jeudi 29 septembre 2022

Il était une fois La Nation Française

Avertissement: Le blogue a changé de nom (mais pas d'adresse url) pour marquer la rupture de contrat entre son rédacteur vieillissant et son lectorat distingué qui en attend toujours plus de polémiques, à croire la courbe d'audience dont les pics jalonnent les arquebusades.

page-titre de La nation Française
1955-1967
Si la cure d'altitude est une expression souvent galvaudée, ce fut pas le cas de cet hebdomadaire monarchiste d'après-guerre fondé par Pierre Boutang avec le renfort de contributeurs distingués que furent Michel Vivier, Henri Massis, Pierre Varillon, Jacques Navailles, Gilbert Comte, Michel Mourre. Vinrent ensuite des pointures comme Jules Monnerot, Antoine Blondin, Roger Nimier, Gilles Dubourg, Philippe Ariès, Louis Pauwels, Michel Chrestien, Jérôme Carcopino et d'autres. Autant dire qu'il y avait de la diversité. Il s'agissait après la mort du Martégal de rompre avec le réflexe d'exclusions de l'Action française et cette mécanicité du débat qui avait engouffré la cause monarchiste dans un tunnel sans fin, et dont les continuateurs officiels ne voulaient démordre, jusqu'à la sclérose. A voir les résultats d'audience, on n'en est toujours pas sortis, mais ça avance, à moins qu'on reprenne les mêmes.

Aujourd'hui encore quand on veut élever le niveau de réflexion dans le dernier carré monarchiste, on cite d'abondance Pierre Boutang et sa bande d'Iroquois de La Nation Française. Rien ne leur était étranger, rien ne leur faisait peur. Pour saisir ce que je veux dire, je me limiterais à citer Boutang dans un libelle d'actualité d'alors, "La Terreur en question" (clic), comme une réponse au livre La Question du communiste Henri Alleg, écrit dans la prison d'Alger, qui dénonce les pratiques odieuses des autorités militaires. C'est un sujet impossible à analyser aujourd'hui sans mourir sous l'anathème. Boutang n'a pas eu peur, lui, mais ce n'était pas la même époque, il est vrai.

« La logique de la torture, en sa simple et terrible essence, est que, le jugement de la force une fois prononcé, le vaincu doit au vainqueur la reconnaissance de sa victoire, il lui doit ses secrets, son pouvoir de parler et de se taire, puisqu'il lui doit la vie. Mais la morale de notre honneur, dans l'Occident chrétien, n'accepte plus que ce jugement soit total ; elle ne tient pas la parole pour une simple part de la vie, une des fonctions dont le combat déciderait souverainement. Il faut donc que le prisonnier, une fois sa bataille perdue, se retrouve homme, libre de sa parole ou de son silence. Cette exigence est sans mesure, scandaleuse du côté de la puissance : il faut d'immenses efforts, une attention et une invention accrues, pour qu'elle ne profite pas au mal et à la mort ; pour qu'elle ne contribue pas au triomphe de ce qu'elle refuse, du monde ancien où la terreur appelle la question. L'armée, nous en avons les preuves et les gages, accepte de répondre au défi, de vaincre sans avilir.»

A revenir sur terre aujourd'hui, on mesure l'orwellisation des moeurs politiques.

Sur Boutang lui-même, j'ai bien aimé la recension fouillée de Juan Asensio du bouquin de Luc-Olivier d'Algange, Pierre Boutang (clic). Copieux certes, mais on ne perd pas son temps. Extrait :

« Être monarchiste, pour Pierre Boutang, c'est comprendre, par-delà les considérations positivistes (inspirées d'Auguste Comte, d'Anatole France ou de Renan) de Maurras, que l'ordre politique et terrestre n'est digne d'être respecté que s'il reçoit humblement l'empreinte de l'Ordre du Ciel. La fonction d'Auteur monarchique que Pierre Boutang fut, avec Henry de Montaigu, un des très rares à hausser à l'exigible dignité chevaleresque, annonce ainsi sa fonction de philosophe, c'est-à-dire d'amoureux de la sagesse. Car si l'Ordre est vénérable, en ce qu'il témoigne du permanent, et s'il est préférable a priori à la subversion, désastreuse par nature, il n'en demeure pas moins que Pierre Boutang, dans la fameuse querelle sur le coup de force qui eût libéré Socrate de ses geôliers, fut enclin à passer outre aux recommandations légalistes de Socrate pour le sauver. L'Ordre est sacré, certes, mais encore faut-il qu'il ne contredise point le cri du cœur qui, en certaines circonstances, nous en révèle la nature parodique.»

Et je ne résiste pas non plus à l'amorce de Romain Debluë de sa critique (clic) de l'Ontologie du secret :

« La philosophie française est une pâture que mit en jachère le génie de Descartes, et à quoi l’intuitif labeur de Bergson ne sut point rendre sa fertilité ancestrale, égarée, durant le petit siècle qui fit suite au Grand, parmi les stériles sillons tracés par l’araire ravageur que prirent les Lumières pour le grand véhicule du Progrès. La terre fut fendue mais ne fut point retournée ; et il y eut alors, pour les veaux et les cochons, un long double siècle de pacage exclusif, au lieu même où les aigles et les taureaux, naguère, tenaient d’altissimes conciliabules. Le sarcloir français, au temps des perruques pulvérulentes, puis au temps des révolutions, était de bois : le fer puissant et rigoureux fut à la France confisqué par les Germains qui firent, dans de perverses directions, des merveilles immenses ; l’exigence de l’intelligence était alors teutonne, et si l’on n’orait plus, l’on avait pour les labeurs de la pensée un sérieux vertigineux. Par suite, au siècle des occidences ultimes, la France à sa déliquescence trouva d’onctueux délices et s’y laissa glisser en provoquant même à la pousser aux abîmes les mille secondes petites mains de la Sophistique, entortillée toute dans un voile d’Isis acheté chez Cache-Misère. La Sophistique prit alors l’Insignifiance par le bras, et les manigances d’entremanificence purent commencer pour sembler ne vouloir cesser jamais. Quelques-uns, pourtant, s’extirpèrent de cette contredanse macabre : ils furent une petite quinte diminuée à n’être pas ensorcelés par les prestiges luxueux et luxurieux de l’ère nouvelle où Satan induit le bal en incessantes tentations. Parmi ceux-ci : Pierre Boutang. »

Fasciné par le logo flamboyant de Georges Mathieu, j'avais onze ans quand j'ai ouvert ma première Nation Française que mon père laissait traîner toute la semaine sur la table basse du salon. Et j'en ai lu presque tous les numéros, sans toujours tout comprendre, jusqu'à ce que je parte en Allemagne (1967). Depuis des années, Olivier Véron prépare aux Provinciales une édition d'une centaine d'éditoriaux de Boutang publiés tout au long de la vie du journal. Doit-on le harceler ? Les Provinciales ont déjà réédité les livres importants du métaphysicien fou (voir le catalogue).

Voilà ! C'est le premier billet du Canon de Gaillon.

lundi 26 septembre 2022

Faccetta Nera


Se or dall'altipiano guardi il mare
Moretta che sei schiava fra li schiavi
Vedrai come in un sogno tante navi
E un tricolore sventolar per te
Faccetta nera, bell'abissina
Aspetta e spera che già l'ora si avvicina!
Quando staremo vicino a te
Noi te daremo un'altra legge e un altro Re

La legge nostra è schiavitù d'amore
Ma è libertà di vita e di pensieri
Vendicheremo noi Camicie Nere
Gli eroi caduti e liberiamo te
Faccetta nera, bell'abissina
Aspetta e spera che già l'ora si avvicina!
Quando staremo vicino a te
Noi te daremo un'altra legge e un altro Re

Faccetta nera, piccola abissina
Ti porteremo a Roma, liberata
Dal sole nostro tu sarai baciata
Sarai in Camicia Nera pure te
Faccetta nera, sarai romana
La tua bandiera sarà sol quella italiana!
Noi marceremo insieme a te
E sfileremo avanti al Duce e avanti al Re

Noi marceremo insieme a te
E sfileremo avanti al Duce e avanti al Re


contorsionnistes du cirque abyssin

Que voit le duc d'Anjou de son avenir ?

