vendredi 25 février 2011

A la recherche de Taïpan Kane ③

Avant-propos
Royal-Artillerie donne une série de six billets sur la stratégie chinoise des années à venir. Voici donc le troisième billet. Ce travail s'appuie sur un dossier publié le 10 décembre 2010 par le Qiu Shi Journal, organe doctrinal officiel du Comité Central du Parti communiste chinois et successeur du Drapeau Rouge (红旗). L'original est accessible en cliquant ici.
Nota bene: Après quelques échanges entre Chinascope.org et le site du Qiu Shi, l'organe du Comité Central a publié une mise au point : « "The above article only represents the personal views of the author and does not represent the position or views of Qiushi Journal or this site" ».
Nous rappelons que chaque billet traite un des six points stratégiques recencés, sous une forme identique : évaluation de la menace américaine (en rouge), contre-mesures chinoises, analyse du piéton du roi (en bleu). Dans l'ordre, il s'agit de :
① la guerre économique
② la guerre monétaire
③ la guerre médiatique
④ la campagne anti-chinoise
⑤ les bruits de sabres
⑥ l'encerclement

LA GUERRE MEDIATIQUE

Guerre de l'opinion publique. Les Etats-Unis sont les meilleurs pour utiliser l'opinion publique au service de leurs intérêts nationaux. Les médias américains sont entièrement au service du gouvernement des Etats-Unis en créant de la propagande. Que ce soit CNN, le New York Times, le Wall Street Journal ou le Washington Times (ndlr: Xu Yunhong pensait au Post), ils pensent tous que c'est grand honneur de publier des articles attaquant et critiquant la Chine. En outre, les médias américains encouragent les médias d'autres pays occidentaux à rejoindre le camp anti-Chine. Ces médias publient tous à peu près les mêmes déclarations visant à créer un rideau de fer autour de la Chine. La situation ne peut empêcher les gens de se souvenir de la Guerre froide.

Répliques chinoises
La fonction de base d'une opinion publique est d'éveiller l'attention d'une majorité de la population, qu'elle soit pour ou qu'elle soit contre une question donnée. L'agitation de l'opinion publique par un média vise à inluencer le soutien ou l'opposition à une personne, une question, un pays. Jusqu'à présent, comparée aux États-Unis, la situation de la Chine dans l'opinion publique internationale est vulnérable. Elle est souvent dans la position d'opposant sur un thème dont les initiateurs sont le plus souvent les médias américains. Cependant, le média américain est-il loyal envers les États-Unis ? Non, le média est fidèle au marché. Quiconque peut assurer au média qu'il aura son bénéfice peut contrôler le média. Le but le plus important d'un média est d'étendre son influence et sa part de marché.
A cet égard, nous pouvons capitaliser sur l'avantage actuel qui est que la Chine est l'objet d'un haut degré de préoccupations dans le monde, pour utiliser à fond le rôle du marché comme levier d'influence du ton diffusé par les médias internationaux. Exemple : les dirigeants chinois peuvent prendre l'initiative d'accepter des entretiens avec quelques médias occidentaux importants, montrant au monde la réalité de la Chine et celle de ses leaders.. Dans le passé, la tendance des dirigeants chinois d'apparaître en groupe était très différente de celle des occidentaux dont la culture se focalise sur l'individualité. Les occidentaux aiment voir des personnalités plus concrètes, plus vivantes, surtout les dirigeants. En conséquence, les leaders chinois qui ont plus de charisme, de personnalité, et le courage d'accepter l'interview d'un média occidental sont généralement populaires à l'Ouest. Il ya un certain nombre de médias dans le monde, mais les possibilités d'interroger des dirigeants chinois sont rares. Être en mesure d'interviewer les dirigeants chinois contribuerait avec certitude à améliorer l'influence du média, favoriserait l'intérêt du lectorat, et élargirait son marché. Ainsi, les dirigeants chinois pourraient complètement tirer parti du marché pour que le monde connaisse la Chine réelle, comprenne la politique chinoise, le peuple et le gouvernement chinois, afin de gagner le soutien des hommes intègres, accroître l'influence de la Chine et créer un environnement international qui lui soit favorable.
L'histoire passée a prouvé que chaque fois que les dirigeants chinois prenaient l'initiative de solliciter les médias occidentaux, notre politique était dans une position avantageuse, les reportages des médias occidentaux sur la Chine étaient plus objectifs et complets, et la compréhension par le public occidental de la Chine concrète était entière. Récemment on a vu une percée importante des interviews médiatiques occidentales acceptées par les leaders chinois, mais il reste encore du mou dans le choix du média et dans la façon dont ces entretiens sont conduits. Nous pouvons explorer ce secteur et choisir la manière de publier des informations à laquelle les gens de l'Ouest sont habitués. Par exemple, nous pouvons donner des interviews télévisées, publier des papiers dans la presse, faire des commentaires sur Internet, et même poster des messages en micro-blogging. Les outils web ont joué un rôle important dans la campagne électorale du président américain Barack Obama. Nous pouvons utiliser les nouveaux médias et nous saisir activement du marché international de l'opinion publique.

Copyright : le texte français est traduit d'un original anglais produit par Chinascope.org avec leur permission explicite à Royal-Artillerie en date du 11 février 2011. L'original chinois sur Qiu Shi a été lu pour chaque billet de la série afin de dénicher tout contresens.

Analyse du piéton du roi

C'est peut-être le chapitre le plus faible de ce dossier où le groupe de rédaction enfonce des portes ouvertes - ils avouent que leurs recommandations d'occuper les médias occidentaux sont déjà mises en pratique par les responsables chinois - et on sent une réticence à instrumentaliser Internet pour la simple raison que, mis à part quelques raids réussis, il est impossible de canaliser le WWW. Comme souvent, une image vaut mieux qu'un long discours : celle des interconnexions Internet.

carte internet

On peut se douter que ce chapitre médiatique est placé dans ce dossier pour "féliciter" les dirigants chinois qui ont fait l'effort de passer dans les médias à l'étranger, à commencer par le Premier Wen Jiabao qui a un feeling certain de la situation. Le président Hu jintao est plus guindé – c'est l'apparatchik pur – mais son successeur shanghaïen saura conquérir les esprits voire les coeurs, s'il montre autant d'entregent avec les politiques qu'il le fit avec les hommes d'affaires.
Ainsi les incitations du PCC à paraître dans la presse occidentale sont elles un des volets du programme de propagande, mais elles oublient qu'il n'y a pas de meilleure propagande que celle qui fait mine de ne pas y toucher. Faire aimer la Chine à l'étranger, et il y a matière à brasser dans ce but, est le plus sûr moyen de faire accepter la politique de son gouvernement pour autant qu'elle reste "raisonnable". La part chinoise du marché médiatique est déjà ancienne et en progression, mais peut-être pas assez "patriotique" dans l'esprit des idéologues salariés.

Les vecteurs chinois
Les progrès en communication des structures chinoises de pouvoir ont fait un bond considérable. Il est loin le temps où le Verbe passait par l'Agence Chine Nouvelle (Xinhua ) avec des communiqués dosés pendant deux jours avant publication. Les sites d'information internationale en langues étrangères sont nombreux et relativement autonomes. Ce ne sont plus des sites de traduction des nouvelles officielles mais des sites produisant du matériau travaillé dans la langue d'émission. Ce sont souvent aussi des sites de réinformation qui visent à contrer la propagande occidentale et japonaise.
On ne peut citer tous les sites chinois mais deux au moins pour vous donner l'envie d'en chercher : Chinadaily et French China ; sans compter les journaux chinois en ligne comme le Quotidien du Peuple ou le Shanghai Daily, mais le China Post est taïwanais. Un portail anglophone sobre et complet fait le tour de tous les médias chinois d'envergure ; nous le recommandons : Dan Wei. Le Qiu Shi Journal est ici.


Le premier réseau de propagande en date est Radio Chine International (1941) qui émet en français sur l'Afrique francophone, sur le modèle de RFI.
A noter que toutes les chaînes de la CCTV continentale émettent sur la TNT. La chaîne du Falun Gong, l'ennemi mortel du PCC, aussi !
Quant au portail ABBAO, il met en ligne plus d'une centaine de journaux chinois pour sinophones.

