n'ayant pu être dégagée au plan financier, le pays est complètement assujetti au plan de solidarité européen, ce qui lui ôte toute chance de peser plus tard sur les assouplissements que nous ne manquerons pas de réclamer afin de palier notre gabegie chronique. Autant dire que le gouvernement de M. Macron ne sera pas à la fête et ses minions ont suffisamment fait d'études pour le prévoir. A défaut d'exister au sein de l'Europe sérieuse, nous ferons de la politique intérieure.

jeudi 24 décembre 2020

L'Accord de Noël

15:06 GMT - Comme celui du Good Friday entre les factions nord-irlandaises, l'accord anglo-européen du Brexit restera dans l'histoire comme le Xmas Deal. Il ne s'agit rien moins que de maintenir l'économie de la Grande Bretagne (celle d'Ulster y est déjà revenue) dans la zone de libre échange appelée "Espace économique européen" (EEE) en libérant les Communes des institutions normatives continentales. Avec quelques ajustements à la marge, c'est assez précisément la position dont voulait s'assurer Margareth Tchatcher quand elle entreprit son combat contre la Bureaucratie delorienne.

B. Johnson
On sait quels furent les ressorts du Brexit dans l'esprit populaire, choqué par l'envahissement dans tous les compartiments de la société britannique, et nous n'y reviendrons pas. Mais ce qui était impossible il y a encore quinze jours a été dénoué en moins de trois jours comme par miracle. Les correspondants permanents de presse à Bruxelles nous donneront le fin mot de l'histoire, mais d'ores et déjà, la conjonction de planètes (Saturne et Jupiter) appelée "Etoile de Noël" a moins fait pour l'accord que la conjonction de la Chancellerie allemande et de la Commission allemande, la première pressant la seconde de résister aux fédéralistes forcenés pour le bien des affaires de la Deutschland AG. Le perdant, s'il en faut un, c'est Michel Barnier et le team de négociation de trois cents experts qu'il avait réuni pour faire plier les maigres délégations anglaises successives ; quand celles-ci avaient joué la "géopolitique" contre la "logique impériale" ! On oublie que Theresa May avait en son temps abouti et que les Communes ont retoqué l'accord qu'elle avait obtenu au motif d'insuffisances graves... pour finalement avoir bien mieux : le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière.

C'est une petite note pour faire date ce matin, mais on ne peut conclure sans rapporter la réflexion à chaud de Marc Fiorentino :

« Nous avons cru...
Qu’il n’y aurait pas Brexit. Et il y a eu Brexit.
Nous avons cru que le Brexit provoquerait un chaos, il n’y a pas eu de chaos.
Nous avons cru que l’Europe exploserait et que le Brexit provoquerait un effet domino, l’Europe n’a jamais été aussi unie que dans cette négociation et aucun pays n’a envie, pour l’instant, de suivre l’exemple de la Grande Bretagne.»
«Cela n'enlève rien...
Au caractère historique de l’événement.
La Grande Bretagne redevient une île.
La Grande Bretagne n’a jamais été vraiment intégrée à l’Union européenne.
La voilà à nouveau indépendante.
La phase transitoire pourrait être compliquée, mais à terme le calcul de la Grande Bretagne est simple :
Devenir la plaque tournante du commerce international et de la finance internationale.
Un paradis fiscal et réglementaire.
C’est notre scénario.»


Pas mieux ! Mais pour aller plus loin, il faut voir la synthèse en dix-sept pages sous forme de tableaux des accords sur le site SCRIBD - rubrique : Government Analysis of the Deal Document.
Le Royaume-Uni bat l'Union européenne 41 à 24, un score rugbystique !

Noël 2020

Deux mille et vingt ans plus tard, nous entrons dans le souvenir du plus beau conte de Noël que l'humanité n'ait jamais produit, et puisque les Evangiles de la sainte Eglise nous en disent si peu, nous empruntons l'histoire au protévangile de Jacques le mineur, fils de Joseph de Nazareth, qui aurait (??) verbalisé ces merveilles à la manière des contes orientaux, de ceux qu'on écoutait le soir à la lumière de la lampe à huile pour enrichir des rêves imminents. Ce protévangile est une très vieille affaire dont on parlait déjà au deuxième siècle. Le texte retenu ici est tiré de l'ouvrage "Les Evangiles apocryphes traduits et annotés d'après l'édition de JC Thilo par Gustave Brunet" (Franck libraire, Paris 1848), accompagné de ses notes savantes. Il est accessible en ligne si l'on clique ici. Le texte original est celui du manuscrit sur vélin du quatorzième siècle, conservé à la Bibliothèque du Roi à Paris. Il faut le lire avec l'œil émerveillé du bédouin, et sous cette condition, il est très intéressant. On y retrouve toutes ses petites choses de la vie qui humanisent les prémices de la mission du Christ Sauveur et qui sont à l'origine d'une piété de charbonnier sans laquelle les religions meurent de sècheresse comme la main de Salomé. Les premiers évêques ne s'y étaient pas trompés qui usaient de ces évangiles apocryphes dans leurs homélies. Voici les cinq petits chapitres de la Nativité, mais tout le reste est à lire par le lien précité.


icône JMJ


Chapitre XIII


Il arriva, peu de temps après (ndlr: après que Marie ait fait vœu public de chasteté au Temple de Jérusalem), qu'il y eut un édit de César-Auguste enjoignant à chacun de retourner dans sa patrie. Et ce fut le préfet de la Syrie, Cyrinus, qui publia le premier cet édit. Il fut donc nécessaire que Joseph avec Marie se rendît à Bethléem, car ils en étaient originaires ; Marie était de la tribu de Juda et de la maison et de la patrie de David. Et lorsque Joseph et Marie étaient sur le chemin qui mène à Bethléem, Marie dit à Joseph : « Je vois deux peuples devant moi, l'un qui pleure et l'autre qui se livre à la joie.» Et Joseph lui répondit : « Reste assise et tiens-toi sur ta monture et ne profère pas de paroles oiseuses.» Alors un bel enfant, couvert de magnifiques vêtements, apparut devant eux et dit à Joseph : « Pourquoi as-tu traité de paroles oiseuses ce que Marie te disait de ces deux peuples ? Car elle a vu le peuple juif qui pleurait, parce qu'il s'est éloigné de son Dieu, et le peuple des Gentils qui se réjouissait, parce qu'il s'est approché du Seigneur, suivant ce qui a été promis à nos pères, Abraham, Isaac et Jacob. Car le temps est arrivé pour que la bénédiction de la race d'Abraham s'étende à toutes les nations.» Et lorsque l'Ange eut dit cela, il ordonna à Joseph d'arrêter la bête de somme sur laquelle était montée Marie car le temps de l'enfantement était venu. Et il dit à Marie de descendre de sa monture et d'entrer dans une caverne souterraine où la lumière n'avait jamais pénétré et où il n'y avait jamais eu de jour car les ténèbres y avaient constamment demeuré. A l'entrée de Marie, toute la caverne resplendit d'une lumière aussi brillante que si le soleil y était, et c'était la sixième heure du jour ; et tant que Marie resta dans cette caverne, elle fut, la nuit comme le jour et sans interruption, éclairée de cette lumière divine. Et Marie mit au monde un fils que les Anges entourèrent dès sa naissance et qu'ils adorèrent, disant : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !»
Joseph était allé chercher une sage-femme et lorsqu'il revint à la caverne, Marie avait déjà été délivrée de son enfant. Et Joseph dit à Marie : « Je t'ai amené deux sages-femmes, Zélémi et Salomé, qui attendent à l'entrée de la caverne et qui ne peuvent entrer à cause de cette lumière trop vive.» Marie, entendant cela, sourit et Joseph lui dit : « Ne souris pas, mais sois sur tes gardes, de crainte que tu n'aies besoin de quelques remèdes.» Et il donna l'ordre à l'une des sages-femmes d'entrer. Et lorsque Zélémi se fut approchée de Marie, elle lui dit : « Souffre que je touche.» Et lorsque Marie le lui eut permis, la sage-femme s'écria à voix haute : « Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi, je n'avais jamais soupçonné ni entendu chose semblable ; ses mamelles sont pleines de lait et elle a un enfant mâle, quoiqu'elle soit vierge. Nulle souillure n'a existé à la naissance et nulle douleur lors de l'enfantement. Vierge elle a conçu, vierge elle a enfanté, et vierge elle demeure.» L'autre sage-femme nommée Salomé, entendant les paroles de Zélémi, dit : « Ce que j'entends, je ne le croirai point si je ne m'en assure.» Et Salomé, s'approchant de Marie, lui dit : « Permets-moi de te toucher et d'éprouver si Zélémi a dit vrai.» Et Marie lui ayant permis, Salomé la toucha, et aussitôt sa main se dessécha. Et, ressentant une grande douleur, elle se mit à pleurer très amèrement et à crier, et à dire : « Seigneur, Tu sais que je T'ai toujours craint, et que j'ai toujours soigné les pauvres, sans acception de rétribution ; je n'ai rien reçu de la veuve et de l'orphelin, et je n'ai jamais renvoyé loin de moi l'indigent sans le secourir. Et voici que je suis devenue misérable à cause de mon incrédulité, parce que j'ai osé douter de Ta vierge.» Lorsqu'elle parlait ainsi, un jeune homme d'une grande beauté apparut près d'elle et lui dit : « Approche de l'enfant, adore-le, et touche-le de ta main, et il te guérira, car il est le Sauveur du monde et de tous ceux qui espèrent en lui.» Et aussitôt Salomé s'approcha de l'enfant et l'adorant, elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé, et aussitôt sa main fut guérie. Et, sortant dehors, elle se mit à crier et à raconter les merveilles qu'elle avait vues et ce qu'elle avait souffert, et comment elle avait été guérie ; et beaucoup crurent à sa prédication, car les pasteurs des brebis affirmaient qu'au milieu de la nuit ils avaient vu des anges qui chantaient un hymne : « Louez le Dieu du ciel et bénissez-le, parce que le Sauveur de tous est né, le Christ qui rétablira le royaume d'Israël.»
Et une grande étoile brilla sur la caverne depuis le soir jusqu'au matin, et jamais on n'en avait vu de pareille grandeur depuis l'origine du monde. Et les prophètes qui étaient à Jérusalem, disaient que cette étoile indiquait la nativité du Christ qui devait accomplir le salut promis, non seulement à Israël, mais encore à toutes les nations.

Chapitre XIV


Le troisième jour de la naissance du Seigneur, la bienheureuse Marie sortit de la caverne et elle entra dans une étable, et elle mit l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne l'adoraient. Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Le bœuf connaît son maître, et l'âne la crèche de son Seigneur.» Ces deux animaux, l'ayant au milieu d'eux, l'adoraient sans cesse. Alors fut accompli également ce qu'avait dit le prophète Kabame : « Tu seras reconnu au milieu de deux animaux.» Et Joseph et Marie demeurèrent trois jours dans cet endroit avec l'enfant.