(billet spécial royco déporté après les funérailles d'Elizabeth II)

Echange commenté entre Louis-Alphonse de Bourbon et Antoine de Montjoie à l'occasion de la venue en France cette année de l'aîné des capétiens. Le texte est repris du site Légitimité sous timbre officiel du secrétariat du duc d'Anjou en France (texte intégral). Antoine de Montjoie est le rédacteur du journal Une France Un Roy, organe du Cercle Royal des Enfants de France (clic). Nos commentaires sont nettement identifiables et tapés en gras italique vert. Nous avons choisi d'enlever la décoration pour se concentrer sur le verbatim.


ADM - Que pensez-vous de l'avenir de la France avec la réélection d'Emmanuel Macron en tant que président ?

Louis-Alphonse de Bourbon
LDB - Je ne polémique pas avec l’actuel Président de la République qui comme tous ses prédécesseurs passera… Je suis plus intéressé par l’avenir de la France qui, elle, a vocation de durer. Je dois dire que je suis inquiet de ce qui se passe depuis des décennies dans la terre des lys. Comme nous le montre l’histoire, la France a été une terre de progrès, de culture, de civilisation ; un pays non seulement prospère et puissant mais, encore plus, regardé par de nombreux autres comme un modèle. Pourtant, actuellement, nous voyons l’œuvre des siècles détruite. Pour une large part c’est le fait d’institutions inadaptées car elles ne permettent aux meilleurs de donner toute leur puissance au service de la collectivité. Où sont les Colbert, les Sully, les Michel de l’Hospital ? Pareillement elles appauvrissent des populations toujours plus nombreuses. La France a progressivement été déclassée ce qui a des conséquences sur sa souveraineté et son moral. Or c’est contre cet esprit d’abandon qu’il faut réagir et, malheureusement les gouvernements actuels sont incapables de le faire puisque les institutions ne sont plus à même de répondre aux besoins. Bâties sur des idées fausses, minées par le scepticisme et le relativisme elles ne peuvent répondre aux interrogations du monde d’aujourd’hui. D’ailleurs depuis des décennies les gouvernements ont promis des réformes mais ils n’ont rien fait car c’est le système qui est mauvais.

RA : on est d'accord, le système est vicié à la base, qui interdit réforme et renaissance du pays dans le concert des grands.

ADM - Que pensez-vous de l'Union Européenne, trouvez-vous qu'elle remplit son rôle, ou va-t-elle trop loin ?

LDB - Vous faites bien de poser la question en termes d’Union Européenne car c’est là où le bât blesse. Un capétien ne peut être que pour l’Europe qui a été le creuset de la civilisation occidentale à laquelle le monde entier doit tant. L’Europe a toujours eu le souci de transmettre sur les cinq continents ses valeurs inspirées par sa foi chrétienne et l’héritage gréco-romain. Qu’a-t-telle à transmettre actuellement si ce n’est des idéologies délétères. Avec l’Union européenne ce qui était un projet de civilisation rayonnant sur le monde, est devenu un mauvais modèle économique et financier technocratique menant à une mondialisation dangereuse puisqu’ordonnée à rien d’autres que l’esprit de profits à court terme. Afin que L’Europe puisse de nouveau être un modèle et non un pion plus ou moins malmené dans un concert des nations toujours plus instable et dangereux, la France doit reprendre conscience de sa vocation d’éducatrice des nations.

RA : la vocation française d'éducatrice des nations est justement niée hors du cercle étroit de la francophilie de proximité. Il faut inventer autre chose que de reprendre la trace d'un passé civilisé qui n'a pas l'aura escomptée dans le monde actuel. La dévolution des pouvoirs n'est pas citée or c'est un des "sine qua non".

ADM - Avez-vous l'impression que les Français désirent un roi ?

LDB - Cela ne peut-être une question d’impression. Le roi sous-entend une volonté de partager un destin commun, un grand dessein dans lequel tous se retrouvent, heureuse alchimie entre les désirs individuels et la volonté de garantir ce que les anciens appelaient la chose publique. Les Français n’ont jamais totalement oublié le roi. Les dix siècles de royauté demeurent comme une sorte d’âge d’or auquel ils peuvent se référer ne serait-ce qu’en matière de patrimoine. Ce qui est « royal » par nature est « beau et glorieux ».
Sur un autre plan voyez aussi combien les Français regardent avec envie vers les princes étrangers que ce soit les Windsor ou les Grimaldi. Plus de Français ont suivi le Jubilé des 70 ans de règne de la Reine Elisabeth II que la cérémonie du second septennat de M. Macron. Mais d’un certain sentiment en faveur de la royauté il conviendrait de passer à une volonté.

RA : les Français n'auront une volonté de royauté qu'à partir du moment où ses promoteurs afficheront un vrai projet, lisible et compris facilement par tous. Les photos sur papier glacé des magazines royaux n'y suffiront pas.


ADM - Avez-vous une impression que la civilisation européenne sombre dans un déclin profond à un point où toutes les valeurs qui l’ont bâtie ont été oubliées ? Quelle serait votre alternative face à ce déclin ?

LDB - Comment ne pas voir qu’il y a un certain déclin européen. Il y a des causes extérieures par exemple la poussée des pays émergents qui sont de nouveaux concurrents notamment économiques mais encore plus il y a des causes morales, une sorte de démission née d’une perte de confiance. L’Europe rejette ses racines historiques, religieuses et civilisationnelles, comme si elle avait honte d’elle-même et de ce qu’elle a réussi par le passé et qui a fait sa grandeur. Elle semble oublier qu’elle a été le lieu de tous les progrès tant matériels que culturels. Elle a été l’espace où ont pu s’épanouir tous les arts. L’Europe peut être fière d’elle-même. Quand elle abandonne sa mission le monde retrouve les désordres : l’esclavage renait comme la piraterie et tous les trafics, les obscurantismes de tous ordres s’épanouissent et donc l’insécurité pour tous. Les périls extérieurs sont autant le fruit des démissions internes que des volontés hégémoniques de nos ennemis. Quand la France et l’Europe montraient leur puissance et leur détermination elles n'ont pas été attaquées. C’est une des leçons que Louis XIV donnait au Dauphin. Elle n’a pas perdu de son actualité.
Pour stopper le déclin il faut que l’Europe retrouve confiance en elle et revienne a plus de sens du réel c’est-à-dire tire un trait sur les fausses idées et les idéologies. Les dernières crises, économiques, sociales et sanitaires, montrent nos fragilités en des domaines toujours plus larges et pourtant vitaux pour notre pays. Cette dépendance accompagne le déclin. Il faut en tirer les conséquences et savoir renouer avec une action politique réaliste permettant de retrouver les voies de la croissance et du développement équilibré.

RA : on peut discuter du déclin européen qui n'est pas si sûr dans tous les domaines. Par ailleurs l'affirmation de puissance de la France et de l'Europe s'est faite aussi dans l'aliénation de nations qu'elles ont vaincues à la guerre. C'est pas top.
Le second paragraphe ne veut rien dire. Le passé ne nous aide pas au pantographe de la mondialisation. La France, premier royaume jadis, a été engloutie par la naissance ou le retour des grands empires. Relever le défi d'une civilisation de mort (IVG, euthanasie) et de perversités sexuelles est au-dessus des forces de la seule France actuelle qui exhale une odeur d'eau croupie. Le seul bassin civilisationnel où sont promues avec succès mais au prix de l'asservissement des âmes les "valeurs chrétiennes" pour lesquelles combat la droite et le prince, est celui de l'Islam ! On fait quoi, Monseigneur, une fois qu'on aura transformé l'Europe en hard-power ? J'avoue être perdu.

ADM - Que pensez-vous de la place de la jeunesse dans le royalisme actuel ? Les encouragez-vous à poursuivre des actions tel que ce journal, du militantisme (collage d’affiche…) ou d’autres actions ?

LDB - Les jeunes sont toujours l’avenir. Cela est vrai pour les familles comme pour les Etats. Cela est vrai aussi, bien évidemment, pour le royalisme. Que serait-il s’il n’était que prôné par les anciens ? Tout au plus une nostalgie pour un monde révolu du passé. Or le royalisme comme cela l’a toujours été du temps des rois de France doit être avant tout vision d’avenir, d’espoir pour demain. Chaque règne nouveau apportait un peu plus au royaume. Dans les premiers siècles, assurer l’essor territorial ; ensuite créer des structures politiques et administratives performantes avec une fonction publique dévouée au service de l’Etat, enfin assumer et garantir la souveraineté. Actuellement la société est si malade que sa renaissance incite à revenir aux formes qui ont fait leur preuve et non aux utopies. Je ne peux qu’encourager les jeunes à la fois dans leur activité d’approfondissement des connaissances pour pouvoir défendre leurs idées et de militantisme car les jeunes ont besoin d’action. Ainsi je soutiens les jeunes qui s’engagent dans les actions diverses pour contribuer au bien commun.