On doit signaler enfin tous les médias chinois d'outremer édités en anglais, parfois très critiques vis à vis des gouvernements central et provinciaux de la mère-patrie, mais très susceptibles aussi dès que l'on attaque gratuitement ou malicieusement la Chine. Ayant bénéficié de la longue présence anglaise en Asie du Sud-Est, de véritables empires de presse ont vu le jour. Les deux premières références sont le Straits Times de Singapour et le South China Morning Post de Hong Kong. Mais aujourd'hui, où le combat des idées passe justement par la conversion de l'opinion publique à ses vues, les plus efficaces et les plus gros tirages sont en langue chinoise comme le Ming Pao.


Digest
La guerre médiatique n'a pas attendu les recommandations du Parti. Elle est livrée depuis longtemps par la presse chinoise continentale et d'outremer qui a capté tout l'auditoire sinophone possible. Ses dérivés en langue anglaise font autorité au point de devenir des proies de grand prix pour le capitalisme sauvage. Far East Economic Review a été avalé par le WSJ de Ruppert Murdoch.
La guerre est aussi celle des contenus. Pour atteindre l'opinion publique internationale, l'expression de la pensée des leaders chinois doit gagner en qualité. On y arrive.
Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

jeudi 24 février 2011

La panacée démocratique

Foutez-leur la démocratie, c'est ce qui les divisera le plus ! Xinhua paraphrase-t-elle Bismark disposant à Versailles de son vaincu ? Presque. Dans un édito du 19 janvier assez remarqué en Afrique, l'agence Chine Nouvelle analyse la lutte des pouvoirs en Côte d'Ivoire dans ses répercussions sur la stabilité sociale, le développement économique et la vie quotidienne des gens. L'article (clic original) décrit un pays jadis stable et prospère, devenu instable, hyper violent dans un conflit sanglant, après que les nations occidentales aient fait pression pour un régime multipartite et des élections présidentielles. L'édito montre ensuite que ce phénomène est largement répandu en Afrique. Et de conclure :
« La démocratie occidentale n'est pas la panacée pour n'importe quel pays. Transplanter arbitrairement la démocratie à l'occidentale ou "démocratiser" des pays différents et des pays arrivés à des stades différents de développement cause fréquemment des troubles, de l'instabilité et de violents conflits. Ainsi le développement économique est entravé et de sérieux dommages sont causés aux intérêts de la nation et aux gens.
Bienvenue au club !

On sait que les agences officielles chinoises allument régulièrement des contre-feux pour marginaliser les dissidents, mais dans le cas de l'Afrique, on a bien du mal à leur donner tort.

Les rédacteurs des constitutions africaines de l'indépendance avaient bien jugé les dangers de la démocratie occidentale puisqu'ils avaient instauré des pouvoirs forts calqués sur les chefferies tribales, portés par des partis uniques au sein desquels le débat démocratique devait avoir lieu. En contrepartie, au prétexte de mutualiser avec nous les dépenses militaires stériles, ils avaient fait passer des accords de défense entre la métropole et les jeunes pays, retirant de ce fait quelques dents à la prothèse constitutionnelle et libérant des moyens pour le développement.
C'était faire peu de cas de l'atavisme tribal qui écrase toute perspective "nationale" dans des pays le plus souvent maintenus artificiellement dans des frontières coloniales intangibles. Le présidentialisme musclée qui en a résulté, soutenu par les services français dans ses dérives et ses délires, écrivit les tomes II, III, IV et suite de Tintin au Congo. Il n'était que temps de mondialiser la démocratie de Westminster, ce qui fut lancé très justement après la chute du Mur de Berlin en 1989. L'Afrique allait "renaître" enfin par la magie du régime et la constitutionalisation des Droits !

Pr Gérard Conac : « Toutes les nouvelles constitutions africains énoncent un certain nombre de droits et libertés. Elles se situent ainsi dans le sillage du constitutionnalisme à dominante nettement libérale. Mais le dosage entre les libertés individuelles et les droits sociaux, droit à l’éducation, droit à la santé, droit au travail, à la sécurité, protection sociale, droit au logement est variable selon les pays. Certaines constitutions définissent aussi des droits relevant de la troisième génération, droit à un environnement sain, satisfaisant et durable avec parfois, en corollaire, l’interdiction des activités économiques qui pourraient mettre en péril l’écosystème ou contribuer à un déséquilibre dans les relations entre l’homme et son développement. La plupart optent pour l’économie de marché et protègent le droit de propriété individuelle. Même la constitution de l’Algérie, restant imprégnée par les conceptions du socialisme d’État, réserve à la propriété publique un très large domaine. L’affirmation des droits fait l’objet le plus souvent de tout un titre de la constitution. Presque toutes les constitutions francophones sont précédées d’un préambule qui pose des principes généraux affirmant les finalités de l’État et quelquefois même contient une liste des droits reconnus. »
On continuera cette intéressante étude universitaire en cliquant ici.


Dès lors, le ver de l'impatience politique est dans le fruit africain : Aux confiscations de la Caste succède l'anarchie des "ayant-droits". Chacun ayant accès en droit à tout selon ses mérites, qui les lui contesterait s'il a la force de se les octroyer et de se les faire reconnaître lui-même. Ce n'est jamais que faire campagne, comme ici en bateleurs de foire, comme ici jadis aussi avec les "tontons-macoutes du SAC.
Les rois-nègres phase II ne sont pas mieux normalisés que ceux de la phase I, à l'exception de quelques chefs emblématiques. Le pouvoir conquis par tous moyens surtout légaux, le plus pressé reste d'établir sa famille, son clan. Les pays étant des assemblages ethniques, si les ambitions ne trouvent pas d'écho au niveau national, il n'est pas interdit de penser que sous certaines conditions de viabilité (rente minière ou agricole) la carrière puisse devenir aussi juteuse au niveau régional, plus encore en coupant les ponts. Et nous avons dès lors le prurit indépendantiste qui travaille le nord de la Côte d'Ivoire, le Sud-soudan, le Kiwu, le Somaliland détaché de la Somalie, la Casamance, le Sahara occidental, et dix autres territoires que nous abrégeons pour ne pas faire pédant.

De grands stratèges payés au mois sur crédits européens étudient le continent en permanence et font des recommandations que personne ne lit, car elles sont toutes fondées sur la magie démocratique qu'à l'évidence nul ne croit. Il suffirait de proclamer que la démocratie c'est l'envie pour qu'on cherche un remède, mais le tabou est irréfragable, surtout du côté des bailleurs de fonds qui en font la condition d'accès à leurs caisses.
La démocratie est à dessein amalgamée aux libertés individuelles, à la justice basse et à la prospérité. La Côte d'Ivoire a créé des partis politiques sur sa carte ethnique, autant dire qu'il n'y a aucune solution, sauf au plus fort de vaincre l'autre, qui lui, chauffera dans son coeur la revanche. Mais le plus grand désaveu du principe de régime imposé réside dans le nombre immense de victimes subies par la République démocratique du Congo. Quatre millions de morts, mais noirs c'est moins cher, et entre noirs, c'est gratuit ! On a envie d'incinérer l'ONU.

Raide-con dans la conviction religieuse de l'insurpassabilité de la démocratie en tout lieu, nul n'accepte chez nous que notre système soit en cause, même s'il n'est bien sûr pas le seul paramètre déclencheur. Au contraire, on pousse partout aux élections comme une panacée aux malheurs des peuples ! Les Egyptiens s'en méfient qui ne sont pas rentrés chez eux estimant que le compte n'y est pas dans la révolution par la farce électorale proposée. Ils connaissent le truc à fond !