Chapitre XV


Le sixième jour, la bienheureuse Marie entra à Bethléem avec Joseph, et après que trente-trois jours soient accomplis, elle apporta l'enfant au Temple du Seigneur, et ils offrirent pour lui une paire de tourtereaux et deux petits de colombes. Et il y avait dans le Temple un homme juste et parfait, nommé Siméon, qui était âgé de cent treize ans. Il avait eu du Seigneur la promesse qu'il ne goûterait pas la mort jusqu'à ce qu'il eût vu le Christ, fils de Dieu, revêtu de chair. Lorsqu'il eut vu l'enfant, il s'écria à haute voix, disant : « Dieu a visité Son peuple, et le Seigneur a accompli Sa promesse.» Et il s'empressa de vivre, et il adora l'enfant, et, le prenant dans son manteau, il l'adora de nouveau, et il baisait la plante de ses pieds, disant : « Seigneur : renvoie maintenant Ton serviteur en paix, suivant Ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur que Tu as préparé dans la présence de tous les peuples, la lumière pour la révélation aux nations, et la gloire de Ton peuple d'Israël.»
Il y avait aussi dans le Temple du Seigneur une femme, nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Asser, qui avait vécu sept ans avec son mari et qui était veuve depuis quatre-vingt quatre années ; et elle ne s'était jamais écartée du Temple de Dieu, s'adonnant sans relâche au jeûne et à l'oraison. Et s'approchant, elle adora l'enfant en disant : « C'est en lui qu'est la rédemption du siècle ».

Chapitre XVI


Deux jours s'étant passés, des mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, apportant de grandes offrandes, et ils interrogeaient avec empressement les Juifs, demandant : « Où est le roi qui nous est né ? car nous avons vu son étoile dans l'Orient et nous sommes venus pour l'adorer.» Cette nouvelle effraya tout le peuple, et Hérode envoya consulter les Scribes, les Pharisiens et les Docteurs pour savoir d'eux où le prophète avait annoncé que le Christ devait naître. Et ils répondirent : « A Bethléem, car il a été écrit : Et toi, Bethléem, terre de Judas, tu n'es pas la moindre dans les principautés des Juifs, car c'est de toi que sortira le chef qui gouvernera Mon peuple d'Israël.» Alors le roi Hérode appela les mages, et s'informa d'eux quand l'étoile leur avait apparu. Et il les envoya à Bethléem, disant : « Allez, et informez-vous avec soin de cet enfant, et, lorsque vous l'aurez trouvé, venez me le dire, afin que j'aille l'adorer.»
Les mages étant en chemin, l'étoile leur apparut, et, comme leur servant de guide, elle les précéda jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'endroit où était l'enfant. Les mages, voyant l'étoile, furent remplis d'une grande joie. Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant Jésus couché dans les bras de Marie. Alors ils ouvrirent leurs trésors, et ils offrirent de riches présents à Marie et à Joseph. Et chacun d'eux présenta à l'enfant des offrandes particulières. L'un offrit de l'or, l'autre de l'encens, et l'autre de la myrrhe. Lorsqu'ils voulurent retourner auprès du roi Hérode, ils furent avertis en songe de ne pas revenir vers lui. Et ils adorèrent l'enfant avec une joie extrême et repartirent dans leur pays par un autre chemin.

Chapitre XVII


Lorsque le roi Hérode vit que les mages l'avaient trompé, son cœur s'enflamma de colère, et il les envoya chercher sur tous les chemins, voulant les prendre et les faire périr. Mais comme il ne put les rencontrer, il dépêcha à Bethléem ses sbires, et fit tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous, suivant le temps dont il s'était informé auprès des mages. Et un jour avant que cela n'arrivât, Joseph fut averti par l'Ange du Seigneur, qui lui dit : « Prends Marie et l'enfant et mets-toi en route à travers le désert qui va en Egypte.» Et Joseph fit ce que l'Ange lui prescrivait.


dessin tente bédouine


Fin de l'extrait de la Nativité. En fait, de la naissance du Christ on ne sait ni le jour ni l'heure, ni les circonstances, mais les Pères de l'Eglise construisirent une chronologie acceptable en pays païen d'évangélisation en faisant coïncider la naissance du Sauveur avec la renaissance du soleil au solstice d'hiver, Sol Invictus, une fête romaine. Le besoin des foules de fidèles d'en savoir toujours plus, ajouta la crèche à la doctrine, l'âne et le bœuf, pour finir par la crèche provençale qui cherche aujourd'hui encore à nous émouvoir. C'est une belle histoire.
Nous prenons ce protévangile comme la tradition affirme qu'il fut transmis aux premiers Chrétiens sans en faire l'exégèse qui en romprait le charme. Un autre texte met en scène la sidération des gens que Joseph croise sur son chemin vers Bethléem :

Trouvant en cet endroit une caverne, il y fit entrer Marie, et il laissa son fils pour la garder ; puis il s'en alla à Bethléem chercher une sage-femme. Et lorsqu'il était en marche, il vit le pôle ou le ciel arrêté, et l'air était obscurci, et les oiseaux s'arrêtaient au milieu de leur vol. Et regardant à terre, il vit une marmite pleine de viande préparée, et des ouvriers qui étaient couchés et dont les mains étaient dans les marmites. Et, au moment de manger, ils ne mangeaient pas, et ceux qui étendaient la main, ne prenaient rien, et ceux qui voulaient porter quelque chose à leur bouche, n'y portaient rien, et tous tenaient leurs regards élevés en haut. Et les brebis étaient dispersées, elles ne marchaient point, mais elles demeuraient immobiles. Et le pasteur, élevant la main pour les frapper de son bâton, sa main restait sans s'abaisser. Et regardant du côté d'un fleuve, il vit des boucs dont la bouche touchait l'eau, mais qui ne buvaient pas, car toutes choses étaient en ce moment détournées de leur cours. Et voici qu'une femme descendant des montagnes lui dit : « Je te demande où tu vas ? » Et Joseph répondit : « Je cherche une sage-femme de la race des Hébreux. »

Ce n'est qu'à l'avènement de la triste raison que les Apocryphes et leurs merveilles furent relégués au rayon des curiosités. La conception du Christ et sa naissance sont un mystère que les quatre évangélistes n'ont pas creusé, à l'exception de Luc qui mit les anges et les bergers dans la corbeille de naissance, et de Matthieu qui choisit, lui, d'y mettre les rois-mages et les saints innocents. Paradoxalement, aucun des quatre ne fit l'impasse sur Jean le Baptiste, fils du prêtre Zacharie et d’Élisabeth une cousine de la Vierge Marie, dont la vie et les proclamations semblent avoir eu pour eux plus de significations que les circonstances détaillées de l'avènement à Bethléem, circonstances qui firent ensuite le bonheur des conteurs.


Nous finirons ce billet de saison par le minuit-chrétien de mon enfance ; paraît-il qu'il est à l'index aujourd'hui parce qu'il commence par "l'homme-dieu" et qu'il efface le péché originel !


Minuit, Chrétiens ! C’est l’heure solennelle,
Où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous
Pour effacer la tache originelle,
Et de son Père arrêter le courroux.
Le monde entier tressaille d’espérance,
À cette nuit qui lui donne un Sauveur.
Peuple à genoux, attends ta délivrance,
Noël, Noël, voici le Rédempteur,
Noël, Noël, voici le Rédempteur.

De notre foi que la lumière ardente
Nous guide tous au berceau de l’enfant,
Comme autrefois une étoile brillante
Y conduisit les chefs de l’Orient.
Le Roi des rois naît dans une humble crèche ;
Puissants du jour, fiers de votre grandeur,
À votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche :
Courbez vos fronts devant le Rédempteur,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur.

Le Rédempteur a brisé toute entrave
La terre est libre et le ciel est ouvert.
Il voit un frère où n’était qu’un esclave :
L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer !
Qui lui dira notre reconnaissance ?
C’est pour nous tous qu’il naît, qu’il souffre et meurt :
Peuple, debout ! Chante ta délivrance,
Noël, Noël, chantons le Rédempteur,
Noël, Noël, chantons le Rédempteur.

Texte : Placide Cappeau ; musique : Adolphe Adam




Joyeux Noël à vous tous !

lundi 21 décembre 2020

April et les impuissants

Miss Provence 2020


Quand la beauté inaccessible déclenche l'ire des impuissants, c'est ce à quoi dut faire face Miss Provence, la première dauphine de Miss France 2021, à l'énoncé de ses origines israélo-serbes. Aixoise de naissance, il a suffi d'un mot pour que s'enflamment les pithécanthropes des réseaux sociaux contre la finaliste "juive". La honte couvre de son noir manteau les soutiens pavloviens de la cause palestinienne à l'occasion d'un concours de beautés, au moment même où le monde arabe l'abandonne.

En reconnaissant l'Etat hébreu, le royaume chérifien, où règne un commandeur des Croyants, acte une lassitude légitime des revendications impossibles des partis palestiniens qui ne semblent pas très concernés de faire combattre leurs soutiens arabes dans une guerre de cent ans !

Pourquoi les factions palestiniennes ont-elles jusqu'ici bloqué toute solution raisonnable de l'antagonisme israélo-palestinien en exigeant le retour d'exil des réfugiés et la ville de Jérusalem pour capitale, quand il est clair que ces conditions ne seront jamais acceptées par leurs vainqueurs ?
Parce qu'elles avaient jusques à l'an dernier le soutien indéfectible et financier des Etats arabes, les organisations ont privilégié la politique du hamac, laissant pisser le mérinos en confiant leur destin à des puissances cousines qu'elles pensaient avoir convaincues de la sacralité de leur cause. Les cousins ont fini par se sentir encombrés et pénalisés jusque dans leur recherche de sécurité.

L'Egypte, la Jordanie, les Emirats, Bahrein, le Soudan et le Maroc ont jugé que cette guerre éternelle méritait d'être perdue pour ôter un point d'infection chiite au Proche Orient, au moment où la République islamique d'Iran cherche par tous les moyens à sauver le régime des mollahs du naufrage économique ; un des meilleurs moyens en dernier ressort étant une guerre ouverte !