RA : oui, c'est exactement ça, mais quel est le cadre monarchique à bâtir pour demain qui motivera une jeunesse combattante ? Quel est le cadre monarchiste à bâtir aujourd'hui où s'exprimeront efficament ces jeunes ? Atterrissez un jour, Monseigneur !

[...]

ADM - Quelle forme aurait la Monarchie future ?

LDB - Elle ne pourrait avoir que la forme de son temps comme ce fut toujours le cas. Du Xème au XIXème siècle la royauté a connu des formes diverses. Celle de saint Louis n’est pas celle de Louis XIV, celle de François 1er la même que celle d’Henri IV. Il en serait de même aujourd’hui ou demain. La monarchie restaurée dans un souci de bien commun retrouvé devra assurer leur place aux corps intermédiaires pour une bonne représentativité de tous. C’est sur ce point que notre régime malgré son emploi permanent du mot démocratie, n’assume plus ses devoirs d’où la crise sociale permanente du fait de tous ceux qui se trouvent exclus. C’est de cela que le taux d’abstention à toutes les élections témoigne. La royauté nous a appris que la société doit être un corps social vivant dans lequel chacun est à sa place du plus humble jusqu’au roi qui est sa clef de voûte. C’est vers cela qu’il faut tendre en redonnant leur place à tous les corps intermédiaires, le premier étant bien évidemment la famille.

RA : "je vous remercie de cette question, mais je n'en sais foutre rien !" On est là au fond de la faille programmatique ; aucun des prétendants à la couronne ne sait aujourd'hui quoi en faire, aucun ! Il faut faire sauter le mur de l'indécision sauf à vouloir continuer l'agit'prop à trois pelés et un tondu en collant des tracts sur les réverbères la nuit ! Cette cause génère du désespoir, il faut que ça change et que les princes parlent d'autre chose que du glorieux passé, sans y avoir jamais vécu.

[...]

Cette recension critique des propos largement réécrits du prince Louis n'est pas une manifestation d'hostilité à son égard. Mais il est toujours aussi indéterminé que lors de l'entretien donné à Paris-Match depuis New-York après la naissance des jumeaux en 2010. En résumé, le prince n'a pas de projet rédigé, seulement de pieuses intentions, mais à sa décharge, les questions sont mal posées et n'appellent pas des réponses constructives.

Qu'il se saisisse donc du régalien et basta !

vendredi 23 septembre 2022

Renaissance pensée d'une monarchie (3/3)

(billet spécial royco déporté après les funérailles d'Elizabeth II)

statuette du penseur confucianiste
Ce billet répond à la troisième assertion du programme de rentrée 2022 paru le 29 août dernier. La pensée monarchiste doit se régéréner sur ce siècle et pas sur les siècles passés. Si l'héritage d'une forte production royaliste en physique sociale, comme disait Maurras, est abondant, nous évitant de créer la monarchie de demain ex nihilo, il circule très peu de pensée structurée autour de cette forme de gouvernement qui soit applicable au monde de demain, que trop de royalistes s'obstinent à refuser.
Par ailleurs, l'espace dialectique est encombré d'exemples autocratiques desquels on ne tirera rien qui ressemble à notre projet, mais qui sont retenus par des explicateurs en manque de modèle. Il faut évacuer les dictateurs à poigne de notre espace dialectique qui consomment beaucoup d'énergie dans nos rangs. La bibliothèque monarchiste française n'a pas en rayon ces tyranneaux électoralisés qui n'ont de "roi" que ce qu'en laisse Ubu.
Il y a de la place pour des idées neuves qui ont fait leur preuve, ce qui est le paradoxe du monarchisme, mais ce ne sont pas douze blogueurs et dix conférenciers qui fourniront le jus de crâne. Il faut que de vrais intellectuels libres d'allégeances phosphorent sur la réinstauration monarchique au XXIè siècle, et publient. C'est ça le vrai défi du monarchisme français, parce que tant les princes que les chapelles ne sont pas calibrés pour l'instant à atteindre la queue de trajectoire, le roi revenu.

Est-il utile que le Piéton s'enferre de lui-même dans la renaissance raisonnée d'une monarchie au XXIè siècle ? S'il cherche de vrais intellectuels, c'est bien qu'il n'a pas trouvé en lui les ressources nécessaires à cet ouvrage, mais aussi que son audience bien insuffisante ne justifie pas cette colossale réflexion ; et il y a quand même une question de niveau, hein ? Un mot quand même en partant :
S'il lui faudra connaître les gloires, heurs et malheurs de la monarchie disparue sur ce même espace géographique, le penseur courageux ou surdoué, qui osera reconstruire une monarchie dans ce XXIè siècle, devra dépasser tous les avatars souterrains de la royauté pour découvrir la monarchie adaptée à son temps et susceptible d'évoluer avec lui, ce que ne sut faire l'Ancien régime ; pas plus que ses continuateurs d'aujourd'hui pourtant prévenus contre l'obsolescence obligée d'un concept qui se pétrifie. Comptant sur l'expérience acquise qui aura sédimenté dans son esprit et le guidera à son insu, il repartira d'une feuille blanche pour aboutir en cohérence et praticabilité au projet adapté à son écosystème de réinstauration du roi.

cul de lampe à l'épée


Hors-sujet : à compter de demain, la production du Piéton du roi va devenir épisodique et, plus souvent que de coutume elle consistera en la reprise de textes importants que nous jugerons utiles à la cause monarchiste. S'il ne s'agit pas (encore) de raccrocher les gants - quelques brèves de comptoir ensemenceront la vie du blogue - il faut veiller à ne pas entrer dans la sénescence des radotages qui tuent plus sûrement que le ridicule. Sans parler de lassitude, est apparue une difficulté nouvelle à écrire après une épreuve personnelle inaboutie. J'en tiens compte.
Rien n'empêche au distingué lectorat de ce blogue d'y puiser dès à présent du matériau autant que de besoin, dans les limites de la licence Creative Commons. Il existe aussi en ligne des aspirateurs de sites web qui marchent bien, surtout si l'on ne veut pas garder l'iconographie des articles toujours très lourde à charger. Trop vieux pour la charrue, viendra bien un jour où je retournerai enter les francs. C'est ce matin le premier jour d'automne !

mardi 20 septembre 2022

Longue vie au roi !

cercueil d'Elizabeth II porté à l'épaule

La succession huilée d'Elizabeth II à Charles III n'étonne personne ; c'est juste une question d'instant. Ce transfert illustre la supériorité de la monarchie héréditaire sur toute autre forme de gouvernement des hommes. Un de nos présidents, plus ou moins démocratiquement élu, eut-il succombé à l'âge ou à la maladie, voire même à l'attentat personnel, qu'aurait été déclarée dans l'heure la guerre de succession. Et les millions d'euros d'accourir de partout pour monter dans le train du futur vainqueur. Ici les choses se passent dans les règles, sans tonitruance, le roi depuis le premier matin a rencontré son premier ministre et enclenché l'exercice de ses droits constitutionnels sans tapage, en pleine dignité. Dans un billet resté fameux, Royal-Artillerie avait dépeint la monarchie anglaise dans les fonctions du titulaire de la charge de roi. Le voici actualisé et dépouillé des contingences polémiques d'alors (source).

British coat of arms
Le souverain anglais occupe trois fonctions. Il est le chef de l'Etat britannique et à ce titre préside les dominions du Commonwealth ; il est le chef de la nation anglaise ; il est le gouverneur de l'église anglicane.

Le souverain chef d'Etat assume une fonction constitutionnelle en légitimant la politique générale du gouvernement choisi par les Communes. C'est le discours du Trône qui ouvre les sessions parlementaires convoquées par le roi.
Le souverain assume aussi une fonction de représentation. S'il visite assez fréquemment les pays étrangers où il dispense des conseils de bonne gouvernance, le chef d'Etat reçoit les missions diplomatiques, les lettres de créances des ambassadeurs, et les délégations étrangères dans son palais. On peut comprendre qu'on n'y parle pas que de gastronomie. Surtout en Angleterre.