La Chine empirique ?
Libérée de parole par ses succès économiques et un calme politique que l'on décrète depuis trente ans "apparent", la Chine contrevient au politiquement correct. Ce qui est plus étonnant est qu'elle n'est pas aussi seule qu'on le raconte dans les lucarnes bleues de nos salons. Sait-on que cent pays l'ont soutenue dans son refus de laisser le dissident Liu Xiaobo recevoir son prix Nobel de la paix à Oslo ? Le malheureux est sans doute dépassé par l'enjeu mais pour qui a pris la peine de lire son manifeste (Royal-Artillerie a du sang de bénédictin à moins que ce ne soit la Bénédictine), le programme constitutionnel est inapplicable à un empire de la taille de la Chine, pour ne pas dire qu'il est à la limite de la niaiserie, ce qui n'enlève pas le courage des 300 signataires. Le mieux est de juger par vous même cette resucée tardive des revendications de 1848 qui s'appelle La Charte 08 en évocation de la Charte 77 de Vláçav Havel. Ce n'est pas très long :
- original chinois
- traduction en français au Canada
- traduction en anglais en Chine
Une version plus maniable a été publiée par Rue89.

Nous n'allons pas démonter ici la Charte 08 article par article. Il suffit de la lire posée sur une carte de l'Empire du Milieu. Des chinois réalistes ont réagi et ce sentiment est général : "La démocratie est un luxe et son prix est le sang" dit Ai Weiwei. Il y a tant à faire en Chine avant que de s'investir en politique ! Ce qui n'est pas hélas notre cas en France où l'on y fait carrière, faute de savoir entreprendre. On notera quand même le braquage massif des Hongkongais chaque fois que Pékin touche à leurs "droits britanniques". On sait aussi que les populations continentales sont très sensibles à l'injustice de premier niveau, aux passe-droits, à la corruption endémique, à la brutalité de la police et à l'étalage des fortunes. Mais la démocratisation n'est pas le clystère qui va purger le système, mais celui qui va disséminer l'endémie en multipliant les "quêteurs". C'est de morale publique dont la Chine a besoin, pas de parlements.

En Afrique, la rénovation de 1989 a diffusé le jeu de Chat Perché. Les gangsters sont intouchables s'ils ont l'adoubement électoral. Bob Mugabe vieillit en patriarche dont on baise la main ! Et on peut faire le tour : Omar al-Bashir vient de lâcher le Sud-soudan à l'ONU, il est peinard ! Paul Biya concentre tous ses efforts sur les modalités de ses réélections, c'est un des plus riches. Blaise Compaoré, putschiste sanguinaire, est issu maintenant d'élections et joue les médiateurs dans la sous-région comme un parrain. Que dire des Nguema, Sassou-Nguesso... beaucoup.

Le vent de révolte d'Afrique du Nord va-t-il descendre ?
Beaucoup de dictateurs régulièrement élus s'y préparent. On range les comptes, on les partage aux enfants, ce que l'on aurait dû faire n'est-ce pas depuis longtemps, mais la nécessité fait loi, et ça n'engage à rien de bien plier le trousseau dans l'armoire.

Le coup de gong "game over" serait la pendaison spectaculaire du raïs libyen, celui qui fut longtemps pour certains chefs d'Etat africains un paramètre approuvé dans le trilogue Europe-Arabes-Afrique noire, lui qui dispensa de gros moyens pour améliorer la situation économique de leurs pays, qui permit de diffuser l'islam en Afrique noire sur des bases construites (madrasa, mosquées), et qui finirait piteusement abandonné de Dieu comme Saddam Hussein.
Si le continent s'ébrouait jusqu'à expulser ses dictateurs, avec ou sans démocratie à la clé, la diplomatie française serait gravement touchée pour ne pas dire ruinée car nous y sommes partout embourbés par le réseau informel dénoncé par l'ex-ambassadeur au Sénégal, Jean Christophe Ruffin de l'Académie française, réseau dont le bec de pieuvre est le préfet Guéant et l'un des tentacules les plus en vue, le redoutable intellectuel Patrick Balkany, l'ensemble agissant au benéfice des groupes mercantiles certes légitimes mais ô combien pesants. On en reparle ces jours-ci avec le tract politique" du collectif Marly qui dénonce la même chose.

Qui aurait le courage de remettre l'Afrique à plat ?
En demandant peut-être aux Africains ce qu'ils souhaitent, après que leurs propres élites leur aient exposé complètement les avantages et inconvénients de chaque solution dans le cadre d'une "autonomisation" du continent. Et fassent surtout passer le message que la démocratie exige qu'une vraie culture de la Cité pénètre toutes les couches sociales pour qu'elles ne soient pas flouées par les malins et les coquins. C'était le job de Barack Obama ! Il n'a rien compris, là non plus. Ce serait maintenant à l'Union africaine de prendre en charge la lutte contre le sida démocratique occidental. Pour l'instant elle fait office de syndicat de sortants qui s'y engraissent.
C'est donc foutu ?

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mercredi 23 février 2011

Takoitoi com'ontre ?

Pour des raisons de cohérence éditoriale et diplomatique, ce billet de "grandes complications" a été transféré chez Steppique Hebdo, brûlot tartare, vent debout.
On y accède en cliquant sur la montre de Patrick Ollier ci-contre :
Merci.

vendredi 18 février 2011

La bourse du monde ②

Avant-propos
Royal-Artillerie donne une série de six billets sur la stratégie chinoise des années à venir. Ce travail s'appuie sur un dossier publié le 10 décembre 2010 par le Qiu Shi Journal, organe doctrinal officiel du Comité Central du Parti communiste chinois. L'original est accessible en cliquant ici.
Chaque billet traite un des six points stratégiques recencés, sous une forme identique : évaluation chinoise de la menace américaine (en rouge), contre-mesures chinoises, analyse du piéton du roi (en bleu). Dans l'ordre, il s'agit de :
① la guerre économique
② la guerre monétaire
③ la guerre médiatique
④ la campagne anti-chinoise
⑤ les bruits de sabres
⑥ l'encerclement

LA GUERRE FINANCIERE

La Chine est le créancier des Etats-Unis le plus important. Cependant, les Etats-Unis, l'emprunteur, est de toutes manières plus arrogant que la Chine, le prêteur. Au lieu de discuter de la façon de rembourser la dette et de stabiliser le dollar américain, le gouvernement des Etats-Unis et le public américain réclament de la Chine une révaluation du RenMinBi (RMBYuan). Depuis que le Congrès américain a adopté un projet de loi sur le taux de change du RMB, les médias américains ont continué de plaider pour sa réévaluation. D'un autre côté, la Réserve Fédérale américaine a déclaré que "afin de favoriser la reprise économique et la création d'emplois, l'on a besoin que l'inflation revienne à un niveau approprié". Pour ce faire, la Fed imprimera cent milliards de dollars supplémentaires chaque mois. Cependant, le but réel est de forcer les devises des économies émergentes à s'apprécier. Les Etats-Unis encouragent aussi leurs disciples comme le Japon et l'Union européenne à se joindre à eux pour mettre la pression sur la Chine afin de révaluer le RMB. La Banque du Japon est déjà intervenue activement sur le marché des changes.
Du fait que les Etats-Unis veulent voir le dollar américain se déprécier, ils sont en train d'imprimer de plus en plus de dollars afin que les autres pays deviennent parties prenantes et tous impliqués dans la guerre monétaire. Il est évident que l'intention des Etats-Unis est de contenir la Chine en lançant une guerre des taux de change de sorte qu'ils puissent contrôler complètement la situation de la zone Asie-Pacifique.