L'imbécilité des dirigeants palestiniens augmente la cruauté de la situation sur le peuple palestinien, qui, comme bien des peuples du monde, est réaliste. La Rue palestinienne voit bien que les chimères des politiciens, outre qu'elles les enrichissent considérablement, n'ont aucun avenir à l'échéance d'une vie d'homme. Et sans doute, au fond de leur cœur, sans qu'il en transparaisse rien, certains apprécient maintenant une denrée devenue rare, la promesse d'une amélioration de leur sort si le monde arable se détend. Justice, principes, droits sont autant de desserts pour ventres bien nourris. Quand on prend le temps de les connaître par les reportages ou les livres qu'ils écrivent, on s'aperçoit que les Palestiniens de base aspirent d'abord à des améliorations simples et parfaitement possibles : du travail, un logement, l'école pour les enfants, un système de soins et une économie qui tourne. Les grandes envolées de jadis les indiffèrent, même si la coercition habituelle des sections du parti en convoque beaucoup à protester dans les rues contre les "traitres".

dessin de Chapatte


J'espère avoir l'occasion de parler un jour à ces gens, en France, loin des regards et des oreilles trop attentives, pour juger sans filtre où se situe le centre de gravité de leurs envies. Les aboyeurs de la cause palestinienne n'ont plus aujourd'hui que la solution de former des meutes cybernétiques pour déverser leurs frustrations sur les juifs, depuis que les pays arabes les ont lâchés. April Benayoum qui est une jeune femme splendide et presque juive par son père (c'est la mère qui transmet la judéité chez le peuple élu), nonobstant l'éclatante beauté de la calvadosienne, aurait mérité le diadème. Nous avons eu lors de ce concours un festival d'yeux bleus, ranimant la celtitude et la vikinguerie de notre vieux peuple que les cuistres cathodiques harcèlent de "questions" sans réponses ; la réponse étant toujours dans la question en matière d'intégration ou de diversité. Miss Provence a les yeux verts et ça lui va bien au teint ! J'avais voté Miss Alsace.

mardi 15 décembre 2020

La mise au pas de Hong Kong

La newsletter hebdomadaire d'Axios China est tombée dans les boîtes ce matin. Son principal sujet est la mise en œuvre de la loi chinoise de sécurité nationale sur le territoire de Hong Kong, loi rédigée en termes vagues permettant d'y pendre opposants et factieux. La newsletter en anglais de Bethany Allen-Ebrahimian est accessible par ici, et ci-dessous traduite sous la règle belle infidèle en français, suivie des commentaires d'usage.


Jimmy Lai

Grosse affaire à Hong Kong, le pire scénario se précise. La Loi de Sécurité nationale imposée à Hong Kong par Pékin dérape, en suivant le pire scénario que ses critiques craignaient. A la une des journaux, une vague d'arrestations au titre de cette loi draconienne a culminé la semaine passée avec le déni de mise en liberté provisoire du patron de presse pro-démocratie Jimmy Laï.
Le 11 décembre dernier, M. Laï qui édite le tabloïd Apple Daily réputé pour sa critique ouverte des autorités de Pékin, a été arrêté pour « collusion avec des puissances étrangères » et inculpé d'après les dispositions de cette loi. Une libération sous caution lui a été refusée et les poursuites judiciaires ont été reportées au mois d'avril 2021, le parquet demandant ce délai pour analyser plus de mille messages du compte Twitter de M. Laï - une façon impudente de reconnaître que ce qui est mis en examen c'est la liberté d'expression de M. Lai NDT : dit autrement, on inculpe d'abord et on en cherche les raisons ensuite au filet dérivant).

En fond d'écran, la Loi de Sécurité nationale qui a été imposée à Hong Kong par le législateur chinois à Pékin, subvertit la magistrature jadis indépendante de la cité et impose des peines sévères pour des crimes et délits vaguement définis, y compris la sécession, le terrorisme et la sédition. La manière dont Pékin instrumentalise la loi est claire maintenant. Au-delà de l'effet de glaciation qui provoque une vague d'autocensure, la nouvelle loi a déjà été invoquée pour inculper plus d'une douzaine de personnes, y compris plusieurs militants et commentateurs pro-démocratie. Avec l'imposition de cette loi créatrice d'une atmosphère de peur, les autorités hongkongaises se sont enhardies à sévir contre les protestations et la liberté de parole.

Cette atmosphère délétère a facilité la publication de sentences très dures, même sans invoquer la dite-loi. Les militants pro-démocratie Agnès Chow et Joshua Wong, connu dans le monde entier pour leur rôle de meneurs lors de la révolte des parapluies en 2014, ont été condamnés début décembre pour les manifestations de protestation qu'ils conduisirent en 2019. Mlle Chow a de plus été inculpée au titre de la Loi de Sécurité nationale.

Le chef du gouvernement de Hong Kong, Mme Carrie Lam, a défendu cette loi à plusieurs reprises, affirmant qu'elle ne serait employée que contre les élements radicaux et les ennemis du peuple, pendant que Zhang Xiaoming, un haut dignitaire chinois chargé des affaires de Hong Kong disait que cette loi « punirait un tout petit nombre de criminels qui mettraient gravement en danger la sécurité nationale ». Mais des juristes hongkongais et d'ailleurs avertirent que cette loi pourrait être appliquée plus largement afin de broyer toute organisation de la société civile. Jérôme Cohen, expert en droit chinois, écrivait en juillet dernier que l'impact de la loi sur Hong Kong serait déterminé par la façon dont Pékin entendrait l'y appliquer.

Quid de la suite ? Les militants hongkongais cherchant asile ou un statut de réfugié aux Etats-Unis rencontrent aujourd'hui beaucoup d'obstacles. Il y a un grand intérêt au Congrès et chez l'Administration Trump pour aider les habitants de Hong Kong à trouver refuge aux Etats-Unis. La Sous-commission aux frontières et à l'immigration du Comité judiciaire du Sénat américain va tenir une audition demain 16 décembre, avec pour témoins Nathan Law et quelques autres.

En résumé : L'arrestation de M. Laï révèle les pouvoirs et les intentions originels de la loi - inculper légalement le mouvement pro-democratie pour sédition, et l'écraser en conséquence.
Fin de la newsletter d'Axios sur ce sujet


le marteau du juge brise Hong Kong



Commentaires Royal-Artillerie


Nous sommes nombreux en Europe à avoir anticipé la queue de trajectoire d'une loi répressive communiste dont les dispositions floues permettent d'y faire entrer toute sorte de désobéissance civile, à commencer par la plus légitime, celle de l'ouvrir ! Tous les pays de l'Est ont connu ce type de lois qui habillait d'un manteau judiciaire les pires répressions. Quels que soient les rondeurs, les sourires, les toasts et les menues attentions, les communistes restent sur l'axe de la justification de tous moyens pour atteindre la fin recherchée, la plus évidente était toujours de perpétuer le Parti, sa nomenklatura, ses hiérarchies, les privilèges exorbitants qui s'y attachent. La fronde des Hongkongais - et il n'y a pas que la jeunesse du territoire à s'ébrouer - a commencé dès la restitution et le traité anglo-chinois, et ce, en dépit de toutes les assurances données alors par les officiels chinois. Mais tant de détails ne collaient pas au quotidien qu'un courant d'exode temporaire naquit rapidement, et ceux qui en avait l'envie et les moyens recherchèrent une nationalité et une résidence de secours. Le Piéton a vécu cela de l'intérieur. Avoir son mot à dire en tant que citoyen et donc réformer le Conseil législatif colonial fut le combat politique dominant. Après avoir observé l'évolution de l'opinion et mesuré les effets du principe "un pays, deux systèmes", une crainte de démocratisation sauvage a saisi les caciques de Zhongnanhaï, et plutôt que de négocier habilement en attendant la fin de la période de transition, Xi Jinping a fait, pour le vingtième anniversaire du retour à la Chine, sa grande parade militaire à Hong Kong dans le plus pur style sudaméricain, avant de décréter que la maison était cernée. Un peu d'intelligence ne nuit pas ; mais quand vous avez fait inscrire votre propre jus de crâne dans la constitution du pays, vous êtes moins tenté de penser finement. La transfusion démographique par importation de continentaux pour qui c'est une récompense dont ils sont redevables aux cadres du Parti local, a commencé dès la première année. Et d'abord dans les maternités ! Il suffisait de laisser grandir cette population redevable pour convoquer un jour un référendum de fusion des sytèmes qui annulerait le plus "démocratiquement" du monde le vieux traité colonial. Mais un communiste ne sait pas gérer l'imprévu ni la diversité, et moins encore le désordre. Aussi le Central, outre sa loi, a-t-il nommé comme proconsul continental à Hong Kong, Luo Huining, le chef du Parti du Shanxi dont la réputation de répression n'est plus à faire - celui-ci s'étant particulièrement fait remarquer dans la répression des chrétiens de la province après s'être fait la main sur les Tibétains. Quand on sait ce dont a besoin le Shanxi, on voit le niveau du Gauleiter !

La répression multiforme actuelle dépasse déjà le mouvement politique puisque sont mis en œuvre les moyens de contrôle des passeports BNO (British National Overseas) et des transferts bancaires à l'étranger émis par les Hongkongais de souche. Un sentiment de nasse commence à prévaloir chez tous ceux qui rêvent de partir et cela n'augure rien de bon pour la suite. Pour l'instant la population expatriée n'est pas visée mais chaque étranger travaillant à Hong Kong est informé des captures sauvages d'expatriés en Chine populaire à tout motif et représailles. Peu à peu on sent la mise sur le qui-vive de cette population très sensible à la sécurité des personnes et des fonds. La place financière de Hong Kong, jusqu'à hier troisième place mondiale quand même, n'a de richesse que d'hommes. L'Etat-cité de Singapour aimerait bien leur parler.

dimanche 13 décembre 2020

La maison de thé

affiche de cinéma
Il y a dix-sept ans aujourd'hui disparaissait à 89 ans Tian Xie qui réalisa, entre autres, La Maison de Thé (1982 茶馆), un film d'atmosphère respectant l'unité de lieu, adaptation à l'écran de la fameuse pièce de Lao She créée en 1957. Même s'il est bien sûr enrichissant de suivre le texte finement ciselé, il n'est presque pas besoin de comprendre le mandarin pour apprécier l'image pointilliste d'un des moments les plus vrais de la Chine ancienne au crépuscule de l'empire des Grands Tsings, tant le jeu des acteurs est "parlant" et précis, surtout au premier acte que nous proposons ci-dessous.
Synopsis d'AlloCiné : Pekin 1898, à la veille de l'écroulement de la dynastie Tsing. Wang Lifa est propriétaire d'une maison de thé et s'occupe d'une foule bigarrée. On y trouve Chang Siye, le redresseur de torts, Qin Zhongyi qui reve de sauver la Chine par l'industrialisation, Pang, l'eunuque en quête d'une concubine, Liu le cinglé. La politique, les conflits entre seigneurs de la guerre, la résistance aux Japonais vont souffler comme une tornade sur le cher établissement de Wang Lifa.
La pièce a été traduite en français et se trouve dans le commerce. Quant à la maison de thé, Lao She a donné son nom à un établissement très touristique ouvert en 1988, pas loin de la place Tian An Men, que recommandent les guides.



CHA GUAN

mercredi 9 décembre 2020

Louis de Bourbon entre dos aguas

Frédéric de Natal, pigiste cybernétique, commet sur son blogue une charge contre Louis-Alphonse de Bourbon à la manière de Philippe Delorme, sarcasmes à la fête ! Tant que le lire est gratuit, c'est son droit, approximations comprises, et c'est par ici !

Si vous venez de lire cet article, la porteuse du signal est le détournement des fonds et intérêts du prétendant légitimiste, de la cause française vers la bataille espagnole. Celle des Franco et celle, plus politique, du parti Vox. Si vous êtes pressés, tout est dit : ici la cause, d'un cimetière l'autre ; là-bas la bataille !