La fonction de chef d'Etat la plus discrète n'est pas la moins importante. Il reçoit chaque semaine le premier ministre en tête-à-tête politique pour échanger leurs idées ; le souverain y exerce ses droits : "the right to be consulted, the right to encourage, the right to warn". Plus de mille projets de loi ont été modifiés sous le règne précédent en exerçant le Queen's consent. Cet "exécutif informel" est complètement illisible par les Français qui manquent d'accoutumance au débat d'idées qu'ils transforment en rixe verbale. On peut déjà dire que la fonction de chef d'Etat britannique n'est pas neutre, qu'elle est même l'archétype du soft power.

La seconde charge assumée, chef de la Nation, est de loin la plus importante. Comme elle ne s'inscrit pas dans les minutes d'une constitution sauf pour la justice haute où il est considéré comme la "source primaire" du Droit, nous ne la voyons pas. Le souverain est le point de convergence de l'identité nationale. Quel que soit le document de nationalité que vous ayez en poche, votre acceptation à Buckingham ou votre bannissement donne ou retire votre "anglicité". Le souverain incarne aussi par l'unité de sa personne, l'unité de la Nation, et justement parce qu'il est délivré du gouvernement quotidien du pays, il surmonte les divisions politiques et les fractures sociales. Ainsi ont-ils pu s'offrir Boris Johnson sans casser le ressort national quand nous avons dû nous fader un Sarkozy (sinon c'était un DSK!) ou maintenant un Macron investissant sans vergogne tous les compartiments sociaux et personnels, ceux qui laissent en sortant la maison dans un état pire qu'ils ne l'avaient trouvée en entrant.

Par sa propre attitude le roi incarne enfin la fierté britannique. Selon son tempérament, il ajoute au sentiment de continuité de l'Etat la diffusion d'une considération certaine pour le service public qui agit en son nom, On His Majesty's Service, et pour les forces armées dont il reste le chef.
C'est enfin le souverain qui distribue honneurs et récompenses civiles et militaires. L'effet est sans doute plus fort d'être distingué par le chef pérenne de la Nation que par un politicien de rencontre sous le regard mort d'une mariane en plâtre !

Le système de gouvernement monarchique tire sa force de ce qu'il sépare les devoirs officiels du chef d'Etat de la vie tumultueuse des partis politiques. La stabilité institutionnelle est assurée par la pérennité incarnée dans son roi qui préside au carrousel des cabinets démocratiques.

Le journaliste Bagehot écrivait au XIXè siècle : « The nation is divided into parties, but the crown is of no party. Its apparent separation from business is that which removes it both from enmities and from desecration, which preserves its mystery, which enables it to combine the affection of conflicting parties ». Les deux étages sont bien distincts et cette séparation permet au peuple de se tromper en élisant un bouffon qui n'aura jamais la haute main sur l'essence même de la nation. La Grande Bretagne vit au milieu d'un foisonnement de libertés civiles gérées démocratiquement. Ce sont ces libertés que notre République, obsédée par sa survie, ne peut pas produire. Tout le contraire, elle les restreint partout au bénéfice de la pensée unique et de l'égalitarisme.

S'ajoutent aux fonctions officielles de la couronne, des charges de bienfaisance qui sont universellement appréciées. Toute la famille royale est mise à contribution dans ce domaine. Observant le rôle de la famille royale, Bagehot avait bien perçu l'intérêt de la pipolisation en disant : « A family on the throne is an interesting idea also. It brings down the pride of sovereignty to the level of petty life ».
Charkes III à son nouveau bureau

Pour enfoncer le clou, nous rappellerons que le budget public de la maison de Windsor est bien moins onéreux que celui de la présidence française puisque c'est moitié prix pour le contribuable, sans compter en plus l'orgie financière des campagnes quinquennales chez nous. Ils ont désormais un roi investi de longue date dans les défis de ce siècle, écologie, climat, nature. Il sera facile de le croire demain puisqu'il a montré déjà son engagement assidu sur plusieurs années dans ces domaines. Ce ne seront pas des thèmes de campagne électorale comme ici.
Vive le roi !

lundi 19 septembre 2022

La valeur affective dans les monarchies modernes

Westminster Hall QE2 catafalque

La longueur de la file d'attente pour Westminster Hall qui atteignit par moment vingt-trois heures est une réponse définitive aux critiques déplacées des esprits forts sur la monarchie, régime obsolète, dispendieux et immoral eu égard à l'égalité des hommes entre eux. Sauf que le peuple britannique n'a pas versé dans le fossé des revendications et communie dans la peine à la mort de sa reine sans se poser aucune autre question. Est-il zoulou pour autant ?

L'affect populaire est un des paramètres essentiels pour maintenir un régime monarchique et les maisons régnantes le savent bien. La semaine funéraire anglaise est millimétrée au bénéfice de l'aura de la famille royale, et l'importance jamais vue d'une telle foule lui donne raison.

Moins calculé, moins encadré, moins contraint est l'hommage rendu par les Hongkongais à "leur" reine devant le consulat général britannique à Admiralty, à telle enseigne que le proconsul chinois a actionné les autorités locales pour que les médiats cessent de rapporter des images de ce deuil et faire le lit de commentaires inconvenants dans leurs publications. Les "affligés", comme on dit en Cévennes, marquent par leurs bouquets et par leurs condoléances portées au Registre la nostalgie d'un âge devenu d'or, l'âge de la complète liberté. Au moment où montent les dictatures aussi sophistiquées qu'impitoyables, le souvenir des libertés publiques et individuelles arrache des larmes.

UK general consulate Hong Kong

Longue vie au roi Charles III !

samedi 17 septembre 2022

Une main devant, une main derrière

Poutine

There is a crack in everything, that's how the light gets in ! Anthem de Léonard Cohen (en pied d'article) est l'hymne adapté à la situation au Donbass que l'armée ukrainienne reconquiert. Le corps expéditionnaire russe ne retraite pas, il fuit vers l'abri des tranchées de 2014, en voiture, en camion, à vélo, abandonnant tout ! Où sont les commissaires soviétiques d'abattage des fuyards qui ont gagné la seconde guerre mondiale ? Le front se disloque. Le monolithe patriotique russe craque au point que d'aucuns, ayant vu l'effondrement des empires mal assurés, anticipent la ruine du château de cartes poutinien et font leur valise pour quitter la zone occupée. Qu'on en juge à l'effronterie des conseillers municipaux de grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg qui appellent la Douma à destituer le petit csar dont tous les maux du pays procèdent. Il faut les avoir bien accrochées pour défier l'Etat FSB qui pique les oligarques à la javel augmentée ou les jette par la fenêtre, qui fait tuer les leaders de l'opposition, les journalistes rétifs et ceux qui localement déplaisent ou détiennent des biens confiscables ; sinon se sentir nombreux. Et cette masse que le ministère de la guerre n'arrive plus à porter en Ukraine pour soumettre Kiev, sera-t-elle celle de la révolte civique des faucons, conjuguée à la résistance passive des colombes ? Les soviétologues nous signalent que plusieurs autres municipalités ont fait la même requête outrageuse après avoir lu la lettre de Saint-Pétersbourg.

L'armée russe ne combat pas, elle bombarde de manière indiscriminée, elle se venge en choisissant de détruire à distance les infrastructures civiles d'un pays qui lui échappe. Ce sont des Huns ! Les crimes de guerre s'accumulent qui finiront par être jugés dans quelque cour pénale transnationale. Mais le plus bonnard est le pâlissement de l'étoile rouge qui signe la "décolonisation" de l'Asie centrale sous surveillance désormais de la Chine populaire. Une séquence parle mieux que d'autres :

- le 2 août dernier, Dmitri Medvedev (ancien président et premier ministre de la Fédération de Russie) affirmait que le Kazakhstan était un "Etat artificiel" et qu'il s'adonnait au "génocide" de sa minorité russe. Le message fut retiré ensuite de son compte VKontakte. Ce sont les mêmes termes que ceux qui furent employés pour justifier l'attaque de l'Ukraine au mois de février (source Newsweek).