Rétorsions chinoises
Le fait que le dollar américain soit la monnaie de réserve du monde donne aux Etats-Unis une surpuissance financière. Actuellement, la part accrue de la Chine au Fonds monétaire international et l'augmentation de ses droits de vote sont un grand pas en avant. Le problème n'est pas que cette part soit exprimée en dollars américains, mais qu'il serait bien mieux que cette part soit exprimée en RenMinBi (RMB Yuan). En conséquence, pour contester la position du dollar américain, la Chine doit prendre le chemin de l'internationalisation, et se confronter directement au dollar. L'internationalisation peut suivre quatre voies :
La première, utiliser Hong Kong comme tremplin pour augmenter les règlements et les émissions de bons en RMB ; Il y a déjà du progrès mais pas assez ; nous devons croire à la popularité du RMB dans la communauté internationale.
La seconde, en utilisant nos énormes réserves de change comme garantie, nous pouvons émettre globalement des bons en RMB, donnant la possibilité aux autres pays de prendre des RMB dans leurs réserves de change ; nous pouvons considérer l'établissement d'une banque centrale de réserves de change spécialisée dans la prise en pension et le prêt de réserves et dans les services financiers associés. Les énormes réserves de change jouent le même rôle que l'or en assurant que le RMB en circulation offshore pourra être échangé en devise étrangère à tout moment.
La troisième, créer la version internationale du marché chinois de valeurs mobilières pour attirer les compagnies étrangères. Les participants pourront acheter ces valeurs en RMB ou en devise. Les sociétés d'outremer (ndlr:chinoises et non chinoises) qui seront cotées en bourse pourront lever des fonds en yuans ou dans d'autres devises. Par la suite, les sociétés cotées ou bien l'organisme de contrôle des changes pourront déterminer la proportion réciproque de RMB et des autres devises.
La quatrième, établir une bourse internationale de devises permettant de négocier les monnaies du monde entier, et constituant un marché financier international et un marché des changes. Des règles de négociation spécifiques et le volume de la masse monétaire nationale pourront être ajustés à la demande du marché.
L'histoire de trente ans de réformes et d'ouverture montrent que le gouvernement et le peuple chinois auront une maîtrise des mécanismes de marché et de libre échange du même niveau que les Etats-Unis et les autres pays occidentaux. Les mécanismes de marché peuvent propulser l'internationalisation du RMB plus sûrement que des négociations gouvernementales. Nous ne doutons pas des capacités du gouvernement chinois à administrer le marché et ses règlementations. Si les quatre actions suggérées peuvent être menées à bien en douceur, en utilisant les mécanismes de marché, le RMB deviendra la monnaie de réserve mondiale, mettant le dollar américain sous pression et minant la puissance financière des Etats-Unis.

Copyright : le texte français est traduit d'un original anglais produit par Chinascope.org avec leur permission explicite à Royal-Artillerie en date du 11 février 2011. L'original chinois sur Qiu Shi a été lu pour chaque billet de la série afin de dénicher tout contresens.

Analyse du piéton du roi

On sait que la Chine veut créer une zone "Yuan" sur toute sa sphère d'influence. Cette zone engloberait l'ASEAN¹ et les états steppiques du groupe de Shanghaï. Si les nations du nord-ouest ne sont pas déterminantes sauf par leurs gisements d'hydrocarbures, celles de l'ASEAN cumulent un PIB (en parité de pouvoir d'achat) de 3 trillions de dollars et une population de 600 millions d'habitants.
Mais le Japon et la Corée du Sud ont mis un pied dans la porte en 1997, puis s'invitèrent la Russie et les Etats-Unis pour surveiller et contenir.
Il n'empêche que la force du marché de biens et service sur toute la zone Corée-Chine-ASEAN peut créer naturellement une monnaie commune de règlement des échanges. Par ses énormes réserves (3 trillions de dollars) la Chine a un rôle à jouer qui ne trouve de limites que dans son intention évidente d'hégémonie régionale. D'où l'idée de surmonter les préventions asiatiques en mondialisant le dispositif financier destiné à contenir les Etats-Unis sur le méridien d'Hawaï.

On aboutit alors à la situation soulignée lors du précédent billet ① que le RMB protégé jusqu'ici par sa non-convertibilité apparaîtra sur le marché international des changes et y sera traité comme toute devise par les cambistes, les hedge funds, les George Soros et autres draculas du FOREX, de quoi meubler les nuits blanches du ministre chinois des finances.
Si les mécanismes des marchés financiers adossés à des opérations commerciales sont du niveau de SAFE, il faudra un certain délai (comme le temps de refroidir le canon) pour que les administrateurs chinois intègrent les réflexes exigés par les mécanismes de futures et les positions non commerciales purement spéculatives. Est-ce dire qu'on ne trouverait pas de super-cerveau en Chine ? Päs du tout, mais simplement que les ordres ne peuvent être abandonnés à des génies célestes non encadrés, car la génétique chinoise du jeu emportera le patriotisme s'ils peuvent gagner gros en jouant contre le yuan !
Créer en Chine un marché international de devises et une bourse de valeurs mondiale est faisable dans l'avenir, mais ces marchés s'accomodent mal du pointillisme des fonctionnaires de l'argent. Et je doute qu'un cadre du PCC aussi haut qu'il soit placé arrive à intégrer cette exigence de débridage. Ce n'est pas dans sa culture. Aparté : nous sommes, Français, sortis du même moule marxiste-léniniste, qui voulons tout contrôler.
Reste la question du temps qui passe. La crise américaine est gérée par l'administration Obama à la latina : on injecte de la dette, mais le pouls économique de l'Amérique est toujours faible. Les Républicains craignent l'hydropisie. Les fondamentaux du pays indiquent une dépréciation du dollar mollement consentie par Washington pour donner l'illusion d'une reprise d'activité, mais si la situation profite à Boeing ou Ford, les autres industries ne verront pas d'embellie car elles n'ont pas les réseaux ad hoc pour accroître leurs exportations. Nous sommes dans le même cas. Faut-il encore produire des biens désirés par les clients pour en faciliter l'exportation par la dévaluation.
Donc, mécaniquement le yuan va révaluer sur le marché extérieur malgré une inflation dangereuse sur le marché domestique. Les pays d'Asie concurrents qui trafiquent en dollars s'en trouveront bien et peu tentés d'abandonner la devise américaine qui les soulage ; par contre ils s'aviseront d'engranger en réserves du yuan, de l'euro et du yen qui à moyen terme sont plus sûrs.
La théorie du Qiu Shi Journal est séduisante pour les cadres du parti dont on flatte le nationalisme, mais appliquée dans le monde réel, elle sera difficile à mettre en oeuvre. Je remarque aussi que la position de la place de Hong Kong est diminuée par rapport à ses capacités propres, mais si vous savez que le successeur du président Hu Jintao, monsieur Xi Jinping, était maire de Shanghaï et que la place de Shanghaï caresse le rêve de redevenir la capitale du Pacifique Nord qu'elle fut jusqu'en 1937, en diminuant le rôle de Hong Kong, vous comprendrez que le groupe de rédaction du Qiu Shi n'ait pas poussé le raisonnement. La Bourse du monde sera à Shanghaï.

Note (1): Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Singapour et Vietnam (les pays qui comptent sont en gras).

Digest
L'égoïsme des Etats-Unis qui abandonnent leur monnaie au gré des vagues pour un soulagement à court terme de leurs positions commerciales est bien perçu par le parti. Mais créer de toutes pièces en Chine une place financière internationale de premier rang en voulant l'administrer au bénéfice de la mère patrie ne correspond pas aux codes du marché libre. Les ambitions déployées par cet article seront ramenées aux justes proportions d'un marché monétaire et financier régional, en donnant des gages de non-ingérence aux voisins de la Chine. Hong Kong a un rôle éminent à jouer dans cette affaire, c'est la troisième place mondiale de la galaxie Nylonkong (clic).

Billet précédent ① de la série : CLIC
Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

mardi 15 février 2011

Justice & diplomatie

Notre diplomatie a son Ingrid Bétancourt 2. « On va enlever la blanche colombe à la barbe de ces p... de rastacouères et venger Camerone ! Brice sera chargé de positionner un Noratlas tout vert dans la forêt guatémaltèque pour recueillir le commando et voler jusqu'à Cayenne, où l'on construit l'arc de triomphe fleuri sous lequel ils passeront tous. Où sont les caméras ?» (Zebulo in pectore).

Le dossier Berton que j'ai lu en son temps dénonce les contradictions de la procédure, les "ratures", le foutoir judiciaire mexicain et le reportage en conserve de l'arrestation de la fiancée et de son pirate au bénéfice du chef du FBI local qui voulait faire carrière, et se retrouve aujourd'hui ministre de l'Intérieur. Ça nous rappelle aussi des opérations coup de poing en France d'un autre ministre de l'Intérieur. Mais sur les "faits jugés" il est sec, Me Berton. D'ailleurs, les attendus dissipés ci et là par les autorités françaises ne les nient pas mais les oublient.