Louis de Bourbon


Pourquoi Louis-Alphonse de Bourbon s'est-il investi autant en Espagne depuis les lois et projets scélérats du tandem Sanchez-Iglesias ? Sans doute parce que sa famille maternelle a été mise en danger par la "revanche" annoncée des perdants de la guerre civile espagnole de 1936-39, classe martyrisée, qui sont parvenus aux affaires maintenant. Peut-être aussi que le silence assourdissant de la Casa Real au moment de la remise en cause des accords de la transition démocratique et du pacte de neutralité qu'elle induisait, l'a décidé à l'ouvrir. D'autres ont suivi, comme cette dame sur le parvis de la basilique des Los Caïdos lui criant le 16 juillet 2018 : « Eres nuestro rey !» (ndlr: ce ne sont pas "des nostalgiques du franquisme et autre monarchistes désabusés, carlistes de passage" mais une dame seule dont l'image m'est restée).

Elevé surtout par sa grand-mère Carmen Franco à Madrid - sa mère, un tourbillon - il lui fut enseigné les bons travers de la geste franquiste plus souvent que les souffrances des républicains de l'époque. Il en conçut une certaine admiration du Caudillo, non pas tant celui de la guerre que celui de la reconstruction de l'Espagne, ses ponts, ses routes, barrages et canaux, son agriculture, son industrie, le développement économique de la côte et l'émergence d'une classe moyenne affairée qui va avec. Ce sont des faits ; il s'en tient là. Au plus devrait-on lui reprocher un manque de curiosité. Mais s'il s'est rapproché du parti Vox, ce n'est pas pour une communion de sensibilité à l'endroit de l'œuvre franquiste. C'est que ce parti revendique les valeurs traditionnelles portées par le franquisme, certes, sans être un parti franquiste. Quel est-donc ce parti ?

Vox est tout simplement un parti traditionnel de droite comme en avaient tous les pays européens il y a quarante ans. Si on l'examine de plus près on devine qu'il n'est extrême en rien, même si ceux qui veulent noyer le chien disent qu'il a la rage ! Déjà c'est une dérivation du Parti Populaire intervenue quand le vieux parti conservateur a glissé au centre pour continuer à extraire des voix, et dans le projet de rapprochement avec les institutions européennes qui prisent les valeurs décadentes comme elixir de paix sociale.
Respect de la vie et protection de la cellule familiale, libéralisme économique assumé et flat tax, justice universelle déconnectée des codes communautaristes, modération des dépenses sociales et du clientélisme, unité du royaume réinventé par le "régent", renforcement du domaine régalien (le bien-nommé), immigration choisie, haine du marxisme-léninisme ; et sioniste par moment. Vox couvre un champ socio-politique plus large que les partis d'extrême-droite auxquels les éditocrates de gauche veulent l'assimiler.
Louis-Alphonse de Bourbon, n'y voit rien à jeter ! Et pour la première fois depuis qu'il a été poussé sur la scène historico-politique par les partisans de feu son père, il trouve en bas de chez lui un mouvement en activité, disposant d'élus au congrès et en régions, en capacité de peser sur des orientations qu'il approuve, que demander de plus ? S'y agrège le confort ambiant d'une classe d'âge dans laquelle il entre de plein pied, et dans sa langue maternelle !

Bien sûr, il peut déclarer à l'occasion qu'il reste prêt à répondre aux Français qui lui offriront la couronne, sachant bien que ce n'est pas demain la veille - ce que sa propre mère lui serine depuis la disparition du prince Alphonse. Le choix n'en est donc pas un : d'un côté, le nôtre, un club de chevalerie impécunieuse, dont les capitaines entreprirent jadis de le "dresser" au métier d'éternel prétendant ; de l'autre, la jeunesse et l'action ! Il a 46 ans, une famille adorable, un vrai métier, des titres, des sous, du sang royal...... à quel emploi ?




- Entre Dos Aguas (Paco de Lucia (1947-2014) -

jeudi 3 décembre 2020

Valéry Giscard d'Estaing †

Ce titre dans "ce" blogue nous signale qu'il est mort. Sa vie fut, malgré ce qu'on va dire aujourd'hui, une légende faite d'intelligence aiguë comme disait Antoine Pinay, d'une autorité indiscutable et de grande vanité tout à la fois. Les gazettes lui ont reproché mille choses parce que son comportement distant mélangé à ses postures populistes attiraient naturellement l'antipathie du quatrième pouvoir. Et ce, sans parler de la particule que son père avait conquise de haute lutte au Conseil d'Etat où lui-même siégeait !
A ceux qui lui dénient encore d'avoir relevé un nom disparu par le biais d'une lointaine parentelle, je propose de consulter les almanachs nobiliaires pour mesurer l'ampleur de cette pratique, sans parler des particules de fantaisie qui font la dernière page du Journal officiel de la République française, et m'ont fait rire chaque matin pendant douze ans. Cette vanité a permis de restaurer le château d'Estaing et d'embellir ce village rouergat, cela me suffit à lui accorder pour l'avenir les pleines armes qu'il dessina pour un de ses petit-fils :



La presse va faire le bilan de sa présidence. Pour ce qui me concerne, je n'apporterais qu'une réflexion personnelle sur cette époque : malgré les évènements de 1968 qui avaient révélé la précarité sociale des classes laborieuses, Pompidou, président, avait déclaré que la modernisation du pays laisserait de côté les inadaptés aux emplois du futur. Ce fut sans doute la grosse erreur de son mandat car elle instilla la crainte de l'insécurité chez toutes les familles ouvrières et cette inquiétude diffuse devint le meilleur terreau des revendications démagogiques de Gauche, qui allaient être verbalisées dans le Programme commun de gouvernement, archaïque certes mais facile à comprendre. Giscard d'Estaing parvenu aux affaires en 1974 s'attela aux réformes sociétales dans le but déclaré de vider le Programme commun de sa substance, sauf que la chose en fut confiée aux comptables de son ancien ministère. Ils lissèrent si bien les courbes que les avancées en devinrent imperceptibles, avancées que les chocs pétroliers anéantirent. Le ministre Barre qui succéda au pétéradant Chirac, devint le héraut des sacrifices demandés au Labeur en contrepartie de nouvelles libertés pour les gens de biens (ceux qui avaient du bien). Les éléments précurseurs de la bombe de 1981 étaient réunis. Elle péta, parce que Giscard d'Estaing n'avait pas fait la révolution sociale que les évènements de 1968 exigeaient mais que les gaullistes de gauche avaient déjà indentifiée. On n'imagine peu aujourd'hui le retard que ce pays avait pris sur tous ses voisins dans les années 60 pour toutes choses de la vie courante, y compris un contrôle des changes tatillon alors que le budget de l'Etat était en équilibre. Sauf que la confiance n'y était pas, à tel point que le fameux "emprunt Giscard" gagé sur l'or de la Banque de France aurait été impraticable autrement.

Valérie Giscard d'Estaing fut un président représentant parfaitement l'élite française de l'époque dans ses qualités et ses travers. Il ne voyait la grandeur de la France qu'à travers celle de la Communauté européenne qu'elle dirigerait. Il fut le père du traité constitutionnel rejeté en 2005, qui, s'il avait gagné le référendum, lui aurait ouvert le chemin de la présidence d'une Europe nouvelle, fédérée sur une trajectoire de puissance. Paix à son âme.

mercredi 2 décembre 2020

Coronaviral ! Mon cousin.

Vous avez dit "coronaviral" ? Quand M. Pozzo di Borgo tweeta hier que les Français revenant des stations de ski étrangères seraient mis au lazaret, j'ai répondu aussitôt que c'était un gag de la twittosphère comme on en voit tant. Jusqu'à ce que ce midi dans ma lucarne bleue, je vois M. Castex de Prades chez M. Bourdin du Vigan affirmer sans rire que la police de l'air, des frontières et la gendarmerie alpine allait chopper les évadés du confinement pour une mise en quarantaine de sept jours ! Après avoir bu un verre d'eau, je me suis dit que la sonnerie s'entendait de loin, c'est même à ça qu'on la reconnaît. Dans la même fenêtre de propagande, j'entendis le présentateur nous affirmer que M. Macron allait demander à nos voisins de fermer leurs stations de ski pour le solstice d'hiver au seul motif que les stations françaises ne seront pas praticables autrement qu'à raquettes, et qu'il est inadmissible au nom de la concurrence non faussée qu'ils promeuvent leurs pistes de ski. Sans limites, vous dis-je, même géographiques !

M. Jean Castex


Nous avons eu l'attestation obligatoire dérogatoire de confinement pour sortir le Youki dans le cas où la BAC en maraude ne verrait pas la laisse et le fauve attaché ; l'interdiction d'accès aux rayons non essentiels du supermarché pour ne pas désespérer le petit commerce parfaitement non essentiel ; la "jauge" des trente orants de cathédrale obligeant les curés à de multiples fournées ; voici qu'aujourd'hui on va patrouiller cols et chemins creux comme de vulgaires patriotes de la Génération Identitaire ! Skis aux pieds, à l'épaule, sans skis ? Le pandore des neiges n'a pas fini de demander des instructions à la base sur le talkie-walkie. Duel à mort entre Kafka et Ubu ! Cela me fait penser aux films en noir et blanc où la colonne de fuyards juifs est repérée dans le blizzard par la section de Gebirgsjägers autrichiens à cinq cent mètres de la Suisse. Tirera, tirera pas ? Ma question de contribuable : M. Castex va-t-il débloquer des crédits exceptionnels d'essence pour les hélicoptères ?

La tentation est grande dans ce billet d'asséner quelques vérités bien que d'autres plus talentueux s'en chargent déjà. M. Castex n'est pas issu de la génération spontanée, mais du lent mûrissement politique de la Classe aux affaires qui s'acharne à produire du second choix, un peu comme dans le secteur automobile. Et pourtant, tout le prédisposait sur le papier aux plus hautes fonctions : Gersois de souche depuis le temps des Wisigoths, maire en pays catalan bien qu'énarque (mais promotion "Victor-Hugo"), administrateur minutieux et éprouvé dégageant une certaine autorité, on s'étonne que Matignon l'ait si vite transformé en Fernandel de Brescello, ses apparitions les plus pénétrées déclenchant immanquablement les rires ! La faute sans doute aux coaches de communication du Château qui ont voulu faire du paysan madré, à la Chirac un peu, un bourgeois gentilhomme. Il n'en rate pas une, à moins que ce ne soit un rôle convenu avec la professeure de théâtre qui gouverne l'Elysée !
Il restera dans les Annales de l'an 2020, (Quand la France s'effondra), les stations de ski françaises ouvertes pour leur bon air, sans bars, sans restaurants ni remontées mécaniques pour des raisons que la raison ne connaît pas.
Mais l'année n'est pas terminée ! Attachez vos ceintures !

lundi 30 novembre 2020

Frexit & Chimères

S'ouvre aujourd'hui le calendrier de l'avent, l'avant-Brexit. Dans un mois, nous saurons si l'impossible n'est vraiment pas anglais ! Ce billet a été annoncé dans l'article du 22 novembre 2020 titré L'Heure de l'empire sous l'hypothèse d'une fédéralisation européenne forcée par les Etats-Unis pour permettre leur désengagement du vieux monde. Nous jugeons le Frexit impossible à réaliser tant que la communauté économique et financière sera debout, et nous invitons le distingué lectorat de Royal-Artillerie à comprendre nos objections. Mais revenons d'abord sur la tentation du retrait américain par une prochaine administration.


chimeres en gargouilles de Paris


Pourquoi partiraient-ils ?