- ce 14 septembre, Xi Jinping fait escale à Nur-Sultan (Kazakhstan) sur le chemin de Samarcande où va se réunir l'Organisation de Shanghaï. Ce pays immense est l'espace le plus étendu où se déploie la principale route de la soie chinoise et le président Xi a assuré le président Tokaïev qu'il garantirait l'intégrité territoriale et la souveraineté de son pays. Contre qui ? devinez ! (source CCTV/La Libre Belgique).

- Ce 15 septembre, Xi Jinping s'adresse publiquement à Poutine en ces termes : « La Chine est prête à travailler avec la Russie pour jouer le premier rôle en démontrant la responsabilité des super-puissances, et pour insufler stabilité et énergie positive dans un monde en ébullition...» (source Reuters).

Y voir un encouragement à terminer la guerre (bien sûr en la gagnant contre l'hydre atlantique) comme le laissent croire les chroniqueurs de Moscou, c'est ne pas savoir lire la prose diplomatique chinoise. Il faut plutôt comprendre que le cirque poutinique doit cesser et vite. Xi se pose en leader incontesté désormais de l'Asie centrale - toutes les anciennes républiques soviétiques se sont ralliées - et la Russie devient un junior partner (comme l'avait pressenti Obama). Xi rencontre Erdogan ce vendredi 16 pour que les choses soient claires aussi dans le projet turcique du sultan d'Ankara associant la Turquie industrieuse et l'Azerbaïdjan énergétique dans une fédération à naître. En passant, Narendra Modi a signalé à Poutine que la période actuelle ne se prêtait pas à la guerre, et Poutine de lui répondre qu'il faisait de son mieux pour qu'elle cesse ; en la perdant ?
Autant dire que derrière les mains serrées, il en est peu de secourables. La haine de l'Occident fait moins recette que ne pouvaient le penser les thinktankistes en chambre qui voyaient les deux tiers de la planète faire bloc derrière le petit csar aux Nations Unies. En fait les deux tiers de la planète se foutaient bien de la guerre des blancs jusqu'à ce qu'ils découvrent que les silos à grains étaient là et qu'on les prenait pour des pigeons ! La désorganisation de l'économie mondiale s'accroît en même temps que l'armée russe s'enlise. Il serait temps aussi que le Tiers-monde se sorte les doigts et se fasse à manger !

Pendant les travaux diplomatiques la vente continue : l'Azerbaïdjan (turc) teste la garantie russe donnée à l'Arménie chrétienne, sans réaction de Moscou. Les Tadjiks et les Khirgizes (ex-républiques soviétiques) se tapent dessus après le départ de la force russe d'interposition rappelée en Ukraine. Avec le refus du Kazakhstan de concourir au bonheur russe - Tokaïev vient en novembre à Paris rencontrer Macron - la Fédération de Russie ne tient plus rien du territoire steppique entre le fleuve Oural et les Monts Altaï. La main a passé à la Chine populaire, et il va se voir rapidement que Poutine a dilapidé l'héritage soviétique parce qu'il n'est stratège en rien, ni à la guerre, ni à la bourse. La déclaration finale de Samarcande sera à coller dans votre piaule avec ce qu'il vous reste de bons russes. Poutine rentre à Moscou avec rien de concret dans la main, et ce ne fut pas faute de la tendre. Le doute n'est plus métaphysique, Poutine l'incapable veut vivre sur la guerre, à n'importe quel prix payé par les autres et ça se voit : son oriflamme porte déjà les noms de ses victoires : Boutcha, Marioupol, Manhouch, Buzova, Vynohradne, Staryi Krym, Motyzhin, Izioum... L'altermonde a finalement rencontré son fout-la-merde qui le nie !

mardi 13 septembre 2022

Au-delà du Dniepr

Les agents français d'influence du Kremlin (la liste en pied d'article) qui appelaient à négocier il y a deux mois la sanctuarisation de la Crimée éternellement russe et l'abandon à Poutine des deux oblasts russophones du Donbass, ne savent plus où donner de la tête depuis que le capharnaüm soviétique reflue vers sa frontière sous les coups répétés de l'artillerie de précision dont dispose l'Ukraine désormais et au milieu d'une débandade de son infanterie mal commandée, formée à la schlague et mal payée (les commandants d'unité encaissent les primes destinés aux soldats - on ne se refait pas). C'est triste pour MM. Schröder et Fillon.

Au moment où nous mettons sous presse (12/09/22-soir) Kiev revendique six cent mille hectares récupérés sur l'occupant et des milliers de tonnes d'acier à fondre ou regraisser comme les blindés abandonnés à gué ci-dessous. Au jour de la lecture de ce billet ils en auront peut-être repris un million. Pas plus que le Kremlin nous ne connaissons les plans de l'état-major ukrainien, Kiev ayant lessivé tous les espions russes de l'intérieur, mais il apparaît une certitude : il y a plus d'intelligence là qu'en face ! Plutôt que de gloser sur les succès attendus à la guerre - des experts comme Michel Goya s'en chargent - jetons un coup de projecteur géopolitique aux alentours.

Transports de troupe russes à gué

A jeun de victoire sur le front occidental, Poutine cherche à élargir le conflit en enrôlant des pays tiers dans sa juste cause mais les derniers insuccès vont sûrement refroidir les ardeurs de rapprochement comme nous le montre sa plus proche potentialité de soutien, le Kazakhstan. Kassym Tokaïev a dès le début refusé de reconnaître les deux républiques-croupions du Donbass et a appliqué (avec plus ou moins de célérité) les sanctions. Il tient le territoire où passeront les tuyaux. Malgré les visites répétées des dictateurs de la région, il travaille à réformer sa constitution en la démocratisant, et il ne va certainement pas s'embarquer sur un navire qui prend l'eau avant que d'être coulé par la mutinerie de son équipage. Il connaît à fond ces guignols remontés de la vase soviétique.
Des quatre soutiens avérés ou possibles, Chine populaire, Turquie, Corée du Nord et Biélorussie, le plus déterminant, la Chine, ne s'engage pas plus qu'en paroles car elle doit sauver ses canaux d'exportation vers l'Occident qui font vivre toute son industrie. Ainsi Poutine est-il contraint de la sauter pour demander aux Coréens de déstocker leurs obus de merde qui n'ont que l'avantage du calibre russe. De ce côté-ci on peut imaginer la tempête sous le crâne de Loukachenko (qui avait condamné la capture de la Crimée en 2014) si la Russie recule comme vont le lui signaler ses garde-frontières au sud-est. Tous les autres pays serrent la main du satrape, l'encourage (à crever) mais sans plus. Maintenus jusqu'ici sous la coupe des babouins du KGB, que vont faire les généraux professionnels russes devant la rupture des lignes qu'ils ne peuvent plus tenir. Se battre comme des lions ? mais avec qui ? Il y a désertion des troupes à pied et les blindés en panne sèche sont abandonnés au bord du chemin. Suivez mon regard : Choïgou ! Sergueï Koujouguétovitch Choïgou, diplômé de béton à Krasnoïarsk, déguisé en maréchal d'empire décoré sans avoir jamais commandé une unité militaire, attire la lumière. Il suffirait d'y ajouter la chaleur de la valise de Stauffenberg. Même si ce ne sont pas des Chinois à la face fragile, la question est bien de savoir s'ils vont se laisser ridiculiser par l'exécution bornée des plans de Poutine et du Tatar Guerassimov.