Le gang des Zodiaco n'est pas l'Île aux Enfants, et plus largement la République du Mexique non plus. Rapt, viol et meurtre étaient monnaie courante et ordinaire chez les Zodiaco. Il est établi que Mlle Cassez vivait au ranch de Las Chinitas où d'ailleurs ils reçurent, son fiancé et elle, les beaux parents de France (on a la photo). Il est établi que des otages de ce gang ont été "recrutés" à l'hôtel tenu par son frère, où le pirate trinquait de bonne humeur avec son "beauf". Mais jusque-là, la prévenue pouvait faire l'idiote transie, aveuglée par l'amour tropical. Après tout !

Le témoignage accablant est celui des derniers otages secourus, dont nous avons parlé dans un billet resté fameux (humour :) Cassez le doute. Ce témoignage a paru dans La Jordana (clic). Il est renforcé par le témoignage de M. David Orozco Hernández, gangster, qui soutient que Mlle Cassez partageait la direction des Zodiaco avec son fiancé Israel Vallarta (clac).
Fermez le ban !

Il est ahurissant qu'un gouvernement en arrive à couler sa diplomatie parce que le président gère le pays comme un fan club ! Il ne voit aucune priorité ni hiérarchisation des questions. Le tapis roulant apporte Ben Ali - on gère en direct au jour le jour par tête-à-queue -, Laetitia - on gère en direct la souffrance des parents en l'instrumentalisant -, puis Moubarak - on gère en direct mais en retrait des Etats-Unis dès fois qu'ils se retourneraient -, Florence Cassez - on gère en direct la vexation de n'avoir pas été obéi par un pays jusque-là ami, malgré les promesses... trouvez-moi quelque chose pour la semaine prochaine, ce que vous voulez, une buraliste égorgée par un JAP en cavale, le dynamitage de la villa d'un pote en Corse avec au moins six morts, la fin tragique des pieds nickelés de FR3 en Afghanistan, la vidéo de DSK en situation dans les vestiaires du FMI, ce que vous voudrez.

On comprend que le président Felipe Calderón en soit littéralement tombé sur le cul. Un Etat gère des intérêts pas des émotions. Devrait-il déjuger sa propre Cour de cassation, perdre la face vis à vis de son opinion publique en pleine guerre des cartels de la drogue (les journaux classent l'affaire Cassez à la rubrique Política), cela pour plaire à notre hyperprésident qui veut faire l'avocat à la place de l'avocat ? Qui pis est dans la crise d'énurésie, il devrait se sentir menacé de boycott de l'Année du Mexique en France par le Quai d'Orsay (MAM 11.02.11)? Mais chacun sait que les "années" sont l'enveloppe culturelle des exportations françaises ciblées vers le pays mis en vedette, la locomotive Alstom peinte par Matisse. Et que le Mexique n'a pas d'intérêts vitaux engagés dans l'affaire. Il annule donc la participation de son gouvernement à la foire !
Et démerdez-vous les génies !

L'arrogance de roquet de notre diplomatie fait son chemin pour détruire le peu de considération que nous avions encore. Dans les derniers temps nous avons fait fort : après avoir proposé le savoir-faire français dans le maintien de l'ordre en Tunisie pour sauver notre ami Ben Ali déconsidéré par sa propre police, nous gelons ses avoirs dès son expulsion sans attendre la demande officielle du nouveau gouvernement de Dar el-Bey. Un diaporama de cent photos d'embrassades franco-tunisennes circule sur la Toile. Après avoir laissé le Premier ministre passer ses vacances de Noël en famille au frais de la République égyptienne, nous gelons de la même façon les avoirs français d'Hosni Moubarak au motif qu'il a démissionné, sans attendre non plus la demande officielle de la junte. Lui n'a pas fui, il est en résidence surveillée à Charm el-Cheikh, à disposition des nouvelles autorités égyptiennes. Un diaporama de cent photos d'embrassades franco-égyptiennes circule sur la Toile. De quoi se mêle la France ? L'attitude du Quai oscille entre peigne-cul et faux-jeton. Ces choses-là se font dans l'ordre et sans dire. Notre diplomatie est carbonisée par l'embrasement médiatique de nos pas de clerc. Khouchner était un moindre mal, c'est dire où nous sommes venus.


Il est des gens de haut niveau au ministère des Affaires étrangères, des agents compétents souvent dévoués. Mais la qualité de la réflexion et du service ne peut lutter contre la politique des coups décidés par les spinning doctors de l'Elysée ! Excitée par le souvenir des lentes réactions de la présidence Chirac, la présidence actuelle précède toujours la réflexion des cabinets ministériels, on parle d'abord, on gère ensuite, on ne rattrape que rarement et souvent on en laisse le soin au télescopage des nouvelles qui favorise l'oubli. C'est de l'éjaculation précoce ! De mémoire d'Etat, nous n'avions jamais connu cela ! La présidence du G20 s'annonce mal car les reproches de nos pairs seront sousjacents. Au fait, c'est le Mexique qui nous y succède !!!

Postscriptum :
Notre arrogance met en péril la vente de 36 Rafales au Brésil qui se solidarisera du Mexique en cas d'aggravation de la crise diplomatique. D'ailleurs l'armée de l'air brésilienne préfère le Grippen suédois (sous licence yankee).
Post-postcriptum (16.2.11):
L'avocat général près la Cour d'appel de Paris, Philippe Bilger, dit la même chose que nous dans un registre bien plus élégant mais avec des mots plus sévères. Extrait ...
J'ose soutenir que l'apothéose dans l'imprudence a été proposée par le président de la République quand il a manifesté l'intention de dédier cette Année du Mexique en France - dont le Mexique, et ce n'était pas inattendu, s'est retiré - à Florence Cassez !
Le billet complet par ici ne vous décevra pas.
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vendredi 11 février 2011

L'empire contre-attaque ①

 

Les vitrines de libraires montrent le dernier livre d'Erik Israelewicz "L'Arrogance chinoise" chez Grasset : «la Chine tient ses promesses – et au-delà. Rien ne semble devoir arrêter son inexorable ascension. L’économie chinoise accumule les médailles d’or. L’empire du Milieu devrait dépasser les Etats-Unis et devenir la première puissance mondiale avant la fin de cette décennie – plus tôt que beaucoup ne l’avaient annoncé. En trente ans, le niveau de vie des 1,3 milliards de Chinois a déjà été multiplié par dix. Tous les Cassandre qui régulièrement annoncent l’explosion de ce dragon qui veut se faire plus gros que la grenouille en sont pour leurs frais. Forte de ses multiples succès, la Chine veut maintenant apprendre au reste du monde ! Lui dire comment on fait !»

Justement, les sites de veille ont détecté au niveau du Comité central du PCC un dossier de stratégie officielle qui vaut son pesant de cacahouettes. Royal-Artillerie va donner une série de six billets sur la stratégie chinoise des années à venir. Ce travail s'appuie sur ce dossier publié le 10 décembre 2010 par le Qiu Shi Journal, organe doctrinal officiel du Comité Central du Parti communiste chinois. L'original est accessible en cliquant ici. Copyright : le texte français est traduit d'un original anglais produit par Chinascope.org avec leur permission explicite à Royal-Artillerie en date de ce jour. L'original chinois susmentionné est lu pour chaque billet de la série de six afin de dénicher tout contresens.
Chaque billet traite un des six points stratégiques recensés, sous une forme identique : évaluation chinoise de la menace américaine (en rouge), contre-mesures chinoises, analyse du piéton du roi (en bleu). Dans l'ordre, il s'agit de :
① la guerre économique
② la guerre monétaire
③ la guerre médiatique
④ la campagne anti-chinoise
⑤ les bruits de sabres
⑥ l'encerclement

Préambule du dossier de rétorsions chinoises sur Qiu Shi
Comment la Chine doit-elle répondre à l'agressivité américaine ? L'article que Mao Tsé Toung avait publié le 14 août 1949, intitulé "Rejetez les illusions, préparez-vous à la lutte" est toujours applicable à la situation présente : Notre souhait de persuader les impérialistes et ceux qui sont contre la Chine d'avoir bon coeur et repentants est sans effet et n'aboutira pas. La seule voie est d'organiser nos forces pour les combattre. Un principe fondamental sur lequel fonder notre stratégie est que "si des amis viennent, offre-leur du vin ; si des chacals viennent, prenons nos fusils".