Essentiellement pour suivre la dérive des pôles stratégiques qui situe le centre de gravité du monde dans le Pacifique Nord et bien moins désormais dans l'Atlantique Nord. C'est Barack Obama qui a initié le mouvement. A cela s'ajoute la frustration de voir les puissances européennes dégager des ressources budgétaires du domaine de leur défense au bénéfice de régimes sociaux jugés outre-atlantique exorbitants. Le Pentagone s'irrite à l'idée de payer les pensions de retraite européennes en couvrant le manque à cotiser de pays ingrats, même si les Etats-Unis se rattrapent en vendant beaucoup d'armement en Europe. Il n'en demeure pas moins que tant la démographie que le PIB de l'Union la placent dans le triumvirat économique mondial et que plus rien ne justifie le maternage militaire américain.

Ce qui freine le repli américain est la crainte du chaos stratégique. Comme le suggère l'article précité, des lignes de fracture existent dans l'Union européenne qui ne demandent qu'à s'élargir au fur et à mesure des défis que lui oppose le reste du monde. Jusqu'ici l'intégration des armées dans l'OTAN et les manœuvres fréquentes en coalition sous un état-major unique ont forcé la coopération pour finalement construire un outil de représailles crédible ; mais disons-le carrément, chaque pays majeur de cette Union a sa propre stratégie de puissance qui ne demande qu'à s'exprimer. Rapidement :

Le Royaume-Uni sur le départ a bien vu la dérive des pôles et s'estime en capacité d'en profiter au sein du Commonwealth. Il est associé-captif des Etats-Unis pour sa dissuasion nucléaire et doit donc composer.

L'Allemagne donne des gages de bonne volonté au sein de l'Europe pour sans doute masquer sa propension à dominer tout son hinterland oriental qui lui sert de sous-traitance industrielle et de marchés d'appoint. Elle ouvre le plus grand possible l'immense marché russe à ses productions badgées "Germany". Elle voit sa défense stratégique mieux garantie par le croisement d'intérêts commerciaux mais cette vision pacifique achoppe sur les limites de sa crédibilité militaire réduite à la portion congrue. Elle a besoin de revamper ses forces armées pour ne pas se faire humilier par le Sultan-Calife et tenir son rang en Mer baltique. Donc elle réarme pour faire sérieux.

L'Italie a depuis longtemps compris qu'elle était seule en Méditerranée malgré les encouragements français, et craint surtout de lever contre elle toute coalition de circonstance dans ses eaux. A la charnière des deux bassins maritimes qu'elle surveille, elle coopère avec toutes les nations méditerranéennes selon ses moyens, y trouvant des apaisements que la force ne lui procurera pas, même si elle a construit une marine de guerre performante.

La France est le mouton noir de l'Alliance atlantique. Elle refuse d'accepter son déclassement historique, s'arc-boutant sur des positions fragiles comme le siège permanent au Conseil de Sécurité, les bases militaires et navales disséminées en Afrique, les possessions ultramarines qui l'impliquent dans la stratégie des grands mais lui coûtent un bras. Elle s'est mise en tête de construire sous son égide une défense européenne indépendante (ou autonome) sans parvenir à comprendre les réticences de tous ses partenaires à ce projet.

Les autres pays ouverts sont concernés par la défense de leur propre territoire avec des bonheurs divers selon les mitoyennetés géopolitiques. Quant aux pays enclavés, ils ont la chance d'avoir un théâtre d'opérations parfaitement défini pour lequel ils déploient des moyens adaptés au plus juste, comptant sur le renfort atlantique au besoin. Finalement c'est simple !

Probabilité d'un retrait


Joe Biden arrive à la Maison Blanche - enfin presque ! - avec le vieux slogan de l'Amérique guidant les peuples vers la démocratie qui brille des mille feux de la liberté... Il promet de ne pas malmener ses alliés mais ils doivent s'attendre en contrepartie à être convoqués au rétablissement de l'imperium occidental sous la férule américaine. Face aux empires revenus et quelques autres gros morceaux comme l'Inde, l'affaire n'ira pas de soi. Quel stratagème les "services" trouveront-ils pour forcer le passage des peuples opprimés vers l'utopie démocratique ? J'ai l'impression d'avoir vu le film.
Dans la deuxième partie, la vieille Europe traîne les pieds puis refuse de s'impliquer comme certains en 2003 dans l'affaire d'Irak*, et la nouvelle Europe se rallie au Pentagone (comme en 2003) pour conserver son parapluie nucléaire. Devrait s'enclencher alors la désintégration du NATO (bras militaire de l'Alliance ainsi appelé par commodité) en Europe occidentale, et dans l'impossibilité stratégique pour les Etats-Unis de maintenir un dispositif militaire sur la seule Europe orientale, la décision de fonder les Etats-Unis d'Europe pour éviter le chaos devrait leur permettre de sortir du théâtre d'opérations dans de bonnes conditions. Au même moment serait promulgué le TAFTA, si ce n'est déjà fait sous pressions allemandes. Sans même parler des déficits de contribution européenne au budget de l'Alliance dénoncés depuis trente ans, la tentation sera forte au Pentagone et au Sénat de laisser la riche Europe se défendre par elle-même en Eurasie. Nous ne parlerons pas de la chimère alternative d'une défense européenne sous parapluie français qui fut traitée maintes fois sur ce blogue. Une Fédération sera alors mise en œuvre avec les incitations qui vont bien. Les pays illibéraux clients des Etats-Unis y seront contraints pour leur sécurité, la collaboration en confiance avec les Russes étant ruinée pour deux générations.

Outre la France (et le Canada), des pays qui comptent dans l'Alliance atlantique ont refusé l'aventure mésopotamienne : la Belgique, siège des commandements NATO, l'Allemagne, base-arrière logistique NATO, la Norvège, flanc-garde arctique NATO, la Grèce et pour mémoire la Turquie.


Tentation du Frexit


Comme la France, légataire universel du gaullisme boudeur, refusera de devenir un vingt-septième inter-pares de l'empire napoléonien et que ses amis refuseront net toute prééminence française dans la Fédération à quelque motif que ce soit, la tentation de sortir du jeu sera forte, au moins pour coller aux manifestations de colère publique, si la rue gouverne toujours ce pays.

Contrairement à un idée répandue au sein des droites dures, il n'est pas sûr que les populations poussent à un retrait de l'Union européenne. Les Français, abrutis de socialisme, ont perdu le goût du risque même si beaucoup mais minoritaires restent vaillants à soutenir le pays. Mais, comme on l'a vu chez les GIPSI en 2008, le retour à une monnaie nationale gagée sur la banqueroute sociale aura peu de supporters, à part les assistés à franc constant ! Le second problème perçu par les gens viendra du spectacle désolant de l'état de notre société providence. Comme le disait ce tantôt Christian Saint-Etienne dans L'Opinion à l'occasion de la sortie de la pandémie du coronavirus chinois : « Le décrochage de l’économie française sera le double de l’allemand en 2020, comme le nombre de morts par million d’habitants. L’Etat français est obèse, inefficace, incapable d’anticiper et la dérive des finances publiques obère l’avenir ». Qui fera confiance à cet Etat technocratique perpétuellement en déficits pour conduire un Frexit ? Et de quoi parle-t-on déjà ?

Le Frexit pour les nuls ou pour les Anglais


Le Brexit, qui est loin d'être achevé à l'heure où nous mettons sous presse, conjugue, au milieu de cent faiblesses, quatre avantages à son succès éventuel que la France n'a pas :

- Une monnaie de réserve internationale, 100% convertible, la livre sterling ;
- L'insularité de ses territoires (à l'exception de l'Ulster et de Gibraltar);
- Une place financière internationale dont l'ingénierie est la première au monde ;
- Un faisceau mondial d'influences réciproques avec ses dominions et l'ancien Raj indien, facilement tranformable en zone de libre-échange, le Commonwealth.
- Ajoutons-y l'orgueil inné de la race britannique.
En dépit de celà, le gouvernement de Boris Johnson n'arrive pas à s'extraire de l'imbrication économique malgré de nombreuses dérogations arrachées de haute lutte lors des traités d'entraves, les Opt-Out.

La France est tout à l'opposé.
- Elle n'a pas de monnaie alternative crédible (même Marine Le Pen s'en est rendu compte, c'est dire).
- Sa géographie la place au cœur des flux logistiques européens qui ne peuvent l'éviter qu'en traversant les montueuses républiques alpines. Elle bloque la péninsule ibérique jusqu'au Maroc (prochain candidat au Marché commun).
- La place financière de Paris, si elle monte en technicité, ne sera jamais une place de premier plan, enchâssée qu'elle est dans une République socialiste, ennemie du succès et des profits (la Bentley du Garde des Sceaux élévé par une veuve femme de ménage fait jaser les jaloux !).
- Son domaine ultramarin ne lui est d'aucun secours puisqu'elle le porte à bout de bras et que les ZEE immenses n'ont de valeur qu'exploitées. Nous ne les exploitons pas faute d'investisseurs, à peine si nous avons les moyens de les défendre dans le domaine de la pêche industrielle. Et pour la citer, la Francophonie reste cantonnée à la culture et aux valeurs humanistes ; elle n'est pas tranformable en zone de libre-échange ayant du sens.

Tout comme chez les Anglais, la libération des chaînes européennes achoppe devant l'imbrication économique bien plus nouée chez nous puisque nous sommes un pays-fondateur de la CEE au cenntre du jeu. Le marché des produits français est d'abord le marché européen, bien avant la grande exportation pour des produits de niche comme le luxe, la nourriture chère, l'armement. L'aéronautique est une coopération industrielle franco-allemande hors-sujet. Défaire les mille liens européens en France relève des travaux d'Hercule et nous n'avons aucun Hercule au bataillon. Personne en France, à notre connaissance, ne s'est sérieusement attelé à l'étude des travaux nécessités par le Frexit en chassant le diable dans tous ses détails, à part Michel Barnier. N'ayant aucunement la prétention de lire dans les feuilles de thé (quoique!), nous attendrons donc le 2 janvier 2021 pour amender le constat d'impossibilité à la lumière de la séparation effective du Royaume-Uni de l'Union européenne.

armement d'un Rafale
50% des Rafale sont cloués au sol pour entretien ou réparations (source Cornut-Gentille)


Conclusion


Les Anglais y parviendraient-ils à la fin, en acceptant d'en payer le prix, que nous ne saurions transposer l'exploit en France de par les contraintes géopolitiques et économiques qu'un Etat aux abois ne pourra desserrer. Quarante ans de clientélisme démocratique ont rendu le peuple réfractaire à juste raison à tout sacrifice consenti au bénéfice de toujours les mêmes. La politique sociale poursuivie en dépit de l'insuffisance de ressources nous a conduits à la banqueroute, et le régime de combines parlementaires jette les bourgeois vainqueurs d'un jour sur les biens et avantages des bourgeois vaincus, à charge de revanche, le peuple faisant l'écart de points ! Le régime dévore la nation qui lui est distincte.