A traquer les réseaux sociaux russes, on sent poindre au niveau des étoiles des inquiétudes renouvelées sur l'issue fatale de l'opération militaire spéciale. Une armée peut se liquéfier du jour au lendemain si le moral des hommes et de leurs cadres s'effondre. On l'a vu en juin 40 en France chez les régiments d'appelés, en mars 2003 à Bagdad chez la Garde républicaine. La psychologie des combattants est très importante et à l'enthousiasme des sections ukrainiennes qui libèrent leur sol répond le doute et le réflexe de survie du contingent russe qui se demande ce qu'il fout là, depuis qu'on a épuisé les troupes d'active. Nous n'en sommes pas encore à la débâcle, mais ceux chez les gouvernements étrangers qui sont payés pour la prospective, intègrent maintenant l'éventualité d'une défaite fragilisant sérieusement le pouvoir de qui les appelle à signer des accords de soutien. Ce que l'on pourra détecter des actions chinoises au-delà des grandes embrassades sino-russes, décidera de la suite. A mon avis - c'est aussi un pari - les Chinois vont prendre leur avantage comme on dit aux cartes et se garderont bien de précariser leurs exportations avant le XXè Congrès parce qu'elles sont un gage de paix sociale. Dans l'expression "usine du monde" il y a "monde" et ils en dépendent. Reste la Turquie dont le sultan se croit très malin à jouer l'intermédiaire obligé parce qu'il contrôle les Détroits. Il pense prendre des points dans la guerre des grains et dans la guerre de Syrie. Il oublie qu'il est surveillé comme le lait sur le feu par les Américains et par le Congrès surtout. Son problème est de devoir entrer en période électorale quand son économie est presque ruinée - à sa décharge, il n'y connaît rien de plus que ce qu'il a lu dans le coran. S'ajoute à l'inflation démente (81%), la descente aux enfers de la livre turque qui a perdu la moitié de sa valeur contre euro en un an (clic), et la menace imminente de pogroms contre les réfugiés syriens (3760000) à qui bien sûr on impute tous les maux. Alors pour Erdogan, s'engager plus avant dans le camp du perdant annoncé serait un pari osé. Tout ceci dans l'hypothèse où le reflux russe continue sous la poussée des brigades ukrainiennes au sud et à l'est. On est d'accord, hein ?

Si donc les choses vont moins bien, c'est le front intérieur qui peut céder le premier. Déjà, les propagandistes appointés de la télévision d'Etat ont mis un bémol à leur vantardise allant même jusqu'à comparer le commandant ukrainien du corps d'armée oriental au général Souvarov, le Turenne russe. Les revers militaires commencent à suinter parmi la population des grandes villes qui a retrouvé l'accès à l'information internationale et communique avec leurs proches exilés, et en campagne par le canal des récits de soldats engagés au front à tel point que le pouvoir a coupé l'intranet qui permettait aux conscrits d'atteindre leurs familles.
Dernière remarque : les agences des Nations Unies ont abandonné leur frilosité à enquêter chez un membre permanent du Conseil de sécurité et documentent des rapports sur le sort fait aux prisonniers de guerre, sur le rapt d'orphelins ukrainiens, sur les déportations de population et tous crimes faciles à attribuer, sans oublier la répression féroce des opposants à la guerre en Russie. Pour finir, la centrale atomique est stoppée avec le danger que représentent les réacteurs sur circuit de secours. C'est beaucoup pour un seul homme qui veut tout faire par lui-même. Vladimir Poutine quittera-t-il la protection du Kremlin demain mercredi pour Samarcande et faire le paon au Sommet de Shanghaï ? Je prends le pari que non.

Terminons sur une inquiétude française. Je reprends l'info du Figaro daté du 11 mars dernier. Dans un courrier adressé aux officiers généraux daté du 9 mars, le chef d'état-major des armées (ndlr: Burkhard) livre une brève appréciation de situation sur la guerre en Ukraine : « Pour ce qui concerne la suite des événements, je considère qu'en dépit de la remarquable résistance dont elles font preuve, les forces ukrainiennes, confrontées à la difficulté de tenir un dispositif étiré, sans réserve opérative, pourraient connaître un effondrement subit », écrit-il. La multiplication des fronts épuise aussi l'armée ukrainienne, et sa chaîne de commandement est soumise à rude épreuve. « La défense civile – ou territoriale – ne prendra pas pour autant fin, notamment dans les localités assiégées », ajoute cependant le général en annonçant le basculement inéluctable de la guerre en guérilla. Sauf qu'au bout de deux cents jours, rien ne s'est passé comme il le pensait alors, à faire douter de ses capacités d'anticipation, capacités indispensables pour un CEMA.

Note d'ordre : les agents d'influence du Kremlin les plus connus en France sont, pour ceux qui ont manifesté publiquement leur tropisme poutinien : François Fillon, Mireille Mathieu, Eric Zemmour, Marine Le Pen et son politburo, Nicolas Dhuicq, Jacques Myard, Bruno Odent, Florian Philippot, Olivier Berruyer, Thierry Mariani, Gérard Depardieu, Jean-Luc Mélenchon, Eric Dénécé, Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers, Richard Boutry, Claude Goasgen, Patrice Verchère, Sauveur Gandolfi-Scheit, Marek Halter, Marie-Christine Dalloz, Philippe Grasset, Xavier Moreau, Jérôme Lambert, Emmanuel Quidet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Claude Bouchet, René Danesi, Régis de Castelnau, Jean-Luc Reitzer, Michel Terrot, Antoine Cuttitta, Michel Voisin et sans rien y comprendre, Jean Lassalle. Pour eux, le passé impérial prime, la Sainte Russie se défend et les sanctions occidentales sont sans effets. Inutile de vouloir raisonner !

jeudi 8 septembre 2022

La Reine est morte

Elisabeth II 1952
Dieu l'accueille en Son royaume !
C'est une vraie douleur.
Nous sommes en deuil,
mais que vive le roi !
Vive Charles III !

bouquet de deuil


Première adresse du roi à ses sujets

L'impermanence du pays réel (2/3)

Dans sa fameuse conférence en Sorbonne de 1882, Ernest Renan disait que « l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours ». Le texte de la conférence mérite une relecture.
Ce billet répond à la deuxième assertion du programme de rentrée paru sur ce blogue le 29 août 2022.

dessin Ernest Renan
Renan induisait qu'une nation n'est pas figée dans un moule, racial, linguistique, géographique ou religieux, mais se recompose au fil des intérêts communs, des souvenirs communs, des espérances partagées. En un mot, une conscience collective en mouvement.
Elle diffère de la patrie qui est charnelle et ancrée dans nos cimetières, qui fonde le respect et la reconnaissance que nous montrons à nos aïeux avant d'aller les rejoindre, pour ce qu'ils ont sû nous transmettre, surtout quand ils moururent en nombre pour ce faire.
Cette nation française, que finalement nous voyons mal ou partiellement mais que les étrangers embrassent très bien de l'extérieur, affronte le défi de survivre en tant que nation libre dans un monde globalisé, un monde de tous les dangers. Quelle est-elle dans ce qui la distingue des nations voisines ou concurrentes ? Demandons-leur. D'abord une confrontation visible à une histoire exceptionnelle longue de deux mille ans. Nous en avons conservé les vestiges. On lit en France les pages de la période gallo-romaine, le moyen âge des cathédrales et des abbayes, la gloire du Grand siècle, la dégénérescence révolutionnaire et la régérescence impériale, la Grande armée puis l'empire colonial le plus vaste après celui de Grande Bretagne, les traces nombreuses de deux guerres mondiales et c'est à peu près tout, puisque le car de touristes ne fait pas le tour des centrales nucléaires.
Nous montrons aussi un art de vivre que les étrangers trouvent exceptionnel, une façon de partager le temps entre activité professionnelle, culture et gastronomie, gastronomie, la première du monde en constante évolution, et une façon de se foutre du tiers comme du quart qui nous fait passer pour des sauteurs. Quand il perce la surface des choses, l'étranger qui a appris la langue - il y en a plus qu'on ne le croit - découvre l'esprit français, adossé une langue riche et syntaxée, avatar du grec ancien dans sa mathématique. La France ne refuse cet accès à personne. Elle a conservé une réputation d'intelligence. Ainsi la nation est-elle le précipité de ces admirations. Que ceux qui se réjouissent d'en faire partie un jour, s'y jettent !