LA GUERRE ECONOMIQUE

Les dernières statistiques du Ministère chinois du Commerce montrent qu'en seulement deux semaines, du 1er au 15 octobre 2010, le Département américain du Commerce a produit pas moins de vingt-quatre correctifs commerciaux et sur affaires connexes impliquant la Chine. Neuf de ces incidents intervinrent en seulement quatre jours du 12 au 15 octobre. Depuis le mois de septembre, les Etats-Unis ont ouvert sept enquêtes au titre de la section 337¹ et une autre au titre de la section 301², impliquant des productions comme celles des panneaux solaires, les écrans LCD et les cartouches d'encre.
Si nous regardons juste le fameux de cas de protection spéciale des pneumatiques made in the USA, nous pouvons voir aisément qu'en vérité, les Etats-Unis ont déclaré une guerre commerciale à la Chine. Que la Chine le veuille ou non, la plupart des médias du monde peuvent voir cela clairement.

Rétorsions chinoises
Naturellement, nous devons combattre les Etats-Unis avec les armes appropriées. Quelle est l'arme la plus puissante dont la Chine dispose aujourd'hui ? Notre pouvoir économique, et spécialement nos réserves de change. La clé est de bien l'utiliser. Si nous l'utilisons bien, c'est une arme, mal, elle peut devenir un fardeau. Comptant sur le fait que le dollar américain est LA devise internationale, le gouvernement des Etats-Unis a accru la masse de dollars en circulation en provoquant sa dévaluation. Les pays disposant de fortes réserves en dollars en souffriront, mais les Etats-Unis eux-mêmes ne perdront rien.
Cependant, il y a une condition pour que cela soit vrai. Quelqu'un doit acheter ces dollars qu'ils impriment en excès. Si personne ne les achète, ils tourneront seulement sur le marché domestique, à l'intérieur des Etats-Unis, et causeront de l'inflation. Afin de freiner la sur-émission de devises américaines par les Etats-Unis, les pays détenteurs de fortes réserves de change en dollars américains doivent se concerter pour ne pas acheter ces dollars.
Il y a deux manières d'obtenir cela.
La première est que tous ces pays convergent sur un consensus et agissent comme un seul. La seconde est qu'un pays prenne l'initiative de ne plus acheter de dollars américains, et les autres pays suivront. Quel choix pour la Chine ? La première tactique exige des pays ayant de fortes réserves de change qu'ils parviennent à un consensus. La Chine, le Japon, le Royaume-Uni, l'Inde et l'Arabie Séoudite sont tous des pays à fortes réserves de change.
Le Japon est contraint par le traité de sécurité nippo-américain et ne pourra pas rompre avec les Etats-Unis ; aussi la probabilité d'obtenir la coopération du Japon est très faible.
Le Royaume-Uni a toujours suivi les Etats-Unis, aussi la probabilité de le voir coopérer avec la Chine est aussi plutôt faible. Il y a eu des changements récents dans la structure politique britannique. Le Premier ministre Cameron a adopté une nouvelle stratégie envers la Chine qui accroît les possibilités de coopération, ce qui en fait un partenaire plus vraisemblable que le Japon. De plus, les réserves de changes du Royaume-Uni, qui sont ajustées des taux du marché plutôt que détenues par des fonds souverains, sont en grande partie sensibles aux mouvement du marché.
L'Inde est demeurée un proche allié des Etats-Unis ces années passées, et Obama a promis de soutenir la candidature de l'Inde à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Ainsi, la probabilité de coopération de l'Inde avec la Chine n'est pas grande également. De toute façon, la capacité indienne d'achats de monnaies de réserve est très limitée, et elle ne peut donc influer beaucoup sur la situation globale.
L'Arabie séoudite n'a pas grand intérêt politique aux Etats-Unis ; ses achats de monnaies de réserve sont purement d'ordre commercial. Ils se contenteront donc de suivre le marché.
Basé sur cette analyse, on voit qu'il est peu vraisemblable que la Chine et ces pays parviennent jamais à un consensus. Ainsi nous reste-t-il la seconde option, celle de prendre l'initiative d'affecter le marché des dollars américains.
Cette approche est axée sur le marché ; donc les autres ne pourront pas blâmer la Chine facilement. C'est une bonne solution puisque nous ne devrons rien à personne pour avoir obtenu la faveur d'être notre partenaire. La condition-clé est que la Chine dispose de gens qui comprennent bien le marché et qui soient capables d'aller sur le marché au bon moment pour impacter le taux de change de la devise américaine. Bien sûr, la condition plus importante encore est que la Chine ait assez de courage pour défier la devise américaine. La Chine peut agir d'une ou deux façons:

L'une est de vendre de ses réserves de dollars, et la seconde est de n'acheter aucun dollar américain pendant un certain temps. La première option peut causer une dévaluation du dollar, aussi la Chine doit-elle estimer si elle peut assumer une perte résultant de la dépréciation du dollar américain. Toutefois, la sur-émission de devise américaine causera aussi une dépréciation du dollar, entraînant même une rétraction plus grande en valeur de la réserve de change. Par comparaison, nous perdrons sans doute moins par la première option.
Dans la seconde option, si nous n'achetons pas de la dette américaine, que devrons-nous acheter à la place pour accroître nos réserves de change ? Le choix est l'euro, la livre sterling, le yen japonais, la roupie indienne, le rouble russe et la monnaie brésilienne. En même temps, acheter de la dette de ces pays aidera à la promotion de bonnes relations économiques et de coopération commerciale entre la Chine et ces pays. Cela renforcera l'influence économique de la Chine dans ces pays. Par conséquent, c'est une tactique d'un très bon rapport coût-efficacité, et, plus important encore, la Chine étant le plus gros acheteur de dette américaine, les actions de la Chine auront un effet visible sur le marché. Si la Chine cesse d'acheter, les autres pays y porteront une attention soutenue et vraisemblablement suivront. Dès que les dollars en excès ne pourront plus être vendus, la dépréciation du dollar s'accélèrera et l'impact sur la richesse des Américains sera énorme.
Les Etats-Unis ne seront pas capables de résister à pareille pression et réduiront l'émission de devises américaines. Le dollar alors s'appréciera. Plus important, par cela, les réserves de change chinoises cesseront d'être pour les Etats-Unis la "chair du moine³ de la dynastie Tang". Au lieu de quoi elles deviendront une force économique majeure pour contraindre les Etats-Unis.
La clef du succès est que la Chine ait assez de courage et de détermination pour soutenir la pression américaine. C'est exactement ce dont nous avons besoin : montrer combien les Etats-Unis ont besoin de la Chine. Plus nous pourrons soutenir de pression, plus le succès de cette stratégie sera grand. Il indiquera que cette "arme" est hautement efficace et que les Etats-Unis commencent à nous craindre.

Note (1): la section 337 du Tariff Act de 1930 traite des droits et brevets applicables aux importations.
Note (2): la section 301 du Trade Act de 1974 traite des restrictions à l'exportation de biens américains opérées par les pays étrangers.
Note (3): Le moine est Xuanzang (602-664) qui partit en pèlerinage aux Indes pour en rapporter les soutras bouddhiques les plus secrets. La légende veut – et tout le monde en Chine la connaît – qu'il ait été assailli de monstres et démons voulant consommer la chair d'un saint homme leur donnant l'immortalité. On notera l'analogie induite entre les Américains et les démons.