Nous ne sortirons pas de la nouvelle union européenne, fédérative, confédérée, que sais-je, parce que nous en sommes incapables quelle que soit l'intensité des vociférations souverainistes ! Ce pays, envahi de problèmes et de dettes, n'a plus de ressort et encore moins un Projet national comme en ont connu nos ancêtres. A chaque étape compétitive, à chaque défi mondial, nous reculons d'une case parce que nous avons tout remis dans les mains d'un Etat qui ne mérite pas notre confiance. L'affaire de notre indépendance est pliée, sauf si !

Sauf si... l'Union européenne se désagrège avant même que nous choisissions d'en sortir. Le retrait américain, envisagé dans cet article, porte en lui les germes explosifs d'une rupture Est-Ouest sur le continent ; mais au milieu des ruines, la France telle qu'elle est gouvernée aujourd'hui sera un bouchon dansant sur la houle des circonstances parce qu'elle n'a aucun Projet en propre. Toute la prospective française s'applique au projet européen, nous n'avons aucun projet de renaissance française promu par un organisateur du temps long porté par la nation. Nous ne cessons depuis vingt ans de convoquer l'Europe à palier nos carences, et ce dans tous les domaines, jusque dans la culture de la betterave ! Pour susciter un changement de paradigme et se défaire des embarras d'un régime politique suranné, perverti par une bourgeoisie d'Etat qui en a fait sa chose à travers la haute fonction publique, il faut se séparer de la technostructure que Charles Maurras appelait "les Bureaux". On se doute bien que drappée dans sa "légitimité indiscutable", elle lèvera tous les remparts prévus pour sa perpétuation.

En fait nous ne resterons la France que par un mouvement qui ressemblera à une révolution, et pas seulement sous les préaux ! Nous ne resterons la France que si nous nous chaussons à la pointure de nos pieds et cessons de nous épuiser à régenter les mœurs sociales et culturelles du monde entier ! Courir avec des galoches en 45 quand on fait du 42 est impossible sauf à finir le dernier. Nous ne resterons la France que si nous concentrons nos atouts (on peut les citer en note) dans un périmètre contrôlé et si nous nous renforçons dans tous les domaines essentiels et coupons le bois mort, l'Etat-providence ouvert aux quatre vents dut-il en mourir ! Nous ne resterons la France que si nous sommes capables de coopérer loyalement avec nos voisins immédiats que la géographie et les quarante rois nous ont donnés.
La République jacobine à la française, avec son "pacte" venu d'on ne sait où, sa laïcité dévoyée dans l'injure, son "contrat social" que personne n'a signé, son impécuniosité chronique, ses valeurs mortifères et son arrogance notoire, c'est du lest pour un nouveau départ en dehors d'une Europe institutionnalisée. La reconstruction d'une monarchie fédérative, sociale et décentralisée semble inévitable pour affronter les défis du monde nouveau ; libre à elle de coopérer, d'optimiser ses dépendances, de vivre avec les autres sans contraintes déraisonnables, pour le bien de tous.

Au roi, et vite !




Postscriptum

Les atouts français sont réels malgré l'état de calamités de la gestion publique :

- le territoire exceptionnel d'abord qui fait de ce pays le plus beau du monde ;
- la richesse de ses terres arables et la diversité des terroirs producteurs ;
- un savoir-faire dans tous les domaines qui ne demande qu'à se libérer ;
- une jeunesse inventive et volontaire que l'avachissement moral de la classe politique n'a pas complètement pourrie ;
- des fleurons industriels reconnus ;
- des filières de confiance dont les étrangers sont friands ;
- une armée professionnelle responsive ;
- une histoire riche et lisible par tout le pays ;
- une culture, une littérature, une langue à nulle autre pareille qui a remplacé le grec ancien dans sa construction mentale.
- ......notez les vôtres...

dimanche 29 novembre 2020

Hong Kong d'hier !

Voici ce que Hong Kong va perdre avec la normalisation décrétée par les bœufs stupides du parti communiste chinois : le pouvoir d'aimantation de la vieille colonie anglaise qui a produit Corinna Chamberlain et tant d'autres !





Le communisme est une déjection !

mardi 24 novembre 2020

Le Prince que j'ai servi (Baron Pinoteau)

† M. le baron Hervé Pinoteau (1927-2020)



Note liminaire

Hervé Pinoteau, baron et chancelier du chef de la Maison de Bourbon est mort.
Royal-Artillerie présente ses condoléances les plus sincères à sa famille et à ses proches.
A quatre-vingt-treize ans il laisse derrière lui une œuvre riche au profit du renouveau légitimiste français. Il fut pendant vingt-six ans le secrétaire du prince Alphonse de Bourbon, duc de Cadix (1936-1989). Sa notice Wikipedia en vaut une autre et a le mérite d'être presque complète. Le défunt avait laissé un texte particulièrement émouvant sur le prince Alphonse à l'occasion de ses obsèques à Madrid. Le site du Clan des Vénitiens en a publié une version très bien illustrée dont je recommande la lecture en cliquant ici.
Par suite de la disparition des archives des sites Vexilla Regis et Vivat-Rex, il devient difficile d'excaver un texte fondateur sur l'engagement du baron Pinoteau auprès des princes d'Espagne, mais le cache de la Wikiwix monte encore le document en ligne, amputé de son titre et de l'entame par un pop-up d'ordre administratif. Une reprise devient possible par une lecture de la revue trimestrielle Fidelis (apparemment interrompue depuis) proposée par un abonné à Twitter qui se reconnaîtra et que je remercie. Avant qu'une manipulation quelconque ne l'enfouisse à nouveau, Royal-Artillerie le propose tel quel à son lectorat, à la seule fin de pouvoir l'imprimer. Ce texte est donc sans illustrations, ni commentaires mais les intertitres sont de l'auteur. Nous pouvons le fournir en version html à qui le demandera par le formulaire de contact ou de commentaires en laissant son adresse email.


2 fleurs de lys


Le prince que j'ai servi



Ce n'est pas de gaîté de cœur que j'ai accepté d'écrire cet article sur mon feu maître, car l'évocation de sa personne ne fait que raviver une peine bien compréhensible. Je l'avoue, je n'ai toujours pas accepté la disparition d'un Prince servi durant tant d'années. Il n'est pas donné à tous la résignation (dans la méditation d'Isaïe 55, 8) ou la sérénité devant le saccage de nos espoirs et de notre action par une Providence qui semble se rire de nos efforts. On aura donc compris que résignation et sérénité ne font point partie de ma tournure d'esprit : il me faudra faire quelques progrès et c'est d'ailleurs le lot de tout un chacun, mais je le reconnais pour ma modeste personne, qui est celle d'un militant et d'un secrétaire.

Etre légitimiste

A la sortie de la deuxième guerre mondiale qui vit l'État français proche d'une disparition sans gloire (qu'on se souvienne de l'été quarante !), je me suis dit qu'il fallait chercher une solution politique en dehors des si peu brillantes Républiques. Il fallait un roi et je suis ainsi parti en quête du représentant de la vérité dynastique, quête anxieuse qui m'a vu être cofondateur d'un cercle d'A.F. rue Saint-Guillaume et vendre Aspects de la France, ce dont je ne rougis pas. Les arbres généalogiques vus un peu partout déformaient mon jugement, mais la lecture d'un livre de Raoul de Warren, ainsi que les précisions apportées par Michel Josseaume, en vinrent à me convaincre qu'il fallait être légitimiste, donc militer en faveur d'un infant sourd-muet qui résidait en France et dont les garçons, issus d'un mariage religieux, résidaient on ne savait trop où... Je fis le saut en 1954 lorsque je rédigeais le tome premier de l'Héraldique capétienne en écrivant qui succéda au comte de Chambord dans le chapitre consacré aux rois de France. Je m'étais d'ailleurs rendu le 21 janvier de cette année-là dans la crypte de Saint-Augustin où l'infant duc d'Anjou et de Ségovie présidait une messe à l'assistance plutôt maigre.

En 1955, je publiais le tome 2 de l'Héraldique capétienne et je lus dans le Figaro du 12 septembre que les deux fils de «don Jaime» se trouvaient à l'hôpital cantonal de Lausanne à la suite d'un accident de voiture. C'est alors que je me dis que l'aîné, le plus touché, devait s'ennuyer ferme, dans son lit et qu'il fallait lui fournir de la lecture ! Je lui ai expédié mes livres et articles, il me remercia fort aimablement et j'eus la possibilité de faire sa connaissance chez son père dans le jardin de la villa Ségovia de Rueil Malmaison, lorsqu'il vint le 8 mai 1956 pour accompagner celui-ci à Saint Denis, afin d'assister à la remise d'un nouveau reliquaire de Saint Louis. L'entourage de «don Jaime» était fort réduit : je ne me souviens que de Mlle Marie Tassin de Tassin qui publiait des poèmes confidentiels sur Alphonse XIII, du baron Louis de Condé, président du Mémorial de France à Saint-Denis, homme d'importance pour la cérémonie du soir, ainsi que du comte Édouard de Roquefeuil, représentant du Prince et d'un petit journaliste espagnol qui fut largement catastrophique, Ramón (de) Alderete... Jousseaume et quelques jeunes étaient présents, de même que Mme Charlotte, la femme civile... Par la suite je rencontrais fort rarement le prince Alphonse qui faisait ses études à l'étranger, mais lui écrivais souvent. La fondation de l'Association générale des légitimistes de France en janvier 1957 se fit en présence de MM. de Roquefeuil et d'Alderete respectivement représentant et secrétaire particulier de l'infant duc. Mlle de Tassin fut élue présidente et M. Saclier de la Batie secrétaire général éphémère... L'A.G.L.F. sombra dans la médiocrité et les dissentions les plus mesquines. Les affaires d'Algérie et les péripéties conjugales du chef de maison n'arrangèrent rien, l'A.G.L.F. vivotant de façon lamentable. C'était un fiasco et il fallait réagir.

Agir

Je conterai plus tard la préparation d'une action auprès du «jeune prince», qui seul me paraissait capable de résoudre nos problèmes. Mon plus vieil ami, le comte Pierre de la Forest Divonne et moi allâmes donc un jour à Madrid pour dire à ce dynaste qu'il fallait enfin agir. C'est par un chaud samedi madrilène, dans ce modeste appartement de la rue des Arapiles où vivaient les fils de «don Jaime», que fut fondé le secrétariat de Mgr le duc de Bourbon, ce titre étant celui du «jeune prince» (30 juin 1962). Ainsi débuta une institution qui changea la vie de la Légitimité, car les fidèles s'aperçurent qu'il y avait enfin un organisme stable.