Mais une nation doit survivre, au moins la nôtre, dirons-nous. Au pantographe de la globalisation, nous ne pesons pas plus que le souvenir de notre "grandeur" quand nous devons rechercher en permanence les moyens de nous protéger des attaques de nations que l'on a appris à nous haïr. Ce ne sont pas tant les peuples qui nous détesteraient que les partis soutenant l'autocrate du moment. Les Chinois connaissent plus de Français que seulement monsieur Louis Vuitton. Ils ont lu nos auteurs et ne prendront pas la mouche à moins que nous ne manifestions notre légendaire arrogance à leur endroit. Pour les Russes, c'est différent. Le peuple est pavlovisé par le bourrage de crâne quotidien du pouvoir ; mais les élites russes et tous les exilés ont manifesté une inclination particulière pour la civilisation française qui est depuis longtemps un occident emblématique, riche et non menaçant. On peut en dire autant des Turcs, des Brésiliens. Des Indiens nul n'en est sûr, affairés qu'ils sont aux feuillets, travaux et jours. Parmi les pays amis et de longue date, il faut compter le Japon, l'Argentine, le Chili et quand on fait l'inventaire des réfugiés d'importance sur notre sol, on trouve du beau linge venu d'Iran, de Syrie, du Liban, d'Egypte, de Chine populaire, du Vénézuéla et même des Andes. Ceci n'empêche pas certains gouvernements maléfiques de vouloir nous écraser économiquement, nous supplanter dans nos outremers, à la limite de nous humilier, jusqu'à nous expulser du siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Il faut donc que cette nation s'arme économiquement et militairement comme à la veille d'une déflagration mondiale. Notre poids relatif ou absolu nous oblige à coopérer dans des ensembles plus grands, capables de résister et en cas de guerre, de faire peur. Le poids commercial du marché commun, son union douanière et ses programmes de développement offrent une protection suffisante à notre économie. Au plan de la défense ou mieux dit, de la guerre, nous devons dépasser une armée de démonstration et bâtir l'architecture de défense qui forcera le respect, à condition que nous y mettions la masse. Mais c'est de la guerre de demain qu'il s'agit et pas de la guerre sans haine du maréchal Rommel. Nous n'avons pas le droit de nous tromper, mais une chose est sûre, nous ne survivrons qu'en alliance. La "France seule", c'est terminé, même si c'est dommage.

Pour faire vivre au quotidien cette nation, toute la population doit être convoquée à l'activité, sans a priori et surtout ceux qui assurent les services de base de la société, au cul des bennes à ordures, dans les fournils, sur les chantiers de travaux publics et sur les dalles des bâtiments en construction l’hiver, dans les services à la personne, dans les stations-services, les garages, dans les hôpitaux et cliniques privées, sans parler des spécialités médicales qu'ils assurent en nombre, dans les vignes depuis longtemps et dans les vergers avant mécanisation, dans nos armées enfin, chez la reine des batailles. Secouée par les migrations provoqués par le différentiel trop grand de développement entre continents ou par les guerres civiles, nous devons faire fonctionner nos services de base en intégrant tous les acteurs au travail. Bien sûr une régulation de l'immigration est plus que souhaitable pour n'avoir pas de sureffectif dans les emplois disqualifiés ou dans le désœuvrement. Dans cette population d'ailleurs, il n’y a pas que des dealers et des délinquants avec ou sans papiers, il y a tout le fonctionnement quotidien d’un pays que les nationaux de souche ont abandonné parce qu’ils ont désappris à se fatiguer. Un maréchal, que M. Macron citera dans un moment d'égarement, a dit un jour de défaite : « nous avons trop revendiqué, nous n’avons pas assez servi ».
Tout est là, et notre propre impéritie a créé l’appel d’air pour substituer le labeur au hamac des 35 heures, rtt, 5 ou 6 semaines de congés payés plus les congés maladie et convenances diverses. Il n’y a pas de grand remplacement, comme le dit notre châtelain pédéraste qui a fini par s’y faire un nom ; il y a recomplétement de forces disparues ou défectives. En ce sens, il est inutile de penser à une remigration générale, le pays s’arrête, c’est aussi bête que ça.

Une nation qui tiendra la distance face aux menaces en tout genre qui l’assaillent, sera inclusive. Ce qui n'exclut pas d'en gérer la démographie et de mettre l'immigration sous contraintes. Pour revenir au projet monarchique, il convient d'intégrer que sa conception doit tenir compte d'un paradigme extérieur hostile par hypothèse et intérieur instable par observation. L'hostilité extérieure se gèrera en alliance obligatoirement. Il sera plus compliqué de parer l'instabilité sociale, sauf par contrat entre les forces vives du pays et le gouvernement décentralisé d'une société clivée, divisée, crispée sur ses intérêts catégoriels. Il est donc évident que la réinstauration sera forcément limitée au domaine qui constitue l'os de l'Etat, l'essentiel, la promesse de continuer, le domaine régalien. Les graves imperfections sociales que le régime démagogique a créées seront traitées à part, par le peuple en ses états, par lui-seul, tels qu'il les aura choisis, dans ses capacités contributives au régime adopté.

lundi 5 septembre 2022

Après le pourquoi, le quoi (1/3)

Spécial Royco. A relire les cahiers de l'Université Saint-Louis de cet été, on perçoit très bien l'ancrage dans le passé et la revendication du meilleur gouvernement possible des hommes par la monarchie capétienne. Rien sur les voies et moyens d'une reconquête du pouvoir, rien sur l'institution monarchique prévue. On fonctionne en cercles, en loges.
Ce billet répond à la première assertion du programme de rentrée paru le 29 août 2022.

Guy Coquille
La littérature royaliste abonde en démonstrations définitives de la pertinence d'une monarchie héréditaire, aujourd'hui fédérative et sociale. S'il faut amorcer la longue cohorte des penseurs majeurs de la monarchie on peut commencer par Guy Coquille (1523-1603) et finir par Hans-Hermann Hoppe (1949-still going strong). Des douzaines entre les deux. On est archi-bordé quant au "pourquoi" : hors de la monarchie point de salut ! mais quid du quoi ?
Le "quoi" et le "comment" ou mieux l'inverse, s'appliquent à décrire l'institution monarchique réinsérée dans son environnement politique et social du moment, disons dans trente ans ? Parce la réponse à la question légitime du vulgum pecus est déterminante pour la suite. Comment ça marche ? Déjà qu'aucun prétendant ne fait l'unanimité, si l'épure institutionnelle est floue voire inexistante, on peut tirer l'échelle, plier les gaules et rentrer au chalet boire une fine : le "rêve ne cessera jamais de passer" et les royalistes suivront éternellement la séquence messe, galette et camp ! Le "comment" est une autre affaire que nous n'aborderons pas ici.

Des penseurs professionnels objecteront que le régime monarchique étant universel dans le temps et l'espace, son environnement à trente ans de distance n'aura que peu de conséquences sur son organisation. A quoi les penseurs du dimanche comme le Piéton du roi répondent qu'il ne s'agit pas d'imprimer demain matin la nouvelle constitution du royaume de France mais de fournir des billes à la propagande royaliste d'aujourd'hui pour faire avancer le schmilblick bloqué depuis cent cinquante ans, faute en partie d'image nette du régime à installer. C'est toute l'arrogance revendiquée de ce billet !

Le lecteur trouvera plus bas un projet institutionnel de base, mais l'idée est d'appeler à contribution des constitutionnalistes et des penseurs politiques pour dessiner l'épure la mieux adaptée au futur de ce pays. Quel est-il à trente ans d'avenir ?

Le projet monarchiste s'appuie sur des réalités et pas sur des phantasmes ni des rêves arrachés au passé. On part de l'hypothèse que ce pays aura retrouvé une certaine liberté dans les compartiments qui comptent vraiment, à commencer par ses comptes publics, ceci induit qu'une période de forte austérité aura précédé une réinstauration après l'assainissement de la dépense publique ramenée à son juste poids corrélé à la production de valeur ajoutée. Si ce pays, qui marche sur la tête - la Dette insupportable sur la tête de nos enfants et des leurs - ne retombe pas sur ses pieds, il aura disparu dans trente ans et sera devenu une division administrative d'un vaste ensemble de pays faillis dont les populations devront être soutenues par les pays souverains. Le régime politique en ce cas ne sera plus une préoccupation, puisqu'il n'y aura pas d'autre régime possible que le plan Marshall humanitaire gouverné de l'extérieur. Mais à supposer que les efforts nécessaires aient été d'une façon ou l'autre possibles (consentis serait beaucoup demander) il pourrait être vendu à l'électorat, après avoir inséminé l'opinion, qu'un régime monarchique éviterait de retomber dans les errements antérieurs qui nous auront conduits jusqu'au bord du gouffre duquel on ne remonte jamais.