Analyse du piéton du roi

Avant d'entrer dans la technique, la première impression est que l'auditoire du Comité central du PCC est très large car on décèle un souci de vulgarisation des mécanismes de change, voire une approche simplifiée pour se mettre à la portée des cadres subalternes du parti. Je relève la mention à double-sens des compétences attendues du personnel de SAFE (dont nous parlions dans ce billet-là). Ils sont déjà désignés à la gloire comme à l'opprobre public, technique très "communiste" de motivation des cadres parvenus.
On peut déduire de cette première batterie de mesures de rétorsions – et cela se confirmera dans les chapitres suivants - que la Chine se sent seule. Le groupe de rédaction liste les motifs de ne point obtenir de collaboration des autres pays détenteurs de dollars pour vendre son option offensive, sans chercher ceux qui permettraient une convergence sur un assainissement des finances mondiales, comme doit s'en préoccuper le G20 sous présidence française. C'est en ce sens que la diffusion de ce document est domestique et frise la critique des comportements de SAFE jusqu'à ce jour. C'est leur faute si les réserves chinoises croulent sous ces p... de dollars américains.

Dans l'option retenue de défier le dollar sur le marché monétaire, les techniques de cambistes ne sont pas évoquées, les choses se lisant au comptant, ce qui est très primitif. Le groupe de rédaction ne semble pas imaginer qu'un marché réunit des acteurs disposant d'alarmes au dixième de seconde et d'outils de prévisions et réactions surmontant les effets des deux moteurs des changes que sont l'hystérie et la panique. La "guerre" préconisée par le Qiushi Journal fait l'impasse sur une exigence qui monte de plus en plus chez les partenaires économiques de la Chine, celle de la convertibilité totale du yuan chinois, pour enfin partager les conditions communes de règlement des échanges internationaux.
Or quand le yuan sera convertible, et la zone OCDE peut y forcer la Chine en pesant sur la liberté du commerce à l'OMC, la devise chinoise sera exposée comme toutes ses soeurs et donc susceptible de contre-mesures hyper-réactives des gnomes du FOREX qui ont fait de leur travail un sport ! A preuve, ils ont des salaires de footballeur.
Et ça, n'est pas écrit dans le manuel.

Digest
La guerre économique que la Chine entend soutenir contre les agressions américaines passe par une attaque du dollar amorçant un rallye de défaisance des détenteurs de réserves monétaires. Cette tactique n'est jouable qu'à la condition que le yuan chinois ne soit pas mis sur le marché monétaire ; ce qu'exigent de plus en plus véhémentement les partenaires économiques de la Chine. Attendre le G20.

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samedi 5 février 2011

Une diplomatie castrée

Dans le journal L'Action Française 2000, on peut lire à la une de jeudi dernier un éditorial de Marc Savina qui mérite un "arrêt sur texte". Mais commençons par le début :

LA DIPLOMATIE exige les deux qualités qui font le plus défaut à Nicolas Sarkozy, la discrétion et la patience. Nicolas Sarkozy veut parler au monde mais le monde ne l'écoute plus. Résultat navrant symbolisé par le naufrage de Bernard Kouchner et le refus d'Alain Juppé d'en prendre la succession. On a donc laissé les affaires courantes à Mme Alliot-Marie qui s'en sort comme vous avez pu le voir. Le même silence que nous avons décidé d'observer par pudeur ou par courtoisie à l'endroit de François Bayrou s'étend à présent au maire de Saint-Jean-de-Luz. Mais de quel aveuglement sinistre témoigne ce gouvernement ; et avec lui son régime ! Absence totale de vision devant les nouvelles complexités du monde. Oh ! certes, la République nous en avait déjà fait voir ! Qui ne se souvient de cette visite amicale proprement ahurissante du "visionnaire" François Mitterrand en RDA, à Berlin-Est, maintenue au lendemain de la chute du Mur ? En termes de relations internationales, Nicolas Sarkozy se fait à présent modeste. Au sujet de Ben Ali : « Nous n'avons pas toujours eu le recul nécessaire » affirme la principale victime collatérale de la révolution tunisienne. "Réserve" est désormais le maître-mot de nos relations avec le Maghreb comme avec l'Égypte, mais chacun peut y voir le retrait et l'impuissance de la France. C'est encore une manière convenable pour signifier que nous sommes sur la touche. Et dire qu'en 2007, le candidat Sarkozy entendait tourner la page des complaisances avec les partenaires africains et arabes. Que penser alors du soutien caricatural accordé à Ali Bongo et à son élection truquée au Gabon ? Que dire des droits de l'homme brandis à tout va mais sacrifiés lorsqu'il s'agit de se réconcilier avec la Chine ou la Russie ? Que penser de notre incapacité à peser sur le conflit israélo-palestinien ? Comment réagir devant l'appel de la France à créer un groupe de contact pour faciliter la mise en place d'un nouveau gouvernement au Liban et qui est resté sans réponse ? Le médiateur le plus probable semble être la Turquie, nouvelle puissance dans la région. Qui se souvient du beau projet d'Union méditerranénne présenté par Henri Guaino et qui a sombré corps et biens entre Tunis et Le Caire ? L'accumulation de tant d'échecs entraîne un isolement saisissant. Marc Savina (AF2000 #2810)

Clausewitz ne disait-il pas que "la guerre est un instrument de la politique... et n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens". La guerre n'a pas d'autonomie, elle n'est que la partie d'un tout et ce tout est la politique, que dans son segment étranger l'on nomme : diplomatie. Et réciproquement la diplomatie est à la guerre ce que le manche est au couteau, indissolublement liés.
Qui peut la guerre, a une diplomatie !
Les Etats-Unis peuvent porter le fer de la guerre dans toute plaie diplomatique du globe. La Chine peut en faire autant sur soixante degrés de longitude (75°E à 135°E) jusqu'à l'équateur. La Russie a 150° d'espace bien que limitée en latitude au 40°N. Tous les autres regardent le Grand Jeu, qui ne disposent que de forces d'auto-défense, projetables plus ou moins loin mais incapables seules de faire la guerre et de la gagner. On les coalise par projet.

Où en sommes-nous ?

Dans notre état de déliquescence économique, nos armées sont des variables d'ajustement budgétaire aussi longtemps que la guerre ne sera pas à nos portes, mais il sera alors trop tard pour les remonter.
N'ayant quasiment plus aucun moyen de contrainte, notre diplomatie n'a pas de... dents, que des postures. Elle est représentée ces temps-ci par une personnalité politique sans talents autres que celui de plaire à son maître, sans vista, sans projet (ce qui lui serait de toute façon interdit). On pourrait tout aussi bien y mettre un chimpanzé qu'on en retirerait le même usage à moindre frais. N'y a-t-on pas vu Kouchner l'esclaffé ? Que faire sans moyens pour apparaître encore (mais jusqu'à quand ?) dans les enceintes internationales de pouvoir ? De l'esbrouffe et appliquer le vieux principe de lâcheté : faible avec les forts, fort avec les faibles.
Marc Savina signale la complaisance montrée à la Chine et à la Russie, mais il ne dit pas que nous y sommes contraints car nous avons besoin de ces marchés comme le marathonien a besoin d'eau. Notre économie domestique est perfusée à l'exportation puisque nous produisons de moins en moins de biens sur place pour le marché intérieur, et donc que le moindre contrat enlevé à l'extérieur repousse un peu plus la banqueroute de notre économie de loisirs. Quelle idée juste vouloir imposer aux autres pays quand nous ne pouvons que la négocier. Après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, la Chine prendra des bons du Trésor français. Croyez-vous que nous serons en capacité de lui faire alors les gros yeux ?

L'éditorial note le désintérêt des Libanais à notre offre de médiation pour former le nouveau gouvernement. Qui s'en étonne ? Comme me disait un journaliste de l'Orient-le Jour, au moindre problème libanais, on entend parler la France, même quand on ne lui demande rien. Elle ne peut quitter sa redingote de mandataire ni cesser de mettre son nez dans les affaires d'autrui, d'autant qu'elle est incapable de protéger le Liban contre aucun de ses voisins. La dernière guerre israël-hezbollah l'a démontré en long, large et travers.
Une fois le pays détruit sous le regard indulgent de nos observateurs, nous avons débarqué cinq (5) chars Leclerc tout blancs, dont trois sont opérationnels au même moment ! Ce n'est pas parce que le clan Hariri loge à Paris l'ancien président de la République qu'il faut croire que les Libanais n'attendent que nous. "Le monde ne nous écoute plus" dit Marc Savina, mais cela fait déjà longtemps que nous devons limiter notre discours aux Droits, en choisissant soigneusement nos interlocuteurs pour ne pas les fâcher.