Certes, les très proches de «don Jaime» ne furent pas heureux de cette nouveauté, mais ils y eurent finalement recours.

Le prince Alphonse fut long à convaincre. Plus que prudent, notre maître était réservé, car il était manifeste qu'on lui faisait miroiter une situation spéciale en Espagne, alors que la France lui paraissait bien lointaine. Nous en avons souvent souffert, d'autant plus que les secrétaires se sentaient bien seuls et que les jeunes étudiants issus du C.D.A.M. devenu C.D.A.R. se donnaient inutilement une attitude hyper-critique.

Premiers résultats

Il fallait briser des entraves. Ayant trouvé de l'argent, Pierre de la Forest Divonne et moi donnâmes un cocktail au Crillon pour présenter le duc de Bourbon le 18 juin 1965 : 850 personnes se rendirent à notre réception ! Pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle, champagne et whisky coulaient dans des verres ; l'on sortait enfin des messes de Louis XVI ! Le recteur de la mosquée de Paris, des ambassadeurs, le romancier Jacques Perret, Arletty, des généraux et même des ducs (Polignac, Maillé, Beauffremont, Doudeauville) vinrent jusqu'à nous en compagnie de simples ouvriers.

Par la suite, il fallut finalement s'occuper de «don Jaime» abandonné par le dernier Français qui restait encore auprès de lui, un certain Pierre Tollé qui avait mené l'A.G.L.F. à la mort.

Patrick Esclafer de la Rode fit venir le duc d'Anjou et de Ségovie à Angoulême pour l'inauguration d'une plaque sur la statue du bon comte Jean d'Angoulême. Ce fut là le premier voyage véritablement officiel d'un chef de la maison de Bourbon depuis des lustres, car il fut accueilli par l'évêque en sa cathédrale et le maire en sa mairie (30 avril 1967). Le secrétariat de Mgr le duc d'Anjou fut alors entre nos mains, à La Forest Divonne et à moi, pendant que le prince Alphonse allait s'établir à Stockholm comme ambassadeur d'Espagne, ce qui n'était évidemment pas pour nous plaire. Faut-il préciser que les légitimistes sont catholiques et Français avant tout ?

C'est encore à Patrick Esclafer de la Rode que l'on doit la première réunion ouvertement légitimiste depuis la fin du XIXe siècle. Cela se passa chez lui en Charente le 9 mai 1971 et nous eûmes trois messages qui nous firent plaisir, celui d'un duc (M. de Polignac empêché comme maire en Normandie), celui de Jacques Perret, toujours fidèle et enfin celui d'un ambassadeur d'Espagne résidant en Suède, ce qui ne manquait pas de sel.

Nous n'étions pas nombreux devant le drapeau blanc orné des coeurs de Jésus et Marie, béni par le R.P. dom Édouard Guillou et hissé au cri trois fois répété de «Vive le roi !», mais c'était la petite flamme qui continuait à briller dans la nuit de l'Occident livré à ses démons.

Les Orléans mécontents

Notre destin ne paraissait cependant guère brillant. «Don Jaime» était établi à Lausanne où un navrant entourage se constitua. On voyait notre «roi» faire quelques apparitions à Paris pour des cérémonies, parfois officielles, dont les festivités du septième centenaire de la mort de Saint Louis, et il en présida deux. Son fils aîné résidait au loin... le seul avantage pour nous était que La Forest Divonne et moi avions le numéro de son téléphone privé à l'ambassade, ce qui nous arrangea bien plus d'une fois. C'est d'ailleurs en ce lieu que, sur ma demande, le prince Alphonse reçut Esclafer de la Rode venu lui faire part d'une nouvelle idée : la fondation d'un Institut de la maison de Bourbon copié en quelque sorte sur l'Institut Napoléon (1971).

C'est là aussi que La Forest Divonne et moi vînmes un jour durant préparer les invitations et le protocole du mariage du «Dauphin» des légitimistes avec la petite-fille de Franco. Nous pûmes, une nouvelle fois, apprécier le sens pratique du Prince allié à diverses préoccupations complexes, en particulier comment affirmer la position française des aînés dans l'ambiance d'un mariage espagnol au Pardo !

La discrète cérémonie des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit le matin du mariage et le port du collier du Saint-Esprit par le duc d'Anjou lors de celui-ci étaient là pour nous réchauffer le coeur et on en avait bien besoin ! Ce jour-là, j'ai compris mieux que jamais la peureuse incompréhension des Espagnols et la curieuse ambiance au milieu de laquelle notre «Dauphin» était forcé de vivre. Quoi qu'il en soit, les Orléans et les orléanistes furent très mécontents des aspects français obtenus par nos actions opiniâtres. Ce n'était pas l'essentiel, mais cela faisait plaisir. On avançait donc.

Le duc d'Anjou et de Ségovie ayant eu un accident, La Forest Divonne, Esclafer de la Rode et moi nous rendîmes à l'hôpital cantonal de Saint-Gall en Suisse où nous vîmes notre pauvre Prince gisant dans le coma. Dans la salle d'attente de deuxième classe de la gare locale, seul lieu tranquille loin de proches parents cadets et critiques, loin aussi des journalistes, nous pûmes établir avec le prince Alphonse les caractéristiques des funérailles à venir. A 8 h du matin, le 20 mars 1975, le prince Alphonse me téléphonait pour me dire que son père était mort à 4 h 20. Comme prévu je le saluai comme il convenait et il me donna ses premiers ordres de chef de maison. Je dirai une autre fois comment se passèrent des obsèques francisées au mieux, l'étonnement de certains et la réception du soir, quand les légitimistes furent reçus par le prince Alphonse, la princesse Carmen et le prince Gonzalve. Que d'émotions en ces heures lourdes de significations, sur une terre étrangère en compagnie de nombreux dynastes de diverse nationalités et ne comprenant guère ce qui était en train d'arriver !

Difficile position

Devenu roi de droit pour les légitimistes, le prince Alphonse eut progressivement à définir sa difficile position. A la suite d'un entretien à l'ABC que plusieurs d'entre nous jugèrent décevant, nous exigeâmes un texte clair que le nouveau chef de maison signa le 3 août 1975, sous forme de lettre à M. le duc de Beauffremont et dont j'avais établi la moindre ligne lors d'une discussion ardue. Pour les choses les plus graves, le prince Alphonse, qui arborait alors le titre nouveau de duc d'Anjou, faisait preuve d'une prudence pouvant mettre à mal une impatience qui me semblait fort... légitime ! De même que pour certains discours et pour les deuxième et troisième éditions de l'État présent de la maison de Bourbon, tout ce qui était capital était le fruit d'une négociation pointilleuse. J'ai dû capituler sur beaucoup de points pour conserver l'essentiel, sachant que ce qui était obtenu n'était quand même pas si mal que cela et qu'on pouvait l'admettre comme définitif ; je suis certain que certaines choses arrachées de haute lutte, après des semaines de discussion, lui furent pénibles outre-Pyrénées, ce qui me valait des réflexions motivées d'un duc de Cadix vivant au milieu de l'incompréhension des siens.

Certes, le prince Alphonse était aimable et courtois, encore que parfois très préoccupé par son travail, ses ennuis conjugaux, son deuil de l'aîné... Il sut me supporter jusqu'à la fin, c'est-à-dire vingt-six ans, car je fus son secrétaire durant la moitié de sa vie trop brève, ce qui est expliquer combien je le connaissais !
Certes, le Prince n'a pas toujours été heureux de mes actes, mais je ne lui ai causé aucune catastrophe et j'ai fait marcher pas mal d'affaires qui l'intéressaient. Nous nous téléphonions très souvent et j'avais pour ainsi dire l'impression que je pouvais toujours l'atteindre à l'autre bout du monde ; je n'ai cependant pas eu à lui téléphoner à l'hôtel de Beaver Creek, mais j'ai sur moi, bien précieux, sa dernière photo d'identité, celle qu'on lui fit faire de toute urgence à Paris : pour que son passeport français puisse avoir un visa américain, il nous fallait des photos à laisser au consulat de la rue Saint Florentin...

Prince français, prince espagnol

Pauvre prince ! Si ceux qui le connaissaient avaient su sa joie quand il signa devant moi son passeport et sa carte d'identité français ! Il réclama un téléphone et se mit à appeler parents et amis pour annoncer qu'il était en règle avec la France.

Ses voyages à travers notre pays, la qualité de l'accueil à sa personne et à ses discours, sa position de maire d'honneur et de citoyen d'honneur de plusieurs villes de France, sa réception aux Cincinnati comme représentant de Louis XVI, son arrivée au Jockey-Club et à l'Automobile-Club de France étaient pour lui de grandes joies et plus d'un a remarqué que si son testament de 1984 est écrit en espagnol, il n'y a rien de relatif à l'Espagne !

Le feu Prince s'était progressivement transformé à la suite d'un incessant dialogue entre lui et ses conseillers, entre sa personne et les représentants de la nation. De discours en discours, on pouvait suivre l'évolution d'un homme de bonne volonté qui s'était documenté sur la France de l'ancien régime, sur les désastres de la Révolution et sur tout ce qui était advenu depuis. Il n'avait pourtant pas été éduqué pour tenir le rôle qui fut le sien, la famille royale d'Espagne ayant occulté au maximum les implications dynastiques de l'aînesse : il suffit de lire les actes de naissance des fils de «don Jaime» et les renonciations espagnoles arrachées à cet infant que plus d'un essaya de dégrader... Le prince Alphonse en avait lourd sur le coeur et il lutta toute sa vie pour son nom (de Bourbon et non pas de Bourbon-Ségovie comme on l'avait inscrit à sa naissance pour imaginer une nouvelle branche cadette du genre Bourbon-Séville !), pour sa qualité d'Altesse Royale, toujours niée par une «camarilla» agissante afin de l'effacer dans l'ordre dynastique espagnol, alors qu'on le considéra bien comme dynaste quand on lui demanda d'être présent au moment de la désignation de son cousin comme prince d'Espagne, etc.

Pour lui, tout se tenait. Prince franco-espagnol ou hispano-français comme il aimait à le dire en public, il arborait comme son père un écu parti de France et d'Espagne, tout comme ses aïeux Bourbons qui portaient de France et de Navarre. Pour le bien commun de l'Espagne il admit la volonté successorale de Franco, homme qu'il respectait infiniment, mais il affirmait qu'il fallait compter avec lui.

Le Prince et sa tradition

Je n'ai pas toujours compris ni suivi certains de ses raisonnements qui étaient souvent fonction d'une situation difficile sur divers plans, et qui relevaient parfois de combinaisons d'un genre italien, trop obscur pour moi. Il avait cependant souvent raison et son attitude en demi-teinte, découlant du profil bas qu'il voulait toujours voir observé autour de lui, lui apportat finalement beaucoup de succès.