Le projet monarchique diffusé aujourd'hui doit être clair est compréhensible par tous, même par les moins doués de nos concitoyens ; il faut sans cesse objecter de la complication des mesures proposées pour le jour d'après. L'organisation vendable serait de découpler l'essentiel et le contingent, à savoir, remettre le régalien au roi et laisser le peuple gouverner son quotidien, région par région, en démocratie représentative ou directe. On revient au projet développé cette année sur Royal-Artillerie sous le titre Quinte Floche Royale, qui prévoit de remettre au roi en ses conseils la Justice haute, la Guerre, la Sûreté, la Diplomatie et le Trésor. Seraient confiés aux régions devenues entités politiques capables d'appeler à contributions et libres de se regrouper ou de se redécouper par référendums, les douze ministères suivants, pour rappel :
- Assurance maladie nationale, privée, hôpitaux généraux, hôpitaux spécialisés, dispensaires publics, cliniques privées
- Assurance vieillesse nationale, privée, fonds de pensions, allocations et secours
- Instruction publique nationale, régionale, départementale, municipale, privée
- Universités, recherche fondamentale, grandes écoles, écoles techniques, apprentissage
- Justice basse, tribunaux d'instance et justice consulaire, cours d'arbitrage, admistration pénitentiaire
- Ecologie pratique et météo, polices municipale, cantonale, des voies, des marchés et des sols, monopoles du quotidien
- Aménagement du territoire, ponts et chaussées, ports et canaux, transports
- Recherche et sécurité énergétique (production, surveillance et transport)
- Recherche et développement industriel, aérospatial, militaire, arsenaux d'Etat
- Recherche agronomique et gestion des espaces agricoles
- Gestion des zones économiques exclusives et de la pêche
- Gestion du budget de la nation, fisc

Il existe au Roycoland des esprits plus déliés qui sont capables de pousser la description du royaume de France modèle 2050. Qu'ils le fassent ! Toujours dans le but de nourrir la propagande, des illustrations de ces différents cercles de pouvoir, des infographies, c'est ça, des infographies, aideront à comprendre la répartition des responsabilités, les interdépendances dans les communications par exemple, les éléments libres comme les universités, les ensembles communs à tous comme l'assurance-maladie, la météorologie, la gestion du budget ou l'administration pénitentiaire, les compétences locales et différenciées selon les régions etc. Tuons le jacobinisme et au diable la compétence universelle.

Un projet concret se passe d'attendus, préambules et déclarations liminaires. Il tient debout tout seul. La séparation des domaines public et régalien participe de cette clarté mais nous devons nous améliorer. La séparation nécessaire des pouvoirs tient toute dans cette formule : "le roi en ses conseils, le peuple en ses états". Il n'est pas obligatoire qu'un domaine domine l'autre. Le royaume pourrait au départ être un contrat qui se pérenniserait par la démonstration de sa supériorité en exercice. Sans doute n'est-ce pas orthodoxe, mais l'orthodoxie n'a rien donné depuis la fuite du dernier capétien régnant en 1848.

Avant de terminer faisons un sort à l'esquive classique qui me fut opposée plusieurs fois. Le royaliste n'a pas à s'inquiéter des institutions du royaume, le roi revenu y pourvoiera. Facile ! Les mêmes (je pense à certains permanents du CJB de jadis) de brandir leur prétendant, nous assurant qu'il sait déjà tout et que ses conseillers complèteront les détails. Faudrait-il encore que l'impétrant ait été formé dans l'emploi, au moins dans des sciences politiques un peu poussées, ce qui est loin d'être la cas de ceux que nous connaissons.

Qui va développer le projet monarchiste pour demain ?

cul de lampe

vendredi 2 septembre 2022

Le bouillon de onze heures

Michelle Bachelet HCDH

Telle Cendrillon, un quart d'heure avant minuit, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, édite son rapport sur la gouvernance chinoise du Xinjiang après son voyage à Ouroumouchi de mai 2022. C'est une retentissante paire de gifles aux pouvoirs régional et central chinois dont les mensonges sont établis. Au douzième coup de minuit, Mme Bachelet a rendu son tablier et s'en est retournée au Chili. Elle a survécu (l'article ONU ici) et la condamnation est édictée depuis Genève, pas New-York.

Pourtant le voyage du mois de mai s'était passé le moins mal possible (cliquer là et comprendre) pour les autorités chinoises. Sans être sûres d'avoir réfuté définitivement les allégations de camps de rééducation, torture et travail, de stérilisation des femmes, de punitions diverses et variées, de destructions ou désacralisation d'édifices islamiques, de disparitions inexplicables, elles pensaient avoir suffisamment instillé le doute dans la délégation onusienne pour pouvoir couvrir son compte-rendu du bruit augmenté de sa propagande à haute fréquence. Las, la vieille les a vus venir dans leurs tentatives directes et détournées pour enterrer son rapport avant qu'il ne paraisse. Plein la gueule : « L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire d’Ouïghours et de membres d’autres groupes essentiellement musulmans (…) dans un contexte de restrictions et de privation des droits fondamentaux tant individuels que collectifs peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité. »

Les casuites chinois vont s'exercer à contester le texte, mot à mot, en y cherchant l'intention de nuire, mais l'important n'est pas dans ce qui est dit ou ce qui est ignoré : le "scandale" pour Pékin est le levier qu'offre aux dissidents chinois et ouïghours une institution mondiale officielle comme le HCDH. Le mal est fait ! L'ONU y dénonce l'art de gouverner par la seule force et elle ringardise la diplomatie casque-à-pointe-et-boulons des loups combattants. Il va être difficile pour le ministère chinois des affaires étrangères de contenir l'impact en dénigrant le Haut-Commisaire sortant. Mme Bachelet, d'ascendance française - la souche vient de Chassagne-Montrachet en Côte d'Or - fut présidente de la République du Chili, un pays désaligné important dans l'Océan pacifique sud, et garde de son ancienne fonction une fierté bien placée capable de résister à la marée montante de l'impérialisme chinois.

Ce ne sont plus Raphaël Glucksmann et sa jolie copine qui tiennent meeting au théâtre Edwige Feuillère de Vesoul ; mais le monde entier qui va compulser les horreurs du communisme en action, et surtout celles de la bataille démographique réduisant par tous moyens, absolument tous, les naissances dans les familles musulmanes. C'est le plus écœurant. Seront cherchées aussi les statistiques d'attrition des pratiques concentrationnaires chinoises. Pas bon pour les Instituts Confucius ! Pas bon non plus pour les pays islamiques qui ont dans le passé soutenu le pouvoir de Pékin contre les "tentatives de déstabilisation" exogènes au seul motif de terrorisme du parti ouïghour de l'étranger. Désastreux aussi pour l'exportation des productions du Xinjiang réputées fabriquées par des esclaves. Fallait-il matraquer des millions de gens pour se venger de quelques centaines d'irrédentistes enragés, facilement débusqués ? il est sûr que la haine anti-han a grandi au Turkestan oriental et qu'il ne faut pas désormais se fier à l'eau qui dort. C'est le vrai résultat de la campagne de pacification brutale et indiscriminée : la haine !

Le Xinjiang est une conquête chinoise récente. Qui se souvient de l'éphémère République du Turkestan de 1933 luttant contre la République de Chine du Kuomintang ? C'est par ici. D'ailleurs il avait été remarqué à l'époque que les cartes impériales échangées avec les puissances étrangères ne délimitaient pas ce "bout du monde" désertique mis en coupe réglée par des seigneurs de la guerre à leur seul bénéfice. Les choses décantèrent dans l'entre-deux-guerres quand se leva un désir d'organisation politique des musulmans de la région. Le pays fut plusieurs fois mis à feu et à sang. La province gagna son autonomie en 1955, avec le bilinguisme, mais des agitateurs formés dans le Golfe persique ont imaginé qu'ils pouvaient créer une république islamique, mitoyenne du Kazakhstan (complètement laïcisé), du Kirghizistan et du Tadjikistan (tout aussi corrompus). Pourtant le Prophète leur avait interdit de boire ! Après la mise au pas par l'armée et la police chinoises du Tibet des neiges éternelles, le projet du MITO (Mouvement islamiste du Turkestan oriental) est pur délire, Pékin ayant montré qu'il en tuerait autant que nécessaire. Mais à partir d'aujourd'hui, c'est sûr et prouvé.
Un peu plus de géopolitique ?

Carte économique du Xinjiang et pays limitrophes
Sources : Atlas of the people’s Republic of China, Foreign languages Press, Pékin, 1989 ; Jacques Leclerc, Aménagement linguistique dans le monde, université de Laval, Québec, Canada ; Central Intelligence Agency (CIA), Maps and publications, Washington DC ; Recensement chinois de novembre 2000 ; ChinaOnline, Chicago.

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