Economique d'abord ! Pour renaître, ce pays a besoin de gagner sa guerre économique. Elle passe par la réduction de l'Etat soviétique qui le vampirise. Cessons ce modèle extravagant de la social-démocratie à compte d'autrui inventé par le Conseil National de la Résistance, et laissons faire la "race", une fois libérée. Elle n'est pas éteinte, on en voit les succès partout... à l'étranger. Laissons-la s'exprimer, inventer, innover, développer, réussir, s'enrichir, et s'il reste trois sous, mettons-les sur l'éducation.
Le futur Vergennes devra attendre le renouveau économique et financier de ce beau pays pour achever le Projet d'être à nouveau indispensables aux nations du monde. Même Hubert Védrine dans cet environnement en déclin serait médiocre !

Tuons le mammouth ! Au travail et vite !


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mercredi 2 février 2011

De charybde en scylla

La consultation de Google Analytics nous signale une forte hausse des visiteurs provenant d'Afrique du Nord qui, lorsqu'on les additionne, sont en troisième position entre Canada et Belgique. Que l'on ait recherché l'avis de Royal-Artillerie serait flatteur mais il est probable qu'à l'exception de la Tunisie où la moyenne du temps passé est de 1min 36s, - ces lecteurs avaient été accrochés au train des équipages par un billet monarchiste de septembre 2006 : Le Roi de Carthage - les autres ont fait le tour des blogues royco pour savoir ce que nous pensions de la "révolution en marche". Temps passé et taux de rebond nous l'indiquent. Allons-y donc.

La démocratie réelle résoudra-t-elle les problèmes causés par la dictature ? Bien sûr, dès que l'on expulse la dictature ! à la réserve près qu'ils n'en sont pas tous issus mais résultent aussi des fondamentaux de chaque pays et de la pertinence du régime économique choisi, parfois il y a longtemps.
Quand on creuse, on s'aperçoit que les gens réclament d'abord la justice au sens large et le minimum vital, pas la lune ! La captation de la valeur ajoutée produite dans le pays par une caste de vampires leur est donc insupportable, bien avant qu'ils ne s'indignent de l'insuffisance de cette valeur ajoutée globale et n'en comprennent les raisons.
Au Mahgreb, le cas de l'Algérie est à part. C'est un pays riche et prometteur colonisé par les familles issues des leaders de la guerre d'indépendance qui se sont réparti entre elles les flux de biens et matières. Le gouvernement est chargé d'agiter le tapis pour les maintenir dans leurs rentes respectives. Elles ne libèreront le pays que gavées à en crever, et ce ne semble pas être pour demain, les jeunes générations comptant bien prendre la suite.
Le cas du Maroc est spécifique mais pas autant qu'on l'analyse. Le Makhzen marocain n'est pas une aristocratie éclairée mais une grille féodale qui régente tout le royaume, sous le regard d'un roi entravé qui a beaucoup déçu, du moins ceux qui ne le connaissaient pas avant.
Les révoltes spontanées que nous observons dans le monde arabe ne sont plus mises à feu par le nationalisme, la lutte contre l'Occident, la défense des ethnies ou cultures minoritaires, ou même la faim. Elles sont déclenchées par le gap entre le monde libre et le monde arabe, l'insupportable défi de libertés en tous genres que leur vendent sur l'écran d'ordinateur les "pourrisseurs" anglo-saxons et leurs affidés européens. C'est CocaCola et les jeans Levi's 504 qui ont sappé le communisme. Aujourd'hui, Yahoo, Google, Facebook, Twitter ont pris la rélève de la subversion douce.

Les fondamentalistes musulmans le savent qui poussent à élargir le gap pour retourner à la charia et à la civilisation de piété et grandeur d'un passé lointain, mais de toutes les fermentations qu'ils ont semées, aucune n'a eu l'effet déclencheur spontané. Toutes leurs manifestations bruyantes sont organisées et soigneusement encadrées, ce sont des défilés. Ils rament maintenant partout derrière les "libéraux" en Jordanie, en Egypte. Ailleurs ils sont carrément dépassés.

Revenons à la Tunisie qui est le "pays sympa" d'Afrique du Nord. Time Magazine avait fait un article en novembre 2007 que nous complétions d'une entame enthousiaste : Ce pays démuni de tout sauf de courage a émergé jusqu'à devenir un petit dragon arabe sur le modèle asiatique. Et nous y combattions la rage démocraciste des Américains qui voulaient y forcer (déjà) leur modèle, par moult exemples de peuples prospères sans démocratie, en commençant par une question qui fâche, toujours la même : A quoi cela sert-il de promouvoir urbi (à l'ONU) et au monde les déclarations des droits de l'homme et du citoyen, si au final il s'en tape, ne s'intéresse qu'à la paix des villes et des champs, à l'éducation de ses gosses, à mettre un peu d'argent à la banque ? S'est-on posé la question de savoir si le citoyen veut l'être ? Des agitateurs "contre-révolutionnaires" mettent le ver dans la pastèque cérébrale en démontant la manipulation des puissants ou des riches sous les yeux incrédules des électeurs, en leur suggérant de laisser la stratégie entre les mains de professionnels honnêtes débranchés de la machine à fric. Hurlements des idéologues de l'égalitarisme pour qui c'est de la pornographie. Or les familles dynastiques de qualité peuvent jouer ce rôle désintéressé. Et les peuples ne s'y trompent pas qui naturellement privilégient aux affaires publiques les familles qu'ils connaissent.

C'est une définition de l'aristocratie comme régime politique, et les peuples qui lui préfèreront l'égalistarisme français seront malheureux, éternels insatisfaits, puisque le ressort de ce système est la promesse de satisfaire des envies réputées toutes légitimes. On sait bien que ce n'est pas possible sur terre, mais quel slogan mobilisateur !


Pour le moment, tout laisse accroire que l'Opinion recherche un homme providentiel - Ben Ali le fut en son temps quand il débrancha le géronte Bourguiba -, homme fort en pays de caïds qui va s'entourer des rois-mages pour redonner du travail à tous, après avoir fait des élections à la proportionnelle pour inaugurer le grand cirque des tribuns télévisuels. C'est tout vu.

De bonne foi, si le peuple tunisien est en quête d'un Etat juste qui favorisera la croissance économique pour assécher les poches de misère et donnera à chacun sa chance - attention, courage ! - il aurait intérêt à étudier une restauration monarchique qui est le mode représentatif le moins cher et le plus sûr en termes d'image extérieure, d'unité nationale et d'incarnation d'une vrai souveraineté. La dignité retrouvée de la fonction déteindra sur les étages subalternes où travaillera le nouveau gouvernement démocratiquement élu par un processus adapté aux moeurs du pays.

Evidemment que les tuteurs imposés (Etats-Unis, France, UE) déconseilleront ce choix qui en creux dénonce leur illégitimité, puisqu'ils sont les purs produits éphémères de la démocratie retravaillée à dessein et n'entendent pas laisser à autrui un avantage de temps long qui leur est inaccessible. Dès fois que ce petit pays deviendrait un Hong Kong à la charnière de la Méditerranée occidentale et orientale ! Vous n'y pensez pas !

Que le peuple tunisien se tienne à distance aussi de cette machine à normaliser tous les comportements que sera l'Union Pour la Méditerranée. Qu'il choisisse le grand large, sa position géographique s'y prête.

Finissons par les armes de la maison des Bey de Tunis.
Qu'elles vous donnent envie, amis de Carthage.

armes de la nouvelle Carthage

Sites tunisiens parlant de monarchie :
- Royaume de Carthage
- Réveil tunisien
- Nawaat

Les deux billets de Royal-Artillerie cités dans celui-ci sont :
- Le Roi de Carthage
- La rage démocratique

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