Ce Prince ne prétendait à rien. Il disait lui-même qu'il n'était qu'un aîné et que les Français n'auraient qu'à se débrouiller avec cette notion le jour venu. Il déclarait qu'il n'était ni intégriste, ni légitimiste. Les Français se contentaient de la République et on avait le temps de voir venir des changements. La tradition qu'il incarnait et qui n'avait certes rien à voir avec la républicaine, se faisait jour en lui de façon impérieuse. Il avait d'ailleurs une grande admiration pour la France qu'il mettait en parallèle avec d'autres pays par trop désordonnés. Je lui disais cependant que l'anarchie française pouvait lui apporter bien des réflexions... Ayant beaucoup souffert dans sa vie privée et publique, le feu Prince n'aimait pas faire de peine aux gens, ce qui entraînait trop souvent un manque de vigueur dans la direction des affaires, mais, il faut l'admettre, il était de plus en plus souvent exaspéré par les attitudes de certains légitimistes obséquieux et d'une grande nullité dans le service. Il souffrait aussi des leçons données par les excités du drapeau blanc et du Sacré Coeur... ce qui me valait ensuite de longues conversations pour remonter la pente en faveur de symboles obligatoires. Que de peines certains ont pu nous causer !

Je ne dirai rien ici sur la piété du Prince qui était par ailleurs un vrai Bourbon comme on l'entend dans notre histoire, Louis XIII et Louis XVI exceptés. Je renvoie au n°4 des Cahiers de Chiré parus cet été 1989. Ce n'était pas un saint de vitrail et certaines de ses théories pouvaient surprendre, mais il est certain qu'il était devenu une autorité morale qui pouvait gêner.

Prince de son temps

Souvent triste et fataliste, le prince Alphonse devait ressentir plus que tout autre l'hostilité du monde anti-chrétien, donc, anti-traditionnel et dans lequel il n'avait finalement pas de place en tant que tel. Prince de son temps, il aimait les finances et réussissait remarquablement dans la banque : il savait que l'on convoitait ses places alors même qu'il obtenait de remarquables résultats qu'il me montrait chaque année avec plaisir lors de la publication des performances comparées des meilleures entreprises espagnoles.

C'était d'ailleurs une ironie des choses pour moi que de servir une Prince financier, alors que je ne comprends rien à ce genre de question, et sportif, alors que je déteste le sport ! Plus que jamais je tiens pour vraie cette parole de Pascal qui me semble bien cruelle et que j'avais pourtant glissée dans une conversation : «J'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer au repos dans une chambre». 1955, 1984, 1989... Comment ne pas penser aussi à la première Épître à Timothée, 4, 8 ?

Très moderne par beaucoup de ses aspects, il habitait une maison qui fut ultra-moderne il y a peu de dizaines d'années, le prince Alphonse était quand même très courtois. J'ai dit que sa réserve naturelle le mettait en demi-teinte, mais il savait rire de bon coeur et même (je l'ai vu rarement) à gorge déployée. Il avait besoin de communiquer et de sortir d'un pays qu'il supportait parfois difficilement. Il téléphonait souvent le matin pour ne rien dire, ou presque, histoire d'entendre une voix familière et française.

Dieu a permis qu'il repose en terre espagnole alors que son destin était français (il l'avait pleinement admis) et qu'il se sentait aussi chez lui en Italie.

Je crois qu'il aurait fait un bon roi et M. le ministre Jean Foyer n'a pas hésité à dire publiquement qu'il aurait été un bon président d'une Europe à laquelle il pensait avec force.

Vérités premières

Après un infant sourd-muet et de bonne volonté, encore qu'engendrant mille difficultés (je conterai plus tard les péripéties de mon service auprès de «don Jaime»), la fréquentation du prince Alphonse était un plaisir et un honneur. Certes, après son accident de 1984, la mémoire lui faisait défaut et il déplorait lui-même ses impatiences envers ses collaborateurs, mais comme il était têtu, pas mal de discussions pouvaient advenir, se prolongeant durant des mois et même des années... Tout n'était pas facile, mais on avait parfois la surprise de l'entendre énoncer quelques affirmations comme venant naturellement de lui, alors qu'elles n'étaient que le fruit de longues démonstrations sans fin recommencées.

J'avoue que je m'en suis parfois bien amusé. Mais la pédagogie n'est-elle pas à base de répétition ?

J'ai donc souvent répété, parfois avec de vives impatiences, quelques vérités premières et choquantes pour la nature sensible d'un tel Prince. Mais il me paraissait évident que certaines choses ne pouvaient passer. Je voyais loin, lui aussi, mais pas toujours comme moi. Je crois cependant que l'un et l'autre avons fait au mieux pour préserver l'avenir dans l'attente de l'onction rémoise. Lui comme Prince très intelligent, d'esprit supérieur et pragmatique, ayant compris le but et les enjeux, moi, beaucoup plus bas, comme conservateur des symboles d'une royauté défunte et même comme une sorte de conscience du chef de maison, car c'est là, qu'on le veuille ou non, le rôle bien naturel de son chancelier ! J'espère n'avoir point été un serviteur inutile et même avoir combattu le bon combat. L'histoire et le jugement final me le diront.

Hervé PINOTEAU (1989)






Ce chant marial de tradition a accompagné Hervé Pinoteau de l'autel à la tombe.



Postscriptum du 23 septembre 2021

Allocution de Louis de Bourbon au siège parisien de l'Ordre souverain de Malte pour la sortie de l'Etat présent de la maison de Bourbon (6è édition) le 18 septembre 2021 (courtoisie Vexilla Galliae)

Chers Parents,
Chers Amis,

Nous voici réunis à l’occasion de la parution de la 6e édition de l’État Présent de la Maison de Bourbon, moment important que nous aurions tous aimé vivre avec celui qui, durant tant d’années, fut le maître d’œuvre de cet ouvrage : notre cher baron Pinoteau.

Je suis donc particulièrement heureux que sa famille soit bien représentée aujourd’hui à cette cérémonie qui suit l’émouvante messe de Requiem de ce matin. Ainsi, j’ai l’occasion de rappeler publiquement tout ce que leur père, grand-père, arrière-grand-père a apporté à notre famille. La Maison de Bourbon lui doit en effet beaucoup et notamment les chefs de Maison, puisqu’avant de m’apporter son aide si précieuse, Hervé Pinoteau avait déjà été au service de mon père et de mon grand-père, tant comme secrétaire que comme chancelier, c’est-à-dire à la fois pour le quotidien et le pérenne.

Leur évocation amène à cet ouvrage, cet État présent de la Maison de Bourbon « pour servir de suite à l’Almanach royal de 1830 », dont nous sommes heureux de présenter officiellement la nouvelle édition. Mon grand-père, le prince Jacques-Henri a beaucoup fait pour que la première édition paraisse en 1975. L’idée en était venue à son propre père lorsqu’il devînt en 1936 l’aîné des Bourbons, avec tous les droits et devoirs que confère cette aînesse, notamment vis-à-vis de la France. La généalogie n’est pas toujours facile à comprendre et, sans doute, mon arrière-grand-père avait-il été habitué à se considérer davantage comme le descendant de la reine Isabelle II que comme celui de son époux, le prince François. Mais le royaume de France et le royaume d’Espagne ne suivent pas les mêmes règles de dévolution. Ainsi, c’est bien par l’intermédiaire de ce prince cadet de Charles IV que l’aînesse lui est revenue, après l’extinction des premiers rameaux de la branche aînée. Une grande aventure pouvait commencer dans laquelle Hervé Pinoteau a mis toute son énergie et son érudition. Au-delà du droit, il y a en effet le faire savoir, le faire connaître, tâche essentielle menée depuis des années et jusqu’à aujourd’hui par les éditions successives.

Il était prévu de faire paraître cette édition en 2020, année du bicentenaire du Comte de Chambord, qui vit l’extinction du rameau aîné issu de Louis XIV. Date hautement symbolique puisqu’elle permettait de saisir toute l’importance des Lois fondamentales. « Le mort saisit le vif » selon un bel adage venu de la nuit des temps et qu’Hervé Pinoteau, en fidèle et érudit chancelier, savait rappeler chaque fois que cela était nécessaire pour soutenir la cause de la Légitimité.

Les cinq éditions précédentes montrent combien il est important de faire le point régulièrement sur cette auguste Maison de Bourbon qui est aussi celle de France, chaque tige et rameau vivant sa propre histoire à travers naissances, mariages et décès. D’année en année les évolutions sont notables, d’où la nécessité des mises à jour régulières pour savoir qui est dynaste selon les lois fondamentales et dans quel ordre. Certains pourraient dire que cela paraît bien inactuel dans un monde qui, parfois, semble avoir oublié les vertus de la Royauté.

Pourtant, de génération en génération, il y a toujours une petite et vaillante cohorte qui maintient le flambeau, persuadée que le salut et le destin du pays en dépendent, et qui a besoin de savoir pour espérer.

Le temps n’appartient qu’à Dieu, mais la fidélité et l’espérance appartiennent aux hommes.

Ainsi, j’ai à cœur de féliciter ceux qui les aident à maintenir la flamme. Ce sont bien sûr tous les auteurs et collaborateurs de l’État Présent, d’abord dirigés par Hervé Pinoteau et désormais regroupés derrière Christian Papet-Vauban qui a repris la flamme, lui aussi avec érudition, rigueur et une belle ténacité. Il a su réunir des contributeurs de qualité, Benoît van Hille et Xavier d’Andeville que je tiens à remercier tout spécialement. Que tous sachent combien le Chef de Maison apprécie leur dévouement. Mais je ne peux pas oublier, non plus, le préfacier de cette édition, le Professeur Jean Barbey, lui aussi un fidèle parmi les fidèles, qui a mis depuis les années 1980 sa science du droit au service de ma famille. Il a donné pour cette édition des pages très éclairantes pour hier comme pour demain.

Enfin, je veux remercier l’éditeur, Patrice de La Perrière qui assume la tâche de la confection, et de la diffusion depuis la première édition. La qualité d’une œuvre se reconnait en particulier sur la durée. Merci à tous.

Mes derniers mots s’adressent enfin à tous les membres de ma famille, la grande famille des Bourbons. Certains sont présents physiquement, d’autres par le cœur et la pensée. J’ai reçu en effet des messages sympathiques de ceux qui ne peuvent être là ce soir. Je pense notamment à notre cousin le duc de Parme. En évoquant son nom qu’il me soit permis aussi de rappeler la mémoire de sa tante, la princesse Cécile qui est décédée le 2 septembre. Je pense aussi au duc de Séville qui a d’abord répondu qu’il serait là et qu’un empêchement inopiné a éloigné de nous ce soir. Je pense à tous, heureux d’être le Chef de la Maison capétienne qui partout garde à cœur de renforcer ses liens et de maintenir toujours vivant le souvenir de ce qu’elle représente pour tous les pays sur lesquels elle a régné.

Merci à tous et prenons rendez-vous pour la septième édition. À bientôt.


Louis, duc d’Anjou
Le 18 septembre 2021